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                             Date : 20080213

Dossier : A-437-06

Référence : 2008 CAF 59

 

CORAM:       LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

BRUNO HARTRELL

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Appel entendu à Toronto (Ontario), le 13 février 2008.

Jugement prononcé à l’audience à Toronto (Ontario), le 13 février 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                    LE JUGE RYER

 


Date : 20080213

Dossier : A-437-06

Référence : 2008 CAF 59

 

CORAM:       LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

BRUNO HARTRELL

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 13 février 2008)

LE JUGE RYER

[1]               L’appelant se pourvoit contre la décision du juge Paris de la Cour canadienne de l’impôt (CCI) (2006 CCI 480), de rejeter l’appel formé par M. Bruno Hartrell contre une cotisation fiscale établie en application du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5suppl.) (la LIR) pour l’année d’imposition 1998. La cotisation résulte de l’omission de Toronto Lynx Soccer Club Inc. (LYNX) de verser à l’Agence du revenu du Canada, pour l’année 1998, des retenues à la source se chiffrant à 47 434,46 $, en contravention de l’article 153 de la LIR.

[2]               Selon l’appelant, la CCI a eu tort de maintenir la cotisation car, puisqu’il n’avait jamais été officiellement nommé administrateur de Lynx et qu’il n’exerçait donc pas cette fonction en 1998, le paragraphe 227.1(1) de la LIR ne s’appliquait pas à lui. Subsidiairement, l’appelant soutient que s’il est réputé avoir été administrateur de fait en 1998, il peut se prévaloir de la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 227.1(3) de la LIR.

 

[3]               Les conclusions de la CCI concernant la question de savoir si M. Hartrell devait être tenu responsable en application du paragraphe 227.1(1) de la LIR du défaut de LYNX de verser des retenues à la source pour l’année 1998, parce qu’il était administrateur de fait de LYNX, et concernant la question de savoir si la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 227.1(3) de la LIR avait été établie procèdent de l’application d’une norme juridique à un ensemble de faits. Il s’agit donc de questions mixtes de fait et de droit appelant l’application de la norme de l’erreur manifeste et dominante, sauf s’il appert clairement qu’il s’agit d’une erreur de droit, auquel cas c’est la norme de la décision correcte qui sera appliquée (voir Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235).

 

[4]               Se fondant sur l’arrêt Wheeliker c. R., [1999] 2 C.T.C. 395 (C.A.F.), de notre Cour, la CCI a conclu qu’une personne n’ayant pas été officiellement nommée administrateur pouvait néanmoins être tenue responsable en application du paragraphe 227.1(1) de la LIR si elle exerçait en fait les fonctions d’administrateur de la personne morale en cause.

 

[5]               Nous estimons qu’en se reportant ainsi à l’arrêt Wheeliker, la CCI a bien compris la norme juridique applicable, sous le régime du paragraphe 227.1(1) de la LIR, en matière de responsabilité d’une personne n’ayant pas été officiellement nommée administrateur.

 

[6]               La CCI a examiné de nombreux documents ainsi que les dépositions de plusieurs témoins, dont M. Hartrell, et, au terme de cet examen, a conclu que M. Hartrell avait joué un rôle important dans les affaires de Lynx et qu’il n’avait pas été démontré que la présomption du ministre, selon laquelle M. Hartrell était administrateur de fait, n’était pas fondée.

 

[7]               Nous sommes d’avis que la CCI disposait d’une preuve suffisante pour lui permettre de conclure que M. Hartrell était administrateur de fait de Lynx en 1998. En outre, elle pouvait à bon droit écarter le témoignage de M. Hartrell selon lequel il n’était qu’un investisseur passif. Nous ne sommes donc pas convaincus qu’elle a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que la responsabilité prévue au paragraphe 227.1(1) de la LIR pouvait être retenue à l’égard de M. Hartrell du fait que celui‑ci avait été administrateur de fait de Lynx in 1998 était entachée d’.

 

[8]               Aux termes du paragraphe 227.1(3) de la LIR, l’administrateur de fait ne sera pas tenu responsable du défaut de verser des retenues à la source s’il peut démontrer qu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé pour prévenir cette omission dans des circonstances comparables.

 

[9]               La CCI a indiqué au paragraphe 30 de sa décision que le critère juridique applicable à la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 227.1(3) de la LIR devait être interprété conformément aux principes énoncés au paragraphe 30 de l’arrêt Soper c. R., [1997] 3 C.T.C. 242, 1 C.F. 124, de notre Cour, que nous reproduisons ci‑dessous :

La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) n'est donc pas purement objective. Elle n'est pas purement subjective non plus. La Loi contient des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l'idée de « circonstances comparables ». Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective ».

 

 

[10]           Notre Cour a confirmé, dans Worrell c. R., [2000] 1 C.T.C. 79, les principes énoncés dans Soper au sujet du critère applicable à la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 227.1(3) de la LIR.

 

[11]           L’appelant prétend que la CCI a erré en n’adoptant pas le critère élaboré dans Worrell. Cet argument ne saurait être retenu selon nous. En recourant au critère énoncé dans Soper, lequel a été approuvé dans Worrell, la CCI a appliqué en fait le critère préconisé par l’appelant. Nous convenons avec l’intimée que la CCI n’a pas suivi la décision Thibeault c. La Reine, 2005 CCI 393, [2006] G.S.T.C. 165, relativement au critère applicable en matière de défense de diligence raisonnable, et qu’en s’appuyant sur l’arrêt Soper, elle a retenu le critère juridique qu’il convenait d’appliquer au moyen de défense prévu au paragraphe  227.1(3) de la LIR.

 

[12]           L’appelant fait valoir que l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68, de la Cour suprême du Canada a transformé la nature du critère applicable à la défense de diligence raisonnable formulé dans Soper d’« objective subjective » à simplement « objective ». Il n’est pas absolument certain qu’on puisse affirmer que l’arrêt Magasins à rayons Peoples a éliminé les aspects subjectifs de la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 227.1(3) de la LIR, puisque cette décision portait sur une disposition de la Loi canadienne sur les sociétés par actions L.R.C. 1985, ch. B-3. Voici ce qu’a dit la Cour suprême du Canada à cet égard, au paragraphe 63 de l’arrêt :

Nous estimons pour notre part que le fait, pour le juge Robertson, de qualifier la norme par l’expression « objective subjective » peut semer la confusion.  Nous préférons la décrire comme une norme objective.  Ainsi, il devient évident que dans le cas de l’obligation de diligence prévue à l’al. 122(1)b), ce sont les éléments factuels du contexte dans lequel agissent l’administrateur ou le dirigeant qui sont importants, plutôt que les motifs subjectifs de ces derniers, qui sont l’objet essentiel de l’obligation fiduciaire prévue à l’al. 122(1)a) de la LCSA.

 

 

Si Magasins à rayons Peoples a bien opéré à l’égard du critère du paragraphe 227.1(3) de la LIR une transformation faisant en sorte qu’il nécessite à présent la preuve d’éléments purement objectifs, le nouveau critère est donc devenu plus exigeant qu’un critère comportant des éléments subjectifs, et nous ne voyons donc pas comment l’application de l’arrêt Magasins à rayons Peoples pourrait servir l’appelant.

 

[13]           La CCI a jugé que M. Hartrell, comptable agréé d’expérience, savait qu’à l’égard de plusieurs mois de l’année 1998, lynx n’avait pas versé le montant de retenues à la source dont elle était redevable et qu’il n’a rien fait pour prévenir ce défaut. La CCI a fondé cette conclusion sur la preuve qui lui avait été soumise, en particulier sur le témoignage de M. Hartrell de même que sur la correspondance échangée par ce dernier et M. Iantorno, le président de Lynx. Elle a rejeté l’argument de M. Hartrell selon lequel il s’était raisonnablement efforcé de prévenir ce défaut en faisant en sorte que lynx remette des chèques post-datés à l’ACR en 1999, après la dénonciation du défaut, faisant observer que ces chèques avaient été remis longtemps après les cas de défaut survenus en 1998 et que la défense de diligence raisonnable exige que les mesures visent à prévenir les défauts. La CCI a en outre conclu que M. Hartrell aurait pu faire en sorte que Lynx paie l’arriéré sur le financement qu’elle avait obtenu entre janvier et août 1999.

 

[14]           Compte tenu de la preuve dont disposait la CCI, nous sommes d’avis qu’elle pouvait tirer de telles conclusions de fait. Nous ne sommes donc pas convaincus qu’elle a commis une erreur manifeste et dominante en appliquant à ces conclusions les principes formulés dans Soper en matière de défense de diligence raisonnable et en déterminant que M. Hartrell n’avait pas agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé pour prévenir les omissions de versement de retenues à la source survenues en 1998.

 

[15]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

« C. Michael Ryer »

J.C.A.

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-437-06

 

(APPEL DU JUGEMENT EN DATE DU 11 SEPTEMBRE 2006 DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT PRONONCÉ PAR LE JUGE PARIS – CCI NO 2002‑281 (IT) G.)

 

INTITULÉ :                                                                           BRUNO HARTRELL c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO(ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   13 FÉVRIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR:                        (LES JUGES NADON, SEXTON ET RYER)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LE JUGE RYER

 

 

COMPARUTIONS :

 

Howard J. Alpert

POUR L’APPELANT

 

Andrea Jackett

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alpert Law Firm

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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