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Date : 20071219

A-207-07

Référence : 2007 CAF 409

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NOËL         

 

ENTRE :

B-FILER INC. et B-FILER INC. faisant affaire sous les noms

GPAY GUARANTEED PAYMENT et NPAY INC.

appelantes

et

LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

intimée

 

 

 

Requête écrite décidée sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2007.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                                           LE JUGE NOËL           

 


Date : 20071219

Dossier : A-207-07

Référence : 2007 CAF 409

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

B-FILER INC. et B-FILER INC. faisant affaire sous les noms

GPAY GUARANTEED PAYMENT et NPAY INC.

appelantes

et

LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

intimée

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE NOËL

 

[1]               La Cour est saisie d’une requête présentée par la défenderesse pour que les appelantes fournissent un cautionnement pour les dépens avant que l’appel puisse être poursuivi. Dans l’éventualité où les appelantes ne fournissent pas un cautionnement, l’intimée demande le rejet de leur appel sans autre avis.

 

FAITS

[2]               Le Tribunal de la concurrence a adjugé des dépens de 887 049,62 $ à l’intimée au terme d’une procédure durant laquelle elle a réussi à contrer une allégation selon laquelle elle avait refusé de traiter avec les appelantes contrairement au paragraphe 75(1) de la Loi sur la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34. Les appelantes ont interjeté appel de cette décision, et n’ont pas encore payé les dépens qui ont été adjugés contre elles.

 

[3]               L’intimée a produit un mémoire de frais projeté concernant l’appel à venir dans lequel elle estime que des frais de 35 427 $ seront engagés pour répondre à l’appel. Elle demande que soit fourni un cautionnement d’un total de 922 476,62 $ pour le montant impayé des dépens adjugés par le Tribunal de la concurrence, ainsi que les frais projetés afférents à l’appel.

 

[4]               Les appelantes ne contestent pas le fait que les dépens adjugés par le Tribunal de la concurrence sont actuellement exigibles et qu’elles n’ont pas réglé le montant impayé, même si l’intimée a adressé plusieurs demandes, pas plus qu’elles contestent le montant adjugé par le Tribunal de la concurrence dans le cadre de l’appel qu’elles ont interjeté. Elles soutiennent toutefois qu’elles n’ont aucune source importante de revenu à l’heure actuelle parce que toutes les grandes banques canadiennes refusent maintenant de leur fournir des services financiers et qu’elles n’ont aucun élément d’actif pour payer le montant réclamé. Selon les appelantes, leur appel doit se poursuivre sans qu’elles paient les dépens impayés et qu’elles fournissent un cautionnement parce que leur appel est fondé et qu’il soulève des questions d’intérêt public.

 

DISCUSSION ET DÉCISION

[5]               Je suis d’avis qu’il n’existe aucun droit à un cautionnement en ce qui concerne les dépens projetés par l’intimée concernant l’appel actuel. Le seul motif de garantir ces dépens est celui exposé au paragraphe 416(2) des Règles des Cours fédérales, qui permet à la Cour d’accorder un cautionnement en tranches « représentant les dépens engagés ». L’intimée est libre de reformuler sa requête en conséquence, mais la partie de la présente demande qui vise l’obtention d’un cautionnement pour des dépens projetés ne peut être accueillie.

 

[6]               L’intimée a toutefois démontré qu’elle a droit à une ordonnance de cautionnement concernant le montant impayé des dépens adjugés par le Tribunal de la concurrence en vertu des alinéas b) et f) de l’article 416 des Règles, qui disposent respectivement :

 

Cautionnement

416. (1) Lorsque, par suite d’une requête du défendeur, il paraît évident à la Cour que l’une des situations visées aux alinéas a) à h) existe, elle peut ordonner au demandeur de fournir le cautionnement pour les dépens qui pourraient être adjugés au défendeur :

b) le demandeur est une personne morale ou une association sans personnalité morale ou n’est demandeur que de nom et il y a lieu de croire qu’il ne détient pas au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens advenant qu’il lui soit ordonné de le faire;

f) le défendeur a obtenu une ordonnance contre le demandeur pour les dépens afférents à la même instance ou à une autre instance et ces dépens demeurent impayés en totalité ou en partie;

 

Where security available

416. (1) Where, on the motion of a defendant, it appears to the Court that

      b) the plaintiff is a corporation, an unincorporated association or a nominal plaintiff and there is reason to believe that the plaintiff would have insufficient assets in Canada available to pay the costs of the defendant if ordered to do so,     

 

      (f) the defendant has an order against the plaintiff for costs in the same or another proceeding that remain unpaid in whole or in part,

 

 

 

 

[7]               Une fois que le droit au cautionnement a été établi en vertu de l’article 416 des Règles, le fardeau de la preuve se déplace vers l’autre partie, qui doit démontrer qu’une ordonnance de cautionnement ne doit pas être rendue malgré cela :

 

Motifs de refus de cautionnement

417. La Cour peut refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour les dépens dans les situations visées aux alinéas 416(1) a) à g) si le demandeur fait la preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien-fondé de la cause.

 

Grounds for refusing security

417. The Court may refuse to order that security for costs be given under any of paragraphs 416(1)(a) to (g) if a plaintiff demonstrates impecuniosity and the Court is of the opinion that the case has merit.

 

 

[8]               Même si, aux fins de l’espèce, je présume du bien-fondé de l’appel formulé par les appelantes, elles n’ont pas démontré qu’elles sont indigentes.

 

[9]               La réponse des appelantes à la présente requête dans la mesure où elle se rapporte à leur situation financière se limite à un aveu voulant qu’elles n’aient pas ni les éléments d’actif ni la source de revenu nécessaires pour payer les dépens adjugés impayés. Cela ne suffit pas pour satisfaire au fardeau qui leur incombe de démontrer qu’elles sont indigentes. La situation financière des appelantes est connue d’elles-mêmes, et l’on ne peut difficilement apprendre autre chose que ce qu’elles ont décidé de divulguer. En l’espèce, les appelantes ont en fait plaidé l’indigence en ne fournissant aucun élément de preuve qui permette d’établir qu’elles n’ont effectivement aucune ressource.

 

[10]           Dans Heli Tech Services (Canada) Ltd. c. Compagnie Weyerhaeuser Limitée, 2006 A.C.F. no 1494, la Cour fédérale a fait la déclaration suivante au paragraphe 8 :

En ce qui a trait à la preuve requise pour établir l’indigence, la norme exigée est rigoureuse; une divulgation franche et complète est requise. Le fardeau doit être repoussé [traduction] « de façon particulièrement robuste », afin [traduction] qu’« aucune question importante ne soit laissée sans réponse » (Morton c. Canada [Procureur général], [2005], 75 O.R. [3d] 63 75 O.R. [3d] 63 [C.S.J.], au paragraphe 32).

 

[11]           Quelques paragraphes auparavant (au paragraphe 6), la Cour fédérale a cité le passage ci‑après de la décision de la Haute Cour de l’Ontario dans Smith Bus Lines Ltd. v. Bank of Montreal (1987), 61 O.R. (2d) 688, aux pages 704 et 705 :

 

[Traduction]

 

[…] La société demanderesse qui veut être autorisée à poursuivre l’action, sans démontrer qu’elle détient des éléments d’actif suffisants ou sans fournir un cautionnement, doit d’abord démontrer l’« indigence », ce qui signifie non seulement qu’elle ne détient pas elle‑même des éléments d’actif suffisants, mais aussi qu’elle ne peut pas se procurer auprès de ses actionnaires et associés les fonds nécessaires en vue de payer le cautionnement pour les dépens, en partie parce que les tribunaux ne veulent pas que le défendeur qui a gain de cause soit de fait privé des dépens lorsque, par exemple, de riches actionnaires ont décidé d’exploiter l’entreprise et d’ester en justice par l’entremise d’une société fictive. Le demandeur qui affirme être indigent doit prouver qu’il ne peut pas se procurer les fonds nécessaires afin de payer le cautionnement pour les dépens parce que, s’il s’agit d’une société privée, ses actionnaires ne détiennent pas des éléments d’actif suffisants. Comme le juge Reid l’a dit dans la décision John Wink Ltd. v. Sico Inc. (1987), 57 O.R. (2d) 705, à la page 709, 15 C.P.C. (2d) 187 : « L’ordonnance prévoyant la remise d’un cautionnement qui empêche le demandeur de poursuivre l’instance règle de fait l’affaire ». Pour invoquer l’indigence, il doit être prouvé que si le cautionnement est exigé, les poursuites prendront fin – parce que non seulement le demandeur ne possède pas la somme nécessaire aux fins du cautionnement, mais aussi parce qu’il n’a pas cette somme à sa disposition. […]

[Soulignement ajouté]

 

[12]           Comme il a déjà été mentionné, les appelantes n’ont produit aucune preuve concernant leurs finances. Les éléments de preuve produits devant le Tribunal de la concurrence nous enseignent toutefois ce qui suit :

a)      Les appelantes (« NPay et GPay ») sont une entreprise de transfert de fonds. NPay et UseMyBank Services Inc. (« UseMyBank ») sont les associées d’une coentreprise;

 

b)      Les personnes qui veulent s’adonner au jeu en ligne peuvent cliquer sur une icône appelée « UseMyBank ». Le joueur en ligne est alors dirigé vers le site Web de UseMyBank. Le joueur en ligne est ensuite invité à saisir le numéro de sa carte bancaire et son mot de passe secret aux fins d’opérations électroniques;

 

c)      UseMyBank se sert de ces renseignements durant une séance de services bancaires électroniques comme si elle était la cliente de la banque, et fait transférer une somme d’argent du compte du client vers un compte détenu au nom de NPay ou GPay;

 

d)      La somme est regroupée avec d’autres sommes, et finit par être transmise à l’étranger à des entreprises de gestion de casinos ou à d’autres passerelles de traitement de paiements;

 

e)      En 2006, la cooentreprise a traité des opérations totalisant plus de 60 millions $, dont plus de 58 millions $ ont été acheminés à des casinos faisant affaire sur Internet;

 

f)       NPay et UseMyBank tirent un revenu en retenant un pourcentage des fonds prélevés dans les comptes des clients de banques qu’elles détiennent en fiducie pour le compte des casinos faisant affaire sur Internet et des passerelles de traitement de paiements. Elles font aussi de l’argent en conservant un pourcentage de la marge de change enregistrée lors de la conversion des dollars canadiens provenant des clients de banques en devise dans laquelle leurs comptes de casinos sont financés;

 

g)      NPay et GPay sont des personnes morales constituées en sociétés en Alberta. Raymond Grace est président tant de NPay que de GPay;

 

h)      Les entreprises NPay et GPay exercent leurs activités depuis le sous-sol de M. Grace et n’emploient qu’un ou deux autres employés à plein temps.

 

[13]           L’intimée a déclaré à l’appui de sa requête, déclaration que les appelantes n’ont pas contestée, que la presque totalité de l’argent gagné par NPay en raison de son mécanisme de coentreprise avec UseMyBank a été versée à l’actionnaire de NPay, M. Raymond Grace. De même, les appelantes n’ont pas contesté la déclaration de l’intimée selon laquelle UseMyBank a aussi un intérêt dans le présent litige, et que UseMyBank et son directeur, Joseph Lo, ont les moyens financiers de garantir les dépens adjugés impayés.

 

[14]           Sur la foi du dossier qui m’a été présenté, les appelantes n’ont pas satisfait au fardeau d’établir qu’elles sont indigentes.

 

[15]           Une ordonnance sera donc rendue pour enjoindre aux appelantes de fournir un cautionnement d’un montant égal à celui des dépens adjugés par le Tribunal de la concurrence dans les trente jours de la présente ordonnance, à défaut de quoi l’appel sera rejeté sans autre avis. L’ordonnance prévoira aussi qu’aucune autre mesure ne sera prise dans le cadre de l’appel tant que le cautionnement n’aura pas été fourni conformément à la présente ordonnance. L’appelante aura droit aux dépens afférents à la demande.

 

 

« Marc Noël »

j.c. a


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSSIER:                                                                           A-207-07       

 

INTITULÉ :                                                                           B-FILER INC., B-FILER INC., faisant affaire sous les noms GPAY GUARANTEED PAYMENT et NPAY INC. c. LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 19 décembre 2007 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Me Sharon J. Dalton

POUR LES APPELANTES

 

Me F. Paul Morrison

Me Lisa M. Constantine

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Edy Dalton

Calgary (Alberta)

 

POUR LES APPELANTES

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r. l.

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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