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Date : 20110411

Dossier : A-137-08

Référence : 2011 CAF 131

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

DAVID L. BRACE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 10 mars 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 avril 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                               LA COUR

 


Date : 20110411

Dossier : A-137-08

Référence : 2011 CAF 131

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

DAVID L. BRACE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

 

[1]               Nous sommes d’avis que le présent appel doit être accueilli et l’affaire renvoyée à la Cour de l’impôt pour nouveau procès.

 

[2]               Bien que l’appelant se soit plaint que le procès ait été expédié et qu’il n’ait pas eu l’occasion de présenter sa preuve, nous estimons que, malgré les allusions regrettables au besoin de quitter pour prendre l’avion, le juge de première instance a clairement indiqué que l’appelant devrait prendre le temps jugé nécessaire pour présenter sa preuve. En réponse à l’indication de l’appelant qu’il n’allait pas appeler des témoins en raison d’un manque de temps, le juge de première instance a dit ce qui suit, à la page 655 du dossier d’appel :

 

[traduction] Non, non, vous n’allez pas renoncer à appeler des témoins en raison du facteur temps. Si vous voulez appeler des témoins, nous entendrons vos témoins. Il n’y a aucun problème.

 

 

Plus loin, aux pages 666 à 668 du dossier d’appel, le juge de première instance a dit ce qui suit :

[traduction] La raison pour laquelle je soulève cette question c’est que, si nous pouvons, dans la mesure du possible, terminer l’audition de la preuve demain, et que cela veut dire que nous devons siéger jusqu’à cinq heures demain, nous le ferons. Je veux dire que je cherche à savoir s’il existe des vols en partance de St. John’s le samedi et je le saurai probablement dans quelques minutes, et, dans l’affirmative, eh bien, je préférerais davantage terminer au moins l’audition de la preuve, et si nous ne pouvons pas entendre les plaidoiries, eh bien, nous pouvons probablement demander aux parties de les soumettre par écrit. Donc, cela éviterait d’avoir à revenir pour terminer le procès. Par contre, s’il est impossible de finir l’instance demain, je veux dire l’audition de la preuve ou des témoins, il ne sert donc à rien de continuer demain après-midi. Nous lèverons la séance demain à midi et nous fixerons une nouvelle audience, mais j’ignore quand je serai en mesure de poursuivre le procès. Toutefois, si nous pouvons entendre toute la preuve demain et si cela prend tout l’après-midi, je n’y vois aucun inconvénient. Nous quitterons samedi. Mais au moins, nous ne serons pas tenus de revenir pour terminer le procès, ce que je voudrais par ailleurs éviter, parce qu’il est bien connu que le fait de poursuivre un procès quatre ou cinq mois après son début devient un cauchemar pour tout le monde. Alors, je crois que nous déciderons quoi faire le moment venu et nous verrons demain où on en est, mais il ne faut pas oublier qu’il est possible que la séance dure jusqu’à cinq heures, à moins qu’un obstacle majeur ne nous en empêche, par exemple, si vous ne pouvez pas vous présenter, vous ou M. Hickey, demain soir ou peut-être samedi, et vous non plus.

 

Le juge de première instance est revenu sur cette question plus tard ce jour-là et a dit ce qui suit, à la page 670 du dossier d’appel :

 

[traduction] D’accord. Essayons donc de le faire, au moins, parce que nous devons de toute évidence finir à 14 h si nous voulons quitter demain après-midi, et, dans la mesure du possible, si nous réussissons à le faire tant mieux. Sinon, nous continuerons l’instance, dans la mesure où nous pouvons terminer l’audition de la preuve demain, et à moins qu’un obstacle majeur ne nous en empêche, nous finirons l’instance tout simplement ou nous quitterons samedi et nous finirons le procès, au moins l’audition de la preuve, demain. D’accord. Nous verrons donc – nous commencerons à neuf heures et nous poursuivrons l’instance. D’accord.

 

 

[3]               Dans les circonstances, nous ne sommes pas convaincus que le juge de première instance ait omis d’accorder à l’appelant le temps nécessaire pour présenter sa preuve.

 

[4]               Cela dit, il existe trois autres éléments qui, à notre avis, nous permettent de conclure que l’appelant n’a pas bénéficié d’un procès équitable.

 

[5]               Le premier concernait la reconnaissance par le juge de première instance de l’omission de la Couronne d’appeler à comparaître M. Parsons, vérificateur de Revenu Canada, après que l’avocat de la Couronne eut laissé l’appelant et le juge croire le contraire. La Couronne ayant omis d’appeler M. Parsons à comparaître, l’appelant a perdu l’occasion de le contre-interroger relativement au calcul des cotisations et aux circonstances de la saisie de documents qui, selon l’appelant, était illégale. Le juge de première instance a ensuite conclu que l’appelant n’avait produit aucune preuve quant à l’exactitude de la cotisation et a confirmé le montant de la cotisation. Dans le même ordre d’idées, la question de la légalité de la saisie de documents n’a jamais été examinée par la Cour. Dans les circonstances, le juge de première instance aurait dû tenir rigueur à la Couronne pour son engagement implicite d’appeler M. Parsons à comparaître, ne serait-ce que dans le but restreint de faire comparaître celui-ci en vue de son contre-interrogatoire. L’omission du juge de première instance de le faire était inéquitable pour l’appelant.

 

[6]               Le juge de première instance s’est formé une opinion très défavorable quant à M. Harvey, un témoin cité par l’appelant. Le témoin a été interrogé et contre-interrogé à distance, par liaison télévisuelle, puisqu’il se trouvait à Vancouver alors que le procès se déroulait à St. John’s. Les parties devaient prendre des dispositions pour envoyer à Vancouver les documents sur lesquels ils voulaient interroger M. Harvey de sorte que celui‑ci en soit informé lors de l’interrogatoire et du contre-interrogatoire. Pour une raison inconnue, les documents de la Couronne n’étaient pas à la disposition de M. Harvey lors de son témoignage. Le juge de première instance a permis à la Couronne de contre-interroger M. Harvey au sujet de ces documents même si ceux-ci n’étaient pas à sa disposition. C’était inéquitable pour le témoin. Il n’était pas surprenant que celui-ci n’ait pu se rappeler d’éléments figurant dans les documents au sujet desquels il était contre-interrogé et qui n’étaient pas à sa disposition. Il était inéquitable que le juge de première instance permette à la Couronne de contre-interroger M. Harvey au sujet de documents qu’elle n’avait pas été en mesure, pour une quelconque raison, de lui faire parvenir aux fins de contre-interrogatoire, et de tirer ensuite des conclusions défavorables du défaut du témoin de se rappeler divers éléments.

 

[7]               Enfin, l’appelant a soulevé plusieurs objections préliminaires au début du procès, dont l’une portait sur un document saisi illégalement, selon lui, dans les dossiers de son avocat. Le juge de première instance a fait observer à juste titre que c’est au moment où la Couronne chercherait à produire en preuve ce document qu’il conviendrait de présenter l’objection. Toutefois, lorsque la Couronne a soumis le document en question, le juge de première instance lui a permis de contre-interroger l’appelant à son sujet, sans se prononcer d’abord sur la question de son admissibilité. À la page 731 du dossier d’appel, le juge de première instance a dit ce qui suit, au sujet de ce document :

 

[traduction] Nous allons procéder, comme je l’ai déjà dit, de la façon suivante : j’examinerai l’admissibilité de ce document, je réserverai mon jugement à cet égard, mais je ne ferai pas obstacle au témoignage ou au procès jusqu’à ce que je tranche sur cette question.

 

[…]

 

Je permettrai donc à M. Bodurtha de vous contre‑interroger au sujet du document en question. Il sera admis en preuve, sous réserve, jusqu’à ce que j’aie statué sur son admissibilité, et, bien sûr, cela vaut pour tout ce que vous avez dit – et ce qu’il sera dit – sur le document, d’accord?

 

 

[8]               Il n’est pas inhabituel pour un juge de reporter sa décision sur l’admissibilité d’éléments de preuve pour garantir le déroulement du procès. Lorsque l’objection sur l’admissibilité d’un document porte cependant sur sa saisie illégale entre les mains d’un avocat, la Cour a l’obligation de s’assurer que l’élément de preuve obtenu illégalement, en violation du privilège du secret professionnel de l’avocat, n’est pas présenté au détriment du contribuable. En l’espèce, le juge de première instance s’est fondé sur ce document pour tirer l’une des nombreuses inférences négatives quant à la crédibilité de l’appelant. En fin de compte, le juge de première instance ne s’est jamais prononcé sur l’objection de l’appelant quant à l’admissibilité.

 

[9]               Cela dit, nous n’avons pas l’intention de nous prononcer sur la légalité de la saisie; nous disons simplement qu’il s’agissait d’une question importante qui aurait dû être examinée.

[10]            Toutes ces circonstances, considérées dans leur ensemble, nous ont conduits à conclure que l’appelant n’a pas bénéficié d’un procès équitable et qu’il fallait ainsi ordonner la tenue d’un nouveau procès. Par conséquent, l’appel sera accueilli avec dépens, le jugement de la Cour de l’impôt annulé et l’affaire renvoyée à la Cour de l’impôt pour la tenue d’un nouveau procès devant un autre juge.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

 

 

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑137‑08

 

(APPEL DU JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE ANGERS DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT EN DATE DU 25 FÉVRIER 2008, DOSSIER NO 2003‑3069(GST)G.)

 

INTITULÉ :                                                   DAVID L. BRACE et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 10 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA COUR

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 11 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

David L. Brace

 

POUR L’APPELANT

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

John P. Bodurtha

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S/O

 

POUR L’APPELANT

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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