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Date : 20071214

Dossier : A-64-06

Référence : 2007 CAF 406

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DARCY LEE

défenderesse

 

 

 

Audience tenue à Charlottetown (Î.-P.-É.), le 6 décembre 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                         LE JUGE MALONE


 

Date : 20071214

Dossier : A-64-06

Référence : 2007 CAF 406

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DARCY LEE

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE TRUDEL

[1]               Par la présente demande de contrôle judiciaire, le procureur général du Canada (le demandeur) prie la Cour d’infirmer la décision du juge-arbitre Guy Goulard (CUB 65087) rendue conformément à la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi). Le juge-arbitre a rejeté l’appel formé par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission).

 

[2]               Darcy Lee (la défenderesse) a travaillé pour On-Line Support comme représentante du service d’assistance à la clientèle, entre avril et octobre 2004. Elle a fait une demande de prestations selon la Loi, mais la Commission a estimé que Mme Lee avait perdu son emploi en raison de son inconduite, après que l’on eut constaté qu’elle interrompait les communications avec les clients avant de répondre à leurs demandes de renseignements. Elle n’avait donc pas droit à des prestations d’assurance-emploi.

 

[3]               Dans l’appel qu’elle a interjeté devant le conseil arbitral (le conseil), Mme Lee a reconnu qu’elle interrompait des appels. Elle savait que c’était mal, mais elle ajoute que son travail lui causait une tension considérable, car l’entreprise obligeait ses employés à répondre à 5,5 appels par heure. Le non-respect du quota imposé constituait un motif de renvoi. La Commission, dont la décision fut confirmée par le juge-arbitre, a unanimement fait droit à l’appel dans une décision d’une phrase, formulée ainsi :

[traduction] Le conseil est d’avis que la prestataire a été ciblée pour servir d’exemple dans cette décision de congédiement et estime que l’entreprise l’a injustement congédiée et qu’elle a enfreint son propre code de conduite, ce qui pourrait être considéré comme du harcèlement.

 

 

[4]               La question de savoir si un prestataire a été congédié de son emploi pour inconduite est une question mixte de droit et de fait, contrôlable selon la norme de la décision raisonnable (Budhai c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 298). Le juge-arbitre Goulard a correctement appliqué la bonne norme, mais il a estimé qu’il n’avait aucune raison d’intervenir. Pour les motifs qui suivent, je ne partage pas son point de vue.

 

[5]               La décision de la Commission n’aborde pas la question de l’inconduite. Le rôle de la Commission n’était pas de déterminer si le congédiement imposé par l’employeur était justifié ou si la sanction était légitime. La Commission devait décider si le fait d’interrompre les appels téléphoniques des clients avant de répondre à leurs demandes de renseignements constituait une inconduite selon l’article 30 de la Loi (voir les arrêts suivants : Canada (Procureur général) c. McNamara, 2007 CAF 107; Canada (Procureur général) c. Caul, 2006 CAF 251; Fleming c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 16; Canada (Procureur général) c. Marion, 2002 CAF 185; Fakhari c. Canada (Procureur général) (1996), 197 N.R. 300 (C.A.F.), [1996] A.C.F. n° 653 (C.A.) (QL); Canada (Procureur général) c. Langlois, [1996] A.C.F. n° 241 (C.A.) (QL) [Langlois]; Canada (Procureur général) c. Secours (1995), 179 N.R. 132 (C.A.F.), [1995] A.C.F. n° 210 (C.A.) (QL) [Secours]; Canada (Procureur général) c. Namaro (1983), 46 N.R. 541 (C.A.F.), [1983] A.C.F. n° 21 (C.A.) (QL) [Namaro]).

 

[6]               Le juge-arbitre a confirmé la décision de la Commission. Malheureusement, la décision du juge-arbitre laisse de côté les décisions passées de la Cour selon lesquelles il suffit, pour qu’il y ait inconduite selon la Loi, que l’acte répréhensible ou l’omission reprochée soit « délibéré », c’est‑à‑dire conscient, voulu ou intentionnel (Canada (Procureur général) c. Tucker, [1986] 2 C.F. 329 (C.A.); arrêt Secours, précité; arrêt Canada (Procureur général) c. Johnson, 2004 CAF 100). Il ne fait aucun doute, dans le cas présent, que l’acte répréhensible était conscient. Se focalisant sur les raisons données par l’intimée pour justifier son inconduite, le juge‑arbitre a oublié de considérer que, eu égard aux circonstances, le fait de couper les appels était d’une nature telle, pour une représentante du service d’assistance à la clientèle, que l’intimée aurait dû savoir, ou prévoir, que sa manière d’agir pouvait entraîner son congédiement (arrêt Langlois, précité). Répondre aux appels téléphoniques était une fonction essentielle de son emploi, une fonction qu’elle a cessé de remplir (Canada (Procureur général) c. Pearson, 2006 CAF 199; Canada (Procureur général) c. Brissette, [1994] 1 C.F. 684 (C.A.)).

 

[7]               Le fait que l’intimée ait eu peur de perdre son emploi et qu’elle ait pensé que c’était la seule solution suscite évidemment la sympathie, mais cela ne change pas la qualification juridique et les conséquences des actes commis. En outre, le fait que d’autres employés coupables de la même inconduite n’aient pas été congédiés est sans pertinence (arrêt Namaro, précité).

 

[8]               Pour ces motifs, je me propose de faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire sans frais, le demandeur ne les ayant pas sollicités. La décision du juge-arbitre, CUB 65087, sera infirmée et l’affaire sera renvoyée au juge-arbitre en chef ou à un juge‑arbitre désigné par lui pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant pour acquis que la défenderesse a perdu son emploi à cause de son inconduite.

 

                                                                                                                  « Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

     Alice Desjardins, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

     Marc Noël, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-64-06

 

APPEL INTERJETÉ D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE GUY GOULARD, PORTANT LA DATE DU 9 DÉCEMBRE 2005.

 

INTITULÉ :                                                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                c.

                                                                                                DARCY LEE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     CHARLOTTETOWN (Î.-P.-É.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 6 DÉCEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                LE JUGE NOËL

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 14 DÉCEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Korinda McLaine

POUR LE DEMANDEUR

 

Darcy Lee

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

 

 

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