Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20081125

Dossier : A-231-08

Référence : 2008 CAF 365

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

 

KARI STEVEN LYLANDER

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 24 novembre 2008.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 25 novembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                     LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                                                      LA JUGE SHARLOW

                       


 

Date : 20081125

Dossier : A-231-08

Référence : 2008 CAF 365

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

 

et

 

KARI STEVEN LYLANDER

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE EVANS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire dans laquelle le procureur général du Canada demande l’annulation d’une décision du juge-arbitre Goulard (CUB 70206), qui a accueilli l’appel interjeté par Kari Steven Lylander à l’encontre d’une décision rendue par un conseil arbitral le 30 mai 2007.

 

[2]               Dans la décision contestée, le conseil arbitral a rejeté l’appel de M. Lylander contre une décision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada selon laquelle il n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi qui lui ont été versées pour les semaines du 3 au 7 octobre 2005 et du 14 octobre au 8 décembre 2005, alors qu’il était détenu dans une prison. La Commission ordonne à M. Lylander de rembourser un trop-payé d’environ 1 600 $, mais sans pénalité.

 

[3]               Les dispositions suivantes de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, sont pertinentes en l’espèce.

37.  Sauf dans les cas prévus par règlement, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour toute période pendant laquelle il est :

a) soit détenu dans une prison ou un établissement semblable;

[…]

43.  La personne qui a touché des prestations en vertu de la présente loi au titre d’une période pour laquelle elle était exclue du bénéfice des prestations ou des prestations auxquelles elle n’est pas admissible est tenue de rembourser la somme versée par la Commission à cet égard.

 

37.  Except as may otherwise be prescribed, a claimant is not entitled to receive benefits for any period during which the claimant

(a) is an inmate of a prison or similar institution; or

43.  A claimant is liable to repay an amount paid by the Commission to the claimant as benefits

(b) to which the claimant is not entitled.

 

 

[4]               La Commission a reconduit la demande de prestations d’assurance-emploi de M. Lylander à compter du 1er août 2005 et a déposé les prestations directement dans son compte bancaire, comme il l’avait demandé. Jusqu’à son incarcération, M. Lylander a transmis ses déclarations hebdomadaires à la Commission par téléphone, en utilisant un code d’accès temporaire (CAT).

 

[5]               La Commission a continué de déposer les prestations dans le compte de M. Lylander après son incarcération, bien que M. Lylander affirme avoir téléphoné à la Commission et avoir informé un fonctionnaire du fait qu’il était incarcéré. La Commission déclare n’avoir aucune trace de cette conversation.

 

[6]               Devant le conseil arbitral, M. Lylander a fait valoir qu’il n’a pas rempli de déclarations hebdomadaires pendant qu’il était en prison et que lorsqu’il a été libéré, il s’est rendu compte que son compte de banque était vide. Il a présumé que sa petite amie, avec laquelle il faisait vie commune avant son arrestation, avait pu trouver son code d’accès temporaire dans son portefeuille (il affirme avoir été incapable de retrouver son portefeuille par la suite), remplir les déclarations hebdomadaires en son nom par téléphone et retirer les fonds de son compte. Il a indiqué qu’il avait permis à son amie d’avoir accès à son compte bancaire pour qu’elle puisse acheter des produits de première nécessité pour leur bébé, mais a assuré également qu’il n’avait donné son CAT à personne ni autorisé la présentation de déclarations en son nom pendant qu’il était en prison.

 

[7]               Dans ses motifs de décision, le conseil arbitral a conclu que M. Lylander avait « permis que la présumée fraude soit commise en ne protégeant pas son identité », et que si une fraude avait été commise, « les moyens de commettre cette fraude et de demander des prestations lui avaient nécessairement été donnés par le prestataire, directement ou indirectement ». Le conseil arbitral a aussi relevé que M. Lylander reconnaissait avoir permis à un tiers d’accéder au compte bancaire dans lequel la Commission avait déposé ses prestations. Compte tenu de ces facteurs, le conseil arbitral a décidé que M. Lylander n’avait pas droit aux prestations pendant qu’il était incarcéré, et a rejeté son appel.

 

[8]               En appel, le juge-arbitre Goulard a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que M. Lylander avait fourni son CAT à sa petite amie. Le juge-arbitre s’est appuyé sur l’arrêt Fournier c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 138, pour étayer la proposition selon laquelle une personne n’est pas responsable du remboursement des prestations perçues frauduleusement par une autre personne à l’insu du prestataire et sans son consentement. Il a estimé que les faits de l’espèce étaient « semblables » à ceux exposés dans l’arrêt Fournier, et il a fait droit à l’appel de M. Lylander.

 

[9]               Le juge-arbitre Goulard a conclu ses motifs de décision en déclarant :

La preuve a établi que le prestataire n’avait pas rempli ses déclarations et qu’il n’avait pas reçu ses prestations pendant les périodes visées par l’appel. Les prestations ont été perçues frauduleusement par une tierce partie à l’insu du prestataire et sans son consentement. Conformément à la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Fournier (supra), le prestataire ne pouvait être tenu responsable du remboursement de ces prestations.

 

[10]           Je conviens avec le juge-arbitre que la décision du conseil arbitral ne peut être maintenue, quoique pour des motifs différents des siens. À mon avis, le problème avec les motifs du conseil arbitral est qu’ils n’indiquent pas clairement si le conseil arbitral a conclu que dans les faits, les prestations ont été obtenues frauduleusement par une tierce partie et, le cas échéant, si elles ont été obtenues à la connaissance de M. Lylander et avec son consentement.

 

[11]           Les déclarations du conseil arbitral portant que M. Lylander a directement ou indirectement donné les moyens à un tiers de commettre cette fraude en ne protégeant pas son identité ne tiennent pas suffisamment compte de la question à laquelle l’arrêt Fournier impose de répondre : une tierce partie a-t-elle frauduleusement amené la Commission à effectuer des versements excédentaires et, si oui, la fraude a-t-elle été commise à la connaissance de M. Lylander et avec son consentement?

 

[12]           J’estime que le juge-arbitre a aussi fait erreur en tirant sa propre conclusion de fait, à savoir que M. Lylander a été l’innocente victime d’une fraude, sans avoir d’abord démontré que le conseil arbitral avait tiré des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait : voir l’alinéa 115(2)c) de la Loi sur l’assurance-emploi. Dans le système d’appel en matière d’assurance-emploi, les conseils arbitraux sont les principaux juges des faits. À moins qu’un conseil arbitral ait tiré une conclusion déraisonnable, les juges-arbitres ne peuvent tirer leurs propres conclusions de fait, car cette démarche est incompatible avec le rôle limité qui leur est dévolu en ce qui touche les faits.

 

[13]           Parce qu’il était convaincu que M. Lylander avait été l’innocente victime d’une fraude, le juge‑arbitre a accueilli l’appel de la décision du conseil arbitral, annulant cette décision, et a accueilli l’appel de la décision de la Commission. À mon sens, le juge‑arbitre aurait dû accueillir l’appel au motif que le conseil arbitral a omis de décider, relativement aux faits, si une tierce partie a frauduleusement amené la Commission à effectuer les versements excédentaires et, le cas échéant, si la fraude a été commise à la connaissance de M. Lylander et avec son consentement. Par conséquent, après avoir accueilli l’appel, le juge-arbitre aurait dû renvoyer l’affaire à un conseil arbitral différemment constitué pour que celui-ci rende une nouvelle décision.

 

[14]           Pour ces motifs, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire du procureur général, j’annulerais la décision du juge‑arbitre et je renverrais l’affaire au juge‑arbitre en chef ou à un juge‑arbitre désigné par lui pour qu’il annule la décision du conseil arbitral et renvoie l’affaire à un conseil arbitral différemment constitué qui rendra décision en conformité avec les présents motifs.

 

    « John M. Evans »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

J. Richard, j. c. »

 

« Je suis d’accord.

K. Sharlow, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-231-08

 

DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION RENDUE LE 14 AVRIL 2008 PAR MONSIEUR LE JUGE GOULARD, JUGE-ARBITRE, DANS LE DOSSIER NUMÉRO CUB70206

 

INTITULÉ :                                                   PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. KARI STEVEN LYLANDER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE EVANS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                        LA JUGE SHARLOW

                                                                       

DATE DES MOTIFS :                                  Le 25 novembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Derek Edwards

POUR LE DEMANDEUR

 

Andrew C. Bolter

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Community Legal Assistance Sarnia

Sarnia (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.