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Date : 20070517

Dossier : A-649-05

Référence : 2007 CAF 196

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

MICHELINE BRUNET

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 16 mai 2007.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 17 mai 2007.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR LA COUR

 


 

Date : 20070517

Dossier : A-649-05

Référence : 2007 CAF 196

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

MICHELINE BRUNET

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

PAR LA COUR

 

[1]               Nous sommes saisis d’un appel d’une décision d’un juge de la Cour canadienne de l’impôt rejetant l’appel de l’appelante pour deux motifs.

 

[2]               Premièrement, le juge s’est dit d’avis que la Cour n’avait pas compétence pour modifier les cotisations établies à l’égard des années d’imposition 1993 à 2000 parce que l’appelante n’avait pas produit d’avis d’opposition, tel que l’exige l’article 169 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi). Nous ne voyons dans cette conclusion aucune erreur qui justifierait notre intervention.

 

[3]               En ce qui a trait aux années d’imposition 2001 et 2002, le juge a conclu que le ministre était justifié de refuser la déduction des dépenses réclamées par l’appelante dans le calcul de son revenu parce que l’entreprise envisagée par l’appelante et son conjoint n’avait tout simplement pas démarré, et ce de l’admission même du conjoint de l’appelante qui est le concepteur du projet. Il n’y avait donc aucune source de revenu.

 

[4]               En outre, le juge a fait valoir que plusieurs des dépenses réclamées auraient été, si l’entreprise avait existé et démarré, des dépenses de nature capitale.

 

[5]               Encore là, nous n’avons pas été convaincus par les représentations écrites de l’appelante, et celles faites oralement à l’audience par son conjoint, que les conclusions du juge contiennent des erreurs de droit ou mixtes de fait et de droit qui requièrent notre intervention.

 

[6]               Toutefois, à l’audience, l’appelante a insisté sur le fait que malgré des demandes répétées, inconditionnellement appuyées par le procureur de l’intimée, on a refusé de lui remettre une copie des motifs de jugement de la Cour canadienne de l’impôt rendus oralement à l’audience. Plutôt, elle a reçu des motifs de jugement, signés près de sept mois plus tard, qui se veulent des motifs du jugement prononcé oralement à l’audience du 23 novembre 2005, mais « modifiés pour plus de clarté et de précision ».

 

[7]               Elle se dit lésée par ces motifs qui, dit-elle, ne correspondent pas à ceux rendus à l’audience dans lesquels, toujours selon elle, le juge lui accordait certaines déductions. Les motifs auraient été modifiés et bonifiés à son détriment.

 

[8]               Ce refus de remettre copie des motifs de jugement rendus oralement à l’audience est tout simplement inacceptable. Au-delà du sentiment d’injustice et de méfiance qu’il crée chez le contribuable, il empêche la Cour d’appel d’exercer son pouvoir de révision puisqu’elle ne peut vérifier le bien-fondé des allégations de l’appelante et l’ampleur des altérations apportées sept mois plus tard au jugement déjà rendu. Les motifs rendus à l’audience sont les motifs du jugement et, sur demande, les parties ont le droit de recevoir une copie de la transcription intégrale.

 

[9]               Dans l’affaire Breslaw c. Canada, 2005 FCA 355, notre Cour s’est déjà penchée sur ce qui semble être une pratique qui a occasionnellement cours à la Cour canadienne de l’impôt de modifier les motifs oraux rendus à l’audience. Dans cette affaire, notre Cour a reconnu le droit d’apporter des corrections mineures de style et de grammaire, mais aucunement celui de modifier en substance les motifs rendus à l’audience. Aux paragraphes 24 et 25, le juge Pelletier écrit :

[24]      Le problème se pose lorsque la version révisée des motifs rendus de vive voix ne coïncide pas avec la version originale des mêmes motifs consignée dans la transcription. Bien que l'appel soit interjeté à l'encontre du jugement de la Cour et non pas à l'encontre de ses motifs, les parties se fondent néanmoins sur les motifs de la Cour pour formuler leur question en appel. En conséquence, les différences importantes entre les motifs prononcés à l'audience publique et la version révisée de ces mêmes motifs doivent être découragées. Le juge peut réviser ses motifs sur les plans grammatical et stylistique pour en faciliter la lecture. Cependant, l'ajout de points qui n'ont pas été soulevés lors du prononcé des motifs de vive voix, ou la soustraction de points qui ont alors été soulevés, dépassent la simple révision de la grammaire et du style. L'on peut certainement comprendre que le juge qui, après coup, revoit le prononcé oral de ses motifs puisse estimer que ceux-ci ne constituent pas le meilleur exposé de son raisonnement. Mais ce sont là les motifs qui ont été prononcés devant les parties et il serait injuste pour ces dernières d'en modifier le fond ultérieurement.

 

[25]       Cela est d'autant plus vrai lorsque l'avis d'appel a été déposé avant la publication de la version révisée de l'énoncé des motifs. Le plaideur qui voit des questions soulevées pour la première fois dans la version révisée des motifs rendus de vive voix est tout à fait en droit de se demander si lesdits motifs constituent une réponse à l'avis d'appel.

 

[10]           En réponse aux demandes infructueuses de l’appelante de recevoir une copie de la transcription intégrale des motifs oraux rendus à l’audience, le greffier de la Cour canadienne de l’impôt a fourni l’explication suivante par lettre du 25 juillet 2006 :

Chère Madame Brunet,

 

La présente lettre donne suite à votre télécopie du 6 juillet 2006.

 

Sachez que, conformément à sa politique, la Cour canadienne de l’impôt offre seulement la transcription certifiée des motifs rendus oralement à l’audience,

 

Tous les motifs rendus oralement à l’audience sont acheminés au juge présidant pour qu’il les examine et les certifie. De cette façon, le juge peut les réviser et corriger les erreurs de transcription avant de les remettre aux parties.

 

Dans nos contrats avec l’entreprise de sténographie, il est prévu que les transcriptions demandées doivent être remises à la cour.

 

                                                                                                            (nous soulignons)

 

[11]           Deux données importantes ressortent de cette lettre.

 

[12]           Premièrement, les motifs sont refusés parce qu’ils sont acheminés au juge pour « qu’il les examine et les certifie ». Il n’appartient pas au juge de certifier la transcription des motifs rendus à l’audience. Tout comme pour les dépositions des témoins (voir par exemple l’article 327 du Code de procédure civile), il appartient au sténographe officiel de certifier, conformément à la loi, la transcription des bandes d’enregistrement mécanique de l’audience. C’est ce qu’a fait en l’espèce M. Jean Larose, sténographe officiel, à l’exception toutefois des motifs de jugement rendus à l’audience qui ont été, sans justification, omis de la transcription et donc soustraits de sa certification.

 

[13]           Deuxièmement, la lettre du greffier indique que les motifs sont envoyés au juge pour « corriger les erreurs de transcription avant de les remettre aux parties ». En aucun temps est-il permis à un juge, au terme de cette lettre et de la jurisprudence de notre Cour, de réécrire ou de bonifier ses motifs, et encore moins à la Cour de refuser la remise d’une copie des motifs tels que rendus à l’audience, lesquels doivent être certifiés par le sténographe officiel comme étant conformes à ce qui s’est dit à l’audience.

 

[14]           Même si nous n’estimons pas qu’il soit nécessaire de le préciser, nous allons tout de même le faire afin qu’il n’y ait pas d’ambigüité. Si la situation présente en l’espèce devait se répéter, notre Cour qui est privée en partie du pouvoir d’exercer efficacement sa compétence d’appel n’hésitera pas à intervenir.

 

[15]           L’appel sera rejeté, mais sans frais dans les circonstances.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-649-05

 

(APPEL D’UNE ORDONNANCE DU JUGE ARCHAMBAULT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT EN DATE DU 1ER DÉCEMBRE 2005, N° DU DOSSIER 2005-312(IT)I)

 

INTITULÉ :                                                                           Micheline Brunet  c.

                                                                                                Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 16 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                PAR LA COUR

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 17 mai 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Monsieur Gaëtan Brunet

 

POUR L’APPELANTE

 

Me Claude Lamoureux

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

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