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Date : 20081125

Dossier : A-540-04

Référence : 2008 CAF 368

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE RYER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

OCTAVIE CALLIHOO

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR

 LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

intimée

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 25 novembre 2008.

Jugement rendu à l’audience à Edmonton (Alberta), le 25 novembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                         LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20081125

Dossier : A-540-04

Référence : 2008 CAF 368

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE RYER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

OCTAVIE CALLIHOO

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR

 LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Edmonton (Alberta), le 25 novembre 2008)

LA JUGE TRUDEL

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance de Monsieur le juge Hugessen, 2004 CF 1312, rendue à l’audience à Calgary (Alberta), le 23 septembre 2004, motifs prononcés le 24 septembre 2004, déterminant que la Cour n’avait pas compétence pour connaître d’une action concernant le retranchement du nom de l’appelante du registre à titre d’Indienne en application du paragraphe 17(6) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, et de l’article 14.3 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5 (la Loi), et accueillant la requête en jugement sommaire présentée par l’intimée.

 

[2]               L’appelante a été inscrite pour la première fois comme Indienne le 23 décembre 1988. Le 2 septembre 1998, le registraire a informé l’appelante que son nom serait retranché du registre en raison de renseignements mettant en question le statut d’Indien de son arrière-grand-père paternel : mémoire de l’appelante aux paragraphes 1-2; dossier d’appel, onglet 5 à la page 26, paragraphe 7; motifs aux paragraphes 5-6.

 

[3]               Le 1er décembre 1998, le fils de l’appelante, un avocat, a répondu pour son compte indiquant que l’appelante devrait continuer à être inscrite au registre. Les parties ont convenu que la lettre en question ne constituait pas une protestation.

 

[4]               En février 1999, le registraire a informé par écrit l’appelante du retranchement de son nom du registre ainsi que de son droit de formuler une protestation à l’encontre de cette décision et de la procédure à suivre. En mars 1999, l’avocat de l’appelante a informé le registraire de l’intention de l’appelante de formuler une protestation contre le retranchement, mais aucune protestation n’a été déposée : motifs aux paragraphes 7-8.

 

[5]               Au lieu de cela, le 13 décembre 2000, l’appelante a intenté une action devant la Cour fédérale. Dans la déclaration initiale, l’appelante demandait un jugement déclaratoire portant que l’alinéa 6(1)a) de la Loi était inconstitutionnel, au motif qu’il contrevenait à ses droits garantis par les articles 15 et 28 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.

 

[6]               Le juge des requêtes a conclu que la Cour fédérale n’avait pas compétence pour connaître de l’action. Étant donné que l’action concluait à un jugement déclaratoire principalement pour faire déclarer que l’appelante était une Indienne et avait le droit d’être inscrite à ce titre, une déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions applicables de la Loi « dépend essentiellement du principal objectif de l'action » : motifs aux paragraphes 3-4.

 

[7]               Selon le juge des requêtes, la Cour fédérale n’avait pas compétence pour accorder le jugement déclaratoire demandé, pour les motifs suivants :

11     À mon avis, les articles 14.2 et 14.3 de la Loi sur les Indiens renferment un code exhaustif régissant la détermination des questions concernant le statut d’Indien dans un cas comme l'espèce. Ils prévoient qu’une protestation peut être formulée à l'encontre de la décision du registraire. Cette protestation est adressée au registraire qui doit faire tenir une enquête. Une fois que le registraire a rendu sa décision sur la protestation, il existe un droit d’appel devant une cour supérieure provinciale. Ce droit d’appel est crucial.

 

12     Tout d’abord, j’estime qu’il exclut la compétence de notre Cour en l’espèce. Il a été décidé dans des jugements antérieurs que notre Cour pouvait rendre des jugements déclaratoires concernant le statut d’Indien en vertu des dispositions antérieures de la Loi sur les Indiens, mais il faut rappeler que, depuis ce temps, la Loi sur les Cours fédérales a été modifiée et qu’en ce qui concerne les cas de demandes de réparation contre la Couronne pour lesquelles notre Cour avait auparavant compétence exclusive, cette compétence est maintenant concurrente et, ce qui est plus important, la Cour ne peut plus intervenir dans les cas où cette compétence est conférée aux cours supérieures des provinces. 

…                                                                                                   

14     C'est exactement le cas en l’espèce. Le paragraphe 17(6) de la Loi sur les Cours fédérales a pour effet de retirer à la Cour sa compétence dans les circonstances visées par les articles 14.2 et 14.3 de la Loi sur les Indiens. Il s’agit, je le répète, d’un code exhaustif de procédure permettant de formuler une protestation à l’encontre de la décision du registraire et d’obtenir une décision subsidiaire sur le droit d’une personne au statut d’Indien dans des circonstances comme celles dont il est question en l’espèce.

 

 

[8]               Ayant conclu que l’appelante n’a pas suivi la procédure de protestation et d’appel prévue dans la Loi, le juge des requêtes a rejeté l’action. Toutefois, considérant que l’appelante était « une dame assez âgée disposant de moyens financiers limités », il n’a pas rendu d’ordonnance quant aux dépens : ibid. aux paragraphes 16 et 18.

 

[9]               L’appelante interjette appel de cette ordonnance devant notre Cour.

 

Questions à trancher

[10]           La principale question à trancher dans le présent appel est de savoir si le juge des requêtes a commis une erreur en ce qui concerne la compétence de la Cour fédérale à l’égard de l’action  de l’appelante. Bien que les parties avancent plusieurs autres arguments, ceux-ci constituent un corollaire à la principale question que notre Cour doit trancher.

 

[11]           Les conditions essentielles pour que la Cour fédérale ait compétence sont bien établies et énoncées dans l’arrêt ITO-International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc.,

[1986] 1 R.C.S. 752 [ITO International] au paragraphe 11 :

1.       Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2.       Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3.       La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

[12]           En se fondant sur le sens ordinaire des dispositions pertinentes de la Loi et de la Loi sur les Cours fédérales, le juge des requêtes a déclaré à juste titre que le paragraphe 17(6) de la Loi sur les Cours fédérales avait pour effet de retirer à la Cour fédérale sa compétence dans les circonstances visées par les articles 14.2 et 14.3 de la Loi. L’appelante pouvait se prévaloir du droit de formuler une protestation dans le délai de trois ans fixé au paragraphe 14.2(1) de la Loi, délai se terminant en septembre 2001, ainsi que du droit d’interjeter appel devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta aux termes des paragraphes 14.1(1) et (5) de la Loi.  Les avocats des parties ont informé la Cour que l’appelante a maintenant exercé ce droit et que les procédures ont été suspendues en attendant la décision du registraire à la suite de la demande d’enregistrement à titre d’Indienne aux termes de la Loi sur les Indiens.

 

[13]           Notre Cour conclut que l’omission de l’appelante de respecter le premier volet du critère établi dans l’arrêt ITO International, précité, suffit pour trancher la question de la compétence et fait en sorte qu’il ne soit pas nécessaire d’examiner les deuxième et troisième volets du critère. 

 

[14]           Cela étant dit, le juge des requêtes n’a pas commis d’erreur en concluant que la demande de l’appelante fondée sur la Charte dépendait essentiellement de sa demande fondée sur la Loi. La correspondance entre les avocats de l’appelante et le registraire en décembre 1998 et mars 1999 ainsi que la déclaration initiale déposées à la Cour fédérale indiquent clairement que l’appelante visait en définitive à obtenir une déclaration de droit au statut d’Indienne. Par conséquent, en soulevant la question de la constitutionnalité de l’alinéa 6(1)a) de la Loi, l’appelante vise à obtenir cette déclaration d’une manière indirecte : dossier d’appel, onglet 4 aux pages 17 à 22 et onglet 9 aux pages 167 à 177.

 

[15]           Enfin, notre Cour conclut que, en invoquant des motifs subsidiaires aux paragraphes 71 à 96 du mémoire, l’appelante cherche à plaider devant la Cour le bien-fondé de sa demande aux termes de la Loi et de la Charte. Étant donné que ces moyens n’ont pas été examinés par le juge des requêtes, il n’y a pas lieu de les examiner en l’espèce.

 

[16]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté sans frais, étant donné que l’intimée ne demande pas à recouvrer ses dépens quelle que soit l’issue de la cause : mémoire de l’intimée, paragraphe 48.

 

                                                                                                             « Johanne Trudel » 

                                                                                                ­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­_________________________

                                                                                                                  j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-540-04

 

(APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR  FÉDÉRALE EN DATE

DU 24 SEPTEMBRE 2004, DANS LE DOSSIER DE LA COUR FÉDÉRALE N° T-2311-00)

 

INTITULÉ :                                                                           OCTAVIE CALLIHOO c.

                                                                                                SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     EDMONTON (ALBERTA)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 25 NOVEMBRE 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       LES JUGES LINDEN, RYER, TRUDEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LA JUGE TRUDEL

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

G. Ranji Jeerakathil

POUR L’APELLANTE

 

Kevin Kimmis

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MacPherson, Leslie & Tyerman –

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR L’APELLANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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