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Date : 20110211

Dossier : 11-A-5

Référence : 2011 CAF 56

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence de madame la juge        LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

CKLN RADIO INCORPORATED

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

 

Entendu à Ottawa (Ontario) le 11 février 2011.

Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario) le 11 février 2011.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :                                                         La juge LAYDEN-STEVENSON

 


Date : 20110211

Dossier : 11-A-5

Référence : 2011 CAF 56

 

En présence de madame la juge        LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

CKLN RADIO INCORPORATED

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE AYDEN-STEVENSON

[1]        « CKLN-FM Toronto » est une station de radio du campus communautaire autorisée par CKLN Radio Incorporated, située sur le campus de l’Université Ryerson (Ryerson) à Toronto, en Ontario. Elle détient une licence de diffusion depuis 1983.

 

[2]        CKLN Radio Incorporated (CKLN) dépose de façon urgente un sursis à l’exécution de la décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) de CKLN-FM Toronto - Révocation de licence, décision de radiodiffusion CRTC 2011-56, daté du 28 janvier 2011 (la décision), en attendant la décision de CKLN d’interjeter l’appel de la décision, et si la permission est accordée, en attendant l’appel. La requête a été déposée le 9 février 2011.

 

[3]        Le défendeur, le procureur général du Canada (procureur général), dans une correspondance datée du 10 février 2011, ne prend pas position au sujet de la requête de CKLN concernant un sursis provisoire (c’est-à-dire le sursis en attendant la détermination de sa demande) sous réserve que le fait qu’une telle position ne doive pas être interprétée comme signifiant que le procureur général admette l’un ou l’autre des faits ou concède l’une ou l’autre des positions ou argumente l’énoncé dans le dossier de la requête de CKLN.

 

 

[4]        La correspondance du procureur général indique que les parties sont d’accord que CKLN réglera la question d’un autre sursis provisoire, simultanément à son dossier de requête en vue d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel de la décision. En ce qui concerne la demande d’autorisation, les parties respecteront les délais prévus pour l’échange de documents prévus aux articles 354 et 355 des Règles des Cours fédérales DORS / 98-106 (les Règles).

 

 

[5]        En raison de la position relative à l’exigence d’une autre requête et simultanément à son dossier de requête en vue d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel de la décision, cela va à l’encontre du redressement réclamé dans la présente requête et parce que je ne comprenais pas pourquoi les ressources judiciaires devraient être déboursées pour la détermination de la même question à deux reprises, j’ai ordonné aux avocats des parties d’assister aux plaidoiries par téléconférence.

 

[6]        Ayant entendu l’avocat, je comprends maintenant que la position du procureur général est fondée sur le fait qu’il veut préserver son droit de s’opposer à l’octroi d’un sursis en attendant l’appel dans le cas où l’autorisation est accordée. En outre, il souhaite être en mesure de consulter son client et de déterminer la position qui sera prise. Dans les circonstances, et parce qu’il semble que les avocats ont discuté de la question et ont convenu qu’une telle approche était acceptable, j’ai de la difficulté à faire autrement. Par conséquent, mon ordonnance et les motifs de l’ordonnance ne concernent qu’un sursis en attendant la décision de la demande d’autorisation d’appel. L’avocat du procureur général a indiqué que, dès que possible, il avertira l’avocate de CKLN ainsi que la Cour si la décision finale est de ne pas prendre position sur la demande de sursis en attendant l’appel.

 

 

[7]        Compte tenu du délai imparti disponible pour statuer sur l’affaire - la décision révoque la licence de CKLN et exige qu’elle cesse la radiodiffusion dès le 12 février 2011 (demain) - ces raisons peuvent être moins étendues qu’elles ne le seraient autrement.

 

 

[8]        CKLN doit satisfaire au critère tripartite énoncé dans RJR - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 S.C.R. 311, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer : a) l’existence d’un problème grave; (b) un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé; et c) que la prépondérance des inconvénients, compte tenu à la fois des intérêts des parties et de l’intérêt public, favorise l’octroi d’un sursis.

 

 

[9]        Le seuil de la question sérieuse est faible et ne nécessite qu’une évaluation préliminaire des mérites en ce sens que l’affaire n’est ni vexatoire ni frivole. Les motifs proposés par CKLN sont les suivants :

 

(1)   le CRTC l’a privé d’équité procédurale en créant puis en ignorant une attente légitime que, dans ces circonstances, le CRTC suivrait sa pratique claire, non ambiguë et bien établie d’escalade graduelle des mesures réglementaires avant d’appliquer la mesure extrêmement rare d’une révocation du permis à mi-parcours d’une période de licence complète de sept ans; et

(2)   Le CRTC a agi naturellement contrairement en fondant sa décision sur des critères, à savoir l’existence et les détails d’un différend de légitimité entre les dirigeants de la station - qu’elle avait précédemment jugé non pertinents.

 

[10]      En plus de s’appuyer largement sur les motifs dissidents d’un commissaire du CRTC, CKLN fournit des références à la jurisprudence à l’appui de ses motifs. Je suis prêt à accepter, aux fins des présentes, que le seuil de l’existence d’un problème grave est atteint.

 

[11]      En ce qui concerne le préjudice irréparable, je dois déterminer si le refus d’accorder la réparation pourrait nuire aux intérêts de CKLN de façon à ce que le préjudice ne puisse être rectifié si la décision finale est contradictoire à la décision sous-jacente. C’est la nature plutôt que l’ampleur du préjudice qui est pertinent. À cet égard, selon CKLN, même si sa demande d’autorisation est acceptée et, si la permission est accordée, si elle est acceptée, il sera trop tard pour remédier à ce qui suit :

 

• elle perdra sa fréquence 88,1 FM dans un marché de Toronto fortement contesté, un risque prévu par le commissaire dissident et confirmé par les manifestations d’intérêt de la part d’autres radiodiffuseurs pour obtenir cette fréquence;

• elle est sur le point de perdre ses locaux de studios de diffusion construits à cet effet et sans frais de location au Ryerson Student Campus Centre, et qu’elle ne sera pas en mesure de remplacer ou ne pas payer de loyer;

• elle perdra son financement de base provenant du Syndicat des étudiants de l’Université Ryerson, étant une contribution de la radio de CKLN-FM pour étudiants inscrits à Ryerson, car si la station cesse d’émettre le 12 février le financement cesserait;

• elle perdra l’auditoire qu’elle a établi depuis les 28 dernières années, ce qui nuira à sa réputation, à sa bonne volonté et, ultimement, au lien réciproque avec la communauté de Ryerson et de Toronto qui est sa raison d’être;

• la perte d’auditoire, à son tour, entravera sa capacité de générer des revenus grâce à des activités de publicité et de collecte de fonds qui sont inextricablement liées à l’écoute;

• elle perdra les programmeurs, y compris des personnalités de premier plan qui trouveront d’autres stations si elle devait fermer les portes le 12 février;

• elle perdra les bénévoles qui sont la pierre angulaire de la station, comme c’est le cas pour la plupart des stations de radio sur campus et communautaire;

• la perte des programmeurs et des bénévoles compromettra gravement le rôle et la personnalité de CKLN dans la communauté de Toronto en tant que source alternative de musique et de discours oraux non présents dans les médias traditionnels, ainsi que le forum et la « voix » des groupes non représentés

[12]      Le fondement de preuve détaillant les conséquences susmentionnées est compris dans l’affidavit de Lauren Speers (ancien membre du conseil d’administration de CKLN et actuellement bénévole à la gestion des stations et questions opérationnelles) souscrit le 7 février 2011 et l’affidavit d’Andrew Lehrer (vice-président du conseil d’administration de CKLN) souscrit le 7 février 2011. La preuve est non contredite et non contestée.

 

[13]      Je suis convaincue, sur la foi de la preuve dont je suis saisi, qu’un préjudice irréparable a été démontré. Plus précisément, à mon avis, la perte de la fréquence, de l’espace du studio et de l’entente de financement de la station avec le syndicat des étudiants signifierait que même si CKLN devait finalement obtenir l’autorisation d’interjeter appel, elle serait laissée sans moyens ou capacité de reprendre la diffusion.

 

[14]      La prépondérance exige que je détermine laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice en raison de l’octroi ou du refus du séjour. L’intérêt public doit également être pris en compte. Le préjudice causé à CKLN a été défini ci-dessus; je n’ai aucune observation sur les dommages potentiels que pourrait subir le CRTC. En ce qui a trait à l’intérêt public, CKLN a fourni une description détaillée des diverses façons dont elle a cherché à servir l’intérêt public ainsi que des exemples sur les raisons pour lesquelles la poursuite de la radiodiffusion servirait l’intérêt public. Compte tenu des contraintes de temps, je ne vais pas répéter la liste, mais je suis convaincue que CKLN a fait pencher la balance en sa faveur à cet égard. De plus, je note l’absence de toute référence dans la décision de l’intérêt public qui pourrait s’ensuivre si la station restait en ondes.

 

[15]      CKLN a satisfait au test tripartite. Une ordonnance visant à suspendre la décision du CRTC en date du 28 janvier 2011 en attendant que la demande d’autorisation d’appel de CKLN soit maintenue maintiendra le statu quo. J’ai avisé l’avocate en conséquence et mon ordonnance suivra.

 

 

 

« Carolyn Layden-Stevenson »

J.A.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            11-A-5

 

 

INTITULÉ :                                                                           CKLN Radio Incorporated Procureur général du Canada

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 11 février 2011

 

DATES DE MOTIFS :                                                          LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

 

DATE :                                                                                   Le 11 février 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Y. Monica Song

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me John L. Syme

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fraser Milner Casgrain LLP

Ottawa, ON

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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