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Date : 20050527

Dossier : A-579-04

Référence : 2005 CAF 203

PRÉSENT : LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                                  APOTEX INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                   (demanderesse reconventionnelle)

                                                                             et

                           ELI LILLY AND COMPANY et ELI LILLY CANADA INC.

                                                                                                                                              intimées

                                                                                                 (défenderesses reconventionnelles)

                                                                             et

                                                                             

                                                         SHIONOGI & CO. LTD.

                                                                                                                                                intimée

                                                                                                     (défenderesse reconventionnelle)

                                 Requête examinée sur dossier sans comparution des parties.

                                   Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 27 mai 2005.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                          LE JUGE EVANS


Date : 20050527

Dossier : A-579-04

Référence : 2005 CAF 203

PRÉSENT : LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                                  APOTEX INC.

                                                                                                                                            appelante

                                                                                                   (demanderesse reconventionnelle)

                                                                             et

                           ELI LILLY AND COMPANY et ELI LILLY CANADA INC.

                                                                                                                                              intimées

                                                                                                 (défenderesses reconventionnelles)

                                                                             et

                                                         SHIONOGI & CO. LTD.

                                                                                                                                                intimée

                                                                                                     (défenderesse reconventionnelle)

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EVANS


[1]                La commissaire de la concurrence a présenté une requête en vertu de l'article 369 des Règles des Cours fédérales (les Règles) demandant l'autorisation d'intervenir en vertu de l'article 109 dans un appel interjeté par Apotex Inc. contre une ordonnance rendue par le juge Hugessen de la Cour fédérale le 20 octobre 2004 : Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., 2004 CF 1445.

[2]                Sur requête en jugement sommaire, le juge Hugessen a radié une demande reconventionnelle et une défense d'Apotex contre une action de Elli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc. (Lilly) pour contrefaçon de leurs huit brevets de conditionnement de l'antibiotique cefaclor. Quatre de ces brevets avaient été cédés à Lilly par Shionogi & Co. Ltd.

[3]                Apotex prétendait dans sa défense et sa demande reconventionnelle (qu'elle dirigeait aussi contre Shionogi) que, comme Lilly possédait déjà quatre brevets pertinents, la cession des quatre brevets de Shionogi diminuait indûment la concurrence parce qu'elle permettait à Lilly de maîtriser tous les procédés commercialement viables de production de cefaclor. Selon Apotex, l'accord de cession constituait par conséquent un complot criminel en vertu de l'article 45 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, et donnait naissance à une action en dommages-intérêts conformément à l'article 36.


[4]                Le juge Hugessen a rejeté cet argument. Il a conclu (au paragraphe 22) que, bien que la cession ait diminué la concurrence, elle ne l'avait pas fait « indûment » , parce que le paragraphe 50(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, autorise expressément la cession de brevets. Il a ajouté (au paragraphe 23) que sa conclusion était compatible avec le document « Propriété intellectuelle - Lignes directrices pour l'application de la loi » (LDAL) préparé par la commissaire.

[5]                La commissaire désire intervenir sur deux questions dans l'appel interjeté de l'ordonnance du juge Hugessen : est-ce que le juge a commis une erreur en prétendant que l'article 50 de la Loi sur les brevets soustrait les cessions de brevets à l'application des articles 45 et 36 de la Loi sur la concurrence et est-ce que sa conclusion est compatible avec les LDAL? Lilly et Shionogi s'opposent à la requête présentée par la commissaire demandant l'autorisation d'intervenir, alors que Apotex l'appuie.

[6]                La requête de la commissaire sera accueillie compte tenu des critères que la Cour a définis dans l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) c. Lignes aériennes Canadien International Ltée, [2000] A.C.F. no 220 (C.A.F.), pour guider l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 109 des Règles.


[7]                La commissaire est directement intéressée par l'appel. Elle a de nombreuses responsabilités distinctes, entre autres, celle « d'assurer et de contrôler l'application de la présente loi » (alinea 7(1)a) de la Loi sur la concurrence). Sa capacité d'appliquer la loi en matière des droits de brevets pourrait être affectée par le résultat de l'appel d'Apotex, parce que l'issue de l'instance pourrait soustraire totalement la cession de brevets à l'application de l'article 45. La commissaire pourrait être également touchée par suite de l'interprétation donnée aux LDAL, avec lesquelles le juge Hugessen a considéré sa décision compatible. Compte tenu des fonctions importantes que la loi lui confie, l'intérêt de la commissaire dans l'appel n'est pas uniquement « jurisprudentiel » .

[8]                La relation entre l'article 50 de la Loi sur les brevets et l'article 45 de la Loi sur la concurrence implique une question d'interprétation de la loi par les tribunaux qui est clairement d'intérêt public. Il en va de même de l'interprétation donnée aux LDAL et il est important pour la commissaire, ainsi que pour tous ceux auxquels les LDAL s'appliquent, que leurs dispositions soient claires. Le présent appel donne une bonne occasion à la commissaire de se faire entendue sur ces questions.

[9]                Les parties à l'appel sont des plaideurs chevronnés et leurs avocats les représenteront sans aucun doute extrêmement bien. Cependant, grâce à sa compréhension de la loi et de la politique générale en matière de concurrence, la commissaire est mieux placée pour exposer à la Cour les conséquences et les implications possibles sur l'application de la Loi sur la concurrence de l'interprétation donnée aux dispositions légales en cause dans le présent appel. En outre, en qualité d'auteur des LDAL et possédant l'expérience de l'élaboration d'instruments comparables sur la scène internationale, la commissaire a un point de vue unique quant à leur signification. À mon avis, la commissaire est capable d'aider la Cour à résoudre les questions juridiques soulevées par l'appel.


[10]            Bien que l'appel ait été accéléré, l'intervention de la commissaire n'occasionnera pas de contretemps important. Même si l'autorisation d'intervenir était refusée, l'appel ne serait pas entendu avant l'automne. L'intervention ne devrait pas l'empêcher d'être entendu avant la fin décembre. Toute augmentation des dépens que les parties pourraient subir à la suite de l'intervention projetée de la commissaire ne devrait représenter qu'une petite partie de l'ensemble des dépens.

[11]            Lilly plaide également qu'il ne faut pas donner l'autorisation d'intervenir à la commissaire parce que la loi ne lui donne pas le pouvoir d'intervenir dans des instances se déroulant devant la Cour. L'avocat fait remarquer que les articles 125 et 126 de la Loi sur la concurrence autorisent la commissaire à intervenir dans des instances se déroulant devant des tribunaux administratifs fédéraux et provinciaux, mais qu'il n'existe pas de dispositions semblables qui l'autorisent à intervenir devant les tribunaux judiciaires.

[12]            L'avocat se base sur l'affaire Canada (Directeur des enquêtes et recherches en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions) c. Newfoundland Telephone Co.,[1987] 2 R.C.S. 466, où la Cour suprême a jugé que le directeur (le prédécesseur de la commissaire) n'avait pas le pouvoir d'intervenir dans une instance se déroulant devant la Commission des entreprises de service public de Terre-Neuve et que, par conséquent, la Commission ne pouvait pas autoriser le directeur à intervenir devant elle. À mon avis, il est possible de distinguer cette affaire de l'espèce.


[13]            Premièrement, le directeur n'avait pas un mandat comparable à celui que la loi confère à la commissaire à l'alinéa 7(1)a). Le pouvoir d'intervenir dans des instances où la cour pense que la commissaire l'aidera à interpréter la Loi sur la concurrence est implicite dans les vastes fonctions de la commissaire d'assurer et de contrôler l'application de la loi.

[14]            Deuxièmement, l'affaire Newfoundland Telephone n'est pas directement comparable, parce qu'elle concernait des interventions dans une instance devant un tribunal administratif, et non devant une cour supérieure.

[15]            Troisièmement, la Cour suprême, dans l'affaire Newfoundland Telephone, a été influencée par le fait que la loi alors en vigueur donnait au directeur le pouvoir d'intervenir devant des tribunaux administratifs fédéraux, mais ne disait rien à propos des tribunaux provinciaux. La Cour suprême en a déduit que cette omission des tribunaux provinciaux était délibérée et indiquait une intention du législateur de ne pas donner au directeur le pouvoir d'intervenir devant eux.


[16]            La loi a été par la suite modifiée pour autoriser expressément la commissaire à intervenir devant les tribunaux tant provinciaux que fédéraux. Même si les fonctions des cours et des tribunaux sont différentes, on ne peut déduire de cette disposition, et de l'omission du pouvoir d'intervenir devant les cours, que le Parlement n'avait pas l'intention implicite d'accorder à la commissaire ce pouvoir si la cour l'y autorisait. Ce n'est pas comme si la loi prévoyait que la commissaire pouvait intervenir devant les cours supérieures établies en vertu de lois provinciales et ne faisait aucune mention des cours établies par le Parlement.

[17]            Pour ces motifs, la Cour accordera l'autorisation d'intervenir aux conditions qu'elle énoncera dans son ordonnance. Cependant, la demande de la commissaire de déposer l'affidavit de Gwyllim Allen sur l'élaboration des LDAL est rejetée. Les intervenants doivent normalement accepter le dossier dans l'état où il se trouve. Je ne suis pas convaincu que l'affidavit en question justifie un écart par rapport à la règle.

[18]            Par conséquent, la requête de la commissaire sera en partie accueillie. Il n'y aura pas d'adjudication des dépens.

                                                                                                                                 « John M. Evans »                

                                                                                                                                                      Juge                           

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        A-579-04

INTITULÉ :                                       Apotex Inc. c. Eli Lilly and Co. et Eli Lilly Canada Inc.

et Shionogi & Co. Ltd.

REQUÊTE EXAMINÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                              Monsieur le juge Evans

DATE DES MOTIFS :                      le 27 mai 2005

MÉMOIRES PRÉSENTÉS PAR :

M. William Miller                                                                      

M. Randall Hofley

Mme. Belinda Peres                             POUR LA DEMANDERESSE DU STATUT

D'INTERVENANT

M. Harry Radomski

M. David Scrimger

M. Miles Hastie                                    POUR L'APPELANTE

M. Patrick Smith                                  POUR LES INTIMÉES

M. John Norman                                  (Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc.)

M. David Morrow                                POUR L'INTIMÉE

M. Colin B. Ingram                               (Shionogi & Co. Ltd.)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice

Services juridiques

Direction du droit de la concurrence POUR LA DEMANDERESSE DU STATUT

D'INTERVENANT      


                                                                           - 2 -

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)                                 POUR L'APPELANTE

Gowling Lafleur Henderson LLP

Avocats                                                POUR LES INTIMÉES

Ottawa (Ontario)                                  (Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc.)

Smart & Biggar

Avocats                                                POUR L'INTIMÉE

Ottawa (Ontario)                                  (Shionogi & Co. Ltd.)


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