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Date : 20061221

Dossier : A-73-06

Référence : 2006 CAF 418

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

JEAN PELLETIER

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                      LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                          LE JUGE NADON

                                                                                                                      LE JUGE PELLETIER


 

Date : 20061221

Dossier : A-73-06

Référence : 2006 CAF 418

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

JEAN PELLETIER

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY

[1]               Cet appel a été entendu dès après l’audition de l’appel dans le dossier A-620-05.  Les parties ont convenu, vu l’heure tardive, de s’en remettre à leur prétentions écrites.

 

[2]               L’appelant, qui a eu gain de cause dans sa demande de contrôle judiciaire – laquelle est l’objet de l’appel entrepris dans le dossier A-620-05 – n’avait demandé les dépens ni dans ses procédures écrites ni dans son argumentation orale.  Le juge, dans son ordonnance, a dès lors refusé de les lui accorder.  Cette ordonnance a été rendue le 18 novembre 2005 (2005 CF 1545).

 

 

[3]               Le 16 décembre 2005, l’appelant, prenant appui sur la Règle 403, dépose une requête pour obtenir du juge une ordonnance visant « à obtenir des directives concernant les dépens quant aux procédures dans le présent dossier et, plus particulièrement, à obtenir les dépens sur une base avocat-client ou, subsidiairement, que lesdits dépens soient taxés selon la colonne V du Tarif B ».

 

[4]               La Règle 403 se lit comme suit :

403. (1) Une partie peut demander que

des directives soient données à l’officier taxateur au sujet des questions visées à la règle 400 :

a) soit en signifiant et en déposant un avis de requête dans les 30 jours suivant le prononcé du jugement;

b) soit par voie de requête au moment de la présentation de la requête pour jugement selon le paragraphe 394(2).

 

(2) La requête visée à l’alinéa (1)a) peut être présentée que le jugement comporte ou non une ordonnance sur les dépens.

 

(3) La requête visée à l’alinéa (1)a) est

présentée au juge ou au protonotaire qui a signé le jugement.

 

403. (1) A party may request that directions be given to the assessment officer respecting any matter referred to in rule 400,

(a) by serving and filing a notice of motion within 30 days after judgment has been pronounced; or

(b) in a motion for judgment under subsection 394(2).

 

(2) A motion may be brought under

paragraph (1)(a) whether or not the judgment included an order concerning costs.

 

(3) A motion under paragraph (1)(a) shall be brought before the judge or prothonotary who signed the judgment.

 

 

[5]               Le 14 février 2006, le juge rejette la requête pour le motif, essentiellement, que la Règle 403 ne peut être utilisée pour obtenir des dépens qui n’ont pas été accordés (2006 CF 191).  D’où le présent appel.

 

[6]               La Règle 403 permet à une partie de demander au juge qui a signé un jugement de donner des directives à l’officier taxateur.  Une requête en vertu de la Règle 403 suppose donc ou bien qu’il y ait eu un jugement adjugeant les dépens – c’est le cas que vise la Règle 403(1)a) –, ou bien que l’adjudication des dépens ait été laissée en suspens dans le jugement dans l’attente de représentations des parties et qu’une ordonnance les accordant ait été rendue depuis – c’est le cas que vise la Règle 403(2) –, ou encore que le juge ait demandé à une partie, conformément à la Règle 394, de rédiger le projet d’ordonnance – c’est le cas que vise la Règle 403(1)b).

 

[7]               Comme l’objet même d’une requête déposée en vertu de la Règle 403 est de donner des directives à un officier taxateur, il va de soi que la partie qui présente la requête doive s’être vue reconnaître le droit à des dépens.  Pas de dépens, bien sûr, pas de taxation.  La Règle 403 ne saurait être interprétée qu’à la lumière des fonctions d’un officier taxateur.  De par la Règle 405, un officier taxateur « taxe » (« assesses ») les dépens, ce qui suppose que des dépens aient été accordés.  Il le fait, c’est la Règle 406 qui le dit, à la demande de « la partie qui a droit aux dépens », ce qui suppose, là encore, qu’une ordonnance adjugeant les dépens ait été prononcée en faveur de cette partie.  Il taxe les dépens, c’est la Règle 407 qui le dit, en conformité avec la colonne III du tableau du Tarif B, et ce « sauf ordonnance contraire de la Cour ».  Il peut tenir compte, en vertu de la Règle 409, « des facteurs visés au paragraphe 400(3) lors de la taxation des dépens ».  Bref, la fonction de l’officier taxateur en est une, non pas d’adjudication, mais d’évaluation des dépens.  Il ne lui appartient pas d’aller outre, ou à l’encontre de, l’adjudication déjà prononcée par le juge.  Et s’il reçoit de ce dernier une directive émise en vertu de la Règle 403, il doit s’y conformer.

 

[8]               Le juge, ici, a donc eu parfaitement raison de conclure qu’une partie qui s’était vu refuser les dépens ne pouvait s’appuyer sur la Règle 403 pour les obtenir.

 

[9]               Si une demande de dépens est faite dans une procédure et ignorée dans le jugement, une partie peut se prévaloir de la Règle 397 pour demander un réexamen du jugement ou se prévaloir à la rigueur de la Règle 399 pour demander l’annulation ou la modification d’un jugement.  Si une demande de dépens est faite, mais rejetée par le juge, la partie peut en appeler du jugement.  Si des dépens sont adjugés d’une manière qui donne ouverture à la Règle 403, la partie en faveur de laquelle l’adjudication a été faite peut demander au juge de donner des directives à l’officier taxateur.  Si les dépens ne sont pas demandés dans les procédures ou lors de l’audition, le juge ne peut pas les accorder et aucune procédure ne saurait venir au secours de la partie défaillante.

 

[10]           Les arrêts de cette Cour qu’invoque l’appelant, Bayer AG c. Apotex Inc., 2005 CAF 128, Consorzio Del Prosciutto Di Parma c. Maple Leaf Meats Inc., [2003] 2 C.F. 451 (C.A.F.), Maytag Corp. c. Whirlpool Corp., 2001 CAF 650, CCH Canadian Ltd c. Law Society of Upper Canada, 2004 CAF 278, sont tous des cas dans lesquels une ordonnance de dépens avait été rendue.  Plus pertinente est la décision du juge Strayer, dans La Reine c. Canadien Pacifique Ltée, 2002 CAF 98, qui a rejeté une demande présentée en vertu de la Règle 403 pour le motif qu’elle cherchait en réalité à obtenir de la Cour d’appel fédérale des dépens qu’elle n’avait pas accordés.  La Règle 403, de conclure le juge Strayer, ne permet pas de réécrire des jugements rendus.

 

[11]           Je rejetterais l’appel, avec dépens taxés comme s’il n’y avait pas eu d’audience.

« Robert Décary »

j.c.a.

« Je suis d’accord

             M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord

             J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                       SECTION D'APPEL

 

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

APPEL DU JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA EN DATE DU 14 FÉVRIER 2006 (T-668-04)

                                                                                                                                               

 

DOSSIER :                                                                       A-73-06

 

INTITULÉ :                                                                     JEAN PELLETIER c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

SANS AUDIENCE ORALE :                                         le 19 décembre 2006

(CONSIDÉRÉ SUR LA BASE DES MÉMOIRES

AU DOSSIER)

 

MOTIFS du jugement DE LA COUR :                 (le juge Décary, le juge Nadon, le juge Pelletier)

 

DATE DES MOTIFS :                                                    le 21 décembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Suzanne Côté

Me Patrick Girard                                                              POUR L’APPELANT

 

Me Jacques Jeansonne

Me Alberto Martinez                                                          POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                                                             

 

Stikeman Elliott s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Montréal (Québec)                               POUR L’APPELANT

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