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Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110408

Dossier : A-435-10

Référence : 2011 CAF 127

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de  LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

appelants

et

AMAZON.COM, INC.

intimée

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties

 

Ordonnance délivrée à Ottawa (Ontario), le 8 avril 2011.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   LA JUGE TRUDEL

 


Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20110408

Dossier : A-435-10

Référence : 2011 CAF 127

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de  LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

appelants

et

AMAZON.COM, INC.

intimée

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE TRUDEL

 

  • [1] Il s’agit d’une requête de l’Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. et de l’Association des banquiers canadiens demandant l’autorisation d’intervenir dans l’appel interjeté par le procureur général du Canada et le commissaire aux brevets contre une décision du juge Phelan, dont la référence est 2010 CF 1011. Les intervenants proposés demandent l’autorisation de présenter des observations écrites et de participer brièvement aux plaidoiries. Ils ne demandent pas l’autorisation de déposer des éléments de preuve.

 

  • [2] Dans la décision de la Cour ci-dessous, le juge a résumé l’affaire comme suit :

[1]          Il s’agit d’un appel de la décision de la commissaire aux brevets de refuser le brevet de l’appelante, qui a trait à une « pratique commerciale », au motif que ce brevet ne visait pas un objet brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4 (la Loi sur les brevets).

 

[2]          En tirant sa conclusion, la commissaire a, dans les faits, créé un critère pour l’examen des objets brevetables, a formulé de nouvelles exclusions et conditions pour la brevetabilité et a donné son avis sur la portée de ce qu’est une « réalisation » brevetable. Dans sa décision, la commissaire non seulement soulève d’importantes questions de droit et d’interprétation, mais elle va jusqu’à établir des politiques qui pourraient modifier en profondeur le régime canadien de brevets. Le présent appel est donc important tant pour l’appelante que pour les nombreux acteurs qui ont recours au régime de brevets. La décision revient sur les pouvoirs donnés ou non à la commissaire par la Loi sur les brevets ainsi que sur les restrictions que le régime légal et la jurisprudence lui imposent.

 

[3]           La question au cœur de l’affaire est de savoir si une « pratique commerciale » est brevetable en droit canadien. Pour les motifs qui suivent, la Cour conclut qu’une « pratique commerciale » peut être brevetée lorsque les circonstances s’y prêtent.

 

 

  • [3] Amazon a demandé un brevet d’invention d’une méthode et d’un système de commande en un seul clic au moyen d’un réseau de communication, autrement dit, la « demande de brevet sur la méthode à un clic ». Comme l’a mentionné le juge Phelan, l’invention revendiquée permet de faire des achats en ligne en un seul clic, sans que l’acheteur ait à passer à la caisse ou à entrer d’autres renseignements. Le brevet contient 75 revendications. Les revendications 1 (sur la méthode) et 44 (sur le système) étaient en litige. Le commissaire avait rejeté les revendications au motif qu’elles ne respectaient pas l’article 2 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, et il s’agissait donc d’un objet non brevetable.

 

  • [4] Par sa décision, le juge Phelan a fait droit à l’appel :

 

[78]        L’absence totale de précédent au Canada quant à une [TRADUCTION] « exclusion visant les pratiques commerciales » et l’interprétation douteuse des précédents invoqués par la commissaire à l’appui de sa démarche quant à l’examen des objets, révèlent l’objectif politique sous-jacent à sa décision. La présente affaire semble être une cause type permettant d’évaluer cette politique plutôt qu’une application du droit au brevet en cause.

 

[79]        La commissaire aurait pu rejeter le brevet en cause pour de nombreuses autres raisons (la Cour ici ne se prononce pas sur l’existence de telles raisons). On aurait pu remettre en question le caractère suffisant des descriptions dans les revendications portant sur le procédé, mais personne n’a allégué que ces descriptions étaient insuffisantes. La commissaire n’en a pas tenu compte. La principale conclusion de l’examinatrice portait sur l’évidence. Il y a également eu des réserves tant aux États­-Unis qu’en Europe quant à savoir si l’invention revendiquée était évidente. L’analyse relative à l’évidence ne devrait cependant pas être effectuée à l’étape « brevetabilité de l’objet » de l’examen. Une conclusion selon laquelle il y a une connaissance nouvelle qui a contribué à l’état de la technique n’entraîne pas, et ne devrait pas empêcher, une analyse relative à l’évidence. Il s’agit d’un critère distinct qui consiste à déterminer si une personne aurait acquis une « nouvelle connaissance » facilement et sans difficulté, et non à déterminer si cette connaissance s’ajoute à l’état de la technique.

 

[80]        Bien que cela ne tranche aucunement la présente affaire, la Cour note qu’ailleurs qu’au Canada, on a décidé que la présente invention était un objet brevetable, y compris aux États-Unis et en Europe.  En Europe, malgré une exclusion expresse visant les « pratiques commerciales », les revendications n’ont pas été considérées comme étant des pratiques commerciales.

 

[81]        La méprise de la commissaire et de l’examinatrice quant à la brevetabilité de l’objet décrit dans les revendications en cause constitue une erreur de droit fondamentale qui a possiblement vicié l’ensemble de l’analyse. La Cour n’a reçu aucune preuve sur d’autres aspects relativement à la validité des revendications. Par conséquent, la Cour ne peut pas examiner les revendications sauf en ce qui a trait aux questions débattues dans le présent appel et je n’accorderai pas le brevet comme l’appelante l’avait demandé.

 

[82]        La Cour accueillera l’appel en ce qui a trait aux conclusions de la commissaire sur la brevetabilité de l’objet. La décision de la commissaire sera annulée, et l’affaire sera renvoyée pour qu’un nouvel examen soit rapidement effectué en application de la directive suivante : les revendications décrivent un objet brevetable et doivent être examinées en conformité avec les présents motifs.

 

 

  • [5] À la Cour, les appelants sont d’avis que le juge de la Cour fédérale a commis une erreur de droit en concluant que les revendications étaient visées par l’article 2 de la Loi sur les brevets. Leur appel porte sur l’interprétation de cet article de la Loi sur les brevets et sur la décision du juge de rejeter l’approche de la forme et de la substance adoptée par le commissaire dans le but de déterminer si l’invention relève de la définition légale.

 

  • [6] Les intervenants proposés sont des organismes représentatifs assortis de charges publiques dont les membres représentent d’importants intervenants du secteur des services financiers.

 

  • [7] Voici un résumé de leurs préoccupations (se reporter à leur dossier de requête, aux paragraphes 2 et f.) :

  • L’appel sous-jacent est largement reconnu comme l’affaire type sur la question de la brevetabilité des méthodes commerciales au Canada.

  • Les questions à trancher en appel vont bien au-delà des intérêts d’Amazon.com.Étant donné que la Cour se penchera sur les questions relatives au sujet de la brevetabilité au Canada et à l’approche juridique à adopter pour trancher les questions relatives à la brevetabilité d’objet, le sort de bon nombre des demandes que l’on appelle communément les « brevets de méthodes commerciales » sera tranché en même temps.

  • Le résultat net de la décision d’interjeter appel pourrait être de permettre de breveter des idées ou des étapes mentales, comme plusieurs des méthodes et étapes de la création, de l’utilisation et de l’analyse de la date financière, des méthodes de gestion des portefeuilles financiers et des placements, des méthodes de création et de gestion des contrats d’assurance, des méthodes de calcul du risque ou d’analyse de dates actuarielles, hypothécaires ou de souscriptions, des modèles financiers et des méthodes de placement pour les opérations bancaires en ligne, ce qui aurait un effet direct sur leurs membres.

 

 

  • [8] Bien que les intervenants proposés appuient généralement la position des appelants en l’espèce, ils prétendent avoir un point de vue pertinent et utile sur l’effet potentiel que la décision de la Cour pourrait avoir sur des secteurs de l’industrie comme le leur. Selon l’issue de l’appel, ils pourraient être directement touchés par le résultat.Les appelants consentent à la requête en autorisation d’intervenir.

 

  • [9] L’intimée, Amazon.com, s’y est opposée. Elle soutient que les intervenants proposés cherchent à introduire de nouvelles questions et à élargir les questions dont la Cour est saisie actuellement. Plus précisément, elle soutient que les intervenants proposés cherchent à présenter des arguments au sujet de la politique d’octroi de brevets sur ce qu’on appelle les « méthodes commerciales » lorsque ces questions ne sont pas en cause. Par conséquent, l’intérêt des intervenants proposés pour l’issue du présent appel est purement hypothétique et jurisprudentiel et, par conséquent, insuffisant pour justifier une intervention.

 

Décision

 

  • [10] Après avoir examiné les six facteurs à prendre en considération dans une requête en statut d’intervenant, tels qu’ils sont énoncés dans le jugement Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Canada (Procureur général), [1990] 1 C.F. 74 (au paragraphe 12), je suis convaincue que les intervenants proposés ont un intérêt direct dans l’issue de cette affaire. Je suis également convaincu que leur contribution au débat pourrait aider les membres du tribunal qui entendront l’appel étant donné que leur décision pourrait avoir une incidence sur les droits des membres du secteur de l’assurance et des banques qui utilisent constamment des méthodes et des processus qui seraient directement touchés par le critère qui sera énoncé par la Cour.

 

  • [11] Dans leur réponse au dossier de requête des appelants, les intervenants proposés ont suggéré la portée de leur intervention, que j’adopterai dans mon ordonnance. Comme une demande d’audience a déjà été déposée, j’accorderai l’autorisation d’intervenir et établirai un échéancier strict.

 

  • [12] Une ordonnance est délivrée en conséquence.

 

 

« Johanne Trudel »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  A-435-10

 

INTITULÉ :  Le procureur général du Canada et le commissaire aux brevets c. Amazon.com, Inc.

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LA JUGE TRUDEL

 

DATE :  Le 8 avril 2011

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

F.B. (Rick) Woyiwada

Sharon Johnston

 

POUR LES APPELANTS

 

John R. Morrissey

Steven B. Garland

Colin B. Ingram

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES APPELANTS

 

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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