Date : 20061018
ENTRE :
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2006.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2006.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE SHARLOW
Y A SOUSCRIT : LE JUGE NOËL
MOTIFS DISSIDENTS : LE JUGE PELLETIER
Dossier : A-549-05
Référence : 2006 CAF 335
CORAM : LE JUGE NOËL
LA JUGE SHARLOW
LE JUGE PELLETIER
ENTRE :
HOFFMANN-LA ROCHE LIMITÉE
appelante
et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimés
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s’agit d’un appel interjeté par Hoffman-La Roche Limitée (Roche) contre un jugement de la Cour fédérale (2005 CF 1415, 45 C.P R. (4th) 439) rejetant la demande de contrôle judiciaire présentée par Roche visant la décision du ministre de la Santé de ne pas inscrire le brevet canadien nº 2141964 (le brevet 964) au registre des brevets tenu en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement). Le brevet 964, délivré le 21 octobre 2003, était fondé sur une demande de brevet déposée le 19 août 1993. Roche cherche à inscrire le brevet 964 à l’égard de la drogue Bondronat (1 mg/ml ampoules).
L’article 4 du Règlement
[2] Voici les dispositions pertinentes de l’article 4 du Règlement :
4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7). |
4. (1) A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug. |
[…] |
[…] |
(3) Sous réserve du paragraphe (4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité. |
(3) Subject to subsection (4), a person who submits a patent list must do so at the time the person files a submission for a notice of compliance. |
(4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe (2). |
(4) A first person may, after the date of filing of a submission for a notice of compliance and within 30 days after the issuance of a patent that was issued on the basis of an application that has a filing date that precedes the date of filing of the submission, submit a patent list, or an amendment to an existing patent list, that includes the information referred to in subsection (2). |
(5) Lorsque la première personne soumet, conformément au paragraphe (4), une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets, elle doit indiquer la demande d'avis de conformité à laquelle se rapporte la liste ou la modification, en précisant notamment la date de dépôt de la demande. |
(5) When a first person submits a patent list or an amendment to an existing patent list in accordance with subsection (4), the first person must identify the submission to which the patent list or the amendment relates, including the date on which the submission was filed. |
(6) La personne qui soumet une liste de brevets doit la tenir à jour mais ne peut ajouter de brevets à une liste que si elle le fait en conformité avec le paragraphe (4). |
(6) A person who submits a patent list must keep the list up to date but may not add a patent to an existing patent list except in accordance with subsection (4). |
Régime légal
[3]
Il importe
de comprendre certains éléments du régime de réglementation applicable à
l’approbation des nouveaux médicaments avant de mettre cette partie du
Règlement en contexte.
[4]
Aux termes
de l’article C.08.002 du Règlement sur les aliments et drogues,
C.R.C., ch. 870,
aucune drogue ne peut être commercialisée au Canada si le ministre n’a pas
délivré un avis de conformité pour cette drogue en vertu du Règlement sur
les aliments et drogues. Pour obtenir un avis de conformité, il faut déposer
auprès du ministre une présentation de drogue nouvelle ou une présentation abrégée
de drogue nouvelle contenant des renseignements prescrits pour permettre au
ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue.
[5]
En
général, c’est l’innovateur ou le créateur d’une drogue nouvelle qui dépose une
« présentation de drogue nouvelle ». Le fabricant de médicaments
génériques dépose une « présentation abrégée de drogue nouvelle » et
propose la commercialisation de la drogue nouvelle sur la base de certaines
comparaisons permises avec un « produit de référence canadien » (tel
que défini à l’article C.08.001.1 du Règlement sur les aliments et
drogues).
[6] L’article C.08.003 du Règlement sur les aliments et drogues exige un supplément à la présentation de drogue nouvelle pour faire état de certains changements importants relatifs à une drogue à l’égard de laquelle un avis de conformité a été délivré. Un supplément doit être déposé pour signaler un changement important dans l’un des éléments suivants :
· la description de la drogue : alinéa C.08.003(2)a);
· la marque nominative ou le nom ou code sous lequel il est proposé de l'identifier : alinéa C.08.003(2)b);
· les spécifications des ingrédients de la drogue : alinéa C.08.003(2)c);
· les installations et l'équipement à utiliser pour la fabrication, la préparation et l’emballage de la drogue : alinéa C.08.003(2)d);
· la méthode de fabrication et les mécanismes de contrôle à appliquer pour la fabrication, la préparation et l’emballage de la drogue : alinéa C.08.003(2)e);
· les analyses effectuées pour contrôler l’activité, la pureté, la stabilité et l’innocuité de la drogue : alinéa C.08.003(2)f);
· les étiquettes à utiliser pour la drogue nouvelle : alinéa C.08.003(2)g);
· les observations faites relativement à la voie d'administration recommandée pour la drogue nouvelle, à la posologie, aux propriétés qui lui sont attribuées, aux contre-indications et aux effets secondaires, au délai d'attente applicable à celle-ci : alinéa C.08.003(2)h);
·
la forme
posologique : alinéa C.08.003(2)i).
[7]
Le
ministre désigne certains suppléments à la présentation de drogue nouvelle
comme étant une présentation « administrative » de drogue nouvelle.
Je crois comprendre qu’il s’agit d’une description fonctionnelle permettant de
faire référence à un supplément qui ne met pas directement en cause
l’obligation du ministre d’évaluer l’innocuité et l’efficacité d’une drogue.
Une présentation administrative comprendrait normalement, par exemple, un
supplément requis pour signaler un changement dans la marque nominative d’une
drogue ou un changement de fabricant.
[8]
Le
détenteur d’un avis de conformité peut être mis en cause ou touché par bon
nombre de transactions commerciales qui ne nécessitent pas le dépôt d’un
supplément aux termes de l’article C.08.003 du Règlement sur les
aliments et drogues. Cette disposition n’exige pas par exemple le dépôt
d’un supplément s’il y a une réorganisation du groupe de sociétés dont le
détenteur est membre, si un changement intervient dans le contrôle de
l’entreprise du détenteur, si une autre entité acquiert les actifs du détenteur
ou s’il y a fusion entre le détenteur et une autre entité. Toutefois, si une
telle transaction requiert ou entraîne un changement de la marque nominative de
la drogue, son étiquetage ou un changement de fabricant, il sera alors
nécessaire de soumettre une présentation en vertu des alinéas C.08.003(2)b),
d) ou g), selon le cas, bien que le Règlement sur les aliments
et drogues n’exige pas que le ministre soit avisé des détails de la
transaction sous-jacente.
[9] Le Règlement lie le processus réglementaire applicable aux médicaments à la législation relative aux médicaments brevetés. Le Règlement prévoit une procédure permettant d’identifier et de trancher provisoirement certains litiges en matière de brevets entre le détenteur d’un avis de conformité à l’égard d’un médicament (si cette personne détient aussi certains droits relativement à un brevet comportant une revendication pour un médicament contenu dans la drogue ou pour l’utilisation de ce médicament) et un fabricant de médicaments génériques qui dépose une présentation abrégée de drogue nouvelle en établissant des comparaisons précises avec cette drogue.
[10]
Le
« registre des brevets » est un élément important du Règlement. Le
registre des brevets est un ensemble de listes de brevets. Chaque listes de
brevets est liée à une drogue spécifique à l’égard de laquelle un avis de
conformité a été délivré. Chaque brevet inscrit à l’égard d’une drogue
particulière doit comporter une revendication pour le médicament contenu dans
la drogue ou pour l’utilisation dudit médicament. Si un fabricant de
médicaments génériques dépose une présentation abrégée de drogue nouvelle dans
laquelle il fait l’une des comparaisons précises avec une drogue à l’égard de
laquelle un avis de conformité a été délivré, chaque brevet inscrit sur la
liste des brevets de cette drogue doit être examiné conformément à
l’article 5 du Règlement avant que le ministre ne délivre un avis de
conformité pour le produit du fabricant de médicaments génériques.
[11]
L’article 4
du Règlement renferme les dispositions concernant la création et la mise à jour
des listes de brevets. En vertu du paragraphe 4(1), une personne qui
dépose ou a déposé une demande d’avis de conformité pour une drogue contenant
un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre une liste de brevets à
l’égard de la drogue. La liste de brevets, sujette à certaines conditions qui
ne sont pas pertinentes dans le cadre du présent appel, peut inclure tout
brevet comportant une revendication pour le médicament en soi ou une
revendication pour l’utilisation du médicament (paragraphe 4(2) du
Règlement). Le paragraphe 4(3) du Règlement prévoit que sous
réserve de l’exception prévue au paragraphe 4(4), la demande d’avis de
conformité doit être déposée au même moment que la liste des brevets soumise au
ministre.
[12]
Le paragraphe 4(4)
du Règlement s’applique si un brevet qui comporte une revendication pour un
médicament contenu dans une drogue, ou pour l’utilisation de ce médicament, est
délivré après le dépôt de la demande d’avis de conformité dudit médicament. Le
brevet nouvellement délivré peut être inclus dans une nouvelle liste de brevets
ou une liste de brevets modifiée de ce médicament sous deux conditions.
Premièrement, la demande de brevet doit avoir été soumise avant le dépôt de la
demande d’avis de conformité. Deuxièmement, la nouvelle liste de brevets ou la
liste de brevets modifiée doit être soumise au ministre dans les 30 jours
suivant la délivrance du brevet.
[13]
Le
paragraphe 4(5) du Règlement dispose qu’une nouvelle liste de brevets ou
une liste de brevets modifiée soumise conformément au paragraphe 4(4) doit
indiquer la demande d’avis de conformité à laquelle se rapporte la liste et
préciser la date de dépôt de la demande.
La jurisprudence
[14]
Le terme
« demande » figurant à l’article 4 du Règlement désigne une
demande faite sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues.
Une liste de brevets soumise aux termes du paragraphe 4(1) du Règlement ou
une nouvelle liste de brevets ou encore une liste de brevets modifiée soumise
conformément au paragraphe 4(4) doit avoir pour fondement une demande
spécifique faite en vertu du Règlement sur les aliments et drogues (voir
paragraphe 4(5) du Règlement).
[15]
Dans un
certain nombre de décisions, le ministre et les fabricants de médicaments
génériques ont été d’avis que l’article 4 du Règlement doit être
interprété de manière restrictive, de telle sorte qu’un supplément à la
présentation de drogue nouvelle ne puisse être considéré comme une
« demande » aux fins de l’article 4 du Règlement. Cet argument a
été accepté par la Cour fédérale et par notre Cour dans certaines
circonstances, mais pas dans d’autres. Il en résulte qu’un supplément à la
présentation de drogue nouvelle peut ou peut ne pas être considéré comme un
fondement suffisant justifiant le dépôt d’une nouvelle liste de brevets ou
d’une liste de brevets modifiée, selon la raison pour laquelle le supplément
est déposé. La jurisprudence pertinente est examinée ci-dessous.
[16]
La plus
ancienne décision à cet égard est Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la
Santé) (1999), 87 C.P.R. (3d) 271 (C.F.
1re inst.), conf. par
(2001), 11 C.P.R. (4th) 538 (C.A.F). Dans cette
affaire, un supplément à la présentation de drogue nouvelle a été déposé pour
signaler un changement à une drogue existante. On a statué que ledit supplément
constituait un fondement suffisant justifiant le dépôt d’une nouvelle liste de
brevets désignant un brevet pour une nouvelle formulation du médicament contenu
dans la drogue.
[17]
L’affaire Apotex
mettait en cause le Règlement tel qu’il existait en 1993, avant qu’il ne soit
considérablement modifié en 1998. La jurisprudence relative à la version
actuelle du Règlement commence avec l’affaire Bristol-Myers Squibb Canada
Inc. c. Procureur général du Canada (2001), 10 C.P.R. (4th) 318
(C.F.), conf. par 2002 CAF 32, 16 C.P.R. (4th) 425.
[18]
Dans
l’affaire Bristol-Myers Squibb, un supplément à la présentation de
drogue nouvelle déposé pour signaler un changement dans la marque nominative de
la drogue n’a pas pu justifier le dépôt d’une nouvelle liste de brevets. Dans
cette affaire, il a été conclu que la demanderesse, qui avait commis l’erreur
d’omettre d’inscrire un brevet sur une liste de brevets déposée plus tôt, avait
essayé d’avoir recours à la notion de supplément et au principe dégagé de
l’affaire Apotex, précitée, afin d’éviter le délai imparti par
l’article 4 du Règlement. On a tiré la même conclusion en présence de
faits similaires dans l’affaire Toba Pharma Inc. c. Canada (Procureur
général), 2002 CFPI 927, 21 C.P.R. (4th) 232, et dans
l’affaire Ferring Inc. c. Canada (Procureur général),
2003 CAF 274, 26
C.P.R. (4th)
155 (autorisation de pourvoi à la Cour suprême du
Canada refusée).
[19]
Par
ailleurs, dans l’affaire Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la
Santé), 2004 CAF 154, 31 C.P.R. (4th) 321, on a conclu
qu’un supplément à la présentation de drogue nouvelle suffisait à justifier le
dépôt d’une nouvelle liste de brevets. Abbott détenait un avis de conformité
lui permettant de vendre le Biaxin (clarithromycine) en combinaison avec
l’amoxicilline et l’oméprazole pour un traitement trithérapique destiné à
lutter contre l’infection H. pylori. Abbott souhaitait obtenir un nouvel avis
de conformité afin de vendre une combinaison de médicament différente, celle-ci
comprenant du lansoprazole au lieu de l’oméprazole. La société
TAP Pharmaceuticals, une filiale de Abbott, avait obtenu un avis de
conformité à l’égard de la combinaison de la clarithromycine, de l’amoxicilline
et du lansoprazole. Abbott ne pouvait cependant pas vendre cette combinaison
sous son nom sans avoir obtenu au préalable du ministre un nouvel avis de
conformité. Abbott a, à cette fin, déposé un supplément à la présentation de sa
drogue nouvelle afin de changer la monographie de son produit en faisant un
renvoi à la monographie du produit de TAP Pharmaceuticals. Au même moment,
Abbott a déposé une liste de brevets incluant un brevet qui comportait
certaines revendications relatives à la clarithromycine. Quelques années plus
tard, un fabricant de médicaments génériques a déposé une présentation abrégée
de drogue nouvelle dans laquelle il comparait son produit combiné projeté à
celui de Abbott. Abbott a répondu en présentant, conformément au Règlement, une demande afin
d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de
conformité à l’endroit du fabricant de médicaments génériques avant
l’expiration de son brevet. Le fabricant de médicaments génériques a fait
valoir qu’on n’aurait pas dû inscrire le brevet en tant que supplément à la
présentation de drogue nouvelle qui ne modifie que la monographie du produit.
Cet argument n’a pas été retenu parce que les changements signalés dans le
supplément étaient importants (renvoi au sous-alinéa C.08.003(2)h)(iii) du
Règlement sur les aliments et drogues),
et parce qu’il n’y a eu aucune tentative de contourner les délais prescrits à
l’article 4 du Règlement.
[20]
L’affaire Abbott
a été interprétée par certains comme un précédent à l’appui de la proposition
selon laquelle un supplément à la présentation de drogue nouvelle pourrait
justifier le dépôt d’une nouvelle liste de brevets pour autant que le
supplément n’aura pas été déposé dans l’intention de contourner les délais
prescrits à l’article 4 du Règlement. Cette proposition a été rejetée dans
l’affaire Hoffmann-La Roche Limitée c. Canada (Ministre de la Santé),
2005 CAF 140, 40
C.P.R. (4th)
108, conf. 2004 CF 1547, 38 C.P.R. (4th) 47. Dans cette affaire, on
a déposé un supplément à la présentation de drogue nouvelle pour signaler
l’ajout d’une nouvelle usine de fabrication. Le dépôt de ce supplément n’était pas
une tentative de contourner les délais prescrits. On a néanmoins conclu que le
supplément ne pouvait pas être produit au soutien du dépôt d’une nouvelle
liste de brevets
parce qu’il n’incorporait pas un changement pertinent quant à une éventuelle
allégation de violation de brevet comportant une revendication pour le
médicament contenu dans la drogue ou pour l’utilisation de ce médicament.
[21] On est arrivé à la même conclusion dans l’affaire AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 736, 36 C.P.R. (4th) 58, conf. par 2005 CAF 175, 39 C.P.R. (4th) 366. Dans cette affaire, un supplément à la présentation de drogue nouvelle était requis pour indiquer un changement dans le nom du fabricant de la drogue par suite de la fusion d’Astra Pharma Inc. et de Zeneca Pharma Inc. L’avis de conformité initial avait été délivré à l’une des sociétés à l’origine de la fusion. Le tribunal a conclu que le supplément ne pouvait justifier le dépôt d’une nouvelle liste de brevets.
[22]
Tel est
l’état actuel de la jurisprudence. Dans la présente affaire, la question est de
savoir si le juge de la Cour fédérale a eu raison de conclure que le supplément
à la présentation de drogue nouvelle que Roche a déposé le
30 avril 1998 ne justifiait pas le dépôt d’une nouvelle liste de
brevets dans les circonstances décrites ci-après.
Les faits
[23]
Le
26 juillet 1996, Boehringer Mannheim Canada Ltée (Boehringer Canada)
a déposé auprès du ministre une présentation de drogue nouvelle (numéro de
présentation 044900) conformément à l’article C.08.002 du Règlement sur
les aliments et drogues en vue d’obtenir un avis de conformité pour une
drogue nommée Bondronat. Le 27 août 1997, le ministre a délivré un
avis de conformité à Boehringer Canada à l’égard du Bondronat. Il semble
qu’aucune vente de Bondronat n’a pas été rapportée relativement à cet avis de
conformité.
[24]
Par lettre
datée du 31 mars 1998 adressée au ministre, Boehringer Canada a
informé le ministre que Roche avait acquis [traduction]
« toutes les filiales de Boehringer Mannheim (BM) International » et
que l’acquisition était [traduction]
« achevée sur le plan juridique ». Dans sa lettre, Boehringer Canada
informait aussi le ministre qu’elle avait accordé à Roche [traduction] « tous les droits
d’accès et de propriété des produits médicamenteux suivants et à la
documentation connexe consignée au dossier » auprès du ministre. Le
Bondronat figurait sur la liste des médicaments dont la lettre faisait mention.
[25]
Il ne
ressort pas clairement de la lettre du 31 mars 1998, ni d’aucun autre
élément au dossier, ce que l’« acquisition » implique exactement, si
ce n’est qu’il semble que Roche a acquis le contrôle de Boehringer Canada. Je
suppose que Roche a obtenu ledit contrôle en acquérant les actions de
Boehringer Canada ou celles de sa société mère. Toutefois, dans la lettre du
31 mars 1998, la mention [traduction]
« propriété des médicaments », associée à la cession de [traduction] « tous les droits
d’accès » aux documents, pourrait laisser croire que Roche a aussi acquis
certains droits à l’égard du Bondronat, y compris peut-être certains droits de
propriété. Subsidiairement, il est possible que Roche n’ait acquis de droits de
propriété directs sur aucun bien de Boehringer Canada, mais qu’elle souhaite
seulement que le ministre reconnaisse qu’elle contrôle les aspects
règlementaires du Bondronat, ainsi que sa commercialisation au Canada.
[26]
Dans les
documents soumis pour appuyer sa demande devant la Cour fédérale, Roche n’a pas
fourni de précisions particulières concernant la transaction dont il est fait
mention dans la lettre du 31 mars 1998, peut-être parce que ni Roche
ni le ministre ne les trouvaient pertinentes. De toute façon, j’en déduis que
le ministre devait comprendre et a compris que Boehringer Canada lui demandait
de permettre à Roche, en fait, de se substituer à Boehringer Canada dans toutes
les affaires relatives à l’application du Règlement sur les aliments et
drogues au Bondronat. J’en déduis aussi que le ministre a donné suite à
cette demande. C’est ainsi que, pour l’application du Règlement sur les
aliments et drogues, le ministre a accepté que Roche succède dans les faits
à Boehringer Canada à l’égard du Bondronat et des dossiers relatifs au
Bondronat qu’il tient.
[27]
Par lettre
datée du 20 avril
1998 (pour des
raisons qui ne sont pas claires), Roche a informé le ministre que la
« fusion » de Roche et de Boehringer Canada était en cours, que la
société issue de la fusion porterait le même nom que Roche et que les demandes
en vue du changement de nom du fabricant se feraient dans un proche avenir. Je
présume que le mot « fusion » visait une fusion légale.
[28] Le 30 avril 1998, Roche a déposé une demande relative au Bondronat (numéro de présentation 056442). La demande était intitulée [traduction] « Présentation administrative de drogue nouvelle – Changement de nom du fabricant », dont voici un extrait :
[traduction]
En 1998, [Roche] a fait l’acquisition de [la société mère Boehringer]. En date du 31 mars 1998, toute les activités commerciales des sociétés canadiennes affiliées [y compris Boehringer Canada] et [Roche] ont été réunies sous le nom de la société [Roche] […]. Ainsi, à l’avenir, les produits [Boehringer Canada] suivants se vendront sous la marque et l’étiquette de [Roche]. [Roche] aimerait conserver les mêmes numéros DIN [identification de drogue] qui avaient été assignés aux produits énumérés ci-dessous. [Le Bondronat est inclus dans la liste.] En vue de justifier la présentation administrative de drogue nouvelle et conformément à la politique du 24 avril 1998 intitulée « Changements dans le nom d’un fabricant et/ou d’un produit », nous soumettons les informations suivantes (pour chacun des produits susmentionnés). |
[29]
Cette
lettre ne donne pas non plus de précisions en ce qui concerne la transaction à
laquelle elle fait référence. Quoi qu'il en soit,
le ministre a donné suite à la demande du 30 avril 1998 en délivrant
un avis de conformité à Roche, daté du 8 juin 1998, lui permettant
ainsi de commercialiser le Bondronat sous son nom.
[30]
Le
3 juillet 1998, les statuts relatifs à la fusion de Roche et de
Boehringer Canada ont été enregistrés conformément à la Loi
canadienne sur les sociétés par actions, L.R. (1985), ch. C-44. À
cette date, la société issue de la fusion pourrait, en droit, se substituer à
Boehringer Canada pour ce qui est du Bondronat et de la documentation s’y
rapportant déposée auprès du ministre aux termes du Règlement sur les
aliments et drogues (article 186 de la Loi canadienne sur les
sociétés par actions). Cela a donné un effet juridique à la succession
commerciale de facto qu’on a demandé au ministre de reconnaître, le
31 mars 1998, et que ce dernier a reconnue aux fins du Règlement
sur les aliments et drogues.
[31]
Le brevet 964 a été délivré le
21 octobre 2003. Cette date marque le début du délai de
30 jours, mentionné au paragraphe 4(4) du Règlement (précité) et
pendant lequel Roche pouvait soumettre une demande d’inscription du brevet 964
au registre des brevets. Aux fins du présent appel, nul ne conteste que le
Bondronat est un produit à l’égard duquel le brevet 964 aurait pu être inscrit
si une demande valide avait été soumise dans les délais prescrits.
[32]
Le
18 novembre 2003, dans le délai de 30 jours, Roche a présenté
une demande d’inscription du brevet 964 à l’égard du Bondronat. Le formulaire
de demande comprend un espace dans lequel le demandeur doit indiquer la
présentation à laquelle se rapporte sa demande. Cette exigence est imposée par
le paragraphe 4(5) du Règlement. Roche a rempli cette partie du
formulaire en y inscrivant le numéro de la présentation de drogue
nouvelle 056442, présentation qu’elle avait déposée en date du
30 avril 1998.
[33] Par lettre datée du 2 décembre 2003, le ministre a informé Roche que sa demande d’inscription du brevet 964 au registre a été rejetée parce que la présentation portant numéro 056442, s’agissant d’une simple présentation administrative signalant un changement de nom, n’était pas une présentation pouvant être convenablement utilisée comme référence dans une demande d’inscription de brevets aux termes du paragraphe 4(4) du Règlement.
[34]
À la
suggestion d’un fonctionnaire de Santé Canada, le 22 décembre 2003,
Roche a déposé une nouvelle demande, en nommant cette fois-ci les présentations
numéro 056442 et numéro 044900 (relativement à la présentation
initiale de drogue nouvelle déposée par Boehringer Canada). Le ministre a
rejeté cette demande au motif qu’elle était hors délai.
[35]
Roche a
demandé le contrôle judiciaire de la décision du ministre de ne pas inscrire le
brevet 964 à l’égard du Bondronat, mais a été déboutée. Roche se pourvoit
maintenant devant notre Cour.
Analyse
(1) La demande d’inscription du brevet du 18 novembre 2003
[36]
Roche
soutient que le ministre a commis une erreur de droit quand il a conclu que la
demande d’inscription du brevet que Roche a présentée le 18 novembre 2003
n’était pas appuyée en bonne et due forme par la présentation qu’elle a déposée
le 30 avril 1998 (numéro de présentation 056442).
[37]
Le
différend entre les parties porte sur la caractérisation de la présentation du
30 avril 1998. D’après l’avocat de Roche, il s’agit d’une
présentation de drogue nouvelle et non d’un supplément à la présentation de
drogue nouvelle, vu que la présentation avait été déposée dans le but d’obtenir
un avis de conformité autorisant Roche à commercialiser le Bondronat pour la première
fois. L’avocat du ministre soutient que la présentation du
30 avril 1998 est bien ce qu’elle prétend être, à savoir une
présentation « administrative » ou, en d’autres termes, un supplément
à la présentation de drogue nouvelle initialement déposée par Boehringer Canada
pour indiquer un changement dans le nom de la société qui commercialiserait le
Bondronat. Le ministre a considéré la présentation du 30 avril 1998
comme un supplément au sens de l’article C.08.003 du Règlement sur les
aliments et drogues, mais pas comme un supplément déclenchant son
obligation d’évaluer l'innocuité ou l'efficacité de
la drogue.
[38]
La
caractérisation de la présentation du 30 avril 1998 faite par le
ministre est, selon moi, irréprochable. À cette date existait déjà un avis de
conformité à l’égard du Bondronat qui avait été délivré à Boehringer Canada. La
présentation du 30 avril 1998 signalait le changement
de nom projeté de l’entité qui allait commercialiser le Bondronat, ce qui
nécessitait un changement dans l’étiquetage pour identifier Roche comme étant
la source de la drogue plutôt que Boehringer Canada. (Voir l’alinéa C.08.003(2)g)
du Règlement sur les aliments et drogues.)
[39]
L’avocat
de Roche fait valoir que la présentation du 30 avril 1998 ne peut
être considérée comme étant un supplément à la présentation initiale de drogue
nouvelle déposée par Boehringer Canada parce que Roche et Boehringer Canada
étaient, en date du 30 avril 1998, deux sociétés distinctes. Même
s’il est vrai que les deux sociétés n’avaient pas encore fusionné à cette
époque, il est aussi vrai, du moins pour ce qui est du ministre, que Roche
succédait à Boehringer Canada et devait être traitée comme s’y substituant,
comme l’avait demandé Boehringer Canada. Roche ne prétend pas que le ministre a
commis une erreur de droit en accédant à la demande de Boehringer Canada. De
même, il n’est pas non plus nécessaire en l’espèce de se prononcer sur la
question de savoir si le ministre était tenu d’accéder à cette demande.
[40]
La
jurisprudence de notre Cour a établi qu’un supplément à la présentation de
drogue nouvelle déposé uniquement pour indiquer un changement dans le nom de la
drogue ou du fabricant ne peut justifier le dépôt d’une nouvelle liste de
brevets ou d’une liste de brevets modifiée. Le ministre a eu raison de dire que
le supplément que Roche a déposé le 30 avril 1998 tombe dans la même
catégorie.
[41]
Les faits
de l’espèce sont semblables à ceux de l’affaire AstraZeneca (précitée).
L’avocat de Roche a avancé plusieurs arguments en tentant de distinguer l’affaire
AstraZeneca de la présente affaire ou d’établir que le principe consacré
dans l’affaire AstraZeneca ne devrait pas s’appliquer en l’espèce, ou
encore d’établir que ce principe est incorrect. Je n’ai pas besoin de
m’attarder sur les détails de ces arguments. Il suffit de dire que je ne puis
établir une distinction pertinente entre la présente affaire et l’affaire AstraZeneca,
et je ne suis pas convaincue qu’il y a une quelconque erreur dans le principe
appliqué dans AstraZeneca, ni même dans les affaires Hoffmann-La
Roche, Ferring, Toba ou Bristol-Myers Squibb (précitées).
Je ne vois aucune raison pour laquelle la décision rendue en l’espèce ne
devrait pas être la même que celle rendue de ces affaires.
[42]
Roche
soutient que si le principe consacré par le courant jurisprudentiel établi par
l’affaire AstraZeneca s’applique dans la présente affaire, Roche se
verrait retirer son droit d’inscrire le brevet 964 à la première occasion
après la délivrance du brevet 964 en 2003. Cet argument, à mon avis, ne
repose sur aucun fondement. Il me semble, et le ministre l’a effectivement
concédé, que si la demande d’inscription de brevet déposée le
18 novembre 2003 Roche avait renvoyé à la présentation initiale de
drogue nouvelle que Boehringer Canada avait déposée en 1996 (numéro de
présentation 044900), on aurait autorisé l’inscription du brevet 964 à
l’égard du Bondronat. Cette interprétation serait fondée parce qu’en
novembre 2003, à la suite de la fusion de juillet 1998, Roche
succédait à Boehringer Canada et, sur le plan juridique, Roche se substituait à
Boehringer Canada vis-à-vis du ministre.
[43]
Roche a
également affirmé que le principe fondé sur le courant jurisprudentiel établi
par l’affaire AstraZeneca ne devrait pas s’appliquer en l’espèce parce
que le refus du ministre d’inscrire le brevet au registre repose uniquement sur
le fait que Roche a choisi de renvoyer à sa présentation relative au changement
de nom du 30 avril 1998 dans sa demande d’inscription de brevet,
plutôt qu’à la présentation initiale de drogue nouvelle déposée par Boehringer
Canada en 1993.
[44]
Malheureusement
pour Roche, le régime légal (particulièrement le paragraphe 4(5) du
Règlement) exige de la personne qui soumet une liste de brevets d’indiquer la
bonne référence au moment où la demande est faite, sinon au moins dans les
30 jours prescrits par le paragraphe 4(4) du Règlement. Le ministre
devrait pouvoir examiner une demande d’inscription de brevet sur la base de son
contenu. Je ne vois aucune raison d’interpréter le Règlement de manière à imposer
au ministre l’obligation de faire des recommandations ou d’apporter des
corrections, particulièrement après l’expiration du délai de 30 jours.
(2) La demande d’inscription du brevet du 22 décembre 2003
[45]
La
deuxième demande d’inscription de Roche ayant été déposée après le délai de
30 jours prévu par le paragraphe 4(4) du Règlement, le ministre l’a
rejetée à juste titre.
Conclusion
[46] Je rejetterais l’appel avec dépens.
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B
LE JUGE NOËL (Motifs concourants) :
[47]
Je
souscris aux motifs de la juge Sharlow selon lesquels Roche a obtenu le droit
de vendre le produit en cause à la suite d’une fusion. Par conséquent, la
présente affaire doit subir le même sort que dans l’affaire Astrazeneca
Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CAF 175, 30 C.P.R. (4th) 366.
[48] Le juge Pelletier a opiné que le principe sous-tendant la pratique du ministre relative aux soi-disant présentations « administratives » s’appliquerait aussi à une personne qui acquiert la propriété d’une drogue par voie d’acquisition directe. J’estime pour ma part qu’il vaut mieux reporter au jour où se posera la question de savoir si ce serait là la conséquence de la pratique du ministre et, le cas échéant, si cette pratique pourrait avoir pour effet d’empêcher un acquéreur de se prévaloir des bénéfices du Règlement.
« Marc Noël »
Juge
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B
LE JUGE PELLETIER (Motifs dissidents) :
[49] Je regrette de ne pouvoir souscrire à la décision rendue en l’espèce par ma collègue la juge Sharlow.
[50] La controverse en l’espèce a été déclenchée lorsque Roche, déposant le 18 novembre 2003 une liste de brevets relative au brevet canadien nº 2141964 (le brevet 964) à l’égard de la drogue Bondronat, a renvoyé à sa présentation du 30 avril 1998 à l’égard du Bondronat (un renvoi à une demande d’avis de conformité étant une exigence du paragraphe 4(5) du Règlement). Le ministre a rejeté la liste de brevets de Roche au motif que la présentation du 30 avril 1998, soumise pour indiquer un changement dans le nom du fabricant, ne justifiait pas le dépôt d’une liste de brevets. Quand Roche a par la suite déposé de nouveau sa liste de brevets, en renvoyant cette fois-ci à la demande initiale d’avis de conformité présentée par Boehringer-Mannheim’s, le ministre a rejeté la liste de brevets en faisant valoir qu’elle avait été déposée après l’expiration du délai de 30 jours prescrit par le paragraphe 4(4) du Règlement. Roche a déposé une demande de contrôle judiciaire peu de temps après.
[51] Ma collègue a examiné les circonstances entourant la délivrance à Roche de l’avis de conformité à l’égard du Bondronat. S’agissant de ces transactions, j’estime que le ministre a été informé que Roche était devenue propriétaire de la drogue Bondronat de Boehringer-Mannheim's. Roche a alors demandé au ministre de lui délivrer un avis de conformité à l’égard de la drogue, ce qui a été fait. Roche se fonde sur l’antériorité de ces transactions à la fusion des deux sociétés. J’estime qu’il s’agit en l’espèce de la délivrance d’un avis de conformité par suite du changement de propriété à l’égard de la drogue mentionnée dans l’avis de conformité. Que le ministre n’y accorde que peu d’importance, du fait de sa politique administrative, n’a tout simplement aucune importance.
[52] Le principe sous-tendant le rejet par le ministre de la demande de liste de brevets déposée par Roche le 18 novembre 2003 est qu’un changement du nom du fabricant d’une drogue « ne peut avoir d'influence sur une action potentielle en contrefaçon de brevet concernant un médicament contenu dans la drogue » : Hoffman-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CAF 140, au paragraphe 25.
[53] Cette proposition est, à mon sens, énoncée de façon trop générale. La présence d'un brevet inscrit au registre entraîne l'application des dispositions empêchant la contrefaçon prévues par le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, et ses modifications (le Règlement). Une personne qui acquiert la propriété d’une drogue à l’égard de laquelle un avis de conformité a été délivré sous le nom d’une autre doit déposer, sous son nom, une demande d’avis de conformité relativement à ladite drogue afin de la commercialiser (voir l’alinéa C.08.002(1)b) du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C.-ch. 870). Si cette demande (et l’avis de conformité qui en résulte) ne peut étayer le dépôt d’une liste de brevets (du fait qu’elle ne constitue qu’une présentation relative à un changement de nom), cet acquéreur ne peut donc se prévaloir des bénéfices du Règlement en ce qui concerne sa drogue nouvellement acquise. En conséquence, un fabricant de médicaments génériques peut entrer sur le marché en obtenant un avis de conformité à l’égard de son produit concurrent sans devoir se pencher sur les revendications du brevet de l’acquéreur et, de ce fait, refuser à l’acquéreur (et titulaire du brevet) les bénéfices du Règlement. Je suis donc d’avis qu’une demande d’avis de conformité relative à une drogue fondée sur un changement de propriétaire devrait être considérée comme une demande aux fins du dépôt d’une liste de brevets.
[54] Certes Roche aurait pu éviter ce problème en renvoyant à la demande de Boehringer plutôt qu’à la sienne quand elle a soumis sa liste de brevets, surtout que la fusion avait déjà eu lieu au moment où Roche a cherché à ajouter le brevet 964 au registre des brevets. Toutefois, le principe sous-tendant la position du ministre s’applique en l’absence de fusion et il n’existe donc aucun autre moyen d’éviter ses conséquences. Il résulte de la position du ministre que l’acquéreur d’une drogue ne peut devenir une « première personne » relativement à cette drogue qu’en déposant un supplément à la présentation de drogue nouvelle qui paraisse important sans nécessairement l’être. En toute déférence pour mes collègues, je ne pense pas qu’il est approprié de contourner ce problème en recourant à la notion de substitution informelle d’une partie à une autre.
[55] Considérer qu’une présentation signalant un changement de propriétaire suffit pour justifier le dépôt d’une liste de brevets est conforme à la finalité du Règlement, sans s’écarter de la jurisprudence de notre Cour, qui ne s’est jamais encore penchée sur la distinction entre un changement de nom et un changement de propriétaire. Il ne suffit pas d’affirmer que Roche peut déposer sa liste de brevets la prochaine fois qu’elle soumettra une présentation pertinente quant à la question de la contrefaçon. Ce serait simplement inviter Roche à concocter une transaction aux fins de contourner le Règlement. Le courant jurisprudentiel sur lequel se fonde le ministre a été créé dans le but précis d’empêcher les fabricants de manipuler le système en invoquant des transactions dont l’unique objectif était de contourner le système.
[56] Par conséquent, j’accueillerais l’appel, j’accueillerais la demande de contrôle judiciaire et j’enjoindrais au ministre de réexaminer la demande de liste de brevets déposée par Roche le 18 novembre 2003 en considérant que la présentation du 30 avril 1998 visait le dépôt d’une liste de brevets.
« J.D. Denis Pelletier »
Juge
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-549-05
APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉE DU 17 OCTOBRE 2005, DOSSIER DE LA COUR FÉDÉRALE N° T-1468-04
INTITULÉ : HOFFMAN-LA ROCHE LIMITÉE c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET AL.
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 6 septembre 2006
MOTIFS DU JUGEMENT PAR : LA JUGE Sharlow
MOTIFS DISSIDENTS PAR : LE JUGE Pelletier
DATE DES MOTIFS : LE 18 octobre 2006
COMPARUTIONS :
Jay Zakaib
|
POUR L’APPELANTE |
POUR LES INTIMÉS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ottawa (Ontario)
|
POUR L’APPELANTE |
Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
POUR LES INTIMÉS |