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Date : 20070322

Dossier : A‑271‑06

Référence : 2007 CAF 118

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE :

ISTVAN SZEBENYI

            appelant

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 20 mars 2007.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 22 mars 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                      LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                        LE JUGE EVANS


Date : 20070322

Dossier : A‑271‑06

Référence : 2007 CAF 118

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE :

ISTVAN SZEBENYI

appelant

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE SEXTON

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté à l’égard de la décision de la juge Heneghan de la Cour fédérale dans l’affaire Szebenyi c. Sa Majesté la Reine, 2006 CF 602, par laquelle elle a rejeté l’action engagée par Istvan Szebenyi (l’appelant) contre Sa Majesté la Reine (l’intimée) en vue de réclamer des dommages‑intérêts de 6 millions de dollars pour le traitement prétendument fautif de la demande de parrainage de sa mère.

 

[2]               En février 1993, l’appelant, un citoyen canadien, a déposé, en vertu de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2 (la Loi sur l’immigration) et de l’ancien Règlement sur l’immigration, DORS/78‑172, une demande en vue de parrainer l’immigration au Canada de ses parents hongrois. Selon la procédure prévue, les parents de l’appelant devaient, le 19 mai 1993, subir un examen médical auprès d’un médecin désigné. Le rapport médical rédigé à la suite de l’examen de la mère, Gizella Szebenyi, indiquait que celle‑ci était atteinte du diabète de type 2 (diabète non insulinodépendant), aussi appelé diabète sucré. Bien que les analyses initiales n’aient pas révélé la présence de protéines dans l’urine ou un taux de glucose trop élevé dans le sang, une autre analyse effectuée le 8 septembre 1993 a confirmé la présence de protéines dans l’urine. En raison des résultats de ces analyses, Gizella Szebenyi a été déclarée non admissible pour raisons d’ordre médical, en application du sous‑alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l’immigration. En avril 1994, lors d’un entretien à l’ambassade du Canada à Budapest, les parents de l’appelant se sont fait dire que deux possibilités s’offraient à Mme Szebenyi : soit demander un permis du ministre conformément à la Loi sur l’immigration, soit se soumettre à un nouvel examen médical. La mère de l’appelant a décidé de se prévaloir de la seconde option, mais elle n’a pas pu être déclarée admissible.

 

[3]               La présente action a été engagée par le dépôt d’une déclaration le 16 février 1998, avant même que les parents de l’appelant voient leur demande de visa rejetée par Citoyenneté et Immigration Canada. Leur demande de visa a ultérieurement été rejetée par lettre en date du 16 août 2000. L’appelant a, sans succès, tenté de faire appel de cette décision devant la Section d’appel de l’immigration. Au lieu de solliciter le contrôle judiciaire de la décision, l’appelant a choisi d’intenter une action en dommages‑intérêts.

 

[4]               Les réclamations de l’appelant sont fondées sur la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C‑50, et la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7. L’appelant soutient que la manière dont a été traitée la demande de ses parents a provoqué chez lui des troubles émotifs et un choc nerveux. Il allègue en outre que les agissements des mandataires, agents et employés de l’intimée lui ont fait subir un préjudice pécuniaire découlant d’une perte de possibilités et d’une perte économique.

 

[5]               Selon la juge Heneghan, ces faits ne permettaient pas de fonder une action en responsabilité délictuelle à l’encontre de l’intimée. Même si la juge était d’avis que l’appelant avait souffert d’une dépression, elle n’était pas disposée à conclure que cet état ou le stress émotif dont il souffrait avait été causé par les mandataires ou agents de l’intimée. Elle a en outre conclu que, dans les circonstances, l’intimée n’avait envers l’appelant aucune obligation de diligence. J’estime que la juge de première instance n’a commis aucune erreur dans la formulation de ces conclusions.

 

[6]               Les conclusions de la juge de première instance concernant le lien de causalité sont des conclusions de fait et, en conséquence, elles ne doivent pas être modifiées en l’absence d’erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, paragraphe 70). L’appelant n’a pas démontré l’existence d’une telle erreur. La juge Heneghan a relevé que, selon les dossiers médicaux produits, l’appelant souffrait déjà de dépression en 1994. Elle a en outre souligné que l’appelant et ses parents avaient choisi de ne pas se prévaloir des possibilités qui leur étaient offertes, par exemple celle d’obtenir un permis du ministre. Je ne suis pas en mesure de dire que ces faits ne pouvaient étayer la conclusion de la juge de première instance selon laquelle la dépression et le stress émotionnel dont souffrait l’appelant n’étaient pas une conséquence directe des agissements des employés de l’intimée qui ont traité la demande de visa de sa mère.

 

[7]               En ce qui concerne la question de savoir si, dans les circonstances de l’espèce, l’intimée avait une obligation de diligence envers l’appelant, c’est à bon droit que la juge de première instance a statué que le critère applicable pour trancher cette question était celui que la Chambre des lords avait exposé dans l’arrêt Anns v. Merton London Borough Council, [1978] A.C. 728 (H.L.), et que la Cour suprême du Canada a adopté dans l’arrêt Kamloops (Ville) c. Nielsen, [1984] 2 R.C.S. 2. La première étape de l’application de ce critère exige que la Cour détermine si le préjudice subi est la conséquence prévisible de l’acte du défendeur et s’il y a un lien de proximité suffisamment étroit entre le demandeur et le défendeur pour donner naissance à une obligation de diligence prima facie (Design Services Ltd. c. Canada, 2006 CAF 260, paragraphe 46). Pour savoir s’il existe un lien suffisamment étroit, il faut examiner la loi applicable, en l’occurrence la Loi sur l’immigration (Cooper c. Hobart, [2001] 3 R.C.S. 537, paragraphe 43; Farzam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1659, paragraphes 94 et 95). La juge de première instance a conclu que l’appelant n’avait aucun droit à la délivrance d’un visa pour sa mère et qu’il avait seulement le droit de présenter une demande de parrainage et d’interjeter appel devant la Section d’appel de l’immigration à l’égard du rejet de cette demande. Dans ces circonstances, elle a conclu qu’il n’existait pas, entre l’intimée et l’appelant, un lien suffisamment étroit pour donner naissance à une obligation de diligence prima facie. L’appelant n’a pu présenter à la Cour aucun argument permettant d’écarter la conclusion de la juge de première instance.

 

[8]               Par conséquent, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

 

                                                                                                            « J. Edgar Sexton »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

                                   Robert Décary »                             

                                          j.c.a.

« Je suis d’accord.

                                  John M. Evans »                              

                                          j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson‑Fournier, traductrice‑conseil


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                A‑271‑06       

 

 

INTITULÉ :                                                               ISTVAN SZEBENYI

                                                                                    c.

                                                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 20 MARS 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE SEXTON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LE JUGE DÉCARY

                                                                                    LE JUGE EVANS

 

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 22 MARS 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Istvan Szebenyi                                                 POUR L’APPELANT 

(pour son propre compte)

 

Lorne McClenaghan                                                     POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Istvan Szebenyi

Oshawa (Ontario)                                                         POUR L’APPELANT

(pour son propre compte)

           

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada                               POUR L’INTIMÉE

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