|
Cour d'appel fédérale |
LA JUGE TRUDEL
LE JUGE MAINVILLE
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
LE TRÈS HONORABLE JEAN CHRÉTIEN
et
L’HONORABLE JOHN H. GOMERY, EN SA QUALITÉ
D’EX-COMMISSAIRE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LE PROGRAMME
DES COMMANDITES ET LES ACTIVITÉS PUBLICITAIRES
mis en cause
Requête jugée sur dossier sans comparution des parties
Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 10 février 2011
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE MAINVILLE
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE NOËL
LA JUGE TRUDEL
Date : 20110210
Dossier : A-46-08
Référence : 2011 CAF 53
Coram : LE JUGE NOËL
LA JUGE TRUDEL
LE JUGE MAINVILLE
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
LE TRÈS HONORABLE JEAN CHRÉTIEN
intimé
et
L’HONORABLE JOHN H. GOMERY, EN SA QUALITÉ
D’EX-COMMISSAIRE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LE PROGRAMME
DES COMMANDITES ET LES ACTIVITÉS PUBLICITAIRES
mis en cause
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
[1] Le 26 octobre 2010, la Cour a rejeté l’appel avec dépens en faveur de l’intimé. L’intimé présente maintenant une requête, en vertu des articles 369, 400 et 403 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), dans laquelle il demande que ses dépens et débours soient fixés à une somme globale de 70 000 $, y compris toutes les taxes applicables.
[2] L’appelant consent à l’adjudication des dépens sous la forme d’une somme globale mais fixerait les dépens selon le tarif B des Règles, ce qui donnerait une somme globale de 11 282,70 $, somme comprenant les taxes mais non les débours.
[3] Les principes applicables à l’adjudication de dépens supplémentaires ont déjà été examinés par la Cour et peuvent se résumer comme suit :
a. L’adjudication de dépens partie‑partie est généralement déterminée en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B et ne vise pas à indemniser une partie pour les frais juridiques qu’elle a engagés, mais représente plutôt une contribution aux frais juridiques de la partie qui a obtenu gain de cause.
b. Cependant, la Cour peut, à sa discrétion, majorer les dépens afin d’adjuger des dépens partie‑partie appropriés lorsque les circonstances le justifient.
c. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour peut tenir compte des facteurs énoncés à l’article 400 des Règles, notamment les sommes réclamées et les sommes recouvrées, l’importance et la complexité des questions en litige, la charge de travail nécessaire, la conduite d’une partie et le fait que l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance justifie une adjudication particulière des dépens.
d. De plus, les dépens supplémentaires doivent être adjugés à titre de dépens partie‑partie, étant donné qu’ils ne dédommagent pas la partie qui a obtenu gain de cause de ses dépens avocat‑client.
e. Les dépens avocat‑client ne sont accordés que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsqu’une partie a fait preuve de mauvaise foi ou d’une conduite inappropriée, répréhensible, scandaleuse ou outrageante; des raisons d’intérêt public peuvent également justifier l’adjudication de dépens sur une base avocat‑client.
f. L’adjudication des dépens n’est pas une science exacte, elle relève plutôt d’un pouvoir discrétionnaire fondé sur le discernement et le bon sens.
(Articles 400 et 407 des Règles, Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc., 2002 CAF 417, [2003] 2 C.F. 451; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 157, 325 N.R. 134; CCH Canadian Ltée. c. Barreau du Haut‑Canada, 2004 CAF 278, 243 D.L.R. (4th) 759; Mackin c. Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances); Rice c. Nouveau‑Brunswick, 2002 CSC 13, [2002] 1 R.C.S. 405, au paragraphe 86.)
[4] L’intimé justifie sa demande de dépens supplémentaires par le résultat de l’instance, l’importance des questions en litige, l’intérêt public dans la résolution judiciaire de l’instance et la conduite de l’appelant.
[5] Le résultat de l’instance ne peut à lui seul justifier l’attribution de dépens supplémentaires. Par ailleurs, la conduite de l’appelant au regard de cet appel n’était pas répréhensible et ne justifie pas non plus la majoration des dépens.
[6] Toutefois, je reconnais que l’importance des questions en litige à trancher dans le cadre de l’appel, ainsi que l’intérêt public à instruire l’appel, justifient la majoration des dépens. L’appel portait sur la réputation d’un ancien premier ministre du Canada et la conduite appropriée des commissions fédérales d’enquête publique. Il s’agissait de questions importantes et complexes d’intérêt public. Par conséquent, l’appelant se verra octroyer des dépens en plus de ceux prévus par le tarif B.
[7] En ce qui concerne le montant des dépens, il relève d’un pouvoir discrétionnaire fondé sur les facteurs décrits ci-haut. L’intimé demande 70 000 $, soit presque l’équivalent de ses dépens avocat‑client. Rien ne justifie en l’espèce d’adjuger des dépens sur une base avocat‑client. Pour sa part, l’appelant propose d’appliquer le tarif B pour adjuger des dépens de 11 282,70 $, somme comprenant les taxes mais non les débours (que l’intimé estime à 4 475,91 $). Comme je l’ai déjà mentionné, l’adjudication de dépens plus élevés que les sommes prévues par le tarif B est justifiée en l’espèce, et je ne puis donc souscrire à la position de l’appelant qui limite les dépens au tarif.
[8] Compte tenu du temps que les avocats de l’intimé ont consacré à préparer l’appel et de l’importance des questions en litige, l’adjudication de 25 000 $ en plus de tous les débours et des taxes applicables me semble appropriée en l’espèce. Bien que cette somme ne suffise pas à compenser pleinement les frais juridiques engagés par l’intimé dans le cadre du présent appel, elle constitue néanmoins une contribution importante à ces dépens tout en étant conforme aux normes acceptables pour l’adjudication de dépens partie‑partie. Elle représente un compromis entre l’indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non‑imposition d’une charge excessive à la partie qui succombe.
[9] Par conséquent, je suis d’avis d’adjuger à l’intimé, pour l’appel et toutes les requêtes connexes, y compris la présente requête, des dépens partie‑partie de 25 000 $, en plus des débours engagés et des taxes applicables aux dépens et aux débours. Il y a lieu d’ordonner à l’officier taxateur de taxer les dépens en conséquence.
« Je suis d’accord
Marc Noël. »
« Je suis d’accord
Johanne Trudel. »
Traduction certifiée conforme
Jenny Kourakos, LL.L.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-46-08
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. LE TRÈS HONORABLE JEAN CHRÉTIEN et L’HONORABLE JOHN H. GOMERY, EN SA QUALITÉ D’EX‑COMMISSAIRE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LE PROGRAMME DES COMMANDITES ET LES ACTIVITÉS PUBLICITAIRES (mis en cause)
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE MAINVILLE
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE NOËL
LA JUGE TRUDEL
DATE DES MOTIFS : Le 10 février 2011
OBSERVATIONS ÉCRITES :
POUR L’APPELANT
|
|
Peter K. Doody
|
POUR L’INTIMÉ
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada
|
POUR L’APPELANT
|
Ottawa (Ontario) |
POUR L’INTIMÉ
|