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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal


Date : 20101209

Dossier : A-181-10

Référence : 2010 CAF 337

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

CHERYL SANDRA HORNE,

MARK ANSELM HORNE,

SUE ANNY SOPHIA HORNE

ET SULAN MARYN HORNE,

REPRÉSENTÉS PAR LEUR TUTRICE À L’INSTANCE

CHERYL SANDRA HORNE

 

appelants

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 décembre 2010.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 9 décembre 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                              LE JUGE EVANS


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal


Date : 20101209

Dossier : A-181-10

Référence : 2010 CAF 337

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        le juge Evans

                        le juge Pelletier

 

ENTRE :

CHERYL SANDRA HORNE,

MARK ANSELM HORNE,

SUE ANNY SOPHIA HORNE

ET SULAN MARYN HORNE,

REPRÉSENTÉS PAR LEUR TUTRICE À L’INSTANCE

CHERYL SANDRA HORNE

 

appelants

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 9 décembre 2010)

 

le juge Evans

[1]               Cheryl Horne et ses enfants, citoyens de Saint‑Vincent‑et‑les‑Grenadines, ont interjeté appel de deux décisions de la Cour fédérale, par lesquelles le juge Boivin a rejeté leurs demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire présentées conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). 

 

[2]               Le présent appel (dossier de la Cour no A-181-10) porte sur le refus d’autoriser une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent d’immigration a rejeté la demande des appelants visant à séjourner au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire. L’autre appel (dossier de la Cour no A-182-10) porte sur le refus d’autoriser une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le même agent a rejeté leur demande d’examen des risques avant renvoi. L’ordonnance du juge rejetant les deux demandes d’autorisation a été rendue le 26 avril 2010. Les appels interjetés devant notre Cour soulèvent les mêmes questions et les présents motifs s’appliquent aux deux. Une copie des présents motifs sera versée au dossier de la Cour no A-182-10.

 

[3]               Le problème auquel se heurtent les appelants en interjetant le présent appel est que l’alinéa 72(2)e) de la LIPR prévoit que le jugement de la Cour fédérale sur la demande d’autorisation présentée conformément au paragraphe 72(1), et toute décision interlocutoire, ne sont pas susceptibles d’appel. S’agissant du contrôle judiciaire de toute autre décision présentée sur le fondement de la Loi, le jugement de la Cour fédérale n’est susceptible d’appel devant notre Cour que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle‑ci : alinéa 74d) de la LIPR.

 

[4]               Notre Cour a conclu que ces dispositions privatives ne doivent pas être interprétées littéralement. Elles n’empêchent pas d’interjeter appel conformément à l’article 27 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, sur le fondement d’une erreur de compétence par un juge d’une cour fédérale, notamment une crainte raisonnable de partialité : Subhaschandran c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 27, [2005] 3 R.C.F. 255, par. 17; Narvey c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 235 N.R. 305 (C.A.F.).

 

[5]               Le plaideur qui allègue que le juge est inhabile pour cause de partialité doit présenter « une preuve concluante en ce sens » (R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, par. 32), particulièrement lorsqu’il prétend que la crainte raisonnable découle du fait que le juge a déjà été en présence des parties ou des questions dans ses fonctions judiciaires (Apotex Inc. c. Sanofi‑Aventis Inc., 2008 CAF 394, par. 6). 

 

[6]               Les appelants cherchent à réfuter la présomption d’impartialité judiciaire en invoquant deux motifs. Premièrement, ils affirment que le juge Boivin était inhabile, pour cause de partialité, à statuer sur la demande d’autorisation parce que, le 11 février 2010, il a rejeté leur requête en sursis à l’exécution de leur renvoi en attendant la disposition de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Le juge a conclu (IMM-311-10) que les appelants n’ont pas prouvé que leur renvoi à Saint-Vincent-les-Grenadines leur causerait de graves difficultés au point de constituer un préjudice irréparable.

 

[7]               Notre Cour a annulé l’appel des appelants au motif qu’ils n’avaient pas démontré que même si le juge Boivin avait mal appliqué le critère à trois volets applicable à l’octroi d’un sursis, comme l’a allégué l’avocat, il aurait de ce fait perdu sa compétence (2010 CAF 55).

 

[8]               Nous sommes tous d’avis que cette allégation n’inciterait pas une personne raisonnable ayant étudié la question en profondeur d’une façon réaliste et pratique à conclure que le juge était partial. Selon nous, le juge Boivin n’a pas statué sur le bien-fondé de la demande d’autorisation lorsqu’il a refusé le sursis. En examinant le premier volet du critère applicable à l’octroi des sursis, le juge a affirmé qu’il était prêt à admettre, sans statuer sur la question, que les appelants avaient soulevé une question grave. Nous ne souscrivons pas non plus à l’argument de l’avocat selon lequel une erreur de droit commise par un juge suscite une crainte raisonnable de partialité.

 

[9]               L’avocat n’a présenté aucune source à l’appui de sa proposition selon laquelle les juges qui ont instruit une requête en injonction interlocutoire sont inhabiles à présider le procès. De même, rien ne nous permet de conclure que le simple fait que le juge a instruit la requête en sursis l’a conduit à tort à rejeter la demande d’autorisation.

 

[10]           Deuxièmement, les appelants affirment que les événements suivant la décision du juge Boivin de refuser leur sursis, mais précédant sa décision de rejeter leur demande d’autorisation, ont également suscité une crainte raisonnable de partialité. Selon eux, le fait que leur avocat ait vivement critiqué les motifs du juge dans l’appel qu’ils ont tenté d’interjeter devant notre Cour à l’encontre du refus du sursis, et dans la demande d’autorisation elle‑même, en affirmant notamment que le juge Boivin a mal appliqué le droit et a excédé sa compétence, l’aurait incité à avoir un parti pris contre eux.

 

[11]           Nous ne sommes pas d’accord. Comme tout le monde, les juges préfèrent les fleurs à la critique. Néanmoins, comme les allégations d’erreur font partie intégrante du système judiciaire, nous ne sommes pas convaincus qu’une personne raisonnable conclurait que les critiques de l’avocat inciteraient le juge à violer son serment judiciaire pour punir les appelants. Un avocat ne peut causer une partialité simplement parce qu’il critique sévèrement les motifs d’un juge.

 

[12]           Les appelants s’appuient également sur la plainte que leur avocat a déposée auprès du Comité des droits de l’homme des Nations Unies selon laquelle leur déportation violerait leurs droits de la personne internationalement protégés. L’Agence des services frontaliers du Canada s’est conformée à la demande du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de ne pas renvoyer les appelants tant que le Comité n’a pas étudié leur plainte.

 

[13]           Nous ne saurions convenir qu’une personne raisonnable estimerait que le juge considérerait ces événements comme un affront l’empêchant de juger les demandes d’autorisation impartialement. Dans la décision Boparai c. Canada, 2008 CF 251, la juge Snider a refusé de se récuser au motif que l’avocat s’était précédemment plaint au Conseil canadien de la magistrature qu’elle était partiale dans la manière dont elle décidait les questions d’immigration, plainte que le Conseil avait rejetée. L’argument des appelants en l’espèce est semblable et tout aussi peu convaincant.

 

[14]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté.

 

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


Cour d’appel fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Dossier :                                                       A-181-10

 

APPEL DE L’ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BOIVIN DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉE DU 26 AVRIL 2010, DANS LES DOSSIERS IMM-311-10 ET

IMM-310-10

 

INTITULÉ :                                                         CHERYL SANDRA HORNE, MARK ANSELM HORNE, SUE ANNY SOPHIA HORNE ET SULAN MARYN HORNE, REPRÉSENTÉS PAR LEUR TUTRICE À L’INSTANCE CHERYL SANDRA HORNE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 9 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :     LES JUGES SEXTON, EVANS ET PELLETIER

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :             LE JUGE EVANS

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati

Katherine Ramsey

              POUR LES APPELANTS

 

 

Michael Butterfield

Kevin Doyle

 

              POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet Rocco Galati

Association professionnelle

Avocats

Toronto (Ontario)

 

              POUR LES APPELANTS

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

              POUR L’INTIMÉ

 

 

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