ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
Audience tenue à Québec (Québec), le 11 mai 2011.
Jugement rendu à l’audience à Québec (Québec), le 11 mai 2011.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : TRUDEL J.A.
Dossier : A-262-10
Référence : 2011 CAF 163
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE PELLETIER
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
LINE LANGEVIN
défenderesse
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Québec (Québec), le 11 mai 2011)
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du juge-arbitre Polak en date du 21 mai 2010 (CUB 74588). Le juge-arbitre a rejeté l’appel de la Commission résultant d’une décision du Conseil arbitral rendue le 2 septembre 2009 par laquelle celui-ci renversait la décision de la Commission qui avait refusé d’accorder des prestations d’assurance-emploi à madame Langevin parce qu’elle avait quitté son emploi volontairement sans justification raisonnable. Madame Langevin a comparu, mais n’a pas déposé de mémoire des faits et du droit. Cependant à l’audition devant notre Cour, elle a clairement exposé sa position précisant qu’en quittant son emploi, elle ne souhaitait pas faire une demande de prestations, mais simplement avisé la Commission de sa cessation d’emploi. Devant la réaction de la Commission, elle ne voulait plus que récupérer le document qui attestait de sa cessation d’emploi au cas où elle en aurait besoin plus tard. Il appert que depuis qu’elle occupe son nouvel emploi, la défenderesse a accumulé suffisamment d’heures pour que les événements reliés à sa cessation d’emploi soient sans conséquence sur toute demande ultérieure de prestations qu’elle pourrait déposer.
[2] Ceci dit, et bien que la décision de notre Cour sera sans conséquence pour la défenderesse, nous sommes tous d’avis que le juge-arbitre a commis des erreurs de droit justifiant notre intervention.
[3] La question en litige est celle de savoir si le Conseil arbitral a erré en droit en déterminant que madame Langevin était justifiée de quitter son emploi et que son départ constituait la seule solution raisonnable.
[4] Le Conseil arbitral a accepté les prétentions de madame Langevin et déterminé qu’elle était justifiée de quitter son emploi pour les raisons suivantes (voir décision sous appel, à la page 4) :
1. Le nouvel emploi était dans son domaine d’étude ;
2. Ce dernier était plus rémunérateur que le précédent ;
3. La liste de rappel est la seule voie d’entrée dans le monde de la santé ; et
4. Madame Langevin avait, au moment de l’audition devant le Conseil, accumulé 350 heures de travail, démontrant ainsi que ses services sont régulièrement requis au CSSS.
[5] Aussi louables que puissent être les intentions de la prestataire, le Conseil a eu tort d’y prendre appui pour renverser la décision de la Commission. Notre Cour a répété à maintes reprises que le fait de quitter son emploi pour améliorer sa situation ne constitue pas une justification au sens de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) (Procureur général du Canada c. Richard, 2009 CAF 122 (aux paragraphes 13 et 14).
[6] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Langlois, 2008 CAF 18, cette Cour écrivait au paragraphe 31 des motifs de la décision :
S’il est légitime pour un travailleur de vouloir améliorer son sort en changeant d’employeur ou la nature de son travail, il ne peut faire supporter le coût de cette légitimité par ceux et celles qui contribuent à la caisse de l’assurance-emploi. Cela est vrai autant pour ceux qui décident de retourner aux études pour parfaire leur formation ou de partir en entreprise que pour ceux qui sont simplement désireux d’accroître leur rémunération.
[7] De plus, en acceptant un emploi sur appel, la prestataire savait qu’elle encourait le risque de se retrouver en chômage entre les appels. Le risque inhérent à ce choix ne peut davantage être assumé par la caisse de l’assurance-emploi (ibidem, au paragraphe 12).
[8] Enfin, le Conseil arbitral et le juge-arbitre ont tous deux accordé du poids au fait que la prestataire avait travaillé plusieurs heures suivant sa demande de prestation, justifiant ainsi sa décision d’accepter un nouvel emploi sur appel. Ceci constitue aussi une erreur.
[9] Les circonstances auxquelles réfère l’alinéa 29c) sont celles qui existaient au moment où la défenderesse a quitté son emploi (Canada (Procureur général) c. Furey, [1996] A.C.F. No. 971, au paragraphe 3 ; Canada (Procureur général) c. Lamonde, 2006 CAF 44, au paragraphe 8). Ainsi, le Conseil arbitral n’était pas justifié de fonder sa décision sur des événements postérieurs à la demande de prestations.
[10] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie sans frais. La décision du juge-arbitre indexée sous CUB 74588 sera annulée et l’affaire renvoyée au juge-arbitre en chef ou au juge-arbitre qu’il désignera afin qu’une nouvelle décision soit rendue en tenant pour acquis que l’appel de la Commission doit être accueilli, la décision du Conseil arbitral annulée et la décision de la Commission rétablie.
« Johanne Trudel »
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-262-10
INTITULÉ : Le procureur général du Canada c. Line Langevin
LIEU DE L’AUDIENCE : Québec, Québec
DATE DE L’AUDIENCE : 11 mai 2011
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE PELLETIER
LA JUGE TRUDEL
PRONONCÉS À L’AUDIENCE : LA JUGE TRUDEL
COMPARUTIONS :
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POUR LE DEMANDEUR
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SE REPRÉSENTANT ELLE-MÊME
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada |
POUR LEDEMANDEUR
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