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Date : 20090226

Dossier : A-100-08

Référence : 2009 CAF 56

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE BLAIS                  

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

JAGMOHAN SINGH GILL

SHATRU GHAN

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 18 février 2009.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 26 février 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                                 LE JUGE BLAIS

 

 


Date : 20090226

Dossier : A-100-08

Référence : 2009 CAF 56

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE BLAIS                  

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

JAGMOHAN SINGH GILL

SHATRU GHAN

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               Il s’agit d’un appel du jugement du juge Hugessen (2008 CF 185) rejetant l’action instituée par M. Jagmohan Singh Gill et M. Shatru Ghan en vue d’obtenir un jugement déclaratoire disant que l’article 12.1 du Règlement sur la pension de la fonction publique, C.R.C. ch. 1358 (le RPFP), contrevient au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), et certaines autres mesures de réparation.

 

[2]               La plupart des employés à temps plein de la fonction publique du Canada ont droit à des pensions de retraite en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-36. De façon générale, le service ouvrant droit à pension en vertu de la Loi est basé sur la période pendant laquelle un employé est tenu de contribuer à la caisse de retraite du gouvernement fédéral. Toutefois, les prestations de pension ne sont pas établies en fonction de ces contributions. La caisse de retraite de la fonction publique est plutôt un régime à prestations déterminées où les prestations sont établies selon une formule. La formule de base pour calculer une pension de retraite correspond à 2 % par année de service ouvrant droit à pension (jusqu’à concurrence de 35 années de service) multiplié par la moyenne du revenu des cinq meilleures années consécutives.

 

[3]               Il n’y a pas d’âge de retraite obligatoire pour les employés de la fonction publique fédérale. Toutefois, il est impossible qu’une personne accumule 35 années de service ouvrant droit à pension sans avoir commencé à travailler pour le gouvernement fédéral à environ 36 ans. Il en est ainsi parce que l’article 12.1 du RPFP prévoit qu’un employé de la fonction publique fédérale ne peut plus contribuer à la caisse de retraite du gouvernement fédéral après le 31 décembre de l’année où il atteint l’âge de 71 ans.

 

[4]               M. Gill et M. Ghan se sont joints à la fonction publique en 1969 et en 1973, à l’âge de 39 ans et de 45 ans, respectivement. Ils ont tous les deux continué de travailler après l’âge de 71 ans. Ils étaient tous deux assujettis à l’article 12.1 du RPFP, ce qui signifie que même s’ils ont été des employés à temps plein au sein de la fonction publique fédérale pendant 35 ans ou plus, ils ne pourront jamais avoir droit à une prestation de retraite calculée en fonction de 35 années de service. M. Gill et M. Ghan soutiennent qu’en raison de l’article 12.1 du RPFP, ils reçoivent une pension de retraite moindre que celle des plus jeunes employés du gouvernement fédéral possédant un nombre équivalent d’années de service, et que ceci équivaut à une discrimination fondée sur l’âge en violation de la Charte.

 

[5]               Aux fins du présent appel, je considère juste le « groupe de référence » établi par le juge Hugessen, soit les employés de la fonction publique qui se sont joints à la fonction publique à un âge où ils pouvaient encore accumuler 35 années de service avant d’atteindre l’âge de 71 ans. M. Gill et M. Ghan affirment que le juge Hugessen n’a pas choisi le bon groupe de référence. Cependant, je ne suis pas convaincue qu’ils auraient de meilleures chances d’obtenir gain de cause en utilisant le groupe de référence qu’ils ont choisi, soit « des avocats de la fonction publique qui sont âgés de moins de 71 ans et qui bénéficient d’une couverture au titre des dispositions du RPFP et de la LPFP ».

 

[6]               Le dossier ne précise pas l’ampleur de la perte financière entrevue par M. Gill et M. Ghan. Toutefois, la Couronne n’a pas laissé entendre que l’absence de cette preuve devrait porter un coup fatal à leur recours. Aux fins du présent appel, je supposerai, sans trancher la question, que M. Gill et M. Ghan seront financièrement désavantagés parce que leur nombre d’années de service ouvrant droit à pension sera nécessairement inférieur au plafond de 35 années de service, c’est-à-dire que la pension de retraite à laquelle ils ont droit sera moindre qu’elle aurait pu l’être si l’article 12.1 du RPFP n’avait été édicté. M. Gill et M. Ghan bénéficient d’un arrêt des cotisations pour les années de service postérieures à l’âge de 71 ans, mais, une fois de plus, je supposerai, sans trancher la question, que l’arrêt des cotisations ne contrebalancera pas la perte nette de pension tenue pour avérée.

 

[7]               Il s’ensuit que je suis d’accord que M. Gill et M. Ghan ont démontré qu’en raison de l’article 12.1 du RPFP, ils seront traités de façon moins avantageuse, sur le plan financier, que les employés de la fonction publique fédérale visés dans le groupe de référence, et que cette différence de traitement sera fondée sur leur âge. Cependant, la différence de traitement ne peut en elle-même appuyer une revendication fondée sur la Charte en raison d’une discrimination fondée sur l’âge. Il est nécessaire d’examiner les facteurs énumérés dans l’arrêt Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, lesquels ont été récemment expliqués dans l’arrêt R. c. Kapp, 2008 CSC 41, afin de déterminer si la différence de traitement fondée sur l’âge équivaut à une discrimination fondée sur l’âge.

 

[8]               Le juge Hugessen a conclu que tous les facteurs contextuels de l’arrêt Law favorisaient la thèse de la Couronne selon laquelle la différence de traitement découlant de l’article 12.1 du RPFP n’équivaut pas à une discrimination fondée sur l’âge. Je souscris pour l’essentiel à cette analyse, que je n’ai pas à rappeler. À mon avis, le raisonnement du juge Hugessen n’est pas compromis par l’utilisation des parties de l’arrêt Law renvoyant à la « dignité humaine », un élément de l’analyse des facteurs contextuels qui a été quelque peu mis de côté dans l’arrêt Kapp.

 

[9]               Je préciserai seulement que, à mon avis, le facteur le plus important dans le contexte de la présente instance est que l’article 12.1 du RPFP ne cause ni ne perpétue aucun effet préjudiciable à l’égard des personnes âgées de 71 ans en raison de l’établissement d’un stéréotype négatif à l’égard des personnes plus âgées ou, plus important encore, à l’égard des travailleurs plus âgés.

 

[10]           Au contraire, l’article 12.1 du RPFP a été adopté dans le cadre de la politique du gouvernement fédéral visant à adapter la caisse de retraite de la fonction publique aux autres lois régissant le système des revenus de retraite du Canada, plus particulièrement aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), et du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, qui énoncent les exigences liés à l’agrément d’un régime de pension administré par un employeur autre que le gouvernement fédéral. La restriction imposée par l’article 12.1 du RPFP reflète la même restriction décrite à la division 8502e)(i)(A) du Règlement de l’impôt sur le revenu, qui prévoit qu’une personne participant à un régime de pensions autre que la caisse de retraite de la fonction publique cesse de verser des cotisations à l’âge de 71 ans. La validité de cette disposition n’a pas été remise en question dans la présente instance.

 

[11]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens, que les parties ont convenu d’établir à 3 000 $, incluant les débours.

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

     Robert Décary, j.c.a. »

« Je suis d’accord

     Pierre Blais, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, trad. a., LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-100-08

 

INTITULÉ :                                                                           JAGMOHAN SINGH GILL, SHATRU GHAN c.

SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 18 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE DÉCARY

                                                                                                LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 26 février 2009

                                                                                               

 

COMPARUTIONS :

 

Jagmohan Singh Gill

Shatru Ghan

POUR LES APPELANTS

(Pour leur propre compte)

 

Elizabeth Richards

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

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