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Date : 20081210

Dossier : A-115-08

Référence : 2008 CAF 386

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

MICHEL AUBERT

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

pour et au nom de TRANSPORTS CANADA

intimé

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 3 décembre 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                                  LE JUGE NOËL

 


                                                                                                                                 Date : 20081210

Dossier : A-115-08

Référence : 2008 CAF 386

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

MICHEL AUBERT

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

pour et au nom de TRANSPORTS CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE DÉCARY

[1]               L’appelant occupe un poste de « Surintendant, contrôle de sécurité des opérations », dans le groupe de l’aviation civile de Transports Canada. Il est assujetti à une convention collective qui stipule qu’il peut présenter un grief au plus tard le vingt-cinquième jour qui suit l’action de l’employeur donnant lieu au grief.

 

[2]               En août 2004, il demande l’autorisation d’exercer des activités de pilotage en dehors de ses heures régulières de travail pour le compte d’une compagnie étrangère. Le 20 septembre 2004, la Directrice générale régionale du Québec l’informe par écrit que l’autorisation est refusée pour le motif que ce type d’activité pourrait entraîner une perception de conflit d’intérêts au sens du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique.

 

[3]               S’ensuivent pendant plus de deux ans diverses démarches entreprises par l’appelant pour convaincre son employeur de revenir sur sa décision. Ces démarches s’avèrent infructueuses.

 

[4]               Le 27 octobre 2006 l'appelant dépose son grief.

 

[5]               Le grief est jugé irrecevable aux trois paliers pour le motif qu’il a été déposé plus de vingt-cinq jours après la décision du Ministre. À chaque palier, le décideur informe l’appelant que le grief aurait été de toute façon rejeté sur le fond.

 

[6]               L’appelant présente alors une demande de contrôle judiciaire. La demande est rejetée par le juge Martineau (2008 CF 216), lequel en vient à la conclusion que le grief était irrecevable et que de toute manière il était sans fondement. Le juge applique la norme de la décision manifestement déraisonnable au premier volet de sa décision, celle de la décision déraisonnable au second.

 

[7]               Vu la conclusion à laquelle j’en arrive, je ne traiterai que du premier volet.

 

[8]               Le juge a conclu que « la preuve prépondérante au dossier démontre que le demandeur a produit son grief plus de deux ans après avoir été informé de la position du ministre eu égard à sa demande de cumul d’emplois » (para. 4).

 

[9]               Il a conclu, aussi, rejetant la prétention de l’appelant selon laquelle il s’agissait d’un grief relatif à une situation récurrente ou répétitive (l’emploi de l’expression « grief continu » qu’on retrouve souvent en doctrine et en jurisprudence est incorrect), que « l’objet premier du grief du demandeur concerne la légalité d’une décision ferme et bien arrêtée dans le temps… » (para. 7).

 

[10]           L’appelant s’adresse à cette Cour. Il plaide que la norme de contrôle que le juge devait appliquer, eu égard à la question d’irrecevabilité, est celle de la décision correcte car il s’agit, selon lui, d’une question de droit.

 

[11]           Il est vrai qu’un débat sur le régime de prescription applicable porte généralement sur une question de droit. Mais telle n’est pas la question, en l’espèce. Le débat en est un, essentiellement, d’appréciation de la preuve pour déterminer qui a décidé quoi et quand. L’appelant soutient qu’il a déposé des demandes distinctes, lesquelles ont mené à des décisions distinctes, la dernière en liste ayant été rendue moins de vingt-cinq jours avant le dépôt du grief.

 

[12]           L’appelant plaide aussi que puisque la clause privative, en l’espèce, est « assez faible » (voir Assh c. Canada (Procureur général) (C.A.F.), 2006 CAF 358, para.35) et puisque le décideur est non pas un arbitre indépendant, mais l’employeur lui-même qui a tout intérêt à ce qu’un grief soit prescrit, la norme de contrôle devrait être celle de la décision correcte. Je ne suis pas d’accord. Ce sont là, certes, des facteurs qui invitent la cour à faire preuve d’une vigilance particulière, mais la question de la tardivité d’un grief ne demeure pas moins, dans les circonstances, une question d’appréciation des faits. C’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique.

 

[13]           Comme le juge avait appliqué la norme, qui était celle reconnue à l’époque, de la décision manifestement déraisonnable, notre Cour a révisé la décision du Ministre à la lumière de la norme de la décision déraisonnable.

 

[14]           La séquence des événements et les termes utilisés par l’appelant dans ses demandes et procédures permettent raisonnablement d’en arriver à la conclusion qu’en réalité et qu’à toutes fins utiles l’appelant n’a fait que réitérer à plusieurs reprises sa demande originale. La jurisprudence est claire : le point de départ du délai de prescription en pareilles circonstances n’est pas reporté du seul fait qu’un justiciable s’acharne à remettre en question une décision qui a été rendue et reçoive des réponses qui ne font que réaffirmer la décision originale ou s’en remettre à celle-ci (voir Taylor c. Commission de la fonction publique du Canada, 2003 CFPI 566; Camoplast Inc. – Division Mode et  Syndicat des travailleurs du vêtement de Richmond, [1998] R.J.D.T. 476).

 

 

 

 

 

[15]           Je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Robert Décary »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

     Gilles Létourneau j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

     Marc Noël j.c.a. »

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-115-08

 

(APPEL D’UNE ORDONNANCE DU JUGE MARTINEAU, COUR FÉDÉRALE, DU 19 FÉVRIER 2008, N° DU DOSSIER T-1279-07)

 

INTITULÉ :                                                                           Michel Aubert c. Le procureur général du Canada pour et au nom de Transports Canada

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 3 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE DÉCARY

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 10 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Loic Bernikoff

Raymond Doray

 

POUR L’APPELANT

 

Vincent Veilleux

Neil McGraw

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lavery, de Billy

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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