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Date : 20090504

Dossier : A-416-08

Référence : 2009 CAF 141

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE BLAIS

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

YVES CARON

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 4 mai 2009.

Jugement rendu à l’audience à Québec (Québec), le 4 mai 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                               LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Date : 20090504

Dossier : A-416-08

Référence : 2009 CAF 141

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE BLAIS

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

YVES CARON

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Québec (Québec), le 4 mai 2009)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]               Après avoir émis au défendeur six avis disciplinaires pour absentéisme, l’employeur a décidé de le congédier : voir dossier du demandeur, aux pages 53 à 66, les avis en question.

 

[2]               Par ces avis, le défendeur fut informé que ces absences étaient injustifiées, qu’il avait l’obligation de fournir une prestation de travail, que la situation était intolérable et que « des mesures définitives » seraient prises. Le défendeur connaissait la politique de l’employeur en matière d’absentéisme. Il savait qu’il serait congédié : ibidem, à la page 67, voir la déclaration extrajudiciaire du défendeur en ce sens, reprise à la page 112 de la décision du conseil arbitral.

 

[3]               La Commission de l’assurance-emploi (Commission) a refusé de verser des prestations de chômage au défendeur en se fondant sur l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (Loi). Cet article exclut du bénéfice des prestations le travailleur qui perd son emploi par suite de son inconduite.

 

[4]               Sur division, le conseil arbitral a accueilli l’appel du défendeur à l’encontre de la décision de la Commission. À la lecture de la décision de la majorité, il est évident qu’il existait chez les décideurs une certaine confusion relativement à la légitimité du congédiement par l’employeur et à la notion d’inconduite au sens de la Loi. À notre avis, cette confusion a entaché la décision du conseil arbitral, lequel consciemment ou non s’est érigé en censeur du comportement de l’employeur. Dans l’affaire Procureur général du Canada c. McNamara, 2007 CAF 107, au paragraphe 23, notre Cour rappelait que « [l]’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé » : voir aussi Procureur général du Canada c. Lee, 2007 CAF 406, aux paragraphes 4 à 6, par la juge Trudel.

 

[5]               Dans l’arrêt Mishibinijima c. Procureur général du Canada, 2007 CAF 36, qui impliquait un congédiement pour absentéisme, le juge Nadon écrit aux paragraphes 14 et 32 des motifs de sa décision :

[14]     Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c'est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l'exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu'il soit congédié.

 

[32]      On ne peut contester, selon moi, que l'employé qui ne se présente pas plusieurs fois au travail manque gravement à son contrat d'emploi, a fortiori s'il a été averti par son employeur que son comportement aboutirait à son congédiement.

 

Voir aussi l’arrêt Canada (Procureur général) c. Pearson, 2006 CAF 199, aux paragraphes 7, 17, 18 et 19.

 

[6]               Dans sa décision (voir CUB 70755, aux pages 9 et 10), le juge-arbitre a, en affirmant celle du conseil arbitral, endossé deux erreurs de droit et une erreur de fait du conseil arbitral qui ont eu un impact significatif sur la décision qu’il a prise.

 

[7]               Premièrement, le conseil arbitral a limité à douze (12) mois, tel que stipulé à la convention collective, la rétroactivité pour des mesures disciplinaires suite à des gestes de même nature : ibidem, à la page 5, l’article 13.05. Or, pour les fins de l’inconduite en vertu de l’article 30 de la Loi, cette limite temporelle n’existe pas : voir Procureur général du Canada c. Hallée, 2008 CAF 159, aux paragraphes 2 et 11.

 

[8]               Deuxièmement, le conseil arbitral n’a pas tenu compte du fait qu’antérieurement au 7 juillet 2005, il y avait eu deux rencontres de l’employeur avec le défendeur pour discuter de son absentéisme. Ces rencontres eurent lieu respectivement les 18 mai et 16 septembre 2004.

 

[9]               Le conseil arbitral s’est bien évidemment mépris lorsqu’il a affirmé que le défendeur n’avait pas « eu des problèmes similaires depuis son engagement en octobre 2002 » alors que la preuve documentaire au dossier révélait une problématique similaire antérieure à la date de mai 2005 qu’il a retenue comme point de départ des problèmes d’absentéisme du défendeur. Il a donc omis de considérer cette preuve, commettant par là une erreur de droit.

 

[10]           Enfin, il s’est aussi mépris dans les faits lorsqu’il a affirmé que tout avait débuté en mai 2005 après que le défendeur eut subi un accident de travail.

 

[11]           Nous sommes satisfaits, eu égard à la preuve et à l’état du droit en matière d’inconduite, que le conseil arbitral en serait venu à une conclusion contraire à celle qu’il a prise s’il n’avait pas commis les erreurs que le demandeur lui reproche.

 

[12]           Il était du devoir du juge-arbitre d’apporter les correctifs requis, ce qu’il n’a pas fait.

 

[13]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie avec dépens, la décision du juge-arbitre annulée et l’affaire sera retournée au juge-arbitre en chef, ou au juge-arbitre qu’il désignera, pour qu’il la décide à nouveau en tenant pour acquis que l’appel de la Commission doit être accueilli et que le défendeur doit être exclu du bénéfice des prestations en raison de son inconduite au sens de l’article 30 de la Loi.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-416-08

 

(CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE GUY GOULARD DU 26 JUIN 2008, No DU DOSSIER CUB 70755.)

 

INTITULÉ :                                                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. YVES CARON         

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Québec (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 4 mai 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE BLAIS

                                                                                                LA JUGE TRUDEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :                                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pauline Leroux 

Chantal Labonté

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Isabelle Lacas

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Pépin et Roy, avocat-e-s

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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