ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 3 décembre 2007
Jugement rendu à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 3 décembre 2007
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA JUGE TRUDEL
Date : 20071203
Dossier : A-74-07
Référence : 2007 CAF 383
CORAM : LA JUGE DESJARDINS
LE JUGE NOËL
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
PHYLLIS MATHESON
défenderesse
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 3 décembre 2007)
[1] Par la présente demande de contrôle judiciaire, le procureur général du Canada (le demandeur) prie la Cour d’annuler une décision rendue par la Commission d’appel des pensions (la Commission) le 15 janvier 2007. La Commission a refusé de modifier une ordonnance antérieure qu’elle avait rendue.
[2] De novembre 2003 à novembre 2005, le ministre des Ressources humaines et du Développement social Canada (le ministre) et Mme Matheson ont été mêlés à un différend portant sur l’admissibilité de Mme Matheson à une pension d’invalidité en application du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8.
[3] Le 26 octobre 2005, les parties ont consenti à ce que soit rendue une décision par laquelle Mme Matheson serait reconnue, à compter de janvier 2003, comme une personne invalide au sens du Régime de pensions du Canada et, à ce titre, fondée à recevoir des prestations à compter de mai 2003. La Commission a donc rendu une ordonnance faisant droit à l’appel de Mme Matheson, conformément au consentement à jugement signé par les parties.
[4] En décembre 2005, le ministre s’est rendu compte qu’il s’était trompé sur la date de prise d’effet du paiement : cette date aurait dû être février 2004 et non mai 2003, en raison de la demande de Mme Matheson, en janvier 2004, pour qu’il soit procédé à un partage des crédits conformément aux dispositions du Régime de pensions du Canada relatives au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAODP).
[5] En janvier 2006, l’avocate du ministre a envoyé une lettre à Mme Matheson pour la prier de consentir à une décision modifiée qui indiquerait comme date de paiement février 2004. Elle a refusé. Le 6 avril 2006, le ministre a déposé un avis de requête auprès de la Commission pour la prier de rendre en conséquence une ordonnance modifiée.
[6] La Commission a rejeté la demande et a décidé à l’unanimité qu’elle était functus officio et dépourvue du pouvoir d’examiner l’affaire, concluant que la décision initiale de novembre 2005 rendait compte de l’intention manifeste de la Commission et des parties.
[7] Le demandeur dit que la Commission [traduction] « a entériné un accord qui ne peut être mis à exécution parce qu’il est contraire aux dispositions du Régime de pensions du Canada et qu’il est donc illégal » (paragraphes 29 et 37 du mémoire des faits et du droit du demandeur). Le demandeur ajoute que l’ordonnance de la Commission [traduction] « est nulle car elle a été rendue au mépris du droit ». Il s’ensuit que la Commission devrait être autorisée à réexaminer l’affaire depuis le début et à rendre une décision valide.
[8] Nous sommes d’avis que la Commission d’appel des pensions n’a commis aucune erreur en décidant comme elle l’a fait. Elle a appliqué la bonne norme de contrôle à la question de droit qu’elle avait devant elle : la norme de la décision correcte (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34).
[9] La présente affaire, telle qu’elle se présente, n’entre pas dans les exceptions de l’arrêt Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848, un précédent qui fait autorité en ce qui concerne le principe du functus officio dans le contexte des tribunaux administratifs. Il n’y a eu aucune erreur dans la rédaction de l’ordonnance de la Commission; il n’y a eu à l’évidence aucune erreur dans la manière d’exprimer l’intention manifeste de la Commission, au vu de l’accord conclu par les parties (Paper Machinery Ltd. c. J.O. Ross Engineering Corp., [1934] R.C.S. 186). La présente affaire ne remplit pas non plus le critère du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’un cas où la Commission peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier sa décision.
[10] Nous mettons en doute l’à-propos du recours choisi par le demandeur, qui voulait que la Commission modifie, pour cause de nullité, l’ordonnance initiale qui homologuait l’entente des parties. Nous croyons que le demandeur aurait dû solliciter l’annulation de l’entente devant l’instance compétente. Avant que les parties ne puissent renégocier, l’entente contestée doit être invalidée. Il ne saurait y avoir une entente valide si le consentement de l’une des parties ou des deux est vicié.
[11] Nous ne pouvons ignorer que la défenderesse a accepté l’offre du demandeur. La Commission a simplement entériné l’entente, conformément à l’article 19.1 des Règles de procédure de la Commission d’appel des pensions (prestations), C.R.C., ch. 390. L’appel a été accueilli dans les limites des paramètres établis par les parties et de la compétence de la Commission.
[12] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée sans frais.
« Johanne Trudel »
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-74-07
(APPEL INTERJETÉ D’UNE DÉCISION DE LA COMMISSION D’APPEL DES PENSIONS PORTANT LA DATE DU 15 JANVIER 2007.)
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
c.
PHYLLIS MATHESON
LIEU DE L’AUDIENCE : HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 3 DÉCEMBRE 2007
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (LES JUGES DESJARDINS, NOËL ET TRUDEL)
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : LA JUGE TRUDEL
COMPARUTIONS :
POUR LE DEMANDEUR
|
|
POUR SON PROPRE COMPTE
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada
|
POUR LE DEMANDEUR
|
|
|