Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20090331

Dossier : A-214-08

Référence : 2009 CAF 101

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Devant l’honorable juge Sharlow

 

Entre :

HOLY ALPHA AND OMEGA CHURCH OF TORONTO

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

Examen par écrit sans comparution des parties.

 

Ordonnance délivrée à Ottawa (Ontario), le 31 mars 2009.

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :                                                                      LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20090331

Dossier : A-214-08

Référence : 2009 CAF 101

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Devant l’honorable juge Sharlow

 

Entre :

HOLY ALPHA AND OMEGA CHURCH OF TORONTO

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

ORDONNANCE ET MOTIFS

LA JUGE SHARLOW

[1]               La demanderesse, Holy Alpha and Omega Church of Toronto (HOAC) sollicite une ordonnance en vertu de l’alinéa 168(2)(b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e Supp.) pour reporter la révocation de son inscription à titre d’organisme de bienfaisance jusqu’à la résolution de son opposition et de tout appel qui pourrait en découler. La Cour est saisie d’une motion du défendeur (la Couronne) pour obtenir une autorisation en vertu de l’article 312 des Règles de la Cour fédérale, DORS/98-106, afin de déposer un affidavit complémentaire. HOAC s’oppose à la motion.

 

[2]               La décision d’accorder ou de refuser une autorisation de déposer un affidavit complémentaire en vertu de l’article 312 est discrétionnaire. Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la considération primordiale est celle de savoir si l’autorisation de la Couronne de déposer l’affidavit complémentaire va dans le sens des intérêts de la justice. De manière générale, il convient d’examiner les questions suivantes :

a)      La preuve que l’on demande de présenter était-elle disponible lorsque la partie a déposé ses affidavits en vertu de l’article 306 ou 308, selon le cas, ou la diligence raisonnable aurait-elle pu rendre cette preuve accessible?

b)      La preuve aidera-t-elle la Cour par sa pertinence à une question devant faire l’objet d’une décision et sa valeur assez probante pour se répercuter sur le résultat?

c)      La preuve causera-t-elle un préjudice sensible ou grave à la partie adverse?

(Voir Atlantic Engraving Ltd. c. Lapointe Rosenstein, 2002 CAF 503, aux paragraphes 8 et 9.)

 

[3]               HOAC est inscrite comme organisme de bienfaisance aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu. En avril 2008, HOAC a reçu un avis d’intention de révoquer son inscription. De nombreux motifs étaient donnés à l’appui de la révocation proposée. Il est allégué que (1) HOAC n’a pas tenu des dossiers et des registres adéquats permettant aux vérificateurs de l’impôt d’établir la véridicité des dépenses réclamées à hauteur de plus de 2,3 millions de dollars en 2003 et en 2004; (2) seule une faible portion des revenus réclamés par HOAC pour ces années correspondaient à des dépôts bancaires; (3) HOAC n’a exercé aucun contrôle ni suivi des fonds dont il a été allégué qu’elle les a virés à l’étranger; et (4) HOAC n’a pas obtenu les renseignements obligatoires pour les reçus officiels de dons pour les cadeaux en nature, ni donné d’explication pour 2 499 quittances de dons numérotés qu’elle n’a pas pu produire.

 

[4]               HOAC a déposé un avis d’opposition en vertu du paragraphe 168(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Toutefois, l’examen en cours de son opposition n’empêche pas le ministre de faire avancer la révocation en publiant l’avis dans la Gazette du Canada exigé par le paragraphe 168(2).

[5]               Le 9 mai 2008, HOAC a déposé une demande à la Cour pour obtenir une ordonnance en vertu de l’alinéa 168(2)(b) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour empêcher la publication de l’avis dans la Gazette du Canada jusqu’à ce que soit rendue la décision sur son opposition et sur tout appel qui pourrait en découler. Une telle demande oblige la Cour à appliquer le critère usuel pour le redressement interlocutoire défini dans RJR – Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. Ainsi, les questions à examiner dans l’audience sur la demande seront les suivantes : (1) l’opposition de HOAC soulève-t-elle une question sérieuse? (2) HOAC subira-t-elle un préjudice irréparable si la suspension n’est pas accordée? et (3) la prépondérance des inconvénients est-elle favorable à accorder ou à refuser la suspension? (International Charity Association Network c. Revenu national, 2008 CAF 114, Chosen Kallah Fund of Toronto c. Revenu national, 2008 CAF 311).

 

[6]               À l’appui de sa demande de suspension, HOAC a déposé l’affidavit du pasteur John A. Mensah, donné sous serment le 4 septembre 2008, et l’affidavit de Lino Mastromonaco donné sous serment le 22 septembre 2008. La Couronne a déposé l’affidavit de M. James Wells affirmé le 6 novembre 2008 (le premier affidavit Wells). M. Wells a été contre-interrogé sur son affidavit. Le contre-interrogatoire a été terminé le 5 décembre 2008. HOAC a déposé son dossier de demandeur le 12 janvier 2009. Le dossier du défendeur n’a pas encore été déposé.

 

[7]               Dans le premier affidavit Wells, M. Wells explique que HOAC a attiré l’attention des autorités fiscales après le lancement d’un projet d’enquête sur des allégations que certains organismes de bienfaisance et spécialistes de la préparation des déclarations de revenus de la région de Toronto faisaient le commerce de faux reçus officiels de dons à des organismes de bienfaisance. En contre-interrogatoire, M. Wells a déclaré que l’enquête n’avait permis de dégager aucune [Traduction] « indication nette » que HOAC avait directement vendu des reçus officiels de dons, mais que agents de l’impôt avaient identifié des spécialistes de la préparation des déclarations de revenus qui faisaient le commerce des reçus de HOAC à des contribuables. Il a aussi déclaré que l’enquête demeurait en cours. La révocation prévue de l’inscription de HOAC comme organisme de bienfaisance n’est fondée sur aucune allégation que HOAC était impliquée dans la vente de faux reçus officiels de dons.

 

[8]               Le nouvel affidavit que la Couronne souhaite déposer est l’affidavit de M. Wells donné sous serment le 11 février 2009 (le second affidavit Wells) avec ses pièces jointes. La nouvelle preuve dont le dépôt est demandé comprend les pièces jointes et l’interprétation de ces documents donnée dans le second affidavit Wells.

 

[9]               M. Wells affirme dans le second affidavit Wells que les pièces jointes lui ont initialement été présentées le 18 décembre 2008 (après la fin de son contre-interrogatoire). Il affirme que les documents ont été saisis par les autorités policières dans le cadre de leur enquête sur un spécialiste de la préparation des déclarations de revenus qui était soupçonné de participer à un réseau de vente de reçus fiscaux. Il affirme aussi que [Traduction] l’« ARC estimait » que ces documents démontraient que le spécialiste de la préparation des déclarations de revenus reversait à HOAC un pourcentage de la valeur des faux reçus, et que certains montants étaient versés au pasteur Mensah, ce qui impliquait HOAC dans le réseau de vente de reçus.

 

[10]           Je ne doute pas M. Wells ne connaissait pas personnellement la nouvelle preuve jusqu’au 18 décembre 2008. Toutefois, M. Wells n’est pas le seul agent des impôts lié à ce dossier. La question qu’il me revient d’examiner est celle de savoir si la diligence raisonnable aurait pu permettre à la Couronne d’obtenir la nouvelle preuve avant de déposer le premier affidavit Wells. Il est impossible de répondre à cette question puisque le second affidavit Wells n’indique pas quand ont été saisis les documents formant la nouvelle preuve. Le fardeau de répondre à cette question revenait à la Couronne, qui ne s’en est pas acquittée. Il s’agit d’un motif suffisant pour refuser la présente motion, mais une autre raison existe.

 

[11]           La Couronne affirme que la nouvelle preuve pourrait être pertinente à la question de savoir si la prépondérance des inconvénients favorise d’accorder ou de refuser la suspension. Je conviens que si la nouvelle preuve pouvait démontrer l’implication de la HOAC dans un réseau frauduleux de vente de reçus, elle serait secourable à la Couronne pour faire valoir ses arguments sur la question. Certes, les documents pourraient peut-être être interprétés comme le propose la Couronne, mais leur interprétation se prête aussi à appuyer l’argument de HOAC que certains de ses reçus avaient été pris illégitimement par une personne qui n’est plus liée à HOAC. Le second affidavit Wells n’explique pas comment les autorités fiscales ont conclu de leur analyse des documents qu’ils constituaient une preuve de la participation de HOAC à un réseau de revente de reçus fiscaux frauduleux. Sur la prépondérance, je ne suis pas convaincue que le second affidavit Wells soit assez probant pour être de quelque secours que ce soit à la Cour pour prendre une décision sur la demande.

 

[12]           Pour les présents motifs, la motion de la Couronne pour être autorisée à déposer un affidavit complémentaire est refusée, et une nouvelle échéance sera établie pour le dépôt du dossier du défendeur. HOAC a droit aux dépens de la présente motion.

 

 

« K. Sharlow »

Juge

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-214-08

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                Holy Alpha and Omega Church of Toronto c. Procureur général du Canada

 

 

MOTION EXAMINÉE PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :                                          LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 31 mars 2009

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Me Natalie Worsfold

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Joanna Hill

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, Q.C.

Vice-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.