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Date : 20080910

Dossier : A‑149‑08

Référence : 2008 CAF 257

 

PRÉSENT :    LE JUGE RYER

 

ENTRE :

AMNESTY INTERNATIONAL CANADA

et L'ASSOCIATION DES LIBERTÉS CIVILES DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

appelantes

 

et

 

LE CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE LA DÉFENSE DES FORCES CANADIENNES,

LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

 

 

 

 

Requête jugée sur dossier, sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2008.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                            LE JUGE RYER

 


 

Date : 20080910

Dossier : A‑149‑08

Référence : 2008 CAF 257

 

PRÉSENT :    LE JUGE RYER

 

ENTRE :

AMNESTY INTERNATIONAL CANADA

et L'ASSOCIATION DES LIBERTÉS CIVILES DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

appelantes

 

et

 

LE CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE LA DÉFENSE DES FORCES CANADIENNES,

LE MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

[1]               Il s'agit d'une requête formée par l'International Human Rights Clinic de la Faculté de droit de l'Université de Toronto (la requérante) en vue d'obtenir, sous le régime du paragraphe 109(1) des Règles des Cours fédérales, l'autorisation d'intervenir dans l'appel interjeté par Amnesty International Canada et l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique contre une ordonnance prononcée le 12 mars 2008 par la juge Mactavish de la Cour fédérale (dossier no T‑324‑07).

[2]               La question essentielle à trancher est celle de savoir si la requérante peut démontrer que sa participation à l'appel contribuera à la décision d'une question de fait ou de droit liée à l'issue de celui‑ci. Pour se prononcer, la Cour doit prendre en considération un certain nombre de facteurs, notamment les suivants :

1)         La personne qui se propose d'intervenir est-elle directement touchée par l'issue du litige?

2)         Y a‑t‑il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu'un véritable intérêt public?

3)         S'agit‑il d'un cas où il semble n'y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

4)         La position de la personne qui se propose d'intervenir est-elle défendue adéquatement par l'une des parties au litige?

5)         L'intérêt de la justice sera‑t‑il mieux servi si l'intervention demandée est autorisée?

6)         La Cour peut-elle entendre l'affaire et statuer sur le fond sans autoriser l'intervention?

 

[Voir le paragraphe 12 de DBC Marine Safety Systems Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), 2008 CAF 148, [2008] A.C.F. no 852 (QL).]

 

[3]               Je souscris à la thèse selon laquelle la requérante possède une expertise dans le domaine du droit international des droits de la personne et pourrait être en mesure de proposer dans l'appel des conclusions utiles qui pourraient se révéler différentes de celles que présenteront les appelantes. Cependant, à mon sens, la requérante n'a pas établi qu'elle ait dans l'issue de l'appel un intérêt suffisant pour justifier son intervention.

 

[4]               La requérante est définie comme un [TRADUCTION] « groupe spécialisé d'action juridique de la Faculté de droit de l'Université de Toronto [...] travaillant dans la tradition des Downtown Legal Services ». En cette qualité, elle [TRADUCTION] « s'occupe d'un nombre limité d'affaires choisies » (voir les paragraphes 15 et 16 de l'affidavit de Renu Mandhane).

 

[5]               À mon avis, la requérante se définit ainsi, en fait, comme un cabinet d'avocats. Or il est à noter qu'elle ne prétend intervenir dans le présent appel pour le compte d'aucune organisation, association ou autre entité qui pourrait être considérée comme son client.

 

[6]               Ce fait démontre que la requérante n'est pas plus directement touchée par l'issue de l'appel que n'importe quel autre cabinet juridique spécialisé en droit international des droits de la personne ou que n'importe quelle personne physique s'intéressant à ce domaine du droit. La situation de la requérante me paraît analogue à celle du candidat à l'intervention Kenneth M. Narvey dans  R. c. Finta, [1993] 1 R.C.S. 1183. Dans cette affaire, la juge McLachlin (qui n'était pas encore juge en chef) a accordé la qualité d'intervenants à trois groupes de défense de l'intérêt public ayant établi avoir un intérêt suffisant dans l'issue du pourvoi, mais a rejeté la requête de M. Narvey. Elle s'en explique aux paragraphes 6 et 7 de l'exposé des motifs de cet arrêt :

6          Les trois groupes d'intérêt public ont tous démontré un intérêt dans l'issue du présent pourvoi. Le Congrès juif canadien, la Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada et InterAmicus ont un intérêt à veiller à ce que l'interprétation des dispositions du Code criminel contestées en l'espèce soit conforme au respect des questions qui s'inscrivent dans le cadre de leur mandat. Par les personnes qu'ils représentent ou par le mandat qu'ils cherchent à faire valoir, ces requérants sont directement intéressés au respect par le Canada de ses obligations juridiques aux termes du droit international coutumier ou conventionnel. Bien que la Cour hésite souvent à accorder le statut d'intervenant à des groupes d'intérêt public dans les pourvois en matière pénale, il peut y avoir des exceptions en vertu de son large pouvoir discrétionnaire lorsqu'il s'agit d'importantes questions de droit public comme en l'espèce. Les trois parties ont démontré dans leurs arguments à la Cour qu'elles satisfont à l'exigence en matière d'intérêt que prévoit l'art. 18 des Règles.

 

7          Ce n'est pas le cas de M. Narvey. Il est évident que M. Narvey est un expert sur la question dont notre Cour est saisie. Mais son intérêt dans l'issue du litige ne peut être établi simplement par son statut de chercheur et de défenseur des questions de droit public. Il doit démontrer un intérêt direct dans l'issue du pourvoi. M. Narvey n'allègue pas que son statut de Canadien d'origine juive ou que son association occasionnelle avec des organismes juifs constituent un fondement pour sa demande. À l'heure actuelle, il n'est pas engagé dans un litige visé par l'issue du présent pourvoi et il ne prétend pas représenter un intérêt qui est directement touché par le pourvoi. Bref, l'intérêt de M. Narvey dans le présent pourvoi ne porte pas sur l'issue de celui‑ci mais découle seulement d'une préoccupation importante à l'égard de la question en litige. Ce genre d'intérêt n'est pas celui qui est visé à l'al. 18(3)a) des Règles de la Cour suprême du Canada. Par conséquent, M. Narvey ne satisfait pas le premier critère de l'art. 18 des Règles. Je suis d'avis de refuser la demande de M. Narvey. [Non souligné dans l'original.]

 

 

[7]               La jurisprudence dit aussi qu'un intérêt dans l'issue du litige est insuffisant pour justifier l'intervention si cet intérêt est « de nature "jurisprudentielle" », selon l'expression employée par le juge Noël dans Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) c. Lignes aériennes Canadien International Ltée, [2000] A.C.F. no 220. Or la nature « jurisprudentielle » de l'intérêt de la requérante se manifeste au paragraphe 25 de l'affidavit de Renu Mandhane, où l'on peut lire ce qui suit :

[TRADUCTION]

25.        L'IHRC a un intérêt particulier et pressant dans cet appel du fait de son intérêt à veiller à ce que le gouvernement canadien se conforme aux obligations découlant pour lui du droit international des droits de la personne et à ce que la jurisprudence de la Charte évolue de manière à maximiser le respect des droits internationaux de la personne. L'IHRC a un intérêt particulier et pressant à veiller à ce que les pouvoirs publics ne perdent pas de vue leurs obligations relativement à ces droits lorsqu'ils agissent hors des frontières nationales et à ce qu'il soit ainsi donné auxdits droits une portée véritablement internationale.

 

 

[8]               Pour conclure, j'assimile l'intérêt de la requérante dans le présent appel à celui d'un cabinet d'avocats spécialisé en droit fiscal international dans un appel fiscal relatif à une affaire internationale d'impôt sur le revenu plaidée par un autre cabinet. De toute évidence, le premier cabinet a un intérêt dans l'issue de l'appel, puisque celle‑ci pourra influer sur l'évolution de sa spécialité, le droit fiscal international. En outre, étant donné son expérience spéciale dans ce domaine du droit, ledit cabinet serait en mesure de proposer des conclusions utiles, et qui lui seraient peut-être même tout à fait propres, à l'audience de l'appel. Cependant, son intérêt dans l'issue du litige n'en serait pas moins à mon sens insuffisant pour justifier qu'on lui accorde la qualité d'intervenant dans l'appel.

 

[9]               Pour les motifs dont l'exposé précède, la requête en autorisation d'intervenir sera rejetée.

 

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A‑149‑08

 

INTITULÉ :                                                   AMNESTY INTERNATIONAL CANADA ET AL.

                                                                                                                                           appelantes

                                                                        et

 

                                                                        CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE LA DÉFENSE DES FORCES CANADIENNES ET AL.

                                                                                                                                                intimés

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER, SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 septembre 2008

 

 

PRÉTENTIONS ÉCRITES :

 

Sujit Choudhry

Sarah Perkins

 

POUR LES INTERVENANTS ÉVENTUELS

 

J. Sanderson Graham

R. Jeff Anderson

POUR L'INTIMÉ

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Faculté de droit de l'Université de Toronto

Toronto (Ontario)

POUR LES INTERVENANTS ÉVENTUELS

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L'INTIMÉ

 

 

 

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