ENTRE :
et
Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 31 mai 2010.
Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 2 juin 2010.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE STRATAS
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE PELLETIER
Dossier : A-448-09
Référence : 2010 CAF 145
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE PELLETIER
LE JUGE STRATAS
ENTRE :
FRANK J. BURCHILL
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s’agit d’un appel de la décision du juge Little de la Cour canadienne de l’impôt : 2009 CCI 492.
[2] La question soumise à la Cour canadienne de l’impôt et à notre Cour porte sur le traitement fiscal d’une partie du revenu de pension reçu par l’appelant.
[3] L’appelant avait le droit de recevoir un revenu de pension de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (« Travaux publics ») à partir de 1992. Il a demandé à Travaux publics de ne pas lui verser un revenu de pension jusqu’à ce qu’il le demande, ce qu’a fait Travaux publics. C’est seulement en 2005 que l’appelant a choisi de recevoir un revenu de pension. Cette année-là, il a reçu un paiement forfaitaire comprenant les prestations de pension courantes et celles accumulées entre 1992 et 2004.
[4] Aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »), un paiement forfaitaire de pension qui comprend les prestations de pension courantes et celles accumulées au fil des années précédentes — comme le paiement versé à l’appelant en 2005 — peut théoriquement être reporté à des années d’imposition antérieures. Dans une telle situation, diverses dispositions de la Loi s’appliquent.
[5] Ces dispositions s’appliquent en ajoutant au revenu du contribuable l’intégralité du paiement au moment où il est reçu par le contribuable, mais en ajustant ensuite ce montant de façon à refléter un report hypothétique des montants aux années d’imposition antérieures. Plus particulièrement, ces dispositions comportent deux éléments :
(1) Inclusion de l’intégralité du montant dans le revenu en vertu du sous-alinéa 56(1)a)(i). Tout paiement de pension est ajouté au revenu du contribuable de l’année où il est reçu. Voilà ce qui ressort du libellé du sous-alinéa 56(1)a)(i) : « toute somme reçue par le contribuable au cours de l’année au titre d’une prestation […] de pension » doit être « inclu[e] dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition ».
(2) Disposition portant sur les déductions et ajustements. Le législateur a reconnu que les montants inclus dans le revenu aux termes du sous-alinéa 56(1)a)(i) peuvent s’être accumulés au fil des années antérieures. Par conséquent, il a adopté d’autres dispositions dans le but de réduire l’impôt de l’année d’inclusion :
(i) L’article 110.2 permet de déduire les montants accumulés au cours des années précédentes.
(ii) Le paragraphe 120.31(2) impose un « impôt hypothétique payable », fondé sur la réception hypothétique pendant ces années précédentes. Cet « impôt hypothétique » comporte deux aspects. Premièrement, l’alinéa 120.31(3)a) détermine l’impôt à payer sur ces montants hypothétiques des années précédentes au taux d’imposition alors en vigueur. Deuxièmement, l’alinéa 120.31(3)b) ajoute un impôt pour dédommager le gouvernement du retard dans le paiement de l’impôt hypothétique des années précédentes.
[6] Devant la Cour canadienne de l’impôt, l’appelant a fait valoir que la somme représentant les prestations pour la période de 1992 à 2004 devrait être incluse dans les revenus des années précédentes, au lieu d’être entièrement incluse dans son revenu de 2005, et que le montant additionnel imposé par l’alinéa 120.31(3)b) de la Loi ne devrait pas s’appliquer à lui. Selon lui, comme il avait droit à des prestations de pension durant les années antérieures, les montants devraient être inclus dans son revenu des années antérieures, même si, dans les faits, il les a reçus en 2005.
[7] La Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel de M. Burchill, s’appuyant sur le sens ordinaire de la Loi. En particulier, la cour a conclu que le sous-alinéa 56(1)a)(i) exige expressément que les prestations de pension reçues soient incluses dans le revenu du contribuable de l’année où elles sont reçues.
[8] Devant notre Cour, l’appelant a présenté des observations semblables à celles présentées devant la Cour canadienne de l’impôt. En particulier, il a déclaré que, bien que les prestations de pension « reçues » doivent être incluses dans son revenu de l’année de réception, le terme « reçue » utilisé au sous-alinéa 56(1)a)(i) peut vouloir dire « réception implicite ». L’appelant a soutenu avoir « implicitement reçu » des prestations de retraite au cours des années antérieures, en ce sens qu’il avait légalement le droit de les recevoir pendant ces années. L’appelant en conclut que les montants qu’il a « implicitement reçus » au cours des années antérieures devraient être ajoutés à son revenu des années antérieures.
[9] Nous n’acceptons pas les observations de l’appelant. À notre avis, la Cour canadienne de l’impôt n’a commis aucune erreur. Nous sommes d’accord avec sa conclusion que les dispositions pertinentes de la Loi n’appuient pas les observations de l’appelant.
[10] Le point de départ de l’interprétation des dispositions pertinentes de la Loi est l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, surtout les paragraphes 10 et 13, de la Cour suprême. Les dispositions de la Loi doivent être interprétées de façon « textuelle, contextuelle et téléologique ». Le sens ordinaire d’un libellé « précis et non équivoque » joue un « rôle primordial dans le processus d’interprétation ». Dans tous les cas, « les tribunaux doivent […] chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux ». La Loi « demeure un instrument dominé par des dispositions explicites qui prescrivent des conséquences particulières et commandent une interprétation largement textuelle ».
[11] Le sens ordinaire du sous-alinéa 56(1)a)(i) est que toutes les prestations de pension sont ajoutées au revenu de l’année où elles ont été « reçues ». Ce sens ordinaire est bien étayé par l’existence d’autres dispositions de la Loi. Le sous-alinéa 56(1)a)(i) n’est pas totalement isolé du reste de la Loi; il fait plutôt partie d’un ensemble harmonieux de dispositions interreliées.
[12] Comme je l’ai indiqué au paragraphe 5 ci-dessus, le sous-alinéa 56(1)a)(i), l’article 110.2 et l’article 120.31 créent ensemble un régime cohérent et harmonieux. Si l’appelant avait raison et que le sous-alinéa 56(1)a)(i) permet l’inclusion dans son revenu des années antérieures des montants qui ont été « implicitement reçus » pendant ces années antérieures, le législateur n’aurait pas eu besoin d’adopter les articles 110.2 et 120.31, dont il est question précédemment. À mon avis, la position de l’appelant est contraire au régime évident et cohérent de la Loi.
[13] Par conséquent, je rejetterais l’appel et ne rendrais aucune ordonnance concernant les dépens.
« Je suis d’accord.
Gilles Létourneau, j.c.a »
« Je suis d’accord.
J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Mylène Borduas
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-448-09
APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR L’HONORABLE JUGE LITTLE DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT LE 30 SEPTEMBRE 2009 DANS LE DOSSIER
N° 2008-3786(IT)I
INTITULÉ : Frank J. Burchill c. La Reine
LIEU DE L’AUDIENCE : VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 31 MAI 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : Le juge Stratas
Y ONT SOUSCRIT : Le juge Létourneau
Le juge Pelletier
DATE DES MOTIFS : Le 2 juin 2010
COMPARUTIONS :
POUR SON PROPRE COMPTE
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Laura Zampuno |
POUR L’INTIMÉE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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Sous-procureur général du Canada |
POUR L’INTIMÉE |