Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080401

Dossier : A-368-06

Référence : 2008 CAF 117

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

MICHELLE ROMANO

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 1er avril 2008

Jugement prononcé à l’audience à Toronto (Ontario), le 1er avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                         LE JUGE SEXTON

 


 

Date : 20080401

Dossier : A-368-06

Référence : 2008 CAF 117

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

MICHELLE ROMANO

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 1er avril 2008)

LE JUGE SEXTON

[1]               Le 22 avril 2005, Michelle Romano (l’intimée) a présenté une demande de prestations de maternité et de prestations parentales en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi). Son relevé d'emploi indiquait qu'elle a travaillé du 1er août au 6 novembre 2004. La Commission de l'assurance-emploi (la Commission) a estimé qu’au cours de cette période, l’intimée avait accumulé 221 heures d'emploi assurable. Elle a cessé de travailler le 6 novembre 2004 en raison d'un accident de la route dont elle avait été victime.

 

[2]               À la suite de son accident, l’intimée a reçu, du 14 novembre 2004 au 24 janvier 2005, des prestations de remplacement du revenu qui lui ont été versées par sa compagnie d’assurance. Elle a soutenu qu'elle avait l’intention de travailler assez longtemps pour se rendre admissible à des prestations de maternité, mais qu’elle en avait été empêchée en raison de l’accident de la route dont elle avait été victime.

 

[3]               Dans une décision unanime, le conseil arbitral a conclu que l’intimée n'avait pas accumulé un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable pour être admissible au bénéfice des prestations.

 

[4]               Devant le juge-arbitre, l’intimée a toutefois plaidé que l’indemnité d’assurance qu’elle avait reçue devait être considérée comme une rémunération assurable au sens de la Loi. Le juge‑arbitre a souscrit à l’argument de l’intimée et a infirmé la décision du conseil arbitral dans une décision rendue le 26 juin 2006 sous le numéro CUB 66224. Le Procureur général du Canada (l’appelant) demande le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[5]               Le juge-arbitre s’est dit préoccupé par la possibilité que les prestations d’assurance-emploi aient été déduites des prestations de remplacement du revenu de l’intimée. Il a expliqué que, si ces déductions étaient faites, l’Administration fédérale percevait injustement des prestations d’assurance-emploi d’une part sans, d’autre part, considérer les prestations de remplacement du revenu de l’appelante comme un revenu assurable au sens de la Loi ou autrement. Voici ce qu’il dit, à la page 3 de sa décision :

Lorsque j'ai été saisi de cette affaire, j'ai été surpris d'apprendre que des cotisations d'assurance-emploi avaient été déduites des prestations de remplacement du revenu de la prestataire […] Si l'on accepte de verser les cotisations, il est certain que ce revenu devrait avoir valeur de rémunération assurable, sinon l'Assurance-emploi n'aurait pas droit à ces cotisations.

Je suis d'avis que la Commission de l'assurance-emploi devrait rembourser les cotisations d'assurance-emploi à la prestataire étant donné qu'elle n'avait pas à les percevoir puisqu'il n'y a pas eu d'heures d'emploi assurable au sens de la Loi, ou que la Commission devrait être empêchée de contester le fait que les sommes reçues par la prestataire au titre des prestations de remplacement du revenu n'ont pas valeur de rémunération assurable. Je doute fort que le régime d'assurance-emploi se permette d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Si la Commission perçoit les cotisations, elle a ainsi l'obligation de verser les prestations.

 

[6]               Le juge-arbitre a ensuite conclu, à la page 5 de sa décision :

 

Pour ces motifs, j'accueille l'appel de la prestataire, à tout le moins pour que les cotisations qu'elle a versées à la caisse de l'assurance-emploi lui soient remboursées. Toutefois, si elle avait conclu une entente avec la caisse de l'assurance-emploi, son revenu devrait avoir valeur de rémunération assurable et les heures correspondantes devraient s'ajouter aux 221 heures accumulées avant son accident de la route. L'appel est accueilli.

 

 

[7]               L’appelant soutient que le juge-arbitre a outrepassé la compétence que lui confère le paragraphe 90(1) de la Loi en complétant le nombre d’heures d’emploi assurable calculé par la Commission par le nombre d’heures correspondant aux prestations de remplacement de revenu alors que seul le ministre du Revenu national avait le droit de le faire. C’est la norme de la décision correcte qui s’applique aux erreurs de compétence (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick 2008 CSC 9, au paragraphe 59).

 

[8]               Les motifs de la majorité dans l’arrêt Canada (P.G.) c. Haberman, (2000) 258 N.R. 150 (C.A.F.) tranchent de façon définitive la présente demande de contrôle judiciaire. Dans cet arrêt, les juges majoritaires de notre Cour ont bien précisé, aux paragraphes 13 à 19, que le ministre du Revenu national a la compétence exclusive pour déterminer le nombre d’heures d’emploi assurable accumulées par un prestataire pour l’application de la Loi. L’arrêt Haberman a été suivi dans d’autres arrêts de notre Cour :

Canada (P.G.) c. Didiodato, [2002] A.C.F. no 1321 (CAF)(QL) à la page 2, paragraphe 2

Canada (P.G.) c. Thiara, [2001] A.C.F. no 1881 (CAF)(QL) à la page 1, paragraphe 1

Canada (P.G.) c. Tuomi, [2000] A.C.F. no 1570 (CAF)(QL) aux pages 1-2, paragraphe 3-4

Canada (P.G.) c. Hawryluk, [2000] A.C.F. no 071(CAF)(QL) à la page 4, paragraphe 8

 

 

[9]               Nous sommes par conséquent d’avis que le juge-arbitre a outrepassé sa compétence en se prononçant sur cette question.

 

[10]           Pour les motifs qui viennent d’être exposés, nous sommes d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire, d’annuler la décision du juge-arbitre et de renvoyer l’affaire au juge-arbitre en chef ou à tout autre juge-arbitre désigné par lui pour qu’elle soit jugée de nouveau en partant du principe que le juge-arbitre a outrepassé sa compétence et qu’il aurait dû rejeter les appels.

 

 

 « J. Edgar Sexton »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          A-368-06

 

INTITULÉ :                                                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. MICHELLE ROMANO

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 LE 1er AVRIL 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :     LES JUGES SEXTON, SHARLOW et PELLETIER

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :                      LE JUGE SEXTON

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sharon McGovern

POUR L’APPELANT

 

Robert J. Hooper

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

 

Hooper Law Offices

Hamilton (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.