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Date : 20010924

Dossier : A-16-98

Référence neutre : 2001 CAF 280

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                 CANADIAN SOLIFUELS INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                            et

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               intimée

                        Audience tenue à Toronto (Ontario), le jeudi 20 septembre 2001

                         Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 24 septembre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                         LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LE JUGE LINDEN

                                                                                                                   LE JUGE SHARLOW


                                                                                                                               Date : 20010924

                                                                                                                             Dossier : A-16-98

                                                                                                   Référence neutre : 2001 CAF 280

CORAM:        LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                 CANADIAN SOLIFUELS INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                            et

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               intimée

                                                    MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE


[1]                 Il s'agit d'un appel interjeté à l'égard d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt qui est publiée sous l'intitulé Canadian Solifuels Inc. c. Sa Majesté La Reine, [1998] 1 C.T.C. 3080, 98 D.T.C. 1311. La question est de savoir si l'appelante, qui est une société privée sous contrôle canadien, peut se prévaloir du crédit d'impôt à l'investissement majoré prévu au paragraphe 127(10.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.) ch. 1 ( « la Loi » ), à l'égard des dépenses faites par une société de personnes dont elle était associée.

[2]                 Au cours de la période sous étude l'appelante détenait une participation de 15,23 p. 100 dans la société de personnes. Les dépenses en question s'élevaient à un montant total d'environ 11 700 000 $ et ont été faites par la société de personnes au cours de l'exercice financier de celle-ci qui a pris fin le 31 décembre 1987. Pour son exercice financier terminé le 31 décembre 1988, l'appelante a réclamé un crédit d'impôt à l'investissement majoré se rapportant à sa part de dépenses de la société de personnes, laquelle s'établit à un montant de 1 781 822 $. Il est admis de part et d'autre que, n'eût été la question à trancher dans le présent appel, l'appelante aurait eu droit au crédit d'impôt à l'investissement majoré à l'égard de ces dépenses, si celles-ci avaient été faites uniquement par elle-même ou pour son compte. Il n'est pas contesté non plus que les dispositions de la Loi qui s'appliquent en l'espèce sont les versions des articles 37, 96 et 127 qui sont protégées en vertu d'une clause d'antériorité et qui sont demeurées en vigueur après la promulgation du chapitre 55 des L.C. de 1988.


[3]                 Le crédit d'impôt à l'investissement d'un contribuable à la fin d'une année d'imposition est le montant déterminé au moyen d'une formule arithmétique énoncée dans la définition de l'expression « crédit d'impôt à l'investissement » qui se trouve au paragraphe 127(9) de la Loi. Les dispositions législatives que l'appelante invoque sont le paragraphe 127(10.1) ainsi que l'alinéa e) de la définition de l'expression « crédit d'impôt à l'investissement » , où l'un des éléments de la formule est décrit :

« _crédit d'impôt à l'investissement_ » Le crédit d'impôt à l'investissement d'un contribuable à la fin d'une année d'imposition correspond à l'excédent éventuel du total des montants suivants_:

...

e) l'ensemble des montants dont chacun représente un montant à ajouter, en vertu du paragraphe(10.1), dans le calcul de son crédit d'impôt à l'investissement à la fin de l'année ou d'une des 10 années d'imposition précédentes ou des 3 années d'imposition suivantes; ...

"investment tax credit" of a taxpayer at the end of a taxation year means the amount, if any, by which the total of

...

(e) the total of all amounts each of which is an amount required by subsection (10.1) to be added in computing the taxpayer's investment tax credit at the end of the year or at the end of any of the 10 taxation years immediately preceding or the 3 taxation years immediately following the year,and ...

[4]                 Le paragraphe 127(10.1) est ainsi libellé :

127(10.1) Crédit d'impôt à l'investissement majoré -- Pour l'application de l'alinéa e) de la définition de « _crédit d'impôt à l'investissement_ » au paragraphe (9), le montant correspondant à 15_% du moins élevé des montants suivants est à ajouter dans le calcul du crédit d'impôt à l'investissement d'une société à la fin de l'année d'imposition tout au long de laquelle elle a été une société privée sous contrôle canadien_:

a) le montant qu'elle demande;

b) l'excédent de son compte de dépenses admissibles de recherche et de développement à la fin de l'année sur le total des montants représentant chacun l'avantage relatif à la superdéduction pour l'année relativement à la société et à une province;

c) sa limite de dépenses pour l'année.

127(10.1) Additions to investment tax credit -- For the purpose of paragraph (e) of the definition "investment tax credit" in subsection (9), where a corporation was throughout a taxation year a Canadian-controlled private corporation, there shall be added in computing the corporation's investment tax credit at the end of the year the amount that is 15% of the least of

(a) such amount as the corporation claims;

(b) the amount by which the corporation's SR & ED qualified expenditure pool at the end of the year exceeds the total of all amounts each of which is the super-allowance benefit amount for the year in respect of the corporation in respect of a province; and

(c) the corporation's expenditure limit for the year.


[5]                 Sa Majesté a refusé la demande de crédit en invoquant le paragraphe 127(8). Au cours de la période pertinente aux fins du présent appel, le paragraphe 127(8) était ainsi libellé :

127(8) Crédit d'impôt à l'investissement d'une société de personnes -- Lorsque, dans une année d'imposition donnée d'un contribuable associé d'une société, un montant serait déterminé à l'égard de la société, si celle-ci était une personne et si son exercice financier correspondait à son année d'imposition, en vertu de l'alinéa a) -- abstraction faite du sous-alinéa a)(iii) -- ou de alinéa b) ou e.1) de la définition de « crédit d'impôt à l'investissement » au paragraphe (9), pour son année d'imposition se terminant dans l'année donnée, la partie de ce montant qu'il est raisonnable de considérer comme la part du contribuable doit être ajoutée dans le calcul du crédit d'impôt à l'investissement du contribuable à la fin de l'année donnée.

127(8) Investment tax credit of partnership -- Where, in a particular taxation year of a taxpayer who is a member of a partnership, an amount would, if the partnership were a person and its fiscal period were its taxation year, be determined in respect of the partnership under paragraph (a), (b) or (e.1) of the definition "investment tax credit" in subsection (9), if paragraph (a) of that definition were read without reference to subparagraph (iii) thereof, for its taxation year ending in that particular taxation year, the portion of that amount that may be reasonably be considered to be the taxpayer's share thereof shall be added in computing the investment tax credit of the taxpayer at the end of that particular taxation year.       

[6]                  À l'instar de l'alinéa e), les alinéas a), b) et e.1) de la définition du crédit d'impôt à l'investissement qui se trouve au paragraphe 127(9) sont des éléments de la formule dont le total correspond au montant du crédit d'impôt à l'investissement du contribuable. Voici le texte des alinéas a), b) et e.1) qui étaient en vigueur au cours de la période pertinente :


« _crédit d'impôt à l'investissement_ » Le crédit d'impôt à l'investissement d'un contribuable à la fin d'une année d'imposition correspond à l'excédent éventuel du total des montants suivants_:

a) l 'ensemble des montants représentant chacun le pourcentage déterminé du coût en capital, pour le contribuable, d'un bien admissible ou d'un bien certifié qu'il a acquis au cours de l'année;

b) l'ensemble des montants à ajouter, en vertu du paragraphe (7) ou (8), dans le calcul de son crédit d'impôt à l'investissement à la fin de l'année; ...

e.1) l'ensemble des montants représentant chacun le pourcentage déterminé de la partie d'un remboursement fait par le contribuable au cours de l'année ou d'une des 10 années d'imposition précédentes ou des 3 années d'imposition suivantes, qu'il est raisonnable de considérer comme le remboursement d'une aide gouvernementale, d'une aide non gouvernementale ou d'un paiement contractuel, qui a réduit, selon le cas_:

(i) le coût en capital d'un bien pour lui selon l'alinéa (11.1)b),

(ii) le montant d'une dépense admissible qu'il a engagée en vertu de l'alinéa (11.1)c) pour les années d'imposition qui ont commencé avant 1996,

(iii) le montant de remplacement visé par règlement qui lui est applicable selon l'alinéa (11.1)f) pour les années d'imposition qui ont commencé avant 1996,

(iv) une dépense admissible qu'il a engagée selon l'un des paragraphes (18) à (20); ...

"investment tax credit" of a taxpayer at the end of a taxation year means the amount, if any, by which the total of

(a) the total of all amounts each of which is the specified percentage of the capital cost to the taxpayer of certified property or qualified property acquired by the taxpayer in the year, ...

(b) the total of amounts required by subsection (7) or (8) to be added in computing the taxpayer's investment tax credit at the end of the year,...

(e.1) the total of all amounts each of which is the specified percentage of that part of a repayment made by the taxpayer in the year or in any of the 10 taxation years immediately preceding or the 3 taxation years immediately following the year that can reasonably be considered to be a repayment of government assistance, non-government assistance or a contract payment that reduced

(i) the capital cost to the taxpayer of a property under paragraph (11.1)(b),

(ii) the amount of a qualified expenditure incurred by the taxpayer under paragraph (11.1)(c) for taxation years that began before 1996,

(iii) the prescribed proxy amount of the taxpayer under paragraph (11.1)(f) for taxation years that began before 1996, or

(iv) a qualified expenditure incurred by the taxpayer under any of subsections (18) to (20), ...


[7]                 Dans une décision qu'elle a rendue au sujet de faits semblables, la Cour d'appel fédérale a tranché la question soulevée en l'espèce à l'encontre de la contribuable en invoquant le paragraphe 127(8) : Allcolour Chemicals Limited c. La Reine, [1997] 2 C.T.C. 356, 97 D.T.C. 5266 (C.A.F.). La seule différence entre la présente affaire et la situation examinée dans l'arrêt Allcolour est le fait que les dispositions applicables dans ce dernier jugement étaient celles qui sont entrées en vigueur après 1988 plutôt que les dispositions protégées par une clause d'antériorité qui s'appliquent en l'espèce.

[8]                 L'appelante soutient maintenant qu'il y a lieu de distinguer la présente affaire de l'arrêt Allcolour pour deux raisons. D'abord, elle fait valoir que le juge de la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur en appliquant cet arrêt, étant donné que les dispositions législatives concernant le revenu et les pertes d'une société de personnes en l'espèce sont bien différentes de celles qui étaient pertinentes dans l'affaire Allcolour. En second lieu, l'appelante allègue que la décision rendue dans l'affaire Allcolour est mal fondée, puisque, dans le cas d'une société privée sous contrôle canadien, la disposition qui concerne le crédit d'impôt à l'investissement majoré, soit le paragraphe 127(10.1), devrait l'emporter sur le paragraphe 127(8).


[9]                 À mon avis, aucun de ces motifs ne peut permettre à l'appelante d'avoir gain de cause en l'espèce, car la question doit être tranchée à la lumière du paragraphe 127(8), où sont énumérés les éléments de la définition du crédit d'impôt à l'investissement que les associés des sociétés de personnes peuvent prendre en compte. Cette liste ne comprend pas l'alinéa e) de la définition, soit la disposition qui intègre le paragraphe 127(10.1). À mon avis, si le Parlement avait voulu permettre aux associés des sociétés de personnes de bénéficier du crédit d'impôt à l'investissement majoré qui est prévu au paragraphe 127(10.1), il aurait inclus l'alinéa e) de la définition de « crédit d'impôt à l'investissement » dans la liste qui se trouve au paragraphe 127(8).

[10]            À mon sens, les modifications apportées à la Loi dans L.C. 1988, ch. 55, ne touchent nullement cette conclusion. Le paragraphe 127(8) définit l'ampleur des avantages dont peut se prévaloir un associé d'une société de personnes. L'article 96, que ce soit sous sa forme actuelle ou antérieure, énonce les règles relatives au calcul du revenu ou des pertes des sociétés de personnes. Il ne visait pas à traiter explicitement des crédits d'impôt à l'investissement, ce que fait le paragraphe 127(8). Cette disposition énonce les éléments que le Parlement a voulu rendre accessibles pour les sociétés de personnes et ceux qui ne sont pas inclus doivent implicitement être exclus.

[11]            J'en arrive à la conclusion que la décision rendue dans l'affaire Allcolour est bien fondée et scelle l'issue du litige en l'espèce.


[12]            L'appelante fait également valoir que l'arrêt Allcolour devrait être réexaminé à la lumière de l'objet des dispositions législatives. Selon l'appelante, le Parlement devait avoir l'intention d'accorder à toutes les sociétés privées, sous contrôle canadien, le droit au crédit d'impôt à l'investissement majoré, que ces sociétés soient ou non des associés. De plus, il n'y a apparemment aucune raison d'empêcher les associés de bénéficier de cet avantage. Essentiellement, l'appelante soutient qu'en l'absence d'intention apparente du législateur d'exclure les associés des sociétés de personnes de la portée du paragraphe 127(10.1), toute interprétation donnant ce résultat doit être évitée.

[13]            À mon sens, cet argument est inacceptable. En édictant le paragraphe 127(8), le Parlement a déterminé les circonstances dans lesquelles une société de personnes a droit à un crédit d'impôt à l'investissement. Il a décidé de ne pas permettre aux associés des sociétés de personnes de se prévaloir du crédit d'impôt à l'investissement majoré. La décision du Parlement est indubitablement motivée par de bonnes raisons politiques, et ceux qui la critiquent ont sans doute d'aussi bonnes raisons de le faire. Cependant, ce n'est pas un débat dans lequel la Cour doit intervenir en l'espèce.


[14]            En conséquence, l'appel sera rejeté avec dépens.

                                                                                                                                    « B. Malone »                

Juge                       

Je souscris aux motifs du juge Malone

« A.M. Linden »

Je souscris aux motifs du juge Malone

« K. Sharlow »

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

                                                                            


Date : 20010924

Dossier : A-16-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 SEPTEMBRE 2001

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                 CANADIAN SOLIFUELS INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                            et

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               intimée

                                                                 JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

                                                                                                                                « A.M. Linden »                     

                                                                                                                                                    Juge                                

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                           SECTION D'APPEL

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         A-16-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Canadian Solifuels Inc.

c.

Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 20 septembre 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                 le juge Malone

Y ONT SOUSCRIT :                           le juge Linden

le juge Sharlow

DATE DES MOTIFS :                                     le 24 septembre 2001

ONT COMPARU:

M. Howard J. Alpert                                            POUR L'APPELANTE

Mme Judith Sheppard                                            POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Alpert Law Firm                                                   POUR L'APPELANTE

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                           POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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