LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
défendeur
Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 décembre 2008.
Jugement rendu à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 décembre 2008.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE TRUDEL
Date : 20081208
Dossier : A-341-08
Référence : 2008 CAF 388
CORAM : LE JUGE LINDEN
LA JUGE SHARLOW
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
GURJINDER UPPAL
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 8 décembre 2008)
[1] Le procureur général du Canada (le demandeur) a demandé le contrôle judiciaire de la décision du juge-arbitre R. C. Stevenson (CUB 70476), en date du 25 avril 2008. M. Uppal, le défendeur, n’a pas comparu.
[2] Après avoir perdu son emploi, le défendeur a demandé des prestations d’assurance‑chômage. Sa demande a été rejetée par la Commission. La Commission a conclu que le défendeur avait sciemment fait des représentations fausses ayant entraîné un trop-payé de plus de 13 000 $ et lui a infligé une pénalité de 1 239 $. Cette pénalité correspondait au triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataire tel qu’autorisé par l’alinéa 38(2)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi).
[3] L’appel interjeté par le défendeur auprès du conseil arbitral ayant été rejeté, le défendeur a fait appel auprès du juge-arbitre, en soulevant diverses questions. Le défendeur a eu gain de cause au sujet de la pénalité, qui a été ramenée à 372 $.
[4] Le nœud de la présente demande est l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission d’infliger des pénalités aux prestataires qui reçoivent ou cherchent à recevoir des prestations en faisant sciemment de fausses représentations.
[5] Le paragraphe 38(2) de la Loi prévoit :
(2) La pénalité que la Commission peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas :
a) soit le triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataire; b) soit, si cette pénalité est imposée au titre de l’alinéa (1)c), le triple : (i) du montant dont les prestations sont déduites au titre du paragraphe 19(3), (ii) du montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit pour la période en cause, n’eût été la déduction faite au titre du paragraphe 19(3) ou l’inadmissibilité ou l’exclusion dont il a fait l’objet;
c) soit, lorsque la période de prestations du prestataire n’a pas été établie, le triple du taux de prestations hebdomadaires maximal en vigueur au moment de la perpétration de l’acte délictueux.
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(2) The Commission may set the amount of the penalty for each act or omission at not more than (a) three times the claimant’s rate of weekly benefits; (b) if the penalty is imposed under paragraph (1)(c), (i) three times the amount of the deduction from the claimant’s benefits under subsection 19(3), and (ii) three times the benefits that would have been paid to the claimant for the period mentioned in that paragraph if the deduction had not been made under subsection 19(3) or the claimant had not been disentitled or disqualified from receiving benefits; or (c) three times the maximum rate of weekly benefits in effect when the act or omission occurred, if no benefit period was established.
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[6] Avant d’infliger une pénalité au défendeur, la Commission a calculé le montant de la pénalité à l’aide de sa Politique nationale sur les représentations fausses ou trompeuses ou omissions faites sciemment, qui a été appliquée à toutes les décisions rendues depuis le 1er juin 2005 (dossier du demandeur, onglet 3). Sur ce fondement et après avoir pris en compte l’existence de circonstances atténuantes, la Commission a fixé la pénalité à 40 % du montant du trop-payé net (décision du juge-arbitre, à la page 5). Elle l’a ensuite réduite à 1 239 $ pour respecter le montant maximal autorisé par la Loi.
[7] Le juge-arbitre a conclu que le paragraphe 38(2) de la Loi impose à la Commission de calculer les pénalités par référence au taux de prestations hebdomadaires du prestataire. Il a conclu que la Commission « s’est écartée de la politique adoptée par le Parlement » lorsqu’elle a établi de nouvelles lignes directrices sur les représentations fausses ou trompeuses faites sciemment, parce que, « si les montant des pénalités doivent être “mieux proportionnés” au trop‑payé », selon les termes des nouvelles lignes directrices, « plutôt qu’établis en fonction du taux de prestations, la modification à la politique devrait être une initiative du Parlement » (motifs de la décision, à la page 7).
[8] La juge-arbitre a finalement conclu « qu’en ne tenant pas compte de l’effet des lignes directrices, le conseil arbitral a refusé d’exercer sa compétence, et qu’en confirmant ce qui revient à infliger obligatoirement la pénalité maximale pour une première infraction, il a commis une erreur de droit » (ibid., à la page 8).
[9] La décision du juge-arbitre soulève des difficultés de deux ordres.
[10] Premièrement, il n’est pas clair dans le dossier si la validité des lignes directrices a été un point en litige entre les parties. Les lignes directrices n’ont manifestement pas été examinées par la Commission ou par le conseil arbitral. Dans ses motifs, le juge-arbitre a introduit le sujet de la manière suivante :
Même si la validité des lignes directrices ne peut être déterminée par le juge-arbitre dans le cadre d’un appel interjeté par un prestataire, il est utile d’y faire référence puisque le fait de savoir si elles ont été bien appliquées est pertinent pour déterminer si la Commission a agi de façon judicieuse en établissant le montant d'une pénalité et si le conseil arbitral a commis une erreur en évaluant le caractère judicieux de la décision de la Commission. (Ibid., à la page 7.)
[11] L’avocate ne se souvient pas si la validité des nouvelles lignes directrices a été expressément soulevée devant le juge-arbitre et si les parties ont eu la possibilité de faire valoir correctement leur argumentation.
[12] Deuxièmement, abstraction faite des lignes directrices, le juge-arbitre ne s’est pas penché sur la décision même de la Commission, c’est-à-dire qu’il n’a pas déterminé si la Commission avait pris en considération tous les facteurs pertinents ou des facteurs non pertinents. Ses seules observations ont visé le fait que le facteur atténuant, pour qu’il soit significatif, aurait dû s’appliquer à la pénalité finale et que le montant de la pénalité était trop élevé pour une première infraction.
[13] C’est un principe élémentaire de droit que le juge-arbitre ne peut modifier le montant d’une pénalité sauf s’il peut être établi que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière non conforme à la norme judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (Canada c. McLean, [2001] A.C.F. n° 176 (CAF); Canada c. Rumbolt, [2000] A.C.F. n° 1968 (CAF)).
[14] En tirant sa conclusion, le juge-arbitre a substitué son propre pouvoir discrétionnaire à celui de la Commission et il a outrepassé sa compétence.
[15] Cette erreur est suffisante pour justifier d’accueillir la demande. Les nouvelles lignes directrices devront être examinées par la Cour lorsque leur validité sera correctement attaquée.
[16] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
[17] La décision du juge-arbitre en date du 25 avril 2008 sera annulée à l’égard de la pénalité infligée en vertu du paragraphe 38(2) de la Loi et l’affaire sera renvoyée au juge-arbitre en chef (ou à la personne désignée par lui) pour qu’il soit statué à nouveau conformément aux présents motifs.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-341-08
INTITULÉ : Le procureur général du Canada c. Gurjinder Uppal
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 8 décembre 2008
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LES JUGES LINDEN, SHARLOW ET TRUDEL
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : LA JUGE TRUDEL
COMPARUTIONS :
POUR LE DEMANDEUR |
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DEMANDEUR |
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