Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050412

Dossier : A-117-04

Référence : 2005 CAF 127

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                            ANDRÉ LE CORRE

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                             et

                                         MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES

                                         RESSOURCES HUMAINES DU CANADA

                                                                                                                                                intimés

                                  Audience tenue à Montréal (Québec) le 6 décembre 2004.

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 12 avril 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE NADON

Y A (ONT) SOUSCRIT :                                                                              LE JUGE DESJARDINS

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER


Date : 20050412

Dossier : A-117-04

Référence : 2005 CAF 127

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                            ANDRÉ LE CORRE

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                             et

                                         MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DES

                                         RESSOURCES HUMAINES DU CANADA

                                                                                                                                                intimés

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

[1]                Il s'agit d'un appel d'une décision du juge Hugessen de la Cour fédérale, 2004 CF 155, 4 février 2004, rejetant la requête de l'appelant pour autorisation d'exercer un recours collectif


comme représentant du groupe suivant : toutes les personnes physiques au Canada, âgées de 65 ans et plus, admissibles à recevoir le Supplément de revenu garanti en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9 (la « Loi » ) et qui ne l'ont pas reçu, ainsi que les ayants droit et/ou héritiers des personnes décédées qui auraient fait partie du groupe.

[2]                Avant de procéder, quelques mots concernant le Régime de pension du Canada sont nécessaires pour bien situer le débat dans son contexte. L'intimé, le Ministère du développement des ressources humaines du Canada, est responsable de l'administration de la Loi et des programmes de la sécurité du revenu prévus à cette Loi.

[3]                Ces programmes sont établis en vertu de deux lois, soit le Régime de pension du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8, et la Loi. Les dispositions de la Loi sont celles qui régissent le programme de la Pension de la sécurité de la vieillesse, qui comprend les bénéfices suivants, à savoir la Pension de la sécurité de la vieillesse (la « Pension » ), le Supplément et l'Allocation aux conjoints. Le but du Supplément et de l'Allocation aux conjoints est celui d'assurer un revenu minimum aux personnes admissibles.

[4]                La Pension est versée aux personnes âgées de 65 et plus qui en font la demande et qui répondent aux exigences de la Loi et, par conséquent, elle a un caractère universel. Quant au Supplément, il est versé mensuellement aux personnes âges de 65 ans et plus, à faible revenu, qui en font la demande et qui répondent aux exigences de la Loi.


[5]                Les règles 299.1 à 299.41 des Règles de la Cour fédérale, 1998, qui régissent la procédure applicable aux recours collectifs déposés devant la Cour fédérale, sont entrées en vigueur le 4 décembre 2002. Pour les fins de l'appel, il suffit de reproduire la règle 299.18(1), qui énumère les conditions devant être rencontrées pour obtenir l'autorisation d'un juge de la Cour fédérale :

299.18 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une action comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

a) les actes de procédure révèlent une cause d'action valable;

b) il existe un groupe identifiable formé d'au moins deux personnes;

c) les réclamations des membres du groupe soulèvent des points de droit ou de fait collectifs, qu'ils prédominent ou non sur ceux qui ne concernent qu'un membre;

d) le recours collectif est le meilleur moyen de régler de façon équitable et efficace les points de droit ou de fait collectifs;

e) un des membres du groupe peut agir comme représentant demandeur et, à ce titre :

(i) représenterait de façon équitable et appropriée les intérêts du groupe,

(ii) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l'action au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés du déroulement de l'instance,

(iii) n'a pas de conflit d'intérêts avec d'autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait collectifs,

(iv) communique un sommaire des ententes relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et son avocat.

              [Le souligné est le mien]

299.18 (1) Subject to subsection (3), a judge shall certify an action as a class action if:

(a) the pleadings disclose a reasonable cause of action;

(b) there is an identifiable class of two or more persons;

(c) the claims of the class members raise common questions of law or fact, whether or not those common questions predominate over questions affecting only individual members;

(d) a class action is the preferable procedure for the fair and efficient resolution of the common questions of law or fact; and

(e) there is a representative plaintiff who

(i) would fairly and adequately represent the interests of the class,

(ii) has prepared a plan for the action that sets out a workable method of advancing the action on behalf of the class and of notifying class members how the proceeding is progressing,

(iii) does not have, on the common questions of law or fact, an interest that is in conflict with the interests of other class members, and

(iv) provides a summary of any agreements respecting fees and disbursements between the representative plaintiff and the representative plaintiff's solicitor.

                       [Emphasis added]


[6]                Le juge Hugessen a rejeté la requête de l'appelant parce qu'il était d'avis que la première des conditions énumérées à la règle 299.18(1)a) n'était pas rencontrée, à savoir que les actes de procédure ne révélaient aucune cause d'action valable.

[7]                Il n'y a pas de dispute entre les parties concernant le test à satisfaire relativement à la règle 299.18(1)a). Au paragraphe 23 de ses motifs, le juge Hugessen le formule comme suit :

[23]         Le test à satisfaire à cette étape est identique à celui appliqué en matière de radiation de procédures. En effet, comme la Cour d'appel de la Colombie Britannique l'a indiqué dans l'affaire Elms v.Laurentian Bank of Canada, [2001] B.C. J. No 1284:

20. It is common ground that the Chambers judge correctly stated that a court will only refuse to certify on the basis that the pleadings do not disclose a cause of action if it is plain and obvious that the plaintiff cannot succeed. The test under s. 4(1)(a) of the Act to determine whether a cause of action exists is similar to the test applied in application to dismiss a claim on the grounds that it fails to disclose a cause of action. The only difference between the two tests is that the onus to show a cause of action falls upon the party bringing the class action, rather than on the party challenging the proceeding.

                                                                                                         [Le souligné est le mien]

[8]                Le test est donc similaire, sauf en ce qui a trait au fardeau de preuve, à celui qui est applicable dans le cas d'une requête pour radiation déposée sous la règle 221(1)a) des Règles de cette Cour, qui prévoit ce qui suit :


221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d'un acte de procédure, avec ou sans autorisation de la modifier, au motif, selon le cas :

a) qu'il ne révèle aucune cause d'action ou de défense valable;

              [Le souligné est le mien]

222. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

                       [Emphasis added]

[9]                Le critère à appliquer relativement à une requête pour radiation d'une déclaration est de savoir s'il est « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune demande raisonnable. Dans Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, la Cour suprême du Canada, sous la plume de la juge Wilson, énonçait le critère applicable dans les termes suivants, à la page 980 :

Plus récemment, dans l'arrêt Dumont c. Canada (Procureur général), [1990] 1 R.C.S. 279, j'ai expliqué clairement, à la p. 280, que j'estimais que le critère formulé dans l'arrêt Inuit Tapirisat était le bon critère. Le critère est toujours de savoir si l'issue de l'affaire est "évidente et manifeste" ou "au-delà de tout doute raisonnable".

     Ainsi, au Canada, le critère régissant l'application de dispositions comme la règle 19(24)a) des Rules of Court de la Colombie-Britannique est le même que celui régissant une requête présentée en vertu de la règle 19 de l'ordonnance 18 des R.S.C.: dans l'hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il "évident et manifeste" que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable? Comme en Angleterre, s'il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être "privé d'un jugement". La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d'action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d'intenter son action. Ce n'est que si l'action est vouée à l'échec parce qu'elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie-Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a).

                                                                                                         [Le souligné est le mien]


[10]            L'appelant nous demande d'intervenir au motif que le juge de première instance a erré en droit en concluant que les actes de procédure ne révélaient aucune cause d'action valable. Spécifiquement, l'appelant soumet que le juge a mal apprécié sa cause d'action basée sur l'article 15(1) de la Charte et, plus particulièrement, dans son analyse des étapes pour évaluer les conditions nécessaires au soutien de ses prétentions de discrimination.

[11]            Les intimés, il va sans dire, ne partagent pas l'opinion de l'appelant. À leur avis, le juge n'a commis aucune erreur en concluant comme il l'a fait. Ils soumettent que le juge de première instance a appliqué le test approprié et que c'est à bon droit qu'il a refusé l'autorisation recherchée par l'appelant.

[12]            Ni l'appelant, ni les intimés, dans leurs mémoires et devant nous lors de l'audition, ne se sont attardés sur le sens des mots « les actes de procédure » et « the pleadings » , que l'on retrouve à la règle 299.18(1)a). Ces mots m'apparaissent d'une importance capitale, puisque la cause d'action valable doit s'évaluer uniquement en fonction des actes de procédure.

[13]            La règle 2 des Règles de notre Cour définit l'expression « acte de procédure » ( « pleadings » ) comme suit : « acte par lequel une instance est introduite, les prétentions des parties sont énoncées ou une réponse est donnée » . Dans la version anglaise, l'expression « pleading » est définie comme suit : « means a document in a proceeding in which a claim is initiated, defined, defended or answered » .


[14]            La règle 171 prévoit que dans le cadre d'une action, les parties peuvent déposer les actes de procédure suivants, à savoir une déclaration, une défense et une réponse. Quant à la règle 174, elle prévoit que tout acte de procédure doit contenir un exposé concis des faits substantiels sur lesquels une partie se fonde, mais qu'il ne doit pas contenir les moyens de preuve à l'appui de ces faits. La règle 175, par ailleurs, prévoit qu'un acte de procédure peut soulever des points de droit.

[15]            Dans Cae Machinery Ltd. c. Valon Kone Brunette Ltd., dossier de la Cour T-1658-98, en date du 25 août 1999, le protonotaire Hargrave concluait que les actes de procédure n'incluaient pas les affidavits. Au paragraphe 27 de ses motifs, il s'exprimait comme suit :

[27]         Les précisions, qui sont produites suivant une demande, ont comme particularité d'être clairement des actes de procédure ou, à vrai dire, des modifications apportées à des actes de procédure : voir à cet égard l'exposé dans la décision Margem Chartering Co. c. Le Bocsa, [1997] 2 C.F. 1001, à la p. 1012. Un acte de procédure renvoie à un nombre assez limité de documents précis. Par exemple, les Règles de la Cour fédérale donnent la définition suivante de l'acte de procédure :

Acte par lequel une instance est introduite, les prétentions des parties sont énoncées ou une réponse est donnée. (Règle 2)

L'affidavit et le contre-interrogatoire portant sur cet affidavit ne deviennent pas un acte de procédure au sens où il y aurait énonciation des prétentions ou réponse à des prétentions : si tel était le cas, ces actes de procédure échapperaient à tout déroulement ordonné et les parties ne sauraient à quelles allégations répondre ni quelle réponse leur a été donnée. En réalité, la conclusion qu'un affidavit n'est pas un acte de procédure découle implicitement du concept selon lequel il est loisible d'ordonner qu'un affidavit serve comme acte de procédure : voir le Volume 36 d'Halsbury, 4e édition, au paragraphe 59, note 6.


[16]            Dans Waterside Ocean Navigation Co. v. International Navigation Ltd., [1977] 2 C.F. 257 , le juge en chef adjoint Thurlow (tel qu'il était), au paragraphe 15 de ses motifs (page 263), concluait qu'un avis de requête pour radier une déclaration ne constituait pas « un acte de procédure » au sens des Règles de la Cour :

15.           Il prétend que l'avis de requête constitue une réponse à la déclaration. Un tel avis, cependant, ne constitue pas une plaidoirie au sens courant du terme et, à mon avis, n'est pas une réponse à une plaidoirie. Qu'il soit déposé ou non, il n'a aucun effet tant que la demande pour laquelle l'avis est donné n'est pas faite devant la Cour. Même si on peut considérer la demande comme une sorte de réponse à la réclamation, ce n'est pas un document et, selon moi, cela demeure vrai, que la Cour soit tenue ou non de se prononcer sur la demande sans comparution en personne aux termes de la Règle 324. En conséquence, je suis d'avis que la demanderesse avait le droit de faire des amendements le 3 novembre 1976 en vertu de la Règle 421(1) et, comme aucune demande n'a été formulée conformément à la Règle 422 pour désavouer l'amendement, la déclaration amendée déposée ce jour-làtient lieu de déclaration dans la présente action

[17]            Dans Mennes c. Canada, [1991], A.C.F. No 451 (Q.L.), dossier de la Cour T-289-91, en date du 17 mai 1991, le juge Pinard, en rejetant une requête pour radiation de la déclaration déposée sous la règle 419(1)a) des Règles de la Cour fédérale, CRC, vol. VI, ch. 663 (cette règle est maintenant la règle 221(1)a) des Règles de la Cour fédérale, 1998), concluait qu'aucune preuve n'était admissible au soutien d'une telle requête.

[18]            Dans Always Travel Inc. c. Air Canada, 2003 CFPI 212, 21 février 2003, le juge Hugessen, dans le cadre d'une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif, énonçait de façon non équivoque au paragraphe 6 de ses motifs que la détermination de l'existence d'une cause d'action valable pouvait se faire uniquement en fonction de la déclaration du demandeur :


[6]           Troisièmement, à mon avis, non seulement une défense n'est pas essentielle pour trancher les questions soulevées par la requête en autorisation de l'action comme recours collectif, mais il est en outre très invraisemblable que cet acte de procédure puisse aider en quoi que soit la Cour au présent stade de l'instance. À mon sens, la règle 299.18 définit et restreint les questions auxquelles la Cour doit répondre dans le cadre d'une requête en autorisation d'une action comme recours collectif. Or, ces questions peuvent uniquement être résolues à la lumière de la déclaration; une défense n'est pas nécessaire.

[19]            En l'instance, les seuls actes de procédure déposés sont la déclaration de l'appelant en date du 24 février 2003 et la défense des intimés en date du 24 mars 2003. La déclaration de l'appelant est succincte et je la reproduis en entier :

                                                       CAUSE D'ACTION

1.             La cause d'action du demandeur est la suivante : le demandeur demande le remboursement de toute la somme du supplément de revenu garanti qu'il n'a pas réclamée depuis son admissibilité, somme qui est évaluée à 5 966,08$;

2.             Le requérant est une personne agée de 75 ans qui reçoit la pension de la Sécurité de la vieilesse, depuis son admissibilité;

3.             Il n'a pas reçu et ce, jusqu'au mois de mars 2002, le Supplément de revenu garanti malgré qu'il soit une personne à faible revenu et admissible audit programme depuis l'année 1994;

4.             Il ne s'est pas inscrit au Supplément de revenu garanti parce qu'il n'a pas reçu l'information des défendeurs sur les règles d'éligibilité dudit programme;

5.             Les défendeurs n'ont jamais informé le demandeur qu'il ne devait pas inclure dans ses revenus, pour fins d'éligibilité au Supplément de revenu garanti, le montant de la pension de la Sécurité de la vieillesse;

6.             Le demandeur ignorait son éligibilité au Supplément de revenu garanti jusqu'en février 2002;


7.             Effectivement, c'est par hasard qu'il a su qu'il était éligible, puisque le 4 février 2002, sa fille, madame Annick Le Corre, lui a remis une feuille d'information sur le Supplément de revenu garanti;

8.             Madame Annick Le Corre a pris connaissance de l'information relative à l'éligibilité de son père en tant qu'employée du député fédéral du Bloc québécois dans le cadre d'une campagne d'information visant à informer les membres du groupe et ce, suite au rapport du comité de la Chambre des communes sur le phénomène de sous-inscription au progamme du Supplément de revenu garanti;

9.             Immédiatement, après avoir appelé au numéro indiqué en bas de la page de cette pièce, le demandeur reçoit et remplit le formulaire pour le Supplément de revenu garanti;

10.           Suite à ces démarches, il reçoit la confirmation de son éligibilité et de celle de sa femme et il a reçu les arrérages seulement pour les onze derniers mois;

11.           Le demandeur, depuis l'âge de 65 ans, et compte tenu de ses moyens limités, a toujours rempli ses rapports d'impôt lui-même;

12.           Il a toujours inclus sa pension de la vieillesse dans ses revenus et à tort, se croyait inéligible au programme du Supplément de revenu garanti;

13.           Les défendeurs n'ont jamais informé le requérant de son erreur et ce, malgré leur connaissance notoire de ce faite;

14.           Le demandeur a ainsi été privé du montant de 5 966,08$ et il a le droit à tout ce montant du Supplément de revenu garanti qui lui était dû et qu'il n'a pas réclamé, et ce, rétroactivement pour toute la durée de son admissibilité, soit depuis 1994;

15.           La situation du demandeur s'applique également à toutes les personnes physiques au Canada, âgées de 65 ans et plus, admissibles à recevoir le Supplément de revenu garanti et qui ne l'ont pas reçu ainsi que les ayants-droit et/ou héritiers des personnes décédées qui auraient fait partie du groupe;

16.           Le demandeur propose de représenter toutes ces personnes et de devenir leur représentant pour intenter une action en recours collectif;

17.           Le montant réclamé pour chaque membre du groupe est moins que 50 000$ à ce jour;


18.           Le demandeur propose que l'action soit instruite à Montréal.

[20]            En bref, le demandeur, qui reçoit la Pension depuis 1994, n'a pas reçu le Supplément, malgré le fait qu'il était admissible à ce programme de 1994 à mars 2002. Ne s'étant pas inscrit à ce programme, il n'a point reçu le Supplément, croyant à tort que le montant de la Pension devait être compris dans le calcul de son revenu pour fins d'admissibilité au programme. L'appelant reproche aux intimés (voir paragraphes 5 et 13 de sa déclaration) d'avoir omis de l'informer qu'il ne devait pas considérer, pour fins d'éligibilité au programme du Supplément, le montant de sa pension. Voilà la seule cause d'action qui apparaît à la déclaration.

[21]            Les intimés, par leur défense, allèguent avoir informé l'appelant des conditions d'admissibilité au Supplément. En outre, ils nient l'existence d'une obligation d'informer les bénéficiaires potentiels du Supplément des conditions d'admissibilité à ce programme.

[22]            Il est manifeste, à la lecture de la décision du juge Hugessen, que le débat devant lui concernant la validité de la cause d'action de l'appelant n'a pas eu lieu en fonction des actes de procédure, comme le requiert la règle 299.18(1)a). Il s'agit tout simplement de prendre connaissance du premier paragraphe des motifs du juge Hugessen pour s'en convaincre :


[1]           La Cour est saisie d'une requête pour exercer un recours collectif, en vertu de la Règle 299.18(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), à l'encontre des défendeurs fondé sur l'omission de ces derniers d'utiliser des renseignements fiscaux en possession de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) pour informer des personnes âgées potentiellement admissibles au Supplément de revenu garanti (le « Supplément » ) des conditions d'admissibilité de cette prestation, omission qui constituerait une violation de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte » ).

[23]            De toute évidence, la cause d'action débattue devant le juge Hugessen n'est pas celle que révèle la déclaration de l'appelant. En effet, la déclaration déposée par l'appelant ne révèle aucune cause d'action basée sur une violation de l'article 15 de la Charte, soit la seule cause d'action mise de l'avant par l'appelant devant le juge Hugessen et devant nous. L'appelant n'a aucunement fait valoir devant le juge Hugessen, ni devant nous, la cause d'action qui apparaît à sa déclaration, soit une obligation légale d'informer les personnes éligibles au Supplément. Voici ce que dit le juge Hugessen au paragraphe 24 de ses motifs :

[24]         En l'espèce, le recours du demandeur est entièrement basé sur la prétention que l'omission des défendeurs constituerait une violation du droit à l'égalité protégé par l'article 15 de la Charte. En effet, contrairement à ce qu'il avait indiqué au dossier de requête pour être autorisé à exercer un recours collectif, le demandeur ne traite dans son mémoire ni d'une prétendue obligation générale des défendeurs d'informer les prestataires potentiels du Supplément, ni d'une obligation qui tirerait sa source ailleurs qu'à l'alinéa 33.11 a) de la Loi et qu'au sous-alinéa 241(4) (e) (viii) de la L.I.R.


[24]            Le débat devant le juge Hugessen s'est fait en fonction des allégués de faits que l'on retrouve dans la requête déposée par l'appelant pour autorisation d'exercer un recours collectif, et des questions de droit qui y sont soulevées. Se sont donc retrouvés devant le juge Hugessen la requête de l'appelant et son affidavit au soutien et les pièces A à O qui y sont annexées. En réponse, les intimés on déposé l'affidavit de Margaret Robinson, la directrice par intérim à la Division de la politique des pensionnés à faible revenu et des programmes de la sécurité du revenu au Ministère de développement des ressources humaines du Canada, les pièces 1 à 30 annexées à cet affidavit, ainsi que l'interrogatoire sur l'affidavit de Mme Robinson. Les intimés ont aussi déposé l'affidavit de Claude Montmarquette, professeur au Département de sciences économiques de l'Université de Montréal, ainsi que les pièces 1 à 3 annexées à son affidavit.

[25]            Il ne peut faire de doute, à mon avis, que la requête du demandeur, son affidavit et les pièces y attachées, ainsi que les affidavits de Mme Robinson et de M. Montmarquette ne constituent pas des « actes de procédure » au sens des Règles de cette Cour et, en particulier, au sens de la règle 299.18(1)a)

[26]            Au paragraphe 42 de ses motifs, le juge Hugessen traite brièvement de la seule cause d'action que révèle la déclaration, à savoir une obligation légale des intimés d'informer toutes les personnes éligibles au Supplément de leur droit à cette prestation, et il conclut que cette cause d'action est sans fondement. À mon avis, cette conclusion du juge Hugessen est inattaquable. D'ailleurs, lors de l'audition devant nous, les procureurs de l'appelant n'ont nullement tenté de nous convaincre que le juge avait erré à cet égard, préférant se concentrer entièrement sur la cause d'action basée sur une violation de l'article 15 de la Charte.


[27]            Même si la cause d'action basée sur l'article 15 de la Charte n'apparaît nullement à la déclaration de l'appelant, elle a néanmoins été considérée par le juge Hugessen. En fait, sauf pour quelques paragraphes, les motifs du juge Hugessen ne s'adressent qu'à cette cause d'action. À mon avis, le juge Hugessen n'aurait pas dû considérer cette cause d'action. En outre, il n'aurait pas dû considérer la preuve offerte par les parties au soutien de leurs arguments respectifs concernant l'article 15 de la Charte. Non seulement l'article 15 n'est-il pas soulevé dans la déclaration de l'appelant, mais les allégués de faits nécessaires au soutien de cette cause d'action ne s'y retrouvent pas. L'erreur du juge résulte du fait qu'il aurait dû soit rejeter la requête de l'appelant, ou soit permettre à l'appelant d'amender sa déclaration pour alléguer tous les faits pertinents à sa cause d'action basée sur une violation de l'article 15 de la Charte. De toute façon, même si un tel amendement avait été accordé, il est clair que le juge ne devait aucunement considérer la preuve soumise par les parties, puisque la détermination de la validité d'une cause d'action doit se faire uniquement en fonction des actes de procédures.

[28]            Lors de l'audition, suite à une question que nous posions aux procureurs de l'appelant, ces derniers nous ont informés qu'au Québec, le débat concernant la question de l'existence d'une cause d'action valable, dans le cadre d'une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif, n'était pas limité aux actes de procédure. Aucune disposition du Code de procédure civile, L.R.Q., ch. C-25 (le « Code de procédure » ) nous a été citée pour soutenir cette affirmation et, de toute façon, il est incontestable que le débat sur cette question devant la Cour fédérale et devant notre Cour doit se faire uniquement en fonction des actes de procédure.


[29]            Puisque je suis d'avis que l'appel doit être rejeté parce que la déclaration de l'appelant ne révèle aucune cause d'action valable, je ne crois pas qu'il soit opportun que nous nous prononcions sur les conclusions du juge concernant la cause d'action que l'appelant désire faire valoir, soit une violation de ses droits à l'égalité. Il est bon de se rappeler que le juge Huggesen n'a pas ordonné la radiation de la déclaration de l'appelant, mais il a tout simplement refusé d'autoriser l'exercice d'un recours collectif. Dans l'éventualité où l'appelant déciderait de modifier sa déclaration, je crois important de lui rappeler qu'il est nécessaire d'alléguer tous les faits qui soutiennent ou qui peuvent soutenir les conclusions qu'il recherche à l'égard des intimés et, en particulier, les conclusions qu'il recherche en application de l'article 15 de la Charte, puisque la validité de sa cause d'action doit s'apprécier uniquement en fonction de sa déclaration.

[30]            Une dernière remarque s'impose. Même si je suis d'avis que le juge Hugessen était justifié, compte tenu de la déclaration de l'appelant, de conclure comme il l'a fait, je ne peux souscrire à certains des propos qu'il tenait à l'égard des procureurs de l'appelant et de la qualité de leurs arguments. Il m'apparaît suffisant pour un juge d'expliquer pourquoi il conclut au mérite ou non des arguments qui lui sont présentés. Il ne sert à rien, sauf dans des circonstances exceptionnelles, d'aller au delà de tels propos.

[31]            Je rejetterais donc l'appel avec dépens.


                                                                                       « M. Nadon »

                                                                                                     j.c.a.

« Je souscris à ces motifs.

Alice Desjardins, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                      A-117-04

INTITULÉ :                     André Le Corre c. P.G.C. et al

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        le 9 décembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE PELLETIER

DATE DES MOTIFS :                                   le 12 avril 2005

COMPARUTIONS:

Me Jean El Masri

Me Freddy Adams

Me Gilles Gareau

POUR L'APPELANT

Me André Lespérance

Me Frédéric Paquin

POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

ADAMS, GAREAU

Montréal (Québec)

POUR L'APPELANT

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉS


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.