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Date : 20090123

Dossier : A-176-08

Référence : 2009 CAF 20

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

CGU HOLDINGS CANADA LTD.

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 15 décembre 2008

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2009

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE BLAIS

 


Date : 20090123

Dossier : A-176-08

Référence : 2009 CAF 20

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

 

CGU HOLDINGS CANADA LTD.

appelante

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

 

[1]               Il s’agit de l’appel de la décision par laquelle le juge Hershfield, de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la Cour de l’impôt), a confirmé la cotisation établie par le ministre du Revenu national (le ministre), qui a refusé à CGU Holdings Canada Ltd. (CGU ou l’appelante) le remboursement demandé dans la déclaration qu’elle avait produite pour son année d’imposition 2000.

 

[2]               Le droit de l’appelante à un remboursement dépend des réponses aux questions de savoir si elle a la qualité requise pour faire le choix prévu au paragraphe 134.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) en tant que « société de placement appartenant à des non‑résidents » (« SPANR ») et si elle avait, à l’époque en cause, le « montant admissible de l’impôt en main remboursable » (IMR) exigé par le paragraphe 133(9) de la Loi. Lexistence de ce compte dépend de la réponse à la question de savoir si le solde d’IMR de la société remplacée a été transféré à l’appelante à la suite de la fusion qui a eu lieu en 1999. Le juge de la Cour de l’impôt a conclu que l’appelante avait la qualité requise pour réclamer le remboursement mais que le solde d’IMR de la société remplacée ne lui avait pas été transmis, de sorte que le solde du compte d’IMR de l’appelante était égal à zéro.

 

[3]               En appel, l’appelante appuie la conclusion du juge de la Cour de l’impôt suivant laquelle elle avait la qualité requise pour réclamer le remboursement, mais elle soutient que le juge a commis plusieurs erreurs en estimant que le solde d’IMR de la société remplacée ne lui avait pas été transféré. Pour sa part, l’intimée conteste la conclusion que l’appelante avait la qualité requise pour réclamer le remboursement, mais elle appuie la conclusion du juge de la Cour de l’impôt suivant laquelle le solde du compte d’IMR était égal à zéro.

 

[4]               Devant la Cour de l’impôt, l’affaire a été instruite sur le fondement d’un exposé conjoint des faits que le juge de la Cour de l’impôt résume au paragraphe 6 de ses motifs. Je reproduis ce résumé intégralement en y ajoutant quelques modifications, qui sont insérées entre crochets :

 

i)   Le 2 mars 1999, l’appelante était constituée à la suite de la fusion de trois sociétés dont une seule [GA Scottish Corporation (Canada) Ltd.] (GA Scottish) était une SPANR immédiatement avant la fusion.

 

ii)  La première année d’imposition de l’appelante après la fusion a commencé au moment de la fusion et s’est terminée le 29 février 2000.

 

iii) Immédiatement avant la fusion, GA Scottish avait un solde non remboursé de 1 265 348 $ dans son compte d’impôt [en main] remboursable [(compte d’IMR)], un revenu imposable cumulatif de 1 917 233 $ et des bénéfices non répartis de 1 641 791 $.

 

iv) Au cours de sa première année d’imposition, l’appelante a versé un dividende imposable (au sens du paragraphe 133(8)) d’un montant de 7 706 000,00 $ à un actionnaire qui était une SPANR.

 

v) L’appelante a présenté un choix dans le délai prescrit, conformément à l’alinéa 134.1(1)c) de la Loi, pour être réputée être une SPANR pour l’année d’imposition 2000, et a demandé au ministre, conformément au paragraphe 133(6), un remboursement admissible du [compte d’IMR].

 

vi) Le ministre a refusé le remboursement au motif que l’appelante ne répondait pas aux critères établis à l’alinéa 134.1(1)a) pour exercer un choix et au motif que le solde du [compte d’IMR] de la nouvelle société (c.‑à‑d. l’appelante) était de zéro.

 

[Renvois omis.]

 

 

CONTEXTE LÉGISLATIF

 

[5]               La constitution de CGU par le regroupement des trois sociétés remplacées constitue une fusion au sens de la Loi (paragraphe 87(1)). En vertu de l’alinéa 87(2)a), CGU est réputée être une nouvelle société pour l’application de la Loi :

87. (2) Lorsqu’il y a eu fusion de plusieurs sociétés après 1971, les règles suivantes s’appliquent :

 

 

Année d’imposition

a) pour l’application de la présente loi, l’entité issue de la fusion est réputée être une nouvelle société dont la première année d’imposition est réputée avoir commencé au moment de la fusion et l’année d’imposition d’une société remplacée, qui se serait autrement terminée après la fusion, est réputée s’être terminée immédiatement avant la fusion;

 

87. (2) Where there has been an amalgamation of two or more corporations after 1971 the following rules apply

 

Taxation year

(a) for the purposes of this Act, the corporate entity formed as a result of the amalgamation shall be deemed to be a new corporation the first taxation year of which shall be deemed to have commenced at the time of the amalgamation, and a taxation year of a predecessor corporation that would otherwise have ended after the amalgamation shall be deemed to have ended immediately before the amalgamation;

 [Non souligné dans l’original.]

 

[6]               Le sous-alinéa 87(2)cc)(i) prévoit que, lorsqu’il y a fusion de plusieurs sociétés et que la nouvelle société est une SPANR, l’IMR de la société remplacée est transféré à la société issue de la fusion et est calculé conformément aux règles suivantes :

87. (2) Lorsqu’il y a eu fusion de plusieurs sociétés après 1971, les règles suivantes s’appliquent :

      […]

 

cc) dans le cas d’une nouvelle société qui est une société de placement appartenant à des non-résidents :

(i) pour le calcul du montant admissible de l’impôt en main remboursable (au sens du paragraphe 133(9)) de cette société à un moment donné, lorsqu’une société remplacée avait un tel montant immédiatement avant la fusion, ce montant doit être ajouté au total représenté par l’élément A de la formule applicable figurant à la définition de « montant admissible de l’impôt en main remboursable » au paragraphe 133(9),

[…]

87. (2) Where there has been an amalgamation of two or more corporations after 1971 the following rules apply

      …

(cc) in the case of a new corporation that is a non-resident-owned investment corporation,

(i) for the purpose of computing its allowable refundable tax on hand (within the meaning assigned by subsection 133(9)) at any time, where a predecessor corporation had allowable refundable tax on hand immediately before the amalgamation, the amount thereof shall be added to the total determined for A in the definition "allowable refundable tax on hand" in subsection 133(9),

 [Non souligné dans l’original.]

[7]               En février 2001, on a annoncé qu’on mettrait fin au traitement spécial réservé aux SPANR. L’article 134.1 qui, avec les autres dispositions relatives aux SPANR, se trouve à la section F (Règles spéciales applicables en certains cas), a été ajouté à la Loi sous forme de règle transitoire pour tenir compte de ces modifications (L.C. 2001, ch. 7, art. 132). C’est la disposition qui est à l’origine du présent litige :

134.1 (1) Le présent article s’applique à la société qui répond aux conditions suivantes :

a) elle a été une société de placement appartenant à des non-résidents au cours d’une année d’imposition;

b) elle n’est pas une telle société au cours de l’année d’imposition subséquente (appelée « première année de nouveau statut » au présent article);

 

c) elle choisit de se prévaloir du présent article dans un document présenté au ministre au plus tard à la date d’échéance de production qui lui est applicable pour sa première année de nouveau statut.

 

(2) La société à laquelle le présent article s’applique est réputée être une société de placement appartenant à des non-résidents au cours de sa première année de nouveau statut pour ce qui est de l’application des paragraphes 133(6) à (9) (exception faite de la définition de « société de placement appartenant à des non-résidents » au paragraphe 133(8)), de l’article 212 et de tout traité fiscal aux dividendes versés sur des actions de son capital‑actions au cours de cette année à une personne non-résidente ou à une société de placement appartenant à des non‑résidents à une personne non‑résidente ou à une société de placement appartenant à des non-résidents.

 

134.1 (1) This section applies to a corporation that

 

(a) was a non-resident-owned investment corporation in a taxation year;

 

(b) is not a non-resident-owned investment corporation in the following taxation year (in this section referred to as the corporation’s “first non-NRO year”); and

 

(c) elects in writing filed with the Minister on or before the corporation’s filing-due date for its first non-NRO year to have this section apply.

 

 

(2) A corporation to which this section applies is deemed to be a non-resident-owned investment corporation in its first non-NRO year for the purposes of applying, in respect of dividends paid on shares of its capital stock in its first non-NRO year to a non-resident person or a non-resident-owned investment corporation, subsections 133(6) to (9) (other than the definition "non-resident-owned investment corporation" in subsection 133(8)) and section 212 and any tax treaty.

 

 [Non souligné dans l’original.]

 

[8]               L’article relatif à l’entrée en vigueur de l’article 134.1 dispose :

132(2) L’article 134.1 de la même loi, édicté par le paragraphe (1), s’applique aux sociétés qui cessent d’être des sociétés de placement appartenant à des non-résidents en raison d’une opération, d’un événement ou d’une circonstance qui se produit au cours de l’une de leurs années d’imposition se terminant après le 27 février 2000.

 

132(2) section 134.1 of the Act, as enacted by subsection (1), applies to a corporation that ceases to be a non-resident-owned investment corporation because of a transaction or event that occurs, or a circumstance that arises, in a taxation year of the corporation that ends after February 27, 2000.

 [Non souligné dans l’original.]

 

 

[9]               La disposition qui a effectivement mis fin au régime en question est l’alinéa 133(8)i), qui dispose :

133(8)i) sous réserve de l’article 134.1, une société n’est pas une société de placement appartenant à des non-résidents au cours d’une année d’imposition se terminant après le premier en date des moments suivants :

(i) le premier moment, postérieur au 27 février 2000, où la société effectue une augmentation de capital,

(ii) la fin de la dernière année d’imposition de la société commençant avant 2003.

133(8)(i) subject to section 134.1, a corporation is not a non-resident-owned investment corporation in any taxation year that ends after the earlier of,

 

(i) the first time, if any, after February 27, 2000 at which the corporation effects an increase in capital, and

(ii) the corporation’s last taxation year that begins before 2003;

 

 [Non souligné dans l’original.]

 

[10]           Enfin, l’alinéa 133(8)g) prévoit expressément que la nouvelle société issue d’une fusion n’est une SPANR que si chacune des sociétés remplacées en était une :

133. (8) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

      […]

g) la nouvelle société (au sens de l’article 87) issue de la fusion, après le 18 juin 1971, de plusieurs sociétés remplacées n’est pas une société de placement appartenant à des non-résidents, à moins que chacune des sociétés remplacées n’ait été, immédiatement avant la fusion, une société de placement appartenant à des non-résidents;

 

133. (8) In this section,

      …

 

(g) a new corporation (within the meaning assigned by section 87) formed as a result of an amalgamation after June 18, 1971 of two or more predecessor corporations is not a non-resident-owned investment corporation unless each of the predecessor corporations was, immediately before the amalgamation, a non-resident-owned investment corporation,

 

 [Non souligné dans l’original.]

 

[11]           Il est utile de reproduire également les Notes explicatives du ministère des Finances qui ont été publiées en mars 2001, lors du dépôt du projet de loi abolissant le régime relatif aux SPANR (Motifs, paragraphe 12) :

Mars 2001, NE : Le nouvel article 134.1 établit des règles transitoires spéciales qui tiennent compte de l’élimination progressive des sociétés de placement appartenant à des non‑résidents. Les règles actuelles en la matière permettent à une société de placement appartenant à des non‑résidents de demander un remboursement de l’impôt de 25 % remboursable qu’elle paie lorsqu’elle distribue des dividendes à ses actionnaires non‑résidents (quand la retenue d’impôt sur les dividendes prévue à la partie XIII de la Loi s’applique). Cependant, pour que la société ait accès au compte d’impôt remboursable pour une année d’imposition donnée, le mécanisme de remboursement exige que les dividendes soient payés dans une année d’imposition suivante. Comme la définition modifiée de « société de placement appartenant à des non‑résidents » prévue au paragraphe 133(8) requiert l’élimination progressive de ces sociétés sur une période de trois ans, une société qui cesse d’être une société de placement appartenant à des non‑résidents ne pourrait demander un remboursement de l’impôt de 25 % remboursable qu’elle payerait au titre de sa dernière année d’imposition en tant que société de placement appartenant à des non‑résidents. Pour tenir compte du remboursement de cet impôt, le nouvel alinéa 134.1(1)c) prévoit un choix par lequel une société qui cesse d’être une société de placement appartenant à des non‑résidents peut opter de faire prolonger son statut de société de placement appartenant à des non‑résidents dans ce dessein particulier pour la première année où elle n’est pas une société de placement appartenant à des non‑résidents. Pour que la société puisse obtenir ce remboursement, les dividendes payés la première année où la société n’est pas une société de placement appartenant à des non‑résidents doivent être versés à une autre personne non‑résidente ou à une autre société de placement appartenant à des non‑résidents.

 

Le nouvel article 134.1 s’applique aux sociétés qui cessent d’appartenir à des non‑résidents en raison d’une opération, d’un événement ou de circonstances qui surviennent dans une année d’imposition de la société prenant fin après le 27 février 2000. Un choix effectué aux termes de cet article est réputé avoir été fait à temps s’il est effectué au plus tard à la date d’exigibilité de la déclaration de la société pour sa première année d’imposition qui prend fin après que cette modification a reçu la sanction royale.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

LA COTISATION

 

[12]           Le ministre a invoqué deux raisons pour justifier son refus d’accorder le remboursement réclamé par CGU. Il a d’abord expliqué que CGU ne pouvait se prévaloir des règles d’élimination progressive du régime fiscal spécial applicable aux SPANR prévu à l’article 134.1, étant donné qu’elle n’était pas une SPANR lorsqu’elle a été constituée et qu’elle n’était pas réputée être une SPANR aux termes de cette disposition.

 

[13]           Même si CGU pouvait se prévaloir de l’article 134.1, cette disposition déterminative ne s’applique pas à la définition de SPANR prévue au paragraphe 133(8) ou au sous-alinéa 87(2)cc)(i), de sorte que le compte d’IMR de GA Scottish n’a pas été transféré à CGU.

 

[14]           CGU s’est opposée à cette décision et l’affaire a par la suite été portée devant la Cour de l’impôt, qui a confirmé la cotisation. D’où le présent appel.

 

DÉCISION DE LA COUR DE L’IMPÔT

 

[15]           Le juge de la Cour de l’impôt s’est tout d’abord penché sur la question de savoir si CGU avait le droit d’exercer le choix prévu au paragraphe 134.1(1). Il ressort à l’évidence du texte de cette disposition que « la société qui peut exercer le choix est celle qui a perdu son statut d’une année à la suivante » (Motifs, paragraphe 22). La société issue de la fusion n’est pas la même société que l’une ou l’autre des sociétés remplacées (Motifs, paragraphe 24). Sous réserve de l’alinéa 87(2)a), le principe général est celui qu’a énoncé la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Black and Decker Manufacturing Co., [1975] 1 R.C.S. 411 (Black and Decker), à savoir que les sociétés remplacées continuent d’exister dans la société issue de la fusion (Motifs, paragraphe 25).

 

[16]           Suivant le juge de la Cour de l’impôt, l’alinéa 87(2)a), suivant lequel la société issue de la fusion est réputée être une nouvelle société (la « règle relative à la nouvelle société »), s’applique uniquement à certaines fins (Motifs, paragraphes 26, 27 et 28). Le juge s’est fondé sur les arrêts de notre Cour R. c. Guaranty Properties Ltd., [1990] 2 C.T.C. 94 (Guaranty Properties), et Pan Ocean Oil Ltd. c. R., 94 D.T.C. 6412 (Pan Ocean Oil), ainsi que sur la décision de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta Canadian Roxy Petroleum Ltd. c. Alberta, 98 D.T.C. 6313. Suivant le juge de la Cour de l’impôt, l’arrêt Pan Ocean Oil a consacré le principe que l’application de la règle relative à la nouvelle société se limite au calcul du revenu ou du revenu imposable. Comme la présente affaire ne concerne ni l’un ni l’autre, GA Scottish continue d’exister sous forme de SPANR et elle a donc le droit d’exercer le choix en question (Motifs, paragraphe 33) :

 

[] Étant donné que le choix prévu au paragraphe 134.1(1) ne traite pas du calcul du revenu ou du revenu imposable, la jurisprudence est claire. GA Scottish n’a pas cessé d’exister en raison de la fusion. Elle peut exercer le choix prévu au paragraphe 134.1(1) puisqu’elle était une SPANR en 1999 et qu’elle n’en était pas une l’année suivante. Elle a effectivement exercé le choix et est, de ce fait, réputée être une SPANR pour l’année 2000.  []

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[17]           Le juge de la Cour de l’impôt est ensuite passé au deuxième point litigieux, à savoir la question de savoir si le compte d’IMR de GA Scottish avait été transféré à CGU, ce qui donnerait droit à cette dernière au remboursement qu’elle réclame. Le juge de la Cour de l’impôt a signalé d’entrée de jeu que le transfert du compte d’impôt admissible remboursable d’une société remplacée à la société issue de la fusion se fait conformément au sous‑alinéa 87(2)cc)(i). Cette disposition ne s’applique que si la nouvelle société est une SPANR. Selon le juge de la Cour de l’impôt (Motifs, paragraphe 36) :

 

[] [l]e problème qui se pose ici pour l’appelante est que, selon le paragraphe 134.1(2), la société qui a perdu son statut de SPANR et qui exerce le choix est réputée être une SPANR pour l’application de l’article 212 et des paragraphes 133(6) à 133(9), exception faite de la définition de SPANR au paragraphe 133(8). Le sous‑alinéa 87(2)cc)(i) n’est pas mentionné.

 

 

[18]           Le juge de la Cour de l’impôt rejette l’argument que l’article 134.1 devrait être interprété de manière à éviter la double imposition dont l’appelante se plaint en l’espèce (Motifs, paragraphe 38). Il souligne que la société qui a perdu son statut de SPANR est réputée, conformément au paragraphe 134.1(2), n’être une SPANR que pour l’application de l’article 212 et des paragraphes 133(6) à (9), à l’exclusion de la définition de la SPANR que l’on trouve au paragraphe 133(8). Selon le juge de la Cour de l’impôt (Motifs, paragraphe 40) :

 

[] [c]ette interprétation est tout à fait conforme au traitement fiscal des SPANR lorsqu’il y a fusion. Comme il est indiqué ci‑dessus, le passage final de la définition des SPANR au paragraphe 133(8) prévoit que « une nouvelle société (au sens que lui donne l’article 87) formée à la suite d’une fusion, après le 18 juin 1971, de plusieurs sociétés remplacées n’est en aucun cas considérée comme une société de placement appartenant à des non‑résidents, à moins que chacune des sociétés remplacées n’ait été, immédiatement avant la fusion, une société de placement appartenant à des non‑résidents ». […]

 

 

[19]           Le juge de la Cour de l’impôt conclut ses motifs en expliquant que rien ne permet d’interpréter le sous-alinéa 87(2)cc)(i) comme une règle d’application de l’article 134.1, et plus particulièrement des dispositions de la Loi considérées comme applicables (Motifs, paragraphe 45).

 

THÈSE DES PARTIES

 

[20]           Comme nous l’avons mentionné, l’appelante appuie la conclusion du juge de la Cour de l’impôt suivant laquelle la règle relative à la nouvelle société énoncée à l’alinéa 87(2)a) ne s’applique que pour calculer le revenu ou le revenu imposable. Comme la présente affaire ne concerne ni l’un ni l’autre, l’appelante n’est pas réputée être une nouvelle société et elle n’a donc pas qualité pour exercer le choix prévu par la Loi et pour réclamer un remboursement. À cet égard, l’appelante se fonde essentiellement sur les motifs exposés par le juge de la Cour de l’impôt pour arriver à cette conclusion (mémoire de l’appelante, aux paragraphes 41 à 56).

 

[21]           En ce qui concerne la seconde question, l’appelante affirme que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en n’interprétant pas l’alinéa 87(2)cc) comme une « règle d’application » des paragraphes 133(6) à (9). Selon l’appelante, il est impossible d’appliquer les paragraphes 133(6) à (9) sans appliquer l’alinéa 87(2)cc). À cet égard, l’appelante se fonde sur la l’arrêt de notre Cour Olsen c. R., [2002] 2 C.T.C. 64 (mémoire de l’appelante, aux paragraphes 16 à 26).

 

[22]           Suivant l’appelante, le libellé large de l’article 132(2) de la Loi., « […] en raison d’une opération, d’un événement ou d’une circonstance qui se produit au cours de l’une de leurs années d’imposition se terminant après le 27 février 2000 » est suffisamment englobant pour appuyer son opinion que cette disposition s’applique en l’espèce, c’est-à-dire lorsque qu’une société SPANR fusionne avec une ou plusieurs sociétés qui ne sont pas des SPANR (mémoire de l’appelante, aux paragraphes 33 à 40).

 

[23]           En tout état de cause, si l’on applique le principe du droit des sociétés, GA Scottish et les autres sociétés remplacées ont continué d’exister sous la forme d’une seule société, de sorte que CGU possède tous les droits et toutes les caractéristiques des sociétés remplacées, y compris le compte d’IMR de GA Scottish (mémoire de l’appelante, aux paragraphes 28 à 32).

 

[24]           L’intimée soutient pour sa part que rien ne permet d’affirmer que les principes de continuité d’existence du droit des sociétés régissent les conséquences fiscales prévues par la Loi. Bien que GA Scottish survive au sein de CGU, le statut de SPANR qu’elle possédait avant la fusion ne survit pas à la fusion car le paragraphe 133(8) écarte expressément cette hypothèse (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 31 à 41).

 

[25]           Contrairement à ce qu’a estimé le juge de la Cour de l’impôt, le statut de SPANR de GA Scottish n’a pas été maintenu et CGU n’avait pas qualité pour exercer le choix prévu au paragraphe 134.1(2). Pour arriver à la conclusion que CGU avait qualité pour exercer le choix en question, le juge de la Cour de l’impôt a donné à l’arrêt Pan Ocean Oil, précité, une portée trop large. En particulier, rien ne justifie de restreindre l’application de la règle relative à la nouvelle société énoncée à l’alinéa 87(2)a) au calcul du revenu et du revenu imposable (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 45 à 65).

 

[26]           Quoi qu’il en soit, l’intimée affirme que c’est à bon droit que le juge de la Cour de l’impôt a estimé que le compte d’IMR de GA Scottish n’avait pas été transféré à CGU. L’intimée conteste en particulier l’argument de l’appelante suivant lequel le sous-alinéa 87(2)cc)(i) est incorporé au paragraphe 134.1(2) par déduction nécessaire. Il y a nettement lieu d’établir une distinction entre la présente affaire et celle sur laquelle l’appelante se fonde à l’appui de cette prétention (l’affaire Olsen, précitée) (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 26 à 32).

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[27]           L’interprétation de l’article 134.1 et des dispositions connexes soulève une question de droit à laquelle s’applique la norme de la décision correcte, tout comme la question de savoir si la règle relative à la nouvelle société énoncée à l’alinéa 87(2)a) s’applique à la section F et, plus particulièrement, à l’article 134.1 (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 33 et 36).

 

[28]           Pour ce qui est tout d’abord de l’interprétation de l’article 134.1, personne ne conteste que si la fusion qui a donné lieu à la constitution de CGU s’était produite avant l’entrée en vigueur des règles relatives à l’élimination progressive, l’IMR de GA Scottish serait devenu caduc par suite de sa fusion avec des sociétés qui n’étaient pas des SPANR. Le sous-alinéa 87(2)cc)(i) ne prête à aucune autre interprétation.

 

[29]           Le principal argument que fait valoir l’appelante est qu’elle fait l’objet d’une forme de double imposition, et que l’article 134.1 devrait être interprété de manière à s’appliquer à sa situation pour éviter un tel résultat. Toutefois, depuis le début des années soixante-dix et pendant toute la durée de l’existence du régime applicable aux SPANR dans sa forme actuelle, le législateur fédéral a toujours appliqué le principe qu’une SPANR qui fusionne avec une ou plusieurs sociétés qui ne sont pas des SPANR ne peut plus se prévaloir du compte d’IMR des sociétés remplacées. Il serait pour le moins étrange d’interpréter des dispositions censées tenir compte de l’élimination progressive d’un régime fiscal comme créant des droits qui n’ont jamais existé en vertu de ce même régime.

 

[30]           Il est plus logique de considérer que les l’objectif des règles relatives à l’élimination progressive, et en particulier l’article 134.1, était de protéger pendant une période transitoire déterminée les avantages dont les SPANR pouvaient se prévaloir lorsque ce régime s’appliquait. Le fait que le législateur fédéral n’a pas voulu que les règles relatives à l’élimination progressive s’appliquent à la situation de l’appelante ressort clairement de l’exclusion explicite de la définition de la SPANR au paragraphe 133(8). À mon sens, le législateur fédéral voulait que l’article 134.1 s’applique aux sociétés qui étaient des SPANR mais qui perdent ce statut en raison de l’élimination progressive du régime applicable aux SPANR.

 

[31]           C’est la définition modifiée de la SPANR que l’on trouve à l’alinéa 133(8)i) qui prévoyait l’élimination progressive. Suivant cette définition, aucune SPANR ne peut être créée après le 27 février 2000 et les SPANR existantes perdent leur statut lorsque la société effectue une augmentation de capital après cette date ou le 31 décembre 2003, selon celle de ces dates qui survient la première. L’article 134.1 permet aux sociétés dont le statut est progressivement éliminé en raison de ces dispositions d’obtenir quand même un remboursement sur leur IMR relativement aux dividendes admissibles versés au cours de la première année où elles n’étaient plus des SPANR.

 

[32]           L’appelante reconnaît qu’en raison des règles relatives à l’élimination progressive qui sont énoncées au paragraphe 134.1(2), une société est réputée être une SPANR pour l’application des paragraphes 133(6) à (9) et que la définition de la SPANR que l’on trouve au paragraphe 133(8) est expressément exclue du champ d’application de cette disposition. Elle maintient toutefois que cela ne constitue pas un obstacle, car la disposition déterminative que l’on trouve au paragraphe 134.1(2) s’applique au sous-alinéa 87(2)cc)(i) par déduction nécessaire. Suivant l’appelante, le sous‑alinéa 87(2)cc)(i) est une « règle d’application » sans laquelle le paragraphe 134.1(1) perd tout son sens (mémoire de l’appelante, aux paragraphes 18 à 20).

 

[33]           En toute déférence, je ne crois pas que le paragraphe 134.1(2) perde ainsi tout son sens. Il conserve son plein effet et continue de s’appliquer aux SPANR qui ont perdu leur statut en raison de l’élimination progressive du régime applicable aux SPANR. En pareil cas, le paragraphe 134.1(2) permet à la société en cause de réclamer le remboursement de son IMR, lequel est calculé conformément au paragraphe 133(9) et peut inclure les comptes d’IMR des sociétés remplacées, à condition que les sociétés remplacées aient toutes été des SPANR avant la fusion.

 

[34]           L’arrêt Olsen, précité, de notre Cour, que l’appelante cite à l’appui de son argument au sujet de la « règle d’application », n’est d’aucune utilité. Dans cette affaire, la Cour était appelée à se prononcer sur l’interprétation du mot « rattachée » que l’on trouve au paragraphe 84.1(1) de la Loi. La Cour a jugé que l’on devait attribuer au mot « rattachée » le sens que lui donnait le paragraphe 186(4), lequel ne pouvait se comprendre qu’en fonction de la définition que le paragraphe 186(2) donnait de ce terme (Olsen, précité, aux paragraphes 9 à 11). En revanche, il n’est pas nécessaire en l’espèce de recourir au sous-alinéa 87(2)cc)(i) pour donner effet au paragraphe 134.1(2).

 

[35]           En résumé, contrairement à ce que l’appelante affirme, on peut appliquer le paragraphe 133(9) sans étendre la portée de la règle déterminative prévue au paragraphe 134.1(2) au-delà des dispositions explicitement mentionnées par le législateur. Le libellé apparemment large du paragraphe 132(2) sur lequel se fonde l’appelante – « en raison d’une opération, d’un événement ou d’une circonstance qui se produit » – n’a pas l’effet qu’elle prétend. Ce libellé vise simplement les faits qui peuvent entraîner la cessation de l’existence d’une SPANR en vertu des dispositions relatives à l’élimination progressive, en l’occurrence une « opération » par laquelle la société effectue une augmentation de capital ou un « événement » ou une « circonstance » qui survient par simple écoulement du temps (voir alinéa 133(8)i)).

 

[36]           Je ne décèle aucune erreur dans la conclusion du juge de la Cour de l’impôt suivant laquelle le statut de SPANR réputée prévu au paragraphe 134.1(2) ne s’applique pas au sous‑alinéa 87(2)cc)(i) et qu’en conséquence, le compte d’IMR de GA Scottish n’a pas été transféré à l’appelante aux termes de cette disposition.

 

[37]           Avant d’arriver à cette conclusion, le juge de la Cour de l’impôt a bel et bien précisé que GA Scottish pouvait exercer le choix prévu au paragraphe 134.1(1) au motif que son existence s’était poursuivie lorsqu’elle avait fusionné à CGU conformément aux principes du droit des sociétés (Motifs, paragraphe 33). Suivant le juge de la Cour de l’impôt, l’alinéa 87(2)a) n’a pas pour effet de faire en sorte que l’appelante est réputée être une nouvelle société, étant donné que cette disposition ne s’applique pas à la section F, où se trouvent les dispositions relatives aux SPANR. À son avis, l’arrêt Pan Ocean Oil, précité, de notre Cour confirmait cette position. En toute déférence, je ne crois pas que l’arrêt Pan Ocean Oil ait l’effet que le juge de la Cour de l’impôt lui a attribué.

 

[38]           Dans cette affaire, qui est postérieure à l’arrêt de notre Cour Guaranty Properties, précité, le débat portait sur la question de savoir si l’appelante (Pan Ocean Oil), qui était issue d’une fusion, avait le droit de déduire les frais d’exploration et de forage d’une société remplacée. Si Pan Ocean Oil était réputée être une nouvelle société au sens de l’alinéa 87(2)a), elle devenait ainsi une « troisième société remplaçante » par application des règles relatives aux sociétés remplaçantes, de sorte qu’elle n’avait pas droit à une déduction. Si Pan Ocean Oil n’était pas une nouvelle société, mais plutôt le prolongement de la société qu’elle remplaçait, elle avait droit à la déduction en tant que « deuxième société remplaçante ».

 

[39]           Pour faire droit à l’appel de Sa Majesté, la Cour a conclu que Pan Ocean Oil était réputée être une nouvelle société au sens de l’alinéa 87(2)a) de la Loi et qu’elle n’avait donc pas droit à une déduction. Voici le raisonnement qu’a suivi la Cour :

 

a)                  Son arrêt antérieur Guaranty Properties Ltd. c. R est limité à ses propres faits et la Cour n’avait pas l’intention de restreindre entièrement au moment où avait lieu la première année d’imposition de la nouvelle société l’application de l’alinéa 87(2)a) (Pan Ocean Oil, aux paragraphes 10 et 11);

 

b)                  Les dispositions de l’alinéa 87(2)a) ne s’appliquent qu’au calcul des revenus de la compagnie fusionnée conformément à la section B (y compris les « déductions auxquelles elle pourrait avoir droit ») et, si cela s’avère une conséquence nécessaire de ce qui précède, au calcul de son revenu imposable (section C) et au calcul de son impôt (section E). (idem, au paragraphe13);

 

c)                  Une nouvelle société n’est manifestement pas une société remplacée et ce, quelle que puisse être la situation en vertu des règles ordinaires du droit des sociétés (idem, au paragraphe 15).

 

 

[40]           La seule question que la Cour devait trancher était celle de savoir si Pan Ocean Oil était réputée être une nouvelle société pour l’application des règles relatives aux sociétés remplaçantes. L’observation suivant laquelle la société issue de la fusion est une nouvelle société « seulement » pour le calcul du revenu de la société issue de la fusion à la section B et, le cas échéant, pour le calcul du revenu imposable en conséquence (section C) et de l’impôt (section E) est une remarque incidente. La Cour n’a pas tranché ─ ni même examiné ─ la question de savoir si la société issue de la fusion est réputée, en vertu de l’alinéa 87(2)a), être une nouvelle société pour l’application des dispositions de la section F relatives aux SPANR.

 

[41]           S’agissant de cette question, il est évident que la règle relative aux nouvelles sociétés que l’on trouve à l’alinéa 87(2)a) qui est censée s’appliquer « pour l’application de la présente loi », perdrait tout son sens dans le contexte de la section F si son application était restreinte, comme le prétend l’appelante, au calcul du revenu (section B) et, le cas échéant au calcul du revenu imposable (section C) et de l’impôt (section E). Fait significatif, cette solution aurait pour effet de retrancher de la Loi l’alinéa 133(8)g), qui prévoit que la société issue de la fusion ne constitue une SPANR que si toutes les sociétés qu’elle remplace étaient des SPANR. À mon humble avis, rien ne justifie d’exclure la section F, et en particulier l’article 134.1, de l’application de l’alinéa 87(2)a) de la Loi.

 

[42]           Comme CGU était une « nouvelle société » au sens de la disposition en question, il s’ensuit qu’elle n’a jamais été une « société de placement appartenant à des non-résidents au cours d’une année d’imposition » au sens de l’alinéa 134.1a) et qu’elle n’avait donc pas qualité pour faire le choix prévu par cette disposition.

 

[43]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord. »

       Gilles Létourneau, j.c.a.  »

 

« Je suis d’accord. »

       Pierre Blais, j.c.a.  »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-176-08

 

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU LE 25 MARS 2008 PAR LE JUGE HERSHFIELD DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DANS LE DOSSIER 2005-1448(IT)G)).

 

INTITULÉ :                                                                           CGU HOLDINGS CANADA LTD. et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 15 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                le juge Noël

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 23 janvier 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

David C. Muha

 

POUR L’APPELANTE

 

Ifeanyi Nwachukwu

Ernest Wheeler

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stikeman Elliott s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

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