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Date : 20090223

Dossier : A-428-07

Référence : 2009 CAF 53

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

MICHAEL SYREK

appelant

 

et

SA MAJESTÉ LA REINE et CHARLENE FERGUSON

intimées

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 4 décembre 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 février 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                          LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                           LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                          LE JUGE BLAIS

 

 


 

 

Date 20090223

Dossier : A-428-07

Référence : 2009 CAF 53

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

MICHAEL SYREK

appelant

 

et

SA MAJESTÉ LA REINE et CHARLENE FERGUSON

intimées

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]               Il s’agit de l’appel d’un jugement, en date du 17 août 2007, par lequel le juge Little de la Cour canadienne de l’impôt (2007 CCI 470) a rejeté les appels interjetés par l’appelant à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le ministre) pour les années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004.

 

[2]               Plus particulièrement, lorsqu’il a établi de nouvelles cotisations relativement aux déclarations de revenus de l’appelant pour les années d’imposition en question, le ministre a refusé à celui‑ci certaines déductions à l’égard de son revenu imposable, par exemple, les sommes qu’il avait réclamées au titre de la « pension alimentaire » au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5suppl.) ( la Loi).

 

[3]               Dans le présent appel, il faut déterminer si la « pension alimentaire » que l’appelant a payée à Charlene Ferguson, sa conjointe de fait et l’intimée dans la présente instance, conformément à un accord de séparation, peut être déduite de ses revenus pour les années en cause. Cette question peut être tranchée, en partie, en répondant à la question suivante : l’accord de séparation obligeait-il l’appelant à verser à Mme Ferguson les sommes qu’il prétend constituer une « pension alimentaire »?

 

LES FAITS

[4]               Un énoncé sommaire des faits permettra de mieux comprendre les questions soulevées par le présent appel.

 

[5]               L’appelant et sa conjointe de fait se sont séparés en septembre 2001 après avoir vécu ensemble pendant plus de 15 ans. À ce moment, les enfants issus de leur relation, Ashley et Danielle, avaient respectivement 15 et 10 ans.

 

[6]               Le 21 novembre 2001, l’appelant et Mme Ferguson ont conclu un accord provisoire de séparation (l’accord) aux termes duquel ils ont cherché à régler, entre autres, les questions relatives à la garde de leurs enfants, à la pension alimentaire pour les enfants et la conjointe, et à la résidence familiale.

 

[7]               Les clauses 6 et 7 de l’accord sont au cœur de l’appel. La clause 6 prévoit que l’appelant versera à Mme Ferguson, au titre de la « pension alimentaire », un montant mensuel de 2 000 $. Quant à la clause 7, elle prévoit que l’appelant et Mme Ferguson [traduction] « reconnaissent que la conclusion du présent accord ne doit pas être interprétée comme indiquant que l’appelant est en mesure de payer la pension alimentaire de sa conjointe, au montant mentionné dans les présentes, ou qu’il est tenu de payer cette pension ».

 

[8]               En se fondant sur sa compréhension de l’accord, l’appelant a réclamé une déduction à l’égard de son revenu imposable pour les paiements versés à Mme Ferguson entre le 6 décembre 2001 et le 31 décembre 2004. Les sommes réclamées étaient de 1 846 $ pour l’année d’imposition 2001, et de 23 998 $ pour chacune des années d’imposition 2002, 2003 et 2004.

 

[9]               Le ministre a refusé ces déductions parce qu’à ses yeux, il ne s’agissait pas d’une « pension alimentaire » au sens de la Loi. En particulier, selon le ministre, en raison de la clause 7 de l’accord, l’appelant n’était pas obligé de verser les paiements susmentionnés à Mme Ferguson et conséquemment, ces versements ne répondaient pas à la définition de pension alimentaire.

 

[10]           Le ministre a clairement indiqué sa position aux paragraphes 17 et 20 de sa réponse à l’avis d’appel (dossier d’appel, pages 34 et 35) :

[traduction] 17.   Lorsqu’il a établi les nouvelles cotisations à l’égard des déclarations de revenus de l’appelant pour les années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004, et lorsqu’il a ratifié ces nouvelles cotisations, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

(a)    L’appelant et son ex‑conjointe de fait, c’est-à-dire Charlene Ferguson (l’ex‑conjointe de fait), se sont séparés en 2001;

(b)    Pendant toute la période en cause, l’appelant et son ex‑conjointe de fait ont eu deux enfants – Ashley Syrek, née le 27 avril 1986, et Danielle Syrek, née le 1er janvier 1991;

(c)    Conformément à la clause 6 de l’accord de séparation mentionnée au paragraphe 2 du présent document, l’appelant « versera » à l’ex‑conjointe de fait la somme de 2 000 $ par mois, payable toutes les deux semaines par versements de 923 $, à compter du 6 décembre 2001;

(d)    Malgré la condition mentionnée à la clause 6 de l’accord, il est prévu à la clause 7 que « la conclusion du présent accord ne doit pas être interprétée comme indiquant que l’appelant est en mesure de payer la pension alimentaire de sa conjointe, au montant mentionné dans les présentes, ou qu’il est tenu de payer cette pension ».

 

 

20.   Il soutient que l’appelant n’a pas le droit de demander une déduction à l’égard des montants payés au titre de la pension alimentaire au cours des années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004 au sens de l’alinéa 60b) de la Loi parce que, compte tenu des modalités de l’accord énoncées au paragraphe 17(d) des présentes, l’appelant n’était pas tenu de verser la pension alimentaire. Il s’ensuit que la pension alimentaire ne satisfait pas à la définition de l’expression « pension alimentaire » conformément au paragraphe 56.1(4) de la Loi.

 

 

[11]           À la suite de la production, par l’appelant, des avis d’opposition aux nouvelles cotisations établies pour les années en cause, le ministre a ratifié, le 20 janvier 2006, les nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004. D’où les appels interjetés par l’appelant à la Cour canadienne de l’impôt. Je passe maintenant au jugement porté en appel.


 

LE JUGEMENT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

[12]           Après avoir procédé à l’examen des faits pertinents et des dispositions législatives applicables, à savoir le paragraphe 56.1(4) et l’alinéa 60b) de la Loi, le juge a énoncé la position sur laquelle le ministre s’est fondé pour refuser d’accorder les déductions sollicitées par l’appelant :

[15]   Le ministre a conclu que, pour l’application de l’alinéa 60b) de la Loi, l’accord de séparation ne constitue pas un document juridique ayant force obligatoire.

 

 

[13]           Afin de déterminer la validité de la position adoptée par le ministre, le juge s’est d’abord penché sur le témoignage de Me Andrea Ashenbrenner, l’avocate qui a représenté l’appelant lors de la conclusion de l’accord. Il semble que l’examen que le juge a fait du témoignage de cette dernière l’ait amené à conclure que l’accord n’était pas exécutoire. Plus particulièrement, le juge a insisté sur cette partie du témoignage de Me Ashenbrenner où elle déclare qu’elle ne croyait pas que « l’élément pension alimentaire de cet accord était exécutoire par l’entremise du Bureau des obligations familiales » (voir la transcription du contre-interrogatoire tenu le 29 juin 2009, page 67, lignes 2 à 6).

 

[14]           Le juge s’est ensuite reporté à la clause 7 de l’accord et a conclu que, conformément aux conditions qui y sont stipulées, l’appelant n’était pas tenu de payer à Mme Ferguson les sommes décrites dans l’accord comme étant une « pension alimentaire de la conjointe ». Pour reprendre les termes du juge, « l’accord de séparation ne liait pas l’appelant » (voir le paragraphe 19 de ses motifs).

 

[15]           Le juge a ensuite déclaré que pour arriver à conclure, comme il l’a fait, que l’appelant n’était pas tenu de payer une pension alimentaire à Mme Ferguson, il s’était « reportée (sic) à un certain nombre de décisions judiciaires ». En fait, la seule décision citée par le juge est celle du juge Rowe, juge suppléant à la Cour canadienne de l’impôt, dans Hock c. Canada, [2003] A.C.I. no 547 (QL), décision que la Cour a d’ailleurs confirmée dans Hock c. Canada, 2004 CAF 336).

 

[16]           Le juge a conclu ses motifs en déclarant ce qui suit au paragraphe 24 :

[24]   Étant donné que l’accord de séparation ne constituait pas un document juridique ayant force obligatoire contraignant l’appelant à effectuer, en faveur de Mme Ferguson, des paiements au titre de la pension alimentaire, j’ai conclu que l’appelant n’a pas le droit de demander une déduction à l’égard des montants payés au titre de la pension alimentaire au cours des années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004 au sens de l’alinéa 60b) de la Loi. Il s’ensuit également que la pension alimentaire ne satisfait pas à la définition de l’expression « pension alimentaire » conformément au paragraphe 56.1(4) de la Loi.

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[17]           Pour en faciliter la consultation, je reproduis les dispositions pertinentes de la Loi :

56.1  [4] Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et à l’article 56.

 

« date d’exécution »

"commencement day"

« date d’exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

a) si l’accord ou l’ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

b) si l’accord ou l’ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l’accord ou de l’ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

(ii) si l’accord ou l’ordonnance fait l’objet d’une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d’exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

(iv) le jour précisé dans l’accord ou l’ordonnance, ou dans toute modification s’y rapportant, pour l’application de la présente loi.

 

« pension alimentaire »

"support amount"

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

b) le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

« pension alimentaire pour enfants »

"child support amount"

«pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d’après l’accord ou l’ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n’est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d’un bénéficiaire qui est soit l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur, soit le parent, père ou mère, d’un enfant dont le payeur est légalement l’autre parent.

 

[…]

 

60.  Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

[…]

 

b) le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

A - (B + C)

où :

 

A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l’année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

 

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

 

C le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition antérieure;

 

[Non souligné dans l’original]

 

 

56.1  [4] The definitions in this subsection apply in this section and section 56.

 

"child support amount"

« pension alimentaire pour enfants »

"child support amount" means any support amount that is not identified in the agreement or order under which it is receivable as being solely for the support of a recipient who is a spouse or common-law partner or former spouse or common-law partner of the payer or who is a parent of a child of whom the payer is a legal parent.

 

"commencement day"

«date d’exécution »

"commencement day" at any time of an agreement or order means

 (a) where the agreement or order is made after April 1997, the day it is made; and

(b) where the agreement or order is made before May 1997, the day, if any, that is after April 1997 and is the earliest of

(i) the day specified as the commencement day of the agreement or order by the payer and recipient under the agreement or order in a joint election filed with the Minister in prescribed form and manner,

(ii) where the agreement or order is varied after April 1997 to change the child support amounts payable to the recipient, the day on which the first payment of the varied amount is required to be made,

(iii) where a subsequent agreement or order is made after April 1997, the effect of which is to change the total child support amounts payable to the recipient by the payer, the commencement day of the first such subsequent agreement or order, and

(iv) the day specified in the agreement or order, or any variation thereof, as the commencement day of the agreement or order for the purposes of this Act.

 

"support amount"

« pension alimentaire »

"support amount" means an amount payable or receivable as an allowance on a periodic basis for the maintenance of the recipient, children of the recipient or both the recipient and children of the recipient, if the recipient has discretion as to the use of the amount, and

 (a) the recipient is the spouse or common-law partner or former spouse or common-law partner of the payer, the recipient and payer are living separate and apart because of the breakdown of their marriage or common-law partnership and the amount is receivable under an order of a competent tribunal or under a written agreement; or

(b) the payer is a legal parent of a child of the recipient and the amount is receivable under an order made by a competent tribunal in accordance with the laws of a province.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

60.  There may be deducted in computing a taxpayer’s income for a taxation year such of the following amounts as are applicable:

 

(b) the total of all amounts each of which is an amount determined by the formula

A - (B + C)

where

 

A is the total of all amounts each of which is a support amount paid after 1996 and before the end of the year by the taxpayer to a particular person, where the taxpayer and the particular person were living separate and apart at the time the amount was paid,

 

B is the total of all amounts each of which is a child support amount that became payable by the taxpayer to the particular person under an agreement or order on or after its commencement day and before the end of the year in respect of a period that began on or after its commencement day, and

 

C is the total of all amounts each of which is a support amount paid by the taxpayer to the particular person after 1996 and deductible in computing the taxpayer’s income for a preceding taxation year;

 

 

[Emphasis added]

 

OBSERVATIONS DE L’APPELANT

[18]           L’appelant soutient que le juge Little a commis une erreur en concluant qu’il n’était pas lié par la clause 6 de l’accord. Plus particulièrement, l’appelant déclare que le juge a commis une erreur en s’appuyant uniquement sur le témoignage de Me Ashenbrenner. Élaborant sur le sujet, l’appelant prétend que l’opinion de Me Ashenbrenner selon laquelle la clause 6 de l’accord était inexécutoire est erronée, et ajoute que Me Ashenbrenner n’est pas une experte en droit de la famille et n’était donc pas en mesure de fournir une opinion sur cette question.

 

[19]           L’appelant soutient également qu’un autre témoin, Me Raymond Bachinski, l’avocat qui a succédé à Me Ashenbrenner à titre d’avocat en droit de la famille, a déclaré qu’il n’était pas en mesure de dire si l’accord était exécutoire par l’entremise du Bureau des obligations familiales.

 

[20]           De plus, l’appelant prétend que Hock, précité, décision sur laquelle s’est appuyé le juge, différait nettement de l’affaire en l’espèce et que, de toute façon, l’accord était clairement exécutoire en vertu de la Loi sur le droit de la famille de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. F.3 et de la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments, L.O. 1996, ch. 31.

 

OBSERVATIONS DE L’INTIMÉE

[21]           L’intimée soutient que le juge ne s’est manifestement pas appuyé uniquement sur le témoignage de Me Ashenbrenner pour conclure que l’appelant n’était pas lié par l’accord. Afin d’étayer ce point de vue, elle nous renvoie aux paragraphes 18, 19 et 24 des motifs du juge et affirme que ce dernier a fondé sa décision sur le libellé de l’accord.

 

[22]           L’intimée soutient également qu’étant donné que les dispositions de l’accord sont explicites et n’ont rien d’ambigu, par exemple la clause 7 précise que l’appelant n’était pas tenu de payer une pension alimentaire à sa conjointe, l’accord doit être exécuté.

 

[23]           L’intimée affirme aussi que la Loi sur le droit de la famille de l’Ontario ne s’applique pas à la présente affaire parce que l’accord n’a jamais été déposé devant les cours de l’Ontario, comme l’exige la Loi.

 

[24]           De plus, l’intimée affirme qu’étant donné que les versements n’étaient pas destinés uniquement à subvenir aux besoins de la bénéficiaire, Mme Ferguson, ils ne satisfont pas aux exigences du paragraphe 56.1(4) de la Loi qui prévoit que les sommes versées doivent être désignées comme étant destinées uniquement à subvenir aux besoins de l’ancienne conjointe. Elle ajoute que, selon la clause 5 de l’accord, il est évident que les sommes versées à Mme Ferguson étaient aussi destinées aux enfants et, conséquemment, ne lui étaient pas uniquement destinées.

 

[25]           Comme dernier point, l’intimée affirme qu’étant donné que Mme Ferguson ne pouvait pas « utiliser à sa discrétion » les sommes que lui avait versées l’appelant, ces versements ne répondaient pas à la définition de « pension alimentaire » prévue au paragraphe 56.1(4) de la Loi.

 

[26]           Ainsi, aux yeux de l’intimée, les sommes que l’appelant a versées à Mme Ferguson ne pouvaient être déduites de ses revenus.

 

ANALYSE

[27]           Je vais d’abord traiter des critiques faites à l’égard du juge pour s’être fondé uniquement sur le témoignage de Me Ashenbrenner. À mon avis, il est facile de trancher cette question. Le témoignage de Me Ashenbrenner sur lequel le juge s’est fondé, partiellement du moins, a porté sur la question de savoir si l’appelant était lié ou non par la clause 6 de l’accord. Plus précisément, le juge s’est fondé sur cette partie du témoignage de Me Ashenbrenner où elle s’est fait demander son opinion sur le caractère exécutoire de l’élément « pension alimentaire de la conjointe » de l’accord « par l’entremise du Bureau des obligations familiales » (voir la transcription du contre-interrogatoire tenu le 29 juin 2009, page 67, lignes 2 à 6). Dans ce contexte, il est plutôt étonnant que le juge ne se soit pas reporté à la partie du témoignage où elle exprime l’opinion selon laquelle la clause 7 de l’accord [traduction] « n’a eu aucune incidence sur le caractère exécutoire de l’accord ou sur la responsabilité de l’appelant découlant de celui‑ci » (voir la transcription du contre-interrogatoire de Me Ashenbrenner tenu le 29 juin 2007, page 51, lignes 18 à 23).

 

[28]           Les questions posées à Me Ashenbrenner et les réponses qu’elle a fournies en retour concernaient nettement, à mon humble avis, une question de droit à être tranchée par le juge. Il est bien établi en droit que les questions de droit ne sont pas des questions à l’égard desquelles les tribunaux vont admettre des témoignages d’opinion. Dans The Law of Evidence in Canada, John Sopinka & Sidney N. Lederman & Alan M. Bryant, 2d ed. (Toronto et Vancouver : Butterworths) p. 640, par. 12.83, voici ce que disent les auteurs :

[traduction] Les questions de droit interne, contrairement au droit étranger, ne sont pas des questions pour lesquelles un tribunal admettra des témoignages d’opinion.

 

 

[29]           Afin d’étayer la proposition qui précède, les auteurs se reportent à l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, R. c. Century 21 Ramos Realty Inc. (1987), 58 O.R. (2d) 737, p. 752, dans lequel la Cour a énoncé le principe comme suit :

[traduction] Le juge était saisi d’une question de droit, à savoir ce que constitue une appropriation. Il appartenait au juge de déterminer, conformément à la définition légale, s’il y avait eu appropriation et quand cette appropriation avait eu lieu. Il ne s’agissait pas d’une question sur laquelle un témoin expert pouvait témoigner.

 

 

[30]           Conséquemment, le juge a eu tort de s’appuyer, ne serait-ce qu’en partie, sur l’opinion de Me Ashenbrenner quant à savoir si l’accord était exécutoire ou si l’appelant était lié par ses conditions.

 

[31]           Ce qui est pertinent, cependant, c’est cette partie du témoignage de Me Ashenbrenner où elle explique la raison de l’insertion de la clause 7 dans l’accord. Voici l’explication qu’elle donne aux lignes 8 à 17 de la page 51 de la transcription :

[traduction] L’objectif de la clause sept n’était pas d’établir un statu quo en ce qui concerne ce versement mensuel de deux mille dollars. J’ai voulu éviter que plus tard, lorsque la maison serait vendue et que Mme Ferguson occuperait un emploi, elle puisse faire valoir que, eh bien, il m’a versé deux mille dollars par mois. En ce qui concerne le versement mensuel de deux mille dollars, il y a statu quo et il devrait continuer à me verser deux mille dollars par mois.

 

[Je souligne.]

 

 

[32]           Dans son témoignage, Me Ashenbrenner a aussi affirmé qu’une disposition comme celle de la clause 7 était courante dans le cas d’accords provisoires. La question et la réponse suivantes figurent à la page 53 de la transcription :

[traduction] Q.    Est-ce que vous pourriez partager avec nous vos idées en ce qui concerne l’inclusion dans l’accord provisoire de clauses comme la clause sept? Est-il commun d’inclure dans des accords provisoires une clause comme la clause sept?

 

R.    Oui, on retrouve ce type de clause dans un accord. En particulier dans un accord provisoire, alors qu’on attend qu’un événement se produise. Dans la présente, il s’agissait d’attendre que la maison soit vendue, il ne s’agissait donc pas d’établir un statu quo pour l’avenir, parce que les besoins financiers de Mme Ferguson allaient être plus importants pendant qu’elle continuerait d’occuper la résidence.

 

[Je souligne.]

 

 

[33]           Je me penche maintenant sur la clause 7 de l’accord en gardant ce témoignage à l’esprit.

 

[34]           En se fondant sur le témoignage de Me Ashenbrenner et sur son interprétation de la clause 7, le juge a conclu que l’appelant n’était pas légalement obligé de faire un versement mensuel de 2 000 $ à Mme Ferguson. Selon moi, le juge a commis une erreur en arrivant à cette conclusion.

 

[35]           Premièrement, comme je viens de le déterminer, le juge n’aurait pas dû tenir compte du témoignage de Me Ashenbrenner. Deuxièmement, compte tenu de toutes les autres dispositions de l’accord, je suis convaincu que son interprétation de la clause 7 ne peut être raisonnablement étayée.

 

[36]           Si l’on veut donner une interprétation correcte de la clause 7, il convient de citer certaines clauses de l’accord afin de la replacer dans son contexte. En d’autres termes, il est nécessaire d’examiner le contrat dans son ensemble pour bien saisir les intentions des parties. Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans W.J. Hopgood & Son c. Feener, [1921] 62 R.C.S. 534, p. 540 :

[traduction] L’objectif de la Cour lorsqu’elle interprète un contrat doit être de déterminer l’intention des parties et de lui donner effet, à partir du contrat dans son ensemble et non d’une seule disposition dissociée de son contexte.

 

[37]           Je commence par le préambule de l’accord qui se lit, en partie, comme suit :

[traduction] ET ATTENDU QUE les parties ont convenu de conclure un accord provisoire devant être en vigueur pendant les négociations entourant l’accord de séparation ou en attendant le prononcé d’une ordonnance par un tribunal compétent, ou la conclusion de la vente de la résidence familiale située au 2240, 15th Side Road, Thunder Bay (Ontario), selon le premier de ces deux événements;

 

[Je souligne.]

 

[38]           Je reproduis aussi les clauses 6, 7 et 8, qui se trouvent sous la rubrique intitulée PENSION ALIMENTAIRE DE LA CONJOINTE :

[traduction] 6.    M. Syrek versera à Mme Ferguson, au titre de la pension alimentaire, la somme mensuelle de 2 000 $, payable toutes les deux semaines par versements de 923 $ à compter du 6 décembre 2001, et par la suite il continuera à verser cette somme toutes les deux semaines, de façon que ce paiement coïncide avec ses périodes de paie.

 

7.    M. Syrek et Mme Ferguson reconnaissent que la conclusion du présent accord ne doit pas être interprétée comme indiquant que M. Syrek est en mesure de payer la pension alimentaire de sa conjointe, au montant mentionné dans les présentes, ou qu’il est tenu de payer cette pension.

 

8.    M. Syrek et Mme Ferguson conviennent que le présent accord est conclu sous réserve de tout droit qu’ils peuvent avoir de faire trancher par les tribunaux judiciaires la question de la pension alimentaire de la conjointe, le présent accord ne devant pas être mentionné par M. Syrek ou par Mme Ferguson, personnellement ou par l’entremise de leurs avocats, de tout mandataire dans toute instance que l’un ou l’autre aura engagée au sujet de la pension alimentaire, devant toute cour ou sous le régime de toute loi, à la suite de la rupture de la relation entre M. Syrek et Mme Ferguson, pour autant que cet accord portant sur la pension alimentaire de la conjointe puisse être divulgué à l’Agence des douanes et du revenu du Canada ou à tout tribunal constitué en vertu des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[39]           Enfin, la clause 12 de l’accord est pertinente et se lit comme suit :

[traduction] 12.    Le présent accord demeure en vigueur et continue de produire ses effets jusqu’à la survenance du premier des événements suivants :

(a)                Les parties négocient un accord de séparation qui prévoit que le présent accord est résilié;

(b)                Une des parties obtient d’un tribunal compétent une ordonnance qui précise le montant de la pension alimentaire que M. Syrek versera à Mme Ferguson;

(c)                La vente de la résidence familiale située au 2240, 15th Side Road, Thunder Bay (Ontario) est conclue;

 

 

[Je souligne.]

 

 

[40]           Comme l’indiquent clairement le préambule et la clause 12 de l’accord, il s’agit d’un accord « devant être en vigueur » et qui « demeure en vigueur et continue de produire ses effets » jusqu’à la survenance du premier des événements suivants : (i) la conclusion d’un accord de séparation prévoyant que l’accord est résilié; (ii) le prononcé par un tribunal compétent d’une ordonnance précisant le montant de la pension alimentaire que M. Syrek versera à Mme Ferguson; (iii) la vente de la résidence familiale. Je dois préciser, à ce moment‑ci, qu’aucun autre accord de séparation n’a été conclu entre les parties et qu’aucune ordonnance n’a été rendue par le tribunal. Par contre, la résidence familiale a été vendue en mars 2007.

 

[41]           Compte tenu de ces dispositions, et abstraction faite pour l’instant de la clause 7, il ne fait aucun doute que les parties voulaient manifestement que l’appelant soit tenu de verser mensuellement 2 000 $ à Mme Ferguson jusqu’à la survenance de l’un des événements susmentionnés.

 

[42]           Le juge n’a guère fourni d’explication quant à son interprétation de la clause 7, se limitant en effet à dire ceci, aux clauses 18 à 20, immédiatement après avoir examiné le témoignage de Me Ashenbrenner :

[18]  L’article 7 de l’accord de séparation prévoit que [traduction] « [...] [le] présent accord ne doit pas être interprété comme indiquant que M. Syrek est en mesure de payer la pension alimentaire de sa conjointe, au montant mentionné dans les présentes, ou qu’il est tenu de payer cette pension ».

 

[19]  J’ai examiné le libellé du paragraphe 7 de l’accord de séparation et j’ai conclu que l’appelant n’était pas tenu de verser les montants susmentionnés au titre de la pension alimentaire de sa conjointe. En d’autres termes, l’accord de séparation ne liait pas l’appelant.

 

[20]  En concluant que l’accord de séparation ne créait pas d’obligation légale de verser une pension alimentaire à Mme Ferguson, je me suis reportée (sic) à un certain nombre de décisions judiciaires.

 

 

[43]           Lorsqu’il s’agit de déterminer ce que signifie la clause 7, il peut aussi être utile de tenir compte de la clause 8 de l’accord et du témoignage de Me Ashenbrenner, reproduit aux paragraphes 31 et 32 ci‑dessus, où elle donne les raisons pour lesquelles la clause 7 a été insérée dans l’accord, à savoir qu’il s’agissait de ne pas « établir un statu quo ». À mon avis, les clauses 7 et 8 doivent être interprétées comme un tout et en tenant compte du préambule et de la clause 12.

 

[44]           Il est clair que la clause 8 prévoit que l’accord est conclu sous réserve de tout droit que les parties peuvent avoir de faire trancher la question de la pension alimentaire de la conjointe par un tribunal compétent et qu’il ne doit être mentionné dans aucune instance « pour autant que cet accord portant sur la pension alimentaire de la conjointe puisse être divulgué à l’Agence des douanes et du revenu du Canada [l’« ADRC »] ou à tout tribunal constitué en vertu des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu ».

 

[45]           Ainsi, dans les derniers mots de la clause 8, les parties reconnaissent en effet le droit de l’appelant de divulguer les documents à l’ADRC pour les besoins de sa déclaration d’impôt sur le revenu et, partant, son droit éventuel de demander des déductions à l’égard de son revenu imposable.

 

[46]           Quant au préambule et à la clause 12, que j’ai déjà reproduits, ils confirment clairement que les parties voulaient que l’accord demeure en vigueur et continue de produire ses effets jusqu’à la survenance de l’un des événements y indiqués. Autrement dit, les parties étaient liées par les conditions de l’accord jusqu’à la survenance du premier de ces événements.

 

[47]           Dans l’arrêt Consolidated Bathurst Export Ltd. c. Mutual Boiler & Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888, la Cour suprême du Canada a expliqué l’approche que doit adopter le tribunal dans l’interprétation d’un contrat. D’abord, le tribunal doit chercher à déterminer l’intention des parties qui se dégage des mots qu’elles ont employés. Si ces mots devaient être flous et ambigus, le tribunal devrait alors rechercher une interprétation qui, vu l’ensemble du contrat, reconnaît l’intention des parties au moment où elles ont contracté.

 

[48]           Même si dans Consolidated Bathurst, précité, la Cour était saisie d’une affaire de contrat d’assurance, les propos du juge Estey, s’exprimant au nom de la Cour, sont tout à fait pertinents pour la question qui nous est soumise (aux pages 901 et 902) :

Même indépendamment de la doctrine contra proferentem dans la mesure où elle est applicable à l’interprétation des contrats, les règles normales d’interprétation amènent une cour à rechercher une interprétation qui, vu l’ensemble du contrat, tend à traduire et à présenter l’intention véritable des parties au moment où elles ont contracté. Dès lors, on ne doit pas utiliser le sens littéral lorsque cela entraînerait un résultat irréaliste ou qui ne serait pas envisagé dans le climat commercial dans lequel l’assurance a été contractée. Lorsque des mots sont susceptibles de deux interprétations, la plus raisonnable, celle qui assure un résultat équitable, doit certainement être choisie comme l’interprétation qui traduit l’intention des parties. De même, une interprétation qui va à l’encontre des intentions des parties et du but pour lequel elles ont à l’origine conclu une opération commerciale doit être écartée en faveur d’une interprétation de la police qui favorise un résultat commercial raisonnable C’est un truisme de faire remarquer que l’on doit éviter une interprétation d’une clause contractuelle ambiguë qui rendrait futile l’effort déployé par l’assuré pour obtenir la protection d’une assurance. En d’autres mots, les cours devraient être réticentes à appuyer une interprétation qui permettrait soit à l’assureur de toucher une prime sans risque soit à l’assuré d’obtenir une indemnité que l’on n’a pas pu raisonnablement rechercher ni escompter au moment du contrat.

 

[Je souligne.]

 

 

[49]           Dans The Law of Contract in Canada, 5th ed. (Toronto : Thomson-Carswell, 2006), aux pages 455 et 456, l’auteur, G.H.L. Fridman, affirme qu’on ne peut appliquer la règle selon laquelle il faut donner aux mots employés dans un contrat leur sens ordinaire si [traduction] « le respect de cette règle a pour effet de rendre certaines parties du contrat incompatibles entre elles ». En fait, même si la clause 6 prévoit en termes clairs et non équivoques que l’appelant doit verser à Mme Ferguson 2 000 $ par mois, le juge a estimé qu’en raison de la clause 7 l’appelant a répudié l’engagement contenu à la clause 6. À mon avis, l’interprétation adoptée par le juge rend certaines clauses de l’accord incompatibles entre elles.

 

[50]           À mon avis, si on considère l’accord dans son ensemble, ainsi que le témoignage de Me Ashenbrenner mentionné aux paragraphes 31 et 32 des présents motifs, l’interprétation la plus raisonnable qui puisse être faite de la clause 7, c’est qu’elle visait à empêcher que, dans toute instance engagée au sujet de la pension alimentaire, Mme Ferguson puisse invoquer que l’appelant avait accepté de lui verser mensuellement 2 000 $. En d’autres mots, cette clause a été insérée dans l’accord pour empêcher Mme Ferguson de prétendre que l’engagement pris par l’appelant de lui verser mensuellement 2 000 $ constituait une preuve de la capacité de ce dernier, et par le fait même de son obligation, de lui payer une pension alimentaire dans l’avenir, c’est‑à‑dire après la survenance du premier des événements mentionnés à la clause 12 de l’accord.

 

[51]           Je conclus donc que la clause 7 de l’accord n’étaye pas la conclusion à laquelle est arrivé le juge. À mon humble avis, il est évident que l’appelant était lié par les conditions de l’accord et, en particulier, qu’il était tenu, conformément à la clause 6, de verser mensuellement la somme de 2 000 $ à Mme Ferguson.

 

[52]           Une dernière question doit être examinée. Au paragraphe 17 de sa réponse à l’avis d’appel, le ministre a énoncé les hypothèses de fait sur lesquelles il s’était fondé pour établir les nouvelles cotisations de l’appelant. Plus précisément, se fondant sur le fait qu’en raison de la clause 7 de l’accord, l’appelant n’était pas tenu de payer une pension alimentaire à sa conjointe, Mme Ferguson, le ministre a indiqué, au paragraphe 20 de sa réponse, que les versements effectués par l’appelant ne répondaient pas à la définition de « pension alimentaire » contenue au paragraphe 56.1(4) de la Loi.

 

[53]           Cependant, l’avocat de l’intimée a soutenu devant la Cour canadienne de l’impôt et devant la Cour qu’il y avait d’autres motifs pour lesquels le ministre avait refusé d’accorder les déductions demandées par l’appelant. Plus précisément, et j’y ai déjà fait allusion aux paragraphes 24 et 25 où j’expose les observations de l’intimée dans le présent appel, cette dernière soutient qu’étant donné que les versements n’étaient pas destinés uniquement à subvenir aux besoins de Mme Ferguson et qu’elle ne pouvait pas utiliser les montants à sa discrétion, ils ne répondent pas à la définition de « pension alimentaire » contenue au paragraphe 56.1(4) de la Loi.

 

[54]           Je dois souligner que, même si l’intimée a fait ces observations devant la Cour canadienne de l’impôt, le juge n’en a pas tenu compte, possiblement en raison de la conclusion à laquelle il en était venu à l’égard de la clause 7 de l’accord.

 

[55]           À mon avis, les observations de l’intimée sont sans fondement. D’abord, selon ma compréhension de l’accord, et en particulier de ses clauses 5 et 6, je ne peux concevoir que l’on puisse prétendre que les versements en question n’aient pas été destinés uniquement à subvenir aux besoins de Mme Ferguson. La clause 6 est sous la rubrique intitulée PENSION ALIMENTAIRE DE LA CONJOINTE et précise que l’appelant « versera » à Mme Ferguson « au titre de la pension alimentaire » la somme mensuelle de 2 000 $. Quant à la clause 5, elle indique que chacune des parties à l’accord assurera une [traduction] « pension alimentaire aux enfants issus de la relation pendant qu’elle en a la garde, sans que l’autre partie ne contribue à cette pension ». Conséquemment, compte tenu du libellé précis de cette disposition, les 2 000 $ que l’appelant devait verser à Mme Ferguson n’étaient pas destinés aux besoins des enfants.

 

[56]           Il s’ensuit que, comme le soutient l’intimée, les sommes en question ne constituaient pas une « pension alimentaire pour enfants » au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi.

 

[57]           En dernier lieu, l’intimée soutient que Mme Ferguson ne pouvait pas utiliser à sa discrétion les sommes reçues et que, conséquemment, les versements faits par l’appelant ne répondent pas à la définition de « pension alimentaire ». Je le répète, cette observation n’a aucun fondement.

 

[58]           Pour invoquer cet argument, l’intimée se fonde sur la clause 10(a) de l’accord, qui se lit comme suit :

            [traduction]

10.    En attendant que la résidence familiale soit vendue, les parties conviennent que Mme Ferguson a le droit d’y demeurer et de jouir de son usage et de sa possession, sous réserve des conditions suivantes :

(a)          Mme Ferguson s’engage à acquitter toutes les sommes échues ou à échoir en principal, intérêt et taxes, en vertu de l’hypothèque grevant la résidence familiale, ou toute charge y afférente, ainsi que les taxes municipales, les assurances contre l’incendie et autres risques, et les autres frais financiers, notamment pour le chauffage, l’électricité et l’eau, et tous les services publics se rapportant à cette résidence familiale. Quand la résidence familiale sera vendue, Mme Ferguson n’aura droit à aucun crédit en raison des paiements qu’elle aura effectués et M. Syrek n’aura droit à aucun crédit à titre d’indemnité d’occupation.

 

 

[59]           Selon l’intimée, puisque Mme Ferguson était obligée d’effectuer les paiements susmentionnés, elle ne pouvait pas utiliser à sa discrétion les 2 000 $ reçus mensuellement. À mon avis, cela n’est pas une interprétation juste de la clause 10(a). Il n’est indiqué nulle part dans l’accord que les versements faits à Mme Ferguson sont conditionnels à ce qu’elle acquitte les frais indiqués à la clause 10(a). Au contraire, ce qui est clairement stipulé à la clause 10(a), c’est que si Mme Ferguson [traduction] « demeure dans la résidence familiale et jouit de son usage et de sa possession », elle doit acquitter les frais qui y sont prévus. Cependant, j’estime que si Mme Ferguson avait décidé de ne pas habiter la résidence familiale, elle n’aurait pas eu à faire les paiements prévus à la clause 10(a). Je conclus donc que Mme Ferguson pouvait utiliser à sa discrétion les sommes reçues de l’appelant.

 

[60]           Il en résulte que les sommes réclamées par l’appelant à titre de déduction de son revenu imposable pour les années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004 constituent une « pension alimentaire » conformément au paragraphe 56.1(4) et à l’alinéa 60(1)b) de la Loi.


 

DISPOSITIF

[61]           Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens contre l’intimée, Sa Majesté la Reine, j’annulerais la décision prononcée le 17 août 2007 par la Cour canadienne de l’impôt, j’accueillerais l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004 avec dépens, et je déférerais l’affaire au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation étant donné que les sommes réclamées sont déductibles, puisqu’elles répondent à la définition de « pension alimentaire » prévue au paragraphe 56.1(4) et à l’alinéa 60b) de la Loi.

 

 

« M. Nadon »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

            Alice Desjardins, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            Pierre Blais j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Judes Basque, B. Trad.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-428-07

 

INTITULÉ :                                                                           MICHAEL SYREK c.

  S.M.R. et CHARLENE              FERGUSON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 4 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE NADON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 23 février 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Harris

POUR L’APPELANT

 

 

Julien Bédard

POUR L’INTIMÉE

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

MacIvor Harris Roddy LLP

Thunder Bay (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

 

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