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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20110308

Dossier : A‑166‑10

Référence : 2011 CAF 85

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

TERRY LONG

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 3 mars 2011.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 mars 2011.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                         LA JUGE DAWSON

                                                                                                    LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20110308

Dossier : A‑166‑10

Référence : 2011 CAF 85

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

TERRY LONG

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

Introduction

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Terry Long relativement à une décision de la Cour canadienne de l’impôt (2010 CCI 197) par laquelle la juge Campbell (la juge) rejette la requête qu’il a présentée en vue d’obtenir une ordonnance de communication intégrale en application du paragraphe 82(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les Règles).

 

[2]               La juge a aussi rejeté la demande de M. Long visant à éviter qu’une ordonnance de divulgation partielle soit rendue contre lui parce que des documents pertinents pour l’appel qu’il a formé à l’encontre de la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national pourraient être utilisés contre lui dans une instance criminelle.

 

[3]               La juge a plutôt ordonné à chacune des parties de déposer et de signifier à l’autre partie en application de l’article 81 des Règles (communication partielle) une liste des documents qu’elles ont l’intention d’invoquer dans le cadre de l’appel interjeté par M. Long, accompagnée d’un échéancier concernant les autres étapes préalables à l’audition de l’appel.

 

[4]               La requête dont était saisie la juge découlait de l’appel formé par M. Long contre de nouvelles cotisations relatives à du revenu d’entreprise non déclaré pour les années 1999 à 2003, qu’il aurait tiré d’activités d’entrepreneur en électricité et de l’exploitation d’une opération de culture de marijuana. En appel, M. Long a l’intention de soulever des arguments d’ordre constitutionnel, notamment de contester la validité des processus de postcotisation, plus particulièrement parce qu’il ne peut dans ce contexte contester les nouvelles cotisations sans s’incriminer. Pour contester le montant qui lui est réclamé, il serait, soutient‑il obligé de produire des documents qui pourraient être utilisés pour intenter contre lui des poursuites relatives à des infractions criminelles. 

 

Communication partielle ou intégrale?

[5]               La juge a indiqué qu’il est de pratique courante pour la Cour de l’impôt d’ordonner la communication partielle de documents en application de l’article 81 des Règles de façon à éviter des dépenses et des délais excessifs. Toutefois, une partie peut obtenir une ordonnance de communication intégrale en vertu de l’article 82 si elle convainc la Cour qu’il existe des motifs raisonnables de croire que la communication aidera a résoudre de manière expéditive les questions relatives à la nouvelle cotisation, et à renforcer la position d’une partie ou discréditer celle de la partie adverse.

 

[6]               C’est avant tout en raison du moment où M. Long a présenté sa requête, soit après le dépôt des procédures écrites et avant que les autres étapes préalables à l’audience ne soient franchies, que la juge a rejeté sa requête de communication intégrale. Selon elle, la requête était prématurée. Il eût été plus approprié que M. Long présente une requête de communication intégrale, ou une requête visant la communication de certains documents ne faisant pas l’objet de la communication partielle, à une étape où il aurait été en mesure de faire valoir que les documents communiqués par le ministre conformément à l’ordonnance de communication partielle, et produits pour donner suite aux engagements pris lors des interrogatoires ou autrement, ne lui garantissait pas une audience équitable et efficace en appel.

 

[7]               En énonçant cette conclusion, la juge a insisté sur l’importance de considérer les requêtes visant à obtenir une ordonnance de communication intégrale dans un contexte factuel permettant à la Cour d’évaluer la pertinence des documents dont on cherche à obtenir la communication, mai qui ne sont pas visés par la communication partielle.

 

[8]               En appel, notre Cour ne peut intervenir dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance que si l’appelant établit que la décision rendue est fondée sur une erreur de droit ou sur un principe erroné. Je ne suis pas convaincu qu’en l’espèce la juge a commis une erreur en refusant dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’accueillir la demande de communication intégrale présentée par M. Long.

 

[9]               M. Long fait valoir que la communication partielle est inadéquate parce que dans ce contexte le ministre s’abstiendra de s’appuyer sur les documents qui avantagent sa position en tant qu’appelant. Toutefois, accepter cet argument équivaut en toute logique à conclure qu’il faudrait dans tous les cas recourir à une communication intégrale, ce qui de toute évidence n’est pas conforme aux Règles.

 

[10]           M. Long fait en outre valoir qu’une communication intégrale est nécessaire en raison de la portée de l’appel, qui met en cause l’iniquité fondamentale du processus d’établissement des cotisations, et l’intention avouée du ministre d’invoquer uniquement des documents qui concernent le montant de la nouvelle cotisation. Il est possible que le ministre ait choisi d’ainsi restreindre le débat parce qu’il estime que la compétence première de la Cour de l’impôt en vertu de la Loi consiste à déterminer le montant de la dette fiscale et non à se prononcer sur la validité du processus de postcotisation mis en place par le Parlement.

 

Communication unilatérale

[11]           M. Long soutient que la juge a commis une erreur en ne le dispensant pas de procéder à la communication étant donné que pour satisfaire à cette exigence il serait obligé de s’incriminer. En 2002, M. Long a fait l’objet d’une enquête menée par la GRC en liaison avec une opération de culture de marijuana, et des accusations ont été portées contre lui, mais par la suite il y a eu arrêt des procédures. Bien qu’il continue à proclamer son innocence, M. Long continue de craindre de fournir des éléments susceptibles d’être utilisés contre lui dans des procédures criminelles s’il communique les documents relatifs à son revenu d’entreprise qui lui permettraient de poursuivre son appel concernant le montant de la nouvelle cotisation.

 

[12]           L’obliger à choisir entre s’incriminer en communiquant les documents en question ou abandonner son appel quant au bien‑fondé de la nouvelle cotisation contreviendrait selon lui aux droits que lui garantit l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[13]           La juge a statué que, malgré l’absence de disposition et de jurisprudence à cet effet, il peut exister des circonstances justifiant que la Cour de l’impôt ordonne dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire que seul le ministre soit astreint à la communication de façon à éviter l’atteinte aux droits que la Charte garantit à un contribuable. Toutefois, elle n’était pas d’avis que les faits de la présente espèce justifiaient le prononcé d’une ordonnance aussi exceptionnelle.

 

[14]           À ce jour, personne n’a conclu que la communication conduirait à une violation imminente des droits que la Charte confère à M. Long. De plus, l’engagement implicite de ne pas utiliser les renseignements fournis en cours d’interrogatoire dans d’autres litiges, et le fait qu’il puisse refuser pendant son interrogatoire de répondre à des questions spécifiques susceptibles de l’incriminer, protègent aussi M. Long contre d’éventuelles violations de la Charte.

 

[15]           Je le répète, je ne suis pas convaincu que la juge a commis une erreur justifiant que notre Cour modifie sa décision de refuser, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, d’accorder au début de la procédure d’appel la mesure sollicitée par M. Long. Il sera possible de répondre de façon plus appropriée aux préoccupations de M. Long au cours du processus d’interrogatoire, dans un contexte factuel précis.

 

[16]           J’estime utile de préciser que la nouvelle cotisation du ministre concerne notamment des revenus non déclarés que M. Long aurait tirés de ses activités d’entrepreneur en électricité. Il ne prétend pas qu’une communication partielle à cet égard l’incriminerait.

 

Dispositif

[17]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Carolyn Layden‑Stevenson, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                    A‑166‑10

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE LA JUGE CAMPBELL MILLER DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DATÉ DU 14 AVRIL 2010, DOSSIER NO 2009‑1011(IT)G

 

INTITULÉ :                                                   TERRY LONG c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 3 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE EVANS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LES JUGES DAWSON ET LAYDEN‑STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 8 mars 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Terry Long

 

pour son propre compte

 

David Everett

Elizabeth (Lisa) McDonald

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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