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Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 


Date : 20110317

Dossier : A-272-08

Référence : 2011 CAF 105

ENTRE :

 

GARRET MADELL

 

 

 

appelant

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

 

 

intimée

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

          MOTIFS – TAXATION DES DÉPENS

Charles E. Stinson

Officier taxateur

I. Introduction

[1]               La Cour a rejeté avec dépens le présent appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt relativement à des abris fiscaux et des programmes de cartes de fidélisation. J’ai fixé un échéancier pour la taxation sur dossier du mémoire de frais de l’intimée.

 

II. La thèse de l’intimée

[2]               Les sommes demandées dans le mémoire de frais de l’intimée pour les honoraires d’avocat correspondent aux sommes maximales ou presque du barème offert des honoraires d’avocat, sauf en ce qui a trait à l’article 26 (taxation des dépens) où l’intimée demande des valeurs situées au milieu du barème. L’intimée a fait valoir qu’en application de l’article 409 et des alinéas 400(3)a) (le résultat de l’instance), g) (la charge de travail, i) (la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement l’instance) et k) (mesure inappropriée, vexatoire ou inutile), la demande de dépens de 4 084,80 $ (2 502,50 au titre des honoraires d’avocat, 1 062,30 $ au titre des débours et 520 $ au titre des honoraires d’avocat supplémentaires pour la taxation des dépens) ne dépasse pas les limites du tarif et est raisonnable dans les circonstances.

 

III. La position de l’appelant

[3]               L’appelant a fait remarquer dans ses renseignements généraux (dont je n’ai pas été saisi par affidavit, mais qui sont généralement disponibles dans le dossier de la Cour) que son rôle en tant que plaideur représentant d’environ 460 contribuables a donné lieu à des dépens considérablement moins élevés pour l’intimée devant la Cour et devant les juridictions inférieures. Bien que les efforts de tous les contribuables, y compris l’appelant, aient contribué à la formulation méthodique de leurs appels respectifs ci-dessous, les personnes n’ayant pas été choisies comme plaideuses types ont dû déposer une demande de prorogation de leurs délais d’appel respectifs devant la Cour canadienne de l’impôt en raison du temps consacré à la question. Le juge surveillant à la Cour canadienne de l’impôt a ordonné la suspension de ces requêtes en attendant l’issue des causes types.

 

[4]               L’appelant a affirmé que, d’après ce qu’il avait compris tout au long des procédures, les causes types seraient déterminantes quant à l’issue des autres appels. La coopération et les sacrifices sur le plan des ressources des contribuables types ont profité à l’intimée pour ce qui est des coûts liés au traitement des dossiers de plusieurs centaines de contribuables, mais les contribuables types n’ont reçu aucune compensation pour l’ensemble de ce processus. La Cour canadienne de l’impôt a rejeté la cause type le 2 mai 2008. Les différents contribuables ont déposé un avis de désistement des demandes de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel le 13 novembre 2009, sans adjudication des dépens comme y a consenti la Couronne. Cet avis de désistement a disposé complètement de toutes les questions entre les parties, y compris la question des dépens devant les deux cours.

 

[5]               L’appelant a fait observer le commentaire formulé dans l’arrêt Western Canada Shopping Centres Inc. c. Dutton, [2001], 2 RCS 534 que l’absence de législation complète sur la pratique des recours collectifs signifie que les tribunaux doivent exercer leur pouvoir inhérent d’établir les règles de pratique et de procédure applicables aux litiges dont ils sont saisis. L’appelant a soutenu que, d’une manière générale, le mémoire de frais de l’intimée est inapproprié étant donné les circonstances types de l’appelant et les économies d’échelle connexes.

 

[6]               L’appelant a fait remarquer que l’article 400 accorde à la Cour un large pouvoir discrétionnaire sur l’adjudication de dépens à quelque partie que ce soit. La Cour peut, en application de l’alinéa 400(3)a), tenir compte du résultat de l’instance, c’est-à-dire que le présent appel a été rejeté et qu’un avis de désistement a été déposé. En ce qui concerne l’alinéa 400(3)b) des Règles (les sommes réclamées et les sommes recouvrées), les contribuables sont désormais tenus de payer d’importants montants d’intérêts et des pénalités en grande partie par suite de ce processus prolongé. En outre, le contribuable type ne recevra pas de dépens. Pour ce qui est de l’alinéa 400(3)c) (l’importance et la complexité), la Cour devrait soutenir les efforts des contribuables comme en l’espèce qui allègent de façon importante le fardeau qui incombe au système juridique. En ce qui concerne l’alinéa 400(3)d) (le partage de la responsabilité), la Cour devrait indemniser davantage l’appelant pour les heures et les ressources sacrifiées au profit de tous les contribuables, dont aucun ne l’a indemnisé pour ses dépens. Pour ce qui est de l’alinéa 400(3)i), la Cour devrait considérer le temps et les coûts supplémentaires associés au rejet par l’avocat de l’intimée du candidat type initialement proposé, au motif qu’il pouvait représenter un risque pour sa cliente. Par conséquent, l’appelant a soutenu que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire général pour radier le mémoire de frais de l’intimée.

 

IV. Taxation

[7]               J’ai conclu que l’affidavit d’Ashley Utri fait sous serment le 5 août 2008, à l’appui de la requête en prorogation de délai de l’appelant pour régler le contenu du dossier d’appel, est utile pour clarifier la thèse de l’appelant. L’affidavit déclarait que les parties avaient convenu devant la Cour canadienne de l’impôt qu’une décision à l’égard des causes types portant sur quatre contribuables lierait les décisions quant aux causes restantes, qu’environ 151 contribuables du groupe initial formé d’environ 370 contribuables ont présenté l’engagement approprié auprès de la Cour canadienne de l’impôt, que la décision du 8 mai 2008 portait sur les quatre causes types et que Garret Madell a été choisi comme appelant type en l’espèce aux fins du présent appel interjeté à l’encontre de la décision du 8 mai 2008. En règle générale, je n’ai rien trouvé dans le dossier qui indique un accord particulier entre les parties au sujet de la responsabilité des dépens, y compris une considération particulière en faveur de M. Madell en sa qualité d’ultime contribuable type.

 

[8]               Aux pages 14 à 16 de la transcription du procès, l’avocat de l’appelant discute de la relation qu’avaient les quatre représentants des contribuables avec les autres appelants, mais sans faire référence à des considérations particulières concernant les dépens (aux pages 497 à 499 du dossier d’appel). Le juge saisi a ensuite examiné les questions préliminaires jusqu’à la page 37 de la transcription, après quoi l’avocat de l’appelant a fait sa déclaration liminaire dans laquelle il a évoqué le format de la cause type, mais n’a rien mentionné au sujet de considérations particulières quant aux dépens (aux pages 37 à 45 et aux pages 520 à 528 du dossier d’appel). La déclaration liminaire de l’avocat de l’intimée n’a pas mentionné de dépens (pages 45 à 49 et pages 528 à 532 du dossier d’appel). La transcription du procès des témoignages verbaux ne contient aucune référence à des dépens accordés relativement à la procédure contentieuse ni à une discussion sur ceux-ci (aux pages 49 à 668 et aux pages 532 à 1151 du dossier d’appel).

 

[9]               À la page 438, l’avocat de l’appelant présente certains documents, invoquant le caractère représentatif des causes types et utilisant l’expression [traduction] « membre d’une catégorie » (à la page 921 du dossier d’appel; aux pages 441 et 924 du dossier d’appel). Le juge de première instance a affirmé immédiatement qu’il ne s’agissait pas d’un recours collectif. L’avocat de l’appelant était d’accord. Le juge de première instance a alors noté que les quatre causes types [traduction] « s’apparentaient peut-être quelque peu à un recours collectif » (aux pages 441 à 443 et aux pages 924 à 926 du dossier d’appel). S’ensuivit une discussion sur la composition des groupes de contribuables types et des autres contribuables, mais il n’y a eu aucune mention de dépens accordés relativement à la procédure contentieuse comme question à résoudre par le juge de première instance.

 

[10]           On peut lire aux pages 668 à 684 de la transcription du procès qu’à la conclusion des témoignages verbaux, l’avocat a proposé un ajournement pour lui permettre d’obtenir des transcriptions, de présenter une plaidoirie écrite et ensuite de fixer la date de toute argumentation orale nécessaire (aux pages 1151 à 1167 du dossier d’appel). Il y avait des références générales aux quatre causes types en ce qui a trait au groupe le plus important de contribuables. Le dossier d’appel ne révèle aucune plaidoirie écrite après l’audience de la Cour canadienne de l’impôt. Le juge de première instance a par la suite convoqué deux conférences téléphoniques avec l’avocat. Sa décision ne faisait pas mention des quatre causes types dans le contexte du groupe le plus important de contribuables et, par conséquent, il n’y a eu aucune instruction particulière quant aux dépens à ce chapitre à titre de question dans le cadre même de l’appel devant notre Cour.

 

[11]           Le paragraphe 2 du mémoire des faits et du droit de l’appelant faisait référence à son statut de représentant. Le paragraphe 58 renvoyait à l’incidence négative sur l’appelant et sur les autres contribuables, mais ne faisait pas mention des dépens. Au paragraphe 61, l’appelant demandait les dépens de l’appel, mais non à titre d’orientation plus large sur les dépens relativement au statut de représentant de l’appelant. Le paragraphe 8 du mémoire des faits et du droit de l’intimée renvoyait au statut de représentant de l’appelant et aux trois autres contribuables, mais ne faisait aucunement allusion à des dépens, dans ce paragraphe même ou ailleurs, relativement à des considérations particulières concernant le statut de représentant de l’appelant. La décision de la Cour d’appel n’a pas renvoyé au statut de représentant de l’appelant, que ce soit dans le contexte du présent appel ou dans celui du procès de première instance, et elle n’a pas donné davantage d’instructions particulières concernant ledit statut de représentant.

 

[12]           L’avis de désistement du 13 novembre 2009 à la Cour canadienne de l’impôt ne contenait aucune formulation qui obligeait de tenir compte des dépens en Cour d’appel fédérale. De plus, il se limitait aux requêtes en prorogation des délais. Le corps du texte renvoyait à un tableau en annexe qui dressait la liste des contribuables pertinents à qui il s’appliquait : le nom de l’appelant figurait à la page 4. Je conclus que ce document n’est pas pertinent pour la taxation des dépens devant la Cour. En outre, j’estime que, après avoir eu la documentation à ma disposition, aucune considération particulière quant aux dépens relatifs au statut de représentant de l’appelant ne constituait une question qui devait être tranchée par le juge de première instance ou dans l’appel en l’espèce.

 

[13]           La thèse de l’appelant, en me demandant instamment de radier une adjudication de dépens, révèle essentiellement une mauvaise compréhension du rôle d’un officier taxateur : voir le paragraphe 3 de la décision Marshall c. Canada, [2006] A.C.F. no 1282 (O.T.) [arrêt Marshall]. Je n’ai pas le pouvoir d’annuler ou de modifier un jugement, car je ne suis pas la « Cour » au sens donné à ce terme dans les Règles des Cours fédérales : voir la décision Marshall précitée et la décision Sander Holdings Ltd. c. Canada (Ministre de l’Agriculture), [2009] A.C.F. no 720 (AO) [décision Sander Holdings]. Avec égards, la Cour d’appel fédérale ayant rendu son jugement relatif aux dépens, je doute que le redressement demandé dans les documents de l’appelant devant moi puisse être obtenu par voie interlocutoire.

[14]           Les documents de l’appelant, qui étaient axés sur la nécessité de radier les dépens dans l’ensemble, n’analysaient pas les sommes demandées individuellement au titre des honoraires d’avocat ou des débours. Cependant, je les interprète comme une opposition générale au mémoire de frais. De fait, dans les circonstances, on ne peut que conclure que l’appelant n’a déposé aucun document étant donné l’absence d’observations pertinentes qui auraient pu m’aider à cerner les questions relatives à chaque article individuel et à rendre ma décision. Je suis d’avis, comme je l’ai dit à de nombreuses reprises dans des circonstances comparables, que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas que l’officier taxateur puisse, au bénéfice d’une partie, renoncer à sa neutralité pour défendre les intérêts de cette partie en contestant certains articles d’un mémoire de frais. Par ailleurs, l’officier taxateur ne peut taxer des articles illégitimes, c’est-à-dire non prévus par le jugement et le tarif. J’ai examiné chacun des articles figurant dans le mémoire des frais de même que les pièces justificatives en tenant compte de ces paramètres.

 

[15]           Mes conclusions dans les décisions Halford c. Seed Hawk Inc. (2009), 2006 CF 422, 69 C.P.R. (4e) 1, [2006] A.C.F. no 629 (O.T.), Biovail Corp. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2007), 61 C.P.R. (4e) 33, [2007] A.C.F. no 1018 (O.T.), conf. par (2008), 64 C.P.R. (4e) 475, [2008] A.C.F. no 342 (C.F.) et Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé) (2008), 66 C.P.R. (4e) 301, [2008] A.C.F. no 870 (O.T.) [Abbott] expriment mon point de vue sur les normes de preuve applicables selon les catégories de dépens et sur la méthode à suivre pour leur taxation. Les paragraphes 68 à 72 inclusivement de la décision Abbott, précitée, résument les éléments subjectifs et la notion de justice rendue de façon sommaire dans la taxation des dépens. Aux paragraphes 38 à 40 de la décision Aventis Pharma Inc. c. Apotex Inc., [2009] A.C.F. no 56 (O.T.), j’ai réitéré mon opinion selon laquelle la taxation des dépens devrait tenir compte de la réalité des exigences d’une procédure contentieuse. Je souscris à l’approche pratique utilisée au paragraphe 69 de la décision Merck & Co v Canada (Minister of Health), [2007] FCJ No 428 (AO), confirmée sur son point et sur d’autres, mais modifiée sur d’autres points [2007] FCJ No 1337 (C.F.). Le paragraphe 14 de la décision Merck & Co. c. Apotex Inc. (2009), 73 C.P.R. (4e) 423, [2008] A.C.F. no 1656 (C.A.F.) indique que « [c]ompte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire ». Cette pratique de la justice qui consiste à trancher sommairement n’oblige pas, cependant, un officier taxateur à approuver indubitablement tous les articles figurant dans le mémoire de frais. Il arrive souvent que des refus ou des réductions se produisent. J’ai soutenu en règle générale qu’une preuve ténue peut donner lieu à des indemnités modestes.

 

[16]           J’ai conclu au paragraphe 7 de Starlight v. Canada, 2001 CFPI 999, qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser le même point dans les fourchettes de tout le tarif, puisque chaque article se rapportant aux services d’un avocat est distinct et doit être considéré en fonction de ses propres circonstances. En outre, il peut être nécessaire de faire d’importantes distinctions entre les niveaux supérieur et inférieur des fourchettes offertes.

 

[17]           Le montant total demandé dans le mémoire de frais se situe dans les limites généralement admises comme raisonnables de l’adjudication des dépens, compte tenu des circonstances du présent contentieux, et il est accordé tel qu’il a été présenté, à l’exception d’un article d’honoraires d’avocat qui nécessite mon intervention. Suivant les conclusions que j’ai formulées au paragraphe 15 de la décision Sander Holdings précitée, je rejette la demande pour le second avocat au titre de l’article 22b).

 

[18]           Mon acceptation ci-dessus du solde du mémoire de frais comprenait 1 033,80 $ pour les photocopies, même si la preuve n’avait rien d’absolu. Le paragraphe 65 de la décision Abbott, précitée, résume ma pratique à l’égard des photocopies, y compris la nécessité « de trouver le juste équilibre entre le droit du plaideur qui obtient gain de cause à être indemnisé de ses frais raisonnables et nécessaires et le droit du plaideur qui succombe à être protégé contre l’obligation de rembourser des frais excessifs ou inutiles ». Le mémoire de frais de l’intimée est taxé et accordé à 3 597,30 $.

 

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

 

 

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 17 mars 2011


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        A-272-08

 

INTITULÉ :                                       GARRET MADELL c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

 

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :                               CHARLES E. STINSON

 

DATE DES MOTIFS:                                                                       LE 17 MARS 2011

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

James G. Shea

 

POUR L’APPELANT

Chang Du

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Shea Nerland Calnan LLP

Calgary (Alberta)

 

POUR L’APPELANT

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTIMÉE

 

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