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Date : 20061222

Dossier : A-507-05

Référence : 2006 CAF 425

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

RECHERCHES MARINES INC./MARINE RESEARCH INC., une

corporation dûment constituée selon les lois de la province du

Nouveau-Brunswick,

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 décembre 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                LA JUGE DESJARDINS

Y A ONT SOUSCRIT :                                                                        LE JUGE NADON

                                                                                                              LE JUGE PELLETIER


 

Date : 20061222

Dossier : A-507-05

Référence : 2006 CAF 425

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

RECHERCHES MARINES INC./MARINE RESEARCH INC., une

corporation dûment constituée selon les lois de la province du

Nouveau-Brunswick,

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE DESJARDINS

[1]               L’appelante se pourvoit en appel d’une décision rendue par la Cour fédérale (juge Pinard), 2005 CF 1287, laquelle a rejeté sa demande de contrôle judiciaire portant sur le refus du ministre des Pêches et des Océans (le ministre) de lui octroyer un permis de pêche à des fins scientifiques en vertu de l’article 52 du Règlement de pêche (dispositions générales), D.O.R.S./93-53 (le Règlement) adopté sous l’empire de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, c. F-14 (la Loi).

A.        LE PERMIS DE PÊCHE

[2]               Le 12 août 2004, l’appelante, une corporation à but lucratif financée par des investisseurs privés, fit parvenir au bureau régional du ministère des Pêches et des Océans (le ministère) une demande de permis de pêche à des fins scientifiques.

 

[3]               Le projet visait à recueillir les données nécessaires pour produire et mettre en marché des cartes de pêche démontrant la répartition de différentes catégories biologiques et commerciales du crabe des neiges dans la région sud-ouest du Golfe Saint-Laurent. Ces cartes de haute définition, semblables à des cartes de navigation, visaient principalement les professionnels de la pêche. L’appelante prévoyait cependant les rendre accessibles à tous les Canadiens.

 

[4]               Afin de recueillir les données nécessaires, l’appelante projetait d’effectuer au moins 45 jours de sortie en mer entre les mois de septembre et décembre. Elle entendait utiliser divers types d’engins de pêche et faire l’utilisation d’un protocole d’échantillonnage confidentiel qu’elle décrivit comme un « échantillonnage optimisé par stratification selon les termes de la géostatistique et optimisé pour limiter les coûts ». Aucun crabe ne serait débarqué, mais des échantillons d’espèces non commerciales seraient éventuellement prélevés pour des fins de détermination scientifique. Il était impératif que les activités de recherche débutent avant la fin septembre 2004, faute de quoi le projet ne pouvait se réaliser, puisqu’il était trop difficile et dangereux d’effectuer ce genre de sortie l’hiver.

 

[5]               Étant donné la nature unique de la demande, le ministère exigea de l’appelante des informations additionnelles, en vertu du pouvoir donné au ministre à l’article 8 du Règlement. Le ministère demanda à l’appelante de lui fournir une copie des protocoles d’échantillonnage, une liste des coordonnées de stations pour chaque type d’engin utilisé ainsi que les coordonnées de l’aire géographique du projet. Il lui demanda aussi de tenir une consultation avec les intervenants de la pêche, soit les regroupements de pêcheurs et les membres des Premières Nations qui pêchaient dans les zones visées, et de faire parvenir au ministère leurs commentaires et réactions face au projet. Une politique, en voie d’ébauche, prévoyait que le ministère pouvait exiger qu’une personne qui sollicitait un permis de pêche soit tenue de consulter les intervenants de la pêche. Jusqu’alors, il était de coutume que le ministère procède lui-même à une telle consultation.

 

[6]               Le ministère informa l’appelante que le permis serait assujetti à une condition selon laquelle elle se verrait obligée de transmettre au ministère les données recueillies afin que celui-ci puisse en faire une analyse subséquente.

 

[7]               Le 23 septembre 2004, l’appelante fit parvenir au ministère une lettre détaillée de son expert, le Dr. Gérard Y. Conan. L’appelante refusa cependant de divulguer certaines des informations qui lui furent demandées. Le 7 octobre 2004, le ministère communiqua à l’appelante sa décision de ne pas émettre le permis de pêche. Sans les informations demandées, il se dit incapable de compléter son évaluation de la demande.

 

[8]               Dans une lettre subséquente, en date du 3 novembre 2004, le ministère se déclara prêt à rencontrer l’appelante afin de discuter et clarifier les informations et positions respectives.

 

[9]               L’appelante s’adressa à la Cour fédérale du Canada. Le juge Pinard rejeta la demande de contrôle judiciaire.

 

B.        LES  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[10]           Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

Baux, permis et licences de pêche

7. (1) En l’absence d’exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d’exploitation de pêcheries – ou en permettre l’octroi –, indépendamment du lieu de l’exploitation ou de l’activité de pêche.

 

Règlements

43. Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements d’application de la présente loi, notamment :

 

 

 

 

 

a) concernant la gestion et la surveillance judicieuses des pêches en eaux côtières et internes;

 

b) concernant la conservation et la protection du poisson;

 

c) concernant la prise, le chargement, le débarquement, la manutention, le transport, la possession et l’écoulement du poisson;

 

d) concernant l’exploitation des bateaux de pêche;

 

e) concernant l’utilisation des engins et équipements de pêche;

 

e.1) concernant le marquage, l’identification et l’observation des bateaux de pêche;

 

e.2) concernant la désignation des observateurs, leurs fonctions et leur présence à bord des bateaux de pêche;

 

f) concernant la délivrance, la suspension et la révocation des licences, permis et baux;

 

g) concernant les conditions attachées aux licences, permis et baux;

 

g.1) concernant les registres, documents comptables et autres documents dont la tenue est prévue par la présente loi ainsi que la façon de les tenir, leur forme et la période pendant laquelle ils doivent être conservés;

 

g.2) concernant la façon dont les registres, documents comptables et autres documents doivent être présentés et les renseignements fournis sous le régime de la présente loi;

 

h) concernant l’obstruction et la pollution des eaux où vivent des poissons;

 

i) concernant la conservation et la protection des frayères;

 

 

j) concernant l’exportation de poisson;

 

 

k) concernant la prise ou le transport interprovincial de poisson;

 

 

l) prescrivant les pouvoirs et fonctions des personnes chargées de l’application de la présente loi, ainsi que l’exercice de ces pouvoirs et fonctions;

 

 

m) habilitant les personnes visées à l’alinéa l) à modifier les périodes de fermeture, les contingents ou les limites de taille ou de poids du poisson fixés par règlement pour une zone ou à les modifier pour un secteur de zone.

 

 

                   [Je souligne.]

Fishery Leases and Licences

 

7. (1) Subject to subsection (2), the Minister may, in his absolute discretion, wherever the exclusive right of fishing does not already exist by law, issue or authorize to be issued leases and licences for fisheries or fishing, wherever situated or carried on.

 

 

Regulations

43. The Governor in Council may make regulations for carrying out the purposes and provisions of this Act and in particular, but without restricting the generality of the foregoing, may make regulations

 

(a) for the proper management and control of the sea-coast and inland fisheries;

 

 

(b) respecting the conservation and protection of fish;

 

(c) respecting the catching, loading, landing, handling, transporting, possession and disposal of fish;

 

 

(d) respecting the operation of fishing vessels;

 

(e) respecting the use of fishing gear and equipment;

 

(e.1) respecting the marking, identification and tracking of fishing vessels;

 

(e.2) respecting the designation of persons as observers, their duties and their carriage on board fishing vessels;

 

(f) respecting the issue, suspension and cancellation of licences and leases;

 

(g) respecting the terms and conditions under which a licence and lease may be issued;

 

(g.1) respecting any records, books of account or other documents to be kept under this Act and the manner and form in which and the period for which they shall be kept;

 

 

 

(g.2) respecting the manner in which records, books of account or other documents shall be produced and information shall be provided under this Act;

 

 

(h) respecting the obstruction and pollution of any waters frequented by fish;

 

(i) respecting the conservation and protection of spawning grounds;

 

(j) respecting the export of fish or any part thereof from Canada;

 

(k) respecting the taking or carrying of fish or any part thereof from one province to any other province;

 

(l) prescribing the powers and duties of persons engaged or employed in the administration or enforcement of this Act and providing for the carrying out of those powers and duties; and

 

(m) where a close time, fishing quota or limit on the size or weight of fish has been fixed in respect of an area under the regulations, authorizing persons referred to in paragraph (l) to vary the close time, fishing quota or limit in respect of that area or any portion of that area.

 

[Emphasis added.]

 

[11]           Les dispositions suivantes du Règlement sont aussi pertinentes :

Demandes de documents

8. (1) Le ministre peut exiger de la personne qui demande un document de fournir :

 

a) des renseignements qui peuvent être raisonnablement considérés comme pertinents, outre ceux contenus dans la demande;

 

b) une déclaration solennelle attestant l'exactitude du contenu de la demande ou des renseignements fournis conformément à l'alinéa a).

 

(2) Toute demande de documents formulée par une société doit être signée par un dirigeant de celle-ci.

 

Conditions des permis

22. (1) Pour une gestion et une surveillance judicieuses des pêches et pour la conservation et la protection du poisson, le ministre peut indiquer sur un permis toute condition compatible avec le présent règlement et avec les règlements énumérés au paragraphe 3(4), notamment une ou plusieurs des conditions concernant ce qui suit :

 

 

 

[…]

 

c) les eaux dans lesquelles la pêche peut être pratiquée;

 

[…]

h) le type et la quantité d'engins et d'équipements de pêche qui peuvent être utilisés et leur grosseur ainsi que la manière dont ils doivent être utilisés;

 

i) l'endroit précis où les engins de pêche peuvent être mouillés;

 

 

j) la distance à garder entre les engins de pêche;

 

[…]

 

t) le délai accordé pour faire parvenir au ministre les résultats et les données obtenus à la suite de la pêche effectuée à des fins expérimentales ou scientifiques;

 

 

[…]

 

Permis

51. Il est interdit de pêcher à des fins expérimentales, scientifiques, éducatives ou pour exposition au public à moins d'y être autorisé par un permis.

 

52. Malgré les dispositions des règlements énumérés au paragraphe 3(4), le ministre peut délivrer un permis si la pêche à des fins expérimentales, scientifiques, éducatives ou pour exposition au public est en accord avec la gestion et la surveillance judicieuses des pêches.

 

[Je souligne.]

Application for Documents

8. (1) The Minister may require an applicant for a document to submit

 

(a) such information in addition to that included in the application as may reasonably be regarded as relevant; and

 

 

(b) a statutory declaration verifying the information given in the application or verifying the information submitted under paragraph (a).

 

(2) An application from a corporation for a document shall be signed by an officer of the corporation.

 

Conditions of Licences

22. (1) For the proper management and control of fisheries and the conservation and protection of fish, the Minister may specify in a licence any condition that is not inconsistent with these Regulations or any of the Regulations listed in subsection 3(4) and in particular, but not restricting the generality of the foregoing, may specify conditions respecting any of the following matters:

 

[…]

 

(c) the waters in which fishing is permitted to be carried out;

 

[…]

(h) the type, size and quantity of fishing gear and equipment that is permitted to be used and the manner in which it is permitted to be used;

 

(i) the specific location at which fishing gear is permitted to be set;

 

(j) the distance to be maintained between fishing gear;

 

[…]

 

(t) the time within which findings and data obtained as a result of fishing for an experimental or scientific purpose are to be forwarded to the Minister;

 

[…]

 

Licence

51. No person shall fish for experimental, scientific, educational or public display purposes unless authorized to do so under a licence.

 

 

52. Notwithstanding any provisions of any of the Regulations listed in subsection 3(4), the Minister may issue a licence if fishing for experimental, scientific, educational or public display purposes would be in keeping with the proper management and control of fisheries.

 

[Emphasis added.]

 

[12]           Il est utile d’ajouter l’article 34 de la Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970, c. F-14, ancêtre de l’actuel article 43 de la Loi, et les paragraphes 29(4) et (5), 39(5) et (6), 46(2) et 59(1) du Règlement de pêche de l’Ontario, C.R.C., c. 849 (1978), adopté sous l’autorité de la Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970, c. F-14. Je ferai référence à ces dispositions dans l’analyse de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Re Peralta et al. and The Queen in right of Ontario et al.; Peralta et al. v. Warner et al. (1985), 49 O.R. (2d) 705 (Peralta), confirmée par la Cour suprême du Canada dans [1988] 2 R.C.S. 1045.

 

[13]           L’article 34 de la Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970, c. F-14, se lit comme suit :

Règlements

34. Le gouverneur en conseil peut édicter des règlements concernant la réalisation des objets de la présente loi et l’application de ses dispositions et, en particulier, peut, sans restreindre la généralité de ce qui précède, édicter des règlements

 

a) concernant la gestion et la surveillance judicieuse des pêches côtières et des pêches de l’intérieur;

 

b) concernant la conservation et la protection du poisson;

 

c) concernant la prise, le chargement, le débarquement et l’écoulement du poisson;

 

 

d) concernant l’exploitation des bateaux de pêche;

e) concernant l’utilisation des appareils et accessoires de pêche;

 

f) concernant la délivrance, la suspension et l’annulation des permis et baux;

 

g) concernant les modalités et conditions auxquelles un permis ou un bail doit être délivré;

 

h) concernant l’obstruction et la pollution des eaux que fréquente le poisson;

 

i) concernant la conservation et la protection des frayères;

 

 

j) concernant l’exportation, hors du Canada, du poisson ou de toute partie de poisson;

 

k) concernant la prise ou le transport du poisson ou de toute partie de poisson d’une province du Canada à une autre province;

 

l) prescrivant les pouvoirs et les fonctions des personnes engagées ou employées à l’administration ou l’application de la présente loi et concernant l’exercice de ces pouvoirs et fonctions; et

 

m) autorisant une personne engagée ou employée à l’administration ou l’application de la présente loi à modifier une période de temps prohibé ou la quantité maximum de poisson qu’il est permis de prendre, que les règlements ont fixées. 1960-61, c. 23, art. 5.

 

Regulations

34. The Governor in Council may make regulations for carrying out the purposes and provisions of this Act and in particular, but without restricting the generality of the foregoing, may make regulations

 

 

(a)  for the proper management and control of the seacoast and inland fisheries;

 

 

(b) respecting the conservation and protection of fish;

 

(c) respecting the catching, loading, landing, handling, transporting, possession and disposal of fish;

 

(d) respecting the operation of fishing vessels;

(e) respecting the use of fishing gear and equipment;

 

 

(f) respecting the issue, suspension and cancellation of licences and leases;

 

(g) prescribing the terms and conditions under which a licence or lease is to be issued;

 

(h) respecting and obstruction and pollution of any waters frequented by fish;

 

(i) respecting the conservation and protection of spawning grounds;

 

(j) respecting the export of fish or any part thereof from Canada;

 

(k) respecting the taking or carrying of fish or any part thereof from one province of Canada to any other province;

 

 

(l) prescribing the powers and duties of persons engaged or employed in the administration or enforcement of this Act and providing for the carrying out of those duties and powers; and

 

 

(m) authorizing a person engaged or employed in the administration or enforcement of this Act to vary any close time or fishing quota that has been fixed by the regulations. 1960-61, c. 23, s. 5.

 

 

 

[14]           Le Règlement de pêche de l’Ontario, C.R.C., c. 849 (1978), se lit en partie comme suit :

Permis autres que les permis de pêche à la ligne

 

[…]

 

29. (4) Dans tout permis de pêche commerciale, le Ministre peut désigner

 

a) les eaux ainsi que les espèces, la taille et la quantité de poisson pour lesquelles le permis est valide ;

 

b) les moyens de capture du poisson pour lesquels le permis est valide ;

 

c) les fins pour lesquelles le poisson peut être pris ;

 

d) le nombre de filets ainsi que les dimensions de leur maille et tout autre engin de pêche qui peuvent être utilisés ;

 

e) les dimensions des filets et d’autres engins de pêche, ainsi que les matériaux utilisés dans leur fabrication ;

 

f) la période pendant laquelle il est permis de se livrer à des opérations de pêche ; et

 

g) la ou les personnes qui peuvent se livrer à des opérations de pêche à la faveur du permis.

 

[…]

 

(5) Le Ministre peut poser, dans un permis, les termes et conditions qu’il juge à propos et qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent règlement.

 

Licences Other than Angling Licences

 

[…]

 

29. (4) The Minister may, in any commercial fishing licence, designate

 

(a) the waters and the species, size and quantity of fish for which the licence is valid;

 

 

(b) the means of taking the fish for which the licence is valid;

 

 

(c) the use for which any  fish may be taken;

 

(d) the number of nets and the size of the mesh thereof and any other fishing devices that may be used;

 

(e) the dimensions of nets or other fishing devices and the materials that may be used in the construction thereof;

 

(f) the period of time during which fishing operations may be conducted; and

 

(g) the person or persons who may conduct fishing operations under the licence.

 

 

[…]

 

(5) The Minister may in any licence impose such terms and conditions as he deems proper and that are not inconsistent with these Regulations.

Conditions spéciales applicables aux permis de pêche au filet maillant

39. (1)  Le présent article ne s’applique qu’à la pêche commerciale dans le lac Nipigon.

 

[…]

 

(5)  Il est interdit au titulaire d’un permis de pêche commerciale, à qui ce permis confère le droit d’utiliser au plus 12,000 verges de filet maillant, de prendre, dans l’ensemble, plus de 25 tonnes de doré jaune, d’esturgeon, de truite grise et de poisson blanc.

 

(6)  Il est interdit au titulaire d’un permis de pêche commerciale, à qui ce permis confère le droit d’utiliser plus de 24,000 verges de filet maillant, de prendre dans l’ensemble, plus de 50 tonnes de doré jaune, d’esturgeon, de truite grise et de poisson blanc.

 

Conditions applicables aux permis de pêche au chalut

46. (2)  Nonobstant les termes et conditions du permis de pêche commerciale autorisant l’usage d’un chalut, le titulaire d’un tel permis, en pêchant l’éperlan au chalut dans le lac Érié,

 

a) ne doit pas prendre plus de 20 tonnes de poisson durant une période de 7 jours se terminant un samedi; et

 

b) peut prendre et garder, en plus de l’éperlan, tout autre poisson marchand, sauf que, dans l’ensemble, la quantité de doré bleu, perche, doré noir, esturgeon, bar blanc ou doré jaune prise au cours d’une même journée ne doit pas dépasser 10 pour cent du poids total de la prise de cette journée-là.

 

Poissons péchés autrement qu’à la ligne et dont la taille ou le poids est inférieur, respectivement, à la taille ou au poids réglementaire

59. (1)  Sous réserve du paragraphe (2) et nonobstant toute disposition du présent règlement, lorsqu’une personne pêche du poisson autrement qu’à la ligne, elle peut retenir une quantité de toute espèce de poissons dont la taille ou le poids est inférieur, respectivement, à la taille ou au poids réglementaire, mais cette quantité ne doit pas dépasser 10 pour cent du poids total de l’espèce prise au moment.

 

Special Conditions of Gill Net Licences

 

39. (1) This section applies only to commercial fishing in Lake Nipigon.

 

 

[…]

 

(5)  No holder of a commercial fishing licence that authorizes the use of not more than 12,000 yards of gill net shall take more than 25 tons of yellow pickerel, sturgeon, lake trout and whitefish in the aggregate.

 

 

 

(6)  No holder of a commercial fishing licence that authorizes the use of more than 24,000 yards of gill net shall take more than 50 tons of yellow pickerel, sturgeon, lake trout and whitefish in the aggregate.

 

 

 

Conditions of Trawl Net Licences

46. (2)  Notwithstanding the terms and conditions of any commercial fishing licence that authorizes the use of a trawl net, the holder of such a licence, while trawling for smelt in Lake Erie,

 

(a) shall not take more than 20 tons of fish during a period of 7 days ending on a Saturday; and

 

 

(b) may take and retain, in addition to smelt, any other commercial fish, except that the aggregate quantity of any blue pickerel, perch, sauger, sturgeon, white bass or yellow pickerel taken in 1 day shall not exceed 10 per cent of the total weight of the catch taken on that day.

 

 

Underweight or Undersized Fish Taken by Means Other than Angling

 

 

59. (1) Subject to subsection (2) and notwithstanding anything else contained in these Regulations, where a person takes fish by means other than angling, he may retain a quantity of any underweight or undersized fish of any species not exceeding 10 per cent of the total weight of that species taken at that time.

 

 

 

C.        QUESTIONS SOULEVÉES DANS CET APPEL

[15]           L’appelante soulève trois questions :

1-     l’invalidité des articles 8 et 22 du Règlement;

2-     la norme de contrôle applicable; et

3-     les erreurs du premier juge.

 

1. L’invalidité des articles 8 et 22 du Règlement

[16]           L’appelante soulève, pour la première fois dans ce litige, une question qui n’a fait l’objet d’aucun débat en première instance. Il s’agit de l’invalidité des articles 8 et 22 du Règlement. Il n’y a donc pas lieu de s’interroger sur la norme de contrôle.

 

a)  Prétentions de l’appelante

[17]           L’appelante soumet qu’un règlement ne devrait pas attribuer un pouvoir discrétionnaire. Il doit plutôt établir des normes.

 

[18]           En habilitant le gouverneur en conseil à adopter des règlements, le Parlement, selon l’appelante, voulait accorder au gouverneur en conseil une certaine latitude sans par ailleurs lui permettre d’échapper à son obligation d’incorporer sa règle de conduite dans le règlement.

 

[19]            La Cour suprême du Canada condamne vigoureusement, dit l’appelante, la pratique consistant à ne pas exercer un pouvoir réglementaire mais à le transformer en discrétion administrative.

 

[20]           En l’espèce, dit-elle, les articles 8 et 22 du Règlement n’établissent aucune norme. La Loi, à l’article 43, délègue au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements d’application concernant  la gestion et la surveillance des pêches, la conservation du poisson et la délivrance des permis. Le Règlement, par contre, à son article 22, donne carte blanche au ministre pour imposer toute condition qu’il estime souhaitable ou pertinente en autant que cette condition ait pour objet une gestion et une surveillance judicieuse des pêches. Ce type de délégation est invalide, selon l’appelante, qui cite à l’appui les autorités suivantes : Patrice Garant, Droit administratif, 5e éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2004 à la  p. 341; Brant Dairy Co. c. Ontario (Milk Commission), [1973] R.C.S. 131; Dynamex Canada Inc. c. Syndicat des postiers du Canada, [1999] 3 C.F. 349, (C.A.); Institut canadien des compagnies immobilières publiques c. Toronto (Ville), [1979] 2 R.C.S. 2; Butler Metal Products Company Limited c. Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada et Procureur général du Canada, [1983] 1 C.F. 790 (C.A.); Swan c. Canada, [1990] 2 C.F. 409 (1re inst.).

 

[21]           L’appelante plaide que la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Re Peralta et al. and The Queen in right of Ontario et al.; Peralta et al. v. Warner et al. (1985), 49 O.R. (2d) 705 (Peralta), confirmée par la Cour suprême du Canada dans [1988] 2 R.C.S. 1045, se distingue du cas en l’espèce parce que dans l’affaire Peralta, le Règlement de pêche de l’Ontario, C.R.C., c. 849 (1978), adopté sous l’autorité de la Loi (fédérale) sur les pêcheries dans sa version en vigueur à l’époque (S.R.C. 1970, c. F-14), et de l’article 34 de cette loi (qui correspond à l’article 43 de la Loi), avait divisé les eaux ontariennes en zones spéciales et avait fixé de façon globale les contingents selon les espèces de poissons trouvés dans ces eaux pour les fins de la pêche commerciale. Ainsi la Cour d’appel de l’Ontario, et la Cour suprême du Canada par la suite, n’eurent aucune difficulté, dit-elle, à juger qu’il y avait une délégation administrative valide au ministre (provincial) des Ressources naturelles de l’Ontario pour fixer, dans chaque cas, des limites quantitatives spécifiques lors de l’émission d’un permis de pêche. L’appelante ajoute qu’en l’espèce, il n’y a aucune politique générale établie par le gouverneur en conseil, si bien que la délégation du gouverneur en conseil au ministre (fédéral) des Pêches et des Océans n’est pas normative et constitue une délégation législative invalide.

 

b)  Analyse

[22]           Il est utile, d’entrée de jeu, de rappeler la distinction fondamentale qui doit être faite entre un acte administratif et un acte législatif. Dans Peralta, la Cour d’appel de l’Ontario, qui, on se rappelle, fut confirmée par la Cour suprême du Canada, citait aux pages 728-729 un extrait de S.A. de Smith, Judicial Review of Administrative Action, 4e ed., 1980, lequel explique ainsi la différence entre un acte administratif et un acte législatif :

A distinction often made between legislative and administrative acts is that between the general and the particular. A legislative act is the creation and promulgation of a general rule of conduct without reference to particular cases; an administrative act cannot be exactly defined, but it includes the adoption of a policy, the making and issue of a specific direction, and the application of a general rule to a particular case in accordance with the requirements of policy or expediency or administrative practice.

 

                                                                                                          [Je souligne.]

 

[23]           La Cour d’appel de l’Ontario ajoutait ensuite, à la page 729 :

This passage was quoted by Dickson J. speaking for the Supreme Court of Canada in Re British Columbia Development Corp. et al. and Friedmann et al. (1984), 14 D.L.R. (4th) 129, [1985] 1 W.W.R. 193, 55 N.R. 298 sub nom. British Columbia Development Corp. v. Ombudsman, and he went on to say (p. 148 D.L.R., p. 312 N.R.):

I find support for this view in the judgment of the Ontario Court of Appeal in Re Ombudsman of Ontario and Health Disciplines Board of Ontario et al., supra. The issue in that case concerned the extent of the Ontario Ombudsman's jurisdiction. The word under consideration was "administrative". Morden J.A. said, at p. 608:

 

 "... it is reasonable to interpret 'administrative' as describing those functions of Government which are not performed by the Legislative Assembly and the Courts. Broadly speaking, it describes that part of Government which administers the law and governmental policy."

 

In accord are Booth v. Dillon (No. 3), [1977] V.R. 143 (S.C.) at p. 144; Glenister v. Dillon, [1976] V.R. 550 (S.C.) at p. 558.

 

                                               

As I said earlier, it cannot have been the intention of Parliament that the Governor in Council would have the obligation to issue individual licences with individual quotas to thousands of commercial fishermen, with regard to the different areas of the large lakes being fished, having set out in part at least the maximum total quotas for the individual species and set out generally the waters from which they might be taken.

 

Dickson J. also quoted (p. 147 D.L.R., p. 312 N.R.) from 1 Hals., 4th ed., p. 7, para. 4, under the title "Administrative Law" as follows:

"The functions of government are classified as legislative; executive or administrative; judicial; and ministerial ... executive and administrative acts entail the formulation or application of general policy in relation to particular situations or cases, or the making or execution of individual discretionary decisions ..."

                                                   [Je souligne.]

 

[24]           Ceci étant, il n’existe aucune différence qui rende l’affaire Peralta inapplicable en l’espèce.

 

[25]           La question en litige dans Peralta portait sur la validité d’une délégation de pouvoir selon l’article 34 de la Loi (fédérale) sur les des pêcheries (semblable au présent article 43 de la Loi) et des paragraphes 29(4) et (5) du Règlement de pêche de l’Ontario (semblable à l’article 22 du Règlement en cause) au ministre (provincial) des Ressources naturelles de l’Ontario en vertu du Règlement de pêche de l’Ontario (règlement fédéral).

 

[26]           Selon la Cour d’appel de l’Ontario, la décision du ministre des Ressources naturelles de l’Ontario de fixer des contingents individuels découlait de l’application d’une politique générale déterminée selon l’article 34 de la Loi sur les pêcheries et selon les paragraphes 39(5) et (6), 46(2) et 59(1) (ces dispositions ont été reproduites plus haut) et l’annexe VIII du Règlement de pêche de l’Ontario. La Cour d’appel de l’Ontario déclarait, à la page 723 :

Mr. Scott forcefully argued that by virtue of s. 29(4) of the Ontario Fishery Regulations, the Governor in Council had effectively abdicated to the Minister all its powers which it and it alone could exercise. However, when one examines the regulations it is clear that this not so. For example, they detail the general conditions applicable to commercial fishing and to gill-nets (ss. 30 to 43, 46, 57 to 59). They divide the waters of Ontario areas and they establish global quotas for commercial fishing of particular species from those waters (ss. 39(5) and (6), 46(2), 59(1)). Commercial fish are defined in the definition section, and their minimum sizes are set out in Sch. VIII of the Ontario Fishery Regulations. The effect of the regulations was to set general policy and in setting the individual quotas within those policy guide-lines, the Minister was acting in a fashion consistent with the regulations.

 

 

 

 

[27]           La Cour d’appel de l’Ontario affirmait, à la page 727 :

The Minister was only empowered to act within the scheme established generally by the Ontario Fishery Regulations. I cannot accept that the Minister was delegated what the Governor in Council alone was empowered to do and that the regulations merely repeated what Parliament had given to the Governor in Council. As I have already said, I have concluded that the Governor in Council was empowered by the wording of s. 34 to subdelegate as it did.

 

[28]           Et à la page 729, elle concluait :

The action of the Minister in fixing the individual quotas for commercial fishermen for particular waters "was the application of general policy in relation to particular situations or cases" in the province. That action was, accordingly, administrative and did not fall within the ban on interdelegation of legislative power: see also Desrosiers v. Thinel, [1962] S.C.R. 515 at pp. 517-8, 519.

 

 

[29]           Ainsi, le pouvoir du ministre de fixer, dans chaque cas, des limites à la quantité de poissons pêchés ne découlait pas d’une sous-délégation d’un pouvoir législatif, mais bien d’un pouvoir administratif.

 

[30]           Il est vrai qu’en l’espèce, la situation factuelle est distincte. Le refus du ministre est motivé par l’article 8 du Règlement, étant donné que l’appelante n’a pas fourni les renseignements suffisants, alors que dans Peralta, le ministre (provincial) avait émis un permis comprenant des limites à la quantité de poissons qui pouvait faire l’objet du permis. La Cour d’appel de l’Ontario fut en mesure de citer les dispositions pertinentes du Règlement de pêche de l’Ontario, qui s’apparentaient, d’une façon globale, au contingentement du poisson dans les eaux ontariennes.

 

[31]           Ceci étant, le Règlement en l’espèce, même s’il ne peut être rattaché à aucune condition de permis, puisqu’aucun permis n’a été émis, n’en constitue pas moins l’énoncé d’un nombre important de règles de conduite qui peuvent être qualifiées de politique générale. Aussi, les articles 27, qui a trait à l’identification des engins de pêche, 30, à  l’obstruction des mailles, 31, à la protection du cul du chalut, et 34, au rejet et gaspillage des poissons, constituent-ils des exemples de règle de conduite générale susceptible de s’appliquer en l’espèce. À cela, il faut ajouter le Règlement de pêche de l’Atlantique de 1985, D.O.R.S./86-21, applicable en vertu de l’alinéa 3(4)a) du Règlement. Le Règlement de pêche de l’Atlantique de 1985 contient des dispositions spécifiques sur la pêche au crabe, lesquelles, au cas de conflit, ont priorité sur les dispositions plus générales du Règlement.

 

[32]           Pour le reste, l’article 22 du Règlement en cause est de la même nature que celle des paragraphes 29(4) et (5) du Règlement de pêche de l’Ontario qui fut déclaré valide dans Peralta comme étant une délégation administrative. L’article 22 du Règlement établit une liste non limitative de sujets précis qui servent de points de repère au ministre dans l’établissement de conditions lors de l’émission d’un permis de pêche. Non seulement les paragraphes 43(a), (b) et (g) mais également le paragraphe 43(l) de la Loi servent-ils d’appui à cette délégation administrative. La validité des articles 8 et 22 du Règlement en cause est régie, à mon sens, par la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Peralta, laquelle fut confirmée par la Cour suprême du Canada. Il ne s’agit pas en l’espèce d’une délégation attributive de purs pouvoirs discrétionnaires telle que décrite par le Professeur Patrice Garant comme étant invalide (op. cit., p. 341) (Voir aussi Donald J.H. Brown et John M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada, feuilles mobiles, Toronto, Canvasback Publishing, 1998-, vol. 2, paras. 13:2000 et 13:2500).

 

[33]            Je note enfin que l’article 22 du Règlement utilise le mot « concernant » (respecting) dont le sens a été commenté en ces termes par la Cour d’appel de l’Ontario à la page 717 :

The use of the word “respecting” allows for a delegation of the administration of the regulations.

 

 

 

 

2. La norme de contrôle applicable

[34]           Il me faut maintenant déterminer la norme de contrôle applicable.

 

[35]           Dans l’affaire Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2006 CAF 31, notre Cour explique aux paragraphes 13-14:

Dans l'arrêt Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 43, la Cour suprême a traité du rôle de la cour d'appel dans le contrôle d'une décision judiciaire portant sur le contrôle judiciaire d'une décision administrative. La Cour suprême a conclu que "les règles usuelles applicables au contrôle en appel d'une décision judiciaire énoncées dans Housen, précité, s'appliquent". L'approche adoptée dans l'arrêt Housen (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235) prévoit que sur une question de droit la cour d'appel révise la décision du tribunal de première instance suivant la norme de la décision correcte (paragraphe 8). Sur toutes les autres questions, la norme de contrôle est l'erreur manifeste et dominante (paragraphes 10, 19 et 28).

Cependant, dans une jurisprudence plus récente, la Cour suprême a adopté le point de vue selon lequel la cour d'appel se met à la place du tribunal de première instance pour réviser la décision administrative. Voir, par exemple, l'arrêt du juge Major Zenner c. Prince Edward Island College of Optometrists, 2005 CSC 77, aux paragraphes 29 à 45. Voir également l'arrêt du juge Berger Alberta (Minister of Municipal Affairs) c. Telus Communications Inc. (2002), 218 D.L.R. (4th) 61, aux paragraphes 25 et 26. La cour d'appel établit la norme de contrôle appropriée puis décide si elle a été appliquée correctement : voir Zenner aux paragraphes 29 et 30. Concrètement, cela signifie que la cour d'appel elle-même révise la décision administrative en appliquant la norme de contrôle appropriée.

 

[Je souligne.]

 

 

 

[36]           Il s’ensuit que la Cour d’appel doit se mettre à la place de la cour de révision. Elle doit décider de la norme de contrôle applicable et doit déterminer si le juge de première instance a commis une erreur dans l’application de cette norme aux faits en cause.

 

[37]           Notre Cour, dans Tucker c. Canada (ministre des Pêches et des Océans), 2001 CAF 384, confirmant [2000] A.C.F. no 1868, a affirmé que la norme de contrôle d’une décision du ministre prise en vertu de l’article 7 de la Loi est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

[38]           L’appelante plaide que dans Tucker les parties avaient convenu de l’application de cette norme. En l’espèce, dit-elle, comme l’émission d’un permis relève du pouvoir discrétionnaire du ministre, il y a plutôt lieu d’appliquer la norme de la raisonnabilité simpliciter à l’instar de la décision de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

 

[39]           Il est vrai que dans Tucker, les parties s’entendaient sur la norme de contrôle applicable. L’accord des parties ne fut cependant pas déterminante dans la fixation de cette norme. Même si le premier juge, le juge Rothstein (siégeant ex officio),  s’est dit d’accord avec la position des parties, il n’a pas moins développé sa pensée selon les critères jurisprudentiels admis.

 

[40]           En fin d’analyse, la distinction entre la déraisonnabilité manifeste et la déraisonnabilité simpliciter est difficile à apprécier. Il importe surtout de retenir que la retenue judiciaire est plus grande dans le premier cas et moins grande dans le second.

 

3.   Les erreurs du premier juge

 

           a)  La nécessité de consulter

[41]           L’appelante plaide que le premier juge a erré en concluant que le ministre n’avait pas agi de façon déraisonnable en exigeant que l’appelante tienne une consultation avec tous les intervenants de la pêche qui peuvent être affectés par la demande.

 

[42]           Le premier juge s’est appuyé, pour ce faire, sur la preuve qui démontrait qu’il était coutume au ministère de consulter les intervenants susceptibles d’être affectés. Monsieur Charles Gaudet, directeur par intérim, a, en effet, expliqué dans son affidavit (d.a., vol. 1, p. 111) que le crabe des neiges est pêché commercialement par plusieurs pêcheurs dans le sud-ouest du Golfe Saint-Laurent et qu’avant de prendre une décision pouvant avoir des impacts négatifs, il était coutume que le ministère consulte les intervenants susceptibles d’être affectés par la décision.

 

[43]           L’obligation de consulter imposée à l’appelante ne se faisait pas dans le cadre d’une condition indiquée au permis selon les termes de l’article 22 du Règlement. Il s’agissait d’une consultation préliminaire à la prise de décision par le ministre d’émettre ou non un permis selon l’article 7 de la Loi.

 

[44]           L’article 7, qui donne au ministre une discrétion très large, lui permettait de refuser un permis si la consultation demandée n’était pas tenue. La conclusion du premier juge n’est donc pas manifestement déraisonnable.

 

           b)  Le protocole d’échantillonnage

[45]           Le premier juge a défini (para. 19 de ses motifs) le protocole d’échantillonnage comme se rapportant aux documents qui contiennent les informations sur la méthodologie et les détails des activités de recherche, tels le nombre de stations, le type de chalut, la durée de chaque trait, les parties de crabes mesurées à bord du bateau, etc. Il a conclu que l’obtention de ces protocoles était pertinente en ce que leur étude permettrait au ministère de déterminer si toutes les mesures étaient prises afin de minimiser les impacts sur les espèces et leur habitat.

 

[46]           L’appelante soumet que le protocole d’échantillonnage n’aurait d’incidence que sur la qualité et la fiabilité des résultats obtenus. Selon elle, la qualité des cartes marines qu’aurait produites l’appelante pour des fins commerciales n’avait rien à voir avec les mandats de conservation et protection des stocks et de bonne gestion des pêches. En exigeant la divulgation de ces protocoles, non seulement, dit-elle, le ministère outrepassait-il son mandat, mais, par le fait même, le ministère tentait de s’approprier la propriété intellectuelle qui appartenait à l’appelante. De plus, soutient l’appelante, pour conclure comme il l’a fait, le premier juge s’est appuyé sur une preuve non crédible, c'est-à-dire sur les affirmations faites par Monsieur Charles Gaudet dans son affidavit (d.a., vol. 1, p. 111), alors que celui-ci a reconnu, en contre-interrogatoire, qu’il appartenait non à lui mais au groupe scientifique de son ministère d’évaluer l’impact du projet sur les espèces et leur habitat (d.a., vol. 2, p. 363).

 

[47]           Je suis incapable d’en arriver à la conclusion suggérée par l’appelante que les renseignements sollicités n’étaient pas pertinents et que cette conclusion du premier juge est manifestement déraisonnable. Il appartient au ministre dans sa discrétion de déterminer la pertinence des renseignements qu’il sollicite et dont l’évaluation sera faite par ses délégués, et rien dans le dossier ne permet de conclure qu’il était manifestement déraisonnable d’agir ainsi. Le premier juge n’a donc commis aucune erreur du type de celui qui lui est reproché par l’appelante.

 

c)  Les engins de pêche, les coordonnés géographiques et les demandes du                                                 ministère quant aux données recueillies

 

[48]           Enfin, rien dans les conclusions du premier juge quant à la demande par le ministère d’informations relatives à l’utilisation des engins de pêche et aux coordonnées géographiques des stations m’autorise à conclure que le premier juge a erré d’une façon telle qu’il nous faille intervenir. Il en est de même quant à sa conclusion qu’il n’était pas déraisonnable d’exiger que les informations recueillies par l’appelante soient transmises au ministère.

 

D.        CONCLUSION

[49]           Je rejetterais l’appel  avec dépens.

 

 

 

« Alice Desjardins »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord.

     M. Nadon j.c.a. »

 

 

« Je suis d’accord.

     J.D. Denis Pelletier j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-507-05

 

(Appel d’une ordonnance de l’honorable juge Pinard datée du 29 septembre 2005 dans le dossier T-1963-04.)

 

INTITULÉ :                                                                           RECHERCHES MARINES INC./MARINE RESEARCH INC., une corporation dûment constituée selon les lois de la province du Nouveau-Brunswick c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA     

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 15 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE DESJARDINS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE NADON

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 22 décembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

Me Brigitte Sivret

POUR L’APPELANTE

Me Rosemarie Millar

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brigitte Sivret, avocate

Bathurst (N.-B.)

POUR L’APPELANTE

John Sims

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

 

 

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