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Date : 20060926

Dossiers : A-396-05/A-411-05

Référence : 2006 CAF 316

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

ENTRE :

GERALDINE M. WILLISTON

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

ET DU NORD CANADIEN

 

et

LES CHIPPEWAS DE LA BANDE INDIENNE DE RAMA

(alias LES CHIPPEWAS DE LA PREMIÈRE NATION DE MNJIKANING)

 

intimés

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 26 septembre 2006

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 26 septembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                   LE JUGE SEXTON


 

Date : 20060926

Dossiers : A-396-05/A-411-05

Référence : 2006 CAF 316

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

ENTRE :

GERALDINE M. WILLISTON

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

ET DU NORD CANADIEN

 

et

LES CHIPPEWAS DE LA BANDE INDIENNE DE RAMA

(alias LES CHIPPEWAS DE LA PREMIÈRE NATION DE MNJIKANING)

 

intimés

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 26 septembre 2006)

 

LE JUGE SEXTON

[1]               Il s’agit d’un appel visant la décision rendue par la juge Layden‑Stevenson de la Cour fédérale dans Williston c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2005 CF 829. La juge Layden‑Stevenson a rejeté une action introduite par Geraldine M. Williston (l’appelante), par laquelle elle sollicitait un jugement déclaratoire établissant que Sa Majesté la Reine (la Couronne) et les Chippewas de la bande indienne de Rama (la bande) étaient tenus de renouveler son bail.

 

[2]               L’appelante détenait un intérêt à bail dans une partie des terres de la réserve de la bande (les terres de Moonlight Bay) qui avaient été cédées autrement qu’à titre absolu en vue de leur cession à bail par la Couronne. Le bail est venu à échéance le 31 mars 2002. Devant la juge Layden‑Stevenson, l’appelante a soulevé deux séries d’arguments. En premier lieu, elle a invoqué la préclusion propriétale et réclamé une ordonnance ou un jugement déclaratoire établissant que son bail devait être renouvelé pour au moins vingt ans. En second lieu, elle a fait valoir ses droits en qualité de partie à un litige d’intérêt public, réclamant diverses ordonnances et jugements déclaratoires afin de faire annuler la décision prise par le chef et les conseillers de la bande de ne pas renouveler les baux des terres de Moonlight Bay.    

 

[3]               En rejetant l’action, la juge Layden‑Stevenson a conclu que les éléments de la préclusion propriétale n’étaient pas présents, que la demande déposée par la demanderesse en qualité de partie à un litige d’intérêt public aurait dû être introduite au moyen d’une demande de contrôle judiciaire et que, même si elle avait été introduite en bonne et due forme, la demande d’intérêt public aurait été rejetée.

 

[4]               Devant la Cour, l’appelante soutient que la juge Layden‑Stevenson n’a pas appliqué correctement le critère pour la préclusion propriétale et que, selon le paragraphe 53(3) de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I‑5, elle a le droit d’obtenir un jugement déclaratoire interdisant au chef, aux conseillers et à la bande dont ils sont membres d’utiliser, d’occuper et de prendre possession des terres. L’appelante ne sollicite pas l’annulation de la décision prise par le ministre de déléguer le pouvoir d’administrer les terres. 

 

[5]               En ce qui concerne la question de la préclusion propriétale, nous sommes d’avis que la juge Layden‑Stevenson a retenu le bon critère permettant de conclure à l’existence ou non d’une telle préclusion et qu’elle n’a commis aucune erreur en l’appliquant aux faits. Le mari de l’appelante, qui agissait à titre de mandataire de l’appelante, avait été informé avant que sa femme achète l’intérêt sur les terres que le bail ne serait pas automatiquement renouvelé et que la décision de renouveler ou non le bail constituait une décision d’affaires. En outre, au moment de conclure le bail, l’appelante avait demandé une prorogation du bail de 12 ans après son échéance. Cette demande avait été refusée.   

 

[6]               Il nous semble clair que la bande et la Couronne cherchaient uniquement à ne se fermer aucune possibilité relativement à la décision qui serait prise à l’expiration du bail de l’appelante, à savoir si les terres allaient être cédées à bail et à qui. Aucune preuve ne paraît indiquer que les intimés ont induit l’appelante en erreur d’une quelconque façon ou qu’ils sont revenus sur une position adoptée précédemment. Le mari de la demanderesse, un avocat, avait été informé que, pour la bande, la cession à bail constituait une décision d’affaires. Il n’était pas raisonnable pour l’appelante de conclure que la seule décision d’affaires raisonnable pour la bande était de renouveler le bail de l’appelante; on ne peut affirmer non plus que la conduite des intimés aurait pu amener l’appelante à croire raisonnablement que son bail allait être renouvelé.   

 

[7]               L’appelante ne pouvait obtenir gain de cause dans une demande relative à la préclusion propriétale si elle ne croyait pas raisonnablement que le bail allait être renouvelé. Nous ne voyons aucune erreur manifeste et dominante dans la conclusion de la juge Layden‑Stevenson selon laquelle l’appelante ne croyait pas raisonnablement que le bail allait être renouvelé et n’a pas été amenée par la bande ou la Couronne à le croire. 

Article 53 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5

Opérations concernant les terres cédées ou désignées

53. (1) Le ministre ou son délégué peut, conformément à la présente loi et aux conditions de la cession à titre absolu ou de la désignation :

a) administrer ou vendre les terres cédées à titre absolu;

b) effectuer toute opération à l’égard des terres désignées et notamment les administrer et les donner à bail.

Transactions re surrendered and designated lands

   53. (1) The Minister or a person  appointed by the Minister for the purpose may, in accordance with this Act and the terms of the absolute surrender or designation, as the case may be,

(a) manage or sell absolutely surrendered lands; or

(b) manage, lease or carry out any other transaction affecting designated lands.

Concession lorsque l’acquéreur initial est décédé

(2) Lorsque l’acquéreur initial de terres cédées est mort et que l’héritier, cessionnaire ou légataire de l’acquéreur initial demande une concession des terres, le ministre peut, sur réception d’une preuve d’après la manière qu’il ordonne et exige à l’appui de toute demande visant cette concession et lorsqu’il est convaincu que la demande a été établie de façon juste et équitable, agréer la demande et autoriser la délivrance d’une concession en conséquence.

Grant where original purchaser dead

(2) Where the original purchaser of surrendered lands is dead and the heir, assignee or devisee of the original purchaser applies for a grant of the lands, the Minister may, on receipt of proof in such manner as he directs and requires in support of any claim for the grant and on being satisfied that the claim has been equitably and justly established, allow the claim and authorize a grant to issue accordingly.

Fonctionnaires du ministère

(3) La personne qui est nommée à titre de délégué conformément au paragraphe (1), ou qui est un fonctionnaire ou préposé de Sa Majesté à l’emploi du ministère, ne peut, sauf approbation du gouverneur en conseil, acquérir directement ou indirectement d’intérêts dans des terres cédées à titre absolu ou désignées.

L.R. (1985), ch. I-5, art. 53; L.R. (1985), ch. 17 (4e suppl.), art. 5.

Departmental employees

(3) No person who is appointed pursuant to subsection (1) or who is an officer or a servant of Her Majesty employed in the Department may, except with the approval of the Governor in Council, acquire directly or indirectly any interest in absolutely surrendered or designated lands.

R.S., 1985, c. I-5, s. 53; R.S., 1985, c. 17 (4th Supp.), s. 5.

 

[8]               En ce qui concerne la demande déposée par l’appelante visant l’obtention d’un jugement déclaratoire fondé sur le paragraphe 53(3) de la Loi sur les Indiens, la juge de première instance a conclu que rien ne prouvait que la bande était en train d’utiliser, d’occuper ou de prendre possession d’une des terres en question. Nous ne voyons aucune erreur manifeste et dominante dans cette conclusion. L’appelante n’a pas produit de preuve convaincante établissant que la bande a la ferme intention d’utiliser ces terres. Ces seules conclusions suffisent à rejeter cet argument.  

 

[9]               Cependant, nous devrions souligner que la délégation en tant que telle, bien qu’elle délègue au chef et aux conseillers le droit d’administrer les terres, leur interdit d’acquérir directement ou indirectement des intérêts dans les terres, ce qui est en conformité avec le paragraphe 53(3).

 

[10]           En outre, le but du paragraphe 53(3) de la Loi sur les Indiens est de protéger les peuples autochtones. Il vise à éviter que les personnes nommées par la Couronne ne profitent de leur position pour en tirer des avantages personnels aux dépens de la bande indienne concernée. Le paragraphe 53(3) ne peut être utilisé pour empêcher une bande indienne d’utiliser, d’occuper ou de prendre possession de ses propres terres.  

 

[11]           En conclusion, nous ne voyons aucun motif de modifier la décision rendue par la juge Layden‑Stevenson. L’appel est rejeté avec dépens en faveur des intimés. 

 

 

« J. Edgar Sexton »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                              A-396-05/A-411-05

 

(APPEL D’UNE DÉCISION RENDUE PAR LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON DE LA COUR FÉDÉRALE, DATÉE DU 10 JUIN 2005, DANS LE DOSSIER T-383-02)

 

INTITULÉ :                                                               GERALDINE M. WILLISTON

                                                                                    c.

                                                                                    SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE 26 SEPTEMBRE 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR             (LES JUGES LINDEN,  NADON ET

                                                                                    SEXTON)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                   LE JUGE SEXTON

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ross Earnshaw

POUR L’APPELANTE

 

Shelley Quinn

 

Awanish Sinha

POUR L’INTIMÉE

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson s.r.l.

Kitchener (Ontario)

POUR L’APPELANTE

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

McCarthy Tétrault s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

POUR LES INTIMÉS

 

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