Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20190304


Dossier : A-254-18

Référence : 2019 CAF 39

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

 

 

HUGH MACKENZIE

 

 

appelant

 

 

et

 

 

LE BUREAU DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS DU CANADA

 

 

intimé

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 11 février 2019.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 mars 2019.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LASKIN


Date : 20190304


Dossier : A-254-18

Référence : 2019 CAF 39

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

 

 

HUGH MACKENZIE

 

 

appelant

 

 

et

 

 

LE BUREAU DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS DU CANADA

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR

[1]  L’appelant, Hugh Mackenzie, interjette appel de la décision rendue le 13 juillet 2018 par la Cour fédérale (2018 CF 728), laquelle a rejeté sa demande de contrôle judiciaire d’un avis (l’avis) délivré par l’intimé, le Bureau de la sécurité des transports du Canada, en vertu du paragraphe 19(9) de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, L.C. 1989, ch. 3 (la Loi), obligeant l’appelant à produire certains renseignements.

[2]  L’appelant est le directeur général de Kingston and the Islands Boatlines Ltd. (KIB), qui exploite des bateaux d’excursion dans la région des Mille-Îles, près de Kingston, en Ontario. Le 8 août 2017, un des navires de KIB, le Island Queen III, a touché le fond près de l’île Whisky et a embarqué de l’eau (l’accident maritime). Personne ne conteste qu’il s’agissait d’un accident maritime au sens de la Loi. L’intimé a enquêté sur l’accident maritime et il a, au cours de cette enquête, demandé à l’appelant de lui fournir les coordonnées de témoins. L’appelant a refusé de lui donner ce renseignement. L’intimé a donc délivré l’avis exigeant que l’appelant lui fournisse certains renseignements à propos des passagers qui étaient à bord au moment de l’accident maritime ainsi que la liste des membres d’équipage des navires exploités par KIB.

[3]  Devant la Cour fédérale, l’appelant a allégué en vain que l’avis allait trop loin et qu’il violait le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives prévu à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11. Il a demandé à la Cour fédérale de radier des parties de l’avis ou d’obliger l’intimé à expliquer en quoi les renseignements demandés étaient pertinents pour l’enquête. Il souhaitait aussi présenter de nouveaux éléments de preuve au sujet d’autres enquêtes que l’intimé aurait menées dans le cadre d’une vérification à l’échelle de l’industrie et a demandé à la Cour de radier un affidavit assermenté de l’administrateur en chef des opérations de l’intimé, M. Jean Laporte, au motif que cet affidavit contenait des ouï-dire et provenait d’une personne n’ayant aucune expérience de la conduite d’enquêtes.

[4]  L’appelant soulève certains des mêmes arguments devant la Cour. Il affirme que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que les renseignements demandés dans l’avis étaient pertinents pour l’enquête. De plus, l’appelant affirme que la Cour fédérale a commis une erreur en ne concluant pas qu’aux termes du paragraphe 19(9) de la Loi, l’avis doit être autorisé par un enquêteur qui se livre [traduction] « à l’enquête» sur l’accident maritime, plutôt que par le capitaine Steven Neatt, l’enquêteur basé à Québec qui a signé l’avis. L’appelant ajoute que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que l’intimé ou le capitaine Neatt, en particulier, avaient des motifs raisonnables de croire que lui, l’appelant, possédait des renseignements pertinents pour l’enquête. Il répète que la Cour fédérale aurait dû radier l’affidavit de M. Laporte.

[5]  En appel d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour est tenue de décider si la Cour fédérale a déterminé la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement, en se « met[tant] à la place » de la Cour fédérale et en se concentrant sur la décision administrative en litige (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, aux paragraphes 45 à 47, [2013] 2 R.C.S. 559). Comme l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de délivrer l’avis en vertu de sa loi constitutive, la Cour fédérale a correctement appliqué la norme de la décision raisonnable.

[6]  Je n’estime pas l’appel bien-fondé. Le paragraphe 19(9) de la Loi prévoit expressément qu’un employé de l’intimé faisant enquête sur un accident de transport peut délivrer un avis exigeant que des renseignements pertinents pour l’enquête soient produits. Ce pouvoir renforce le large mandat que l’alinéa 7(1)a) de la Loi confie à l’intimé en matière d’avancement de la sécurité des transports, mandat que l’intimé remplit entre autres « en procédant à des enquêtes indépendantes […] sur les accidents de transport choisis, afin d’en dégager les causes et les facteurs […] ». Les renseignements demandés concernant les passagers à bord au moment de l’accident maritime et la liste des membres d’équipage des navires exploités par KIB sont pertinents pour l’enquête de l’intimé. L’avis faisait partie d’un effort légitime visant à obtenir des renseignements pertinents de la part de témoins qui étaient présents au moment de l’accident maritime ou qui avaient de l’expérience des activités de KIB. Par conséquent, la Cour fédérale a conclu à juste titre que l’avis constituait une utilisation raisonnable des pouvoirs que la Loi confère à l’intimé pour qu’il s’acquitte de son mandat légal. Il n’y a aucune raison pour que la Cour intervienne.

[7]  De même, je conclus que les arguments de l’appelant selon lesquels le capitaine Neatt n’était pas autorisé à signer l’avis ou qu’il n’avait pas de motifs raisonnables de croire que l’appelant possédait des renseignements pertinents ne sont pas fondés. Rien dans le paragraphe 19(9) de la Loi n’oblige l’enquêteur qui délivre un avis à se trouver physiquement là où l’accident de transport donnant lieu à l’enquête s’est produit, ni à avoir mené le volet « sur le terrain » de l’enquête. Le capitaine Neatt était coresponsable de l’équipe d’enquêteurs affectés à l’accident maritime, et il était tout à fait normal qu’il signe l’avis.

[8]  On s’attendrait à ce que l’appelant, en sa qualité de directeur général de KIB, dispose des renseignements demandés en l’espèce, c’est-à-dire les coordonnées des passagers qui se trouvaient à bord de l’Island Queen III le 8 août 2017 ainsi que celles des personnes qui travaillaient à bord des autres navires de KIB. Il n’y par conséquent aucune raison pour que la Cour intervienne relativement à l’avis qui a été signifié à l’appelant.

[9]  Enfin, la Cour fédérale a, à juste titre, refusé de radier l’affidavit de M. Laporte, ayant déterminé que M. Laporte avait, en fait, une vaste expérience des enquêtes et que le ouï-dire était admissible parce qu’il satisfaisait au critère de nécessité et de fiabilité selon l’approche des principes décrite dans l’arrêt R. c. Khelawon, 2006 CSC 57, [2006] 2 R.C.S. 787. Encore une fois, il n’y a aucune raison d’intervenir.

[10]  Je rejetterais l’appel, avec dépens adjugés au montant de 4 000 $ en faveur de l’intimé, tout compris, comme les parties en ont convenu.

« D. G. Near »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J.B. Laskin j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT RENDU LE 13 JUILLET 2018 PAR L’HONORABLE JUGE O’REILLY, DE LA COUR FÉDÉRALE, DANS LE DOSSIER NT-1720-17 (RÉFÉRENCE NO 2018 CF 728)

DOSSIER :

A-254-18

 

INTITULÉ :

HUGH MACKENZIE c. LE BUREAU DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 FÉVRIER 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LASKIN

DATE DES MOTIFS :

LE 4 MARS 2019

COMPARUTIONS :

Alan S. Cofman

POUR L’APPELANT

Barbara McIsaac, c.r.

POUR L’INTIMÉ

Patrizia Huot

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fernandes Hearn LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANT

Barbara McIsaac Law

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada

Gatineau (Québec)

POUR L’INTIMÉ

Conway Baxter Wilson LLP

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

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