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Date : 20040311

Dossier : A-272-03

Référence : 2004 CAF 102

CORAM :       LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                      REDDY-CHEMINOR, INC.

                                                                                                                                           appelante

                                                                             et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                                intimés

                                                                             

                                      Audience tenue à Toronto (Ontario), le 10 mars 2004

                                      Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 11 mars 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE SEXTON

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW


Date : 20040311

Dossier : A-272-03

Référence : 2004 CAF 102

CORAM :       LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                      REDDY-CHEMINOR, INC.

                                                                                                                                           appelante

                                                                             et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                                intimés

                                                                             

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

                                                                             

LE JUGE EVANS

[1]         Il s'agit d'un appel interjeté par Reddy-Cheminor, Inc. (Reddy) de la décision par laquelle la juge Layden-Stevenson a rejeté sa demande de contrôle judiciaire du rejet par le ministre de la Santé de sa présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) visant des gélules d'oméprazole : Reddy-Cheminor, Inc. c. Procureur général du Canada, 2003 CFPI 542.


[2]         La personne qui souhaite commercialiser une nouvelle drogue au Canada doit tout d'abord convaincre le ministre de son innocuité et de son efficacité. Une fois qu'il en a été convaincu, le ministre doit délivrer un avis de conformité. Un avis de conformité ne peut être obtenu sur présentation d'une PADN que lorsque « la drogue nouvelle est un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien » : Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. ch. 870, C.08.002.1(1)a). L'alinéa C.08.001.1c) définit ce qu'est un « équivalent pharmaceutique » :

une drogue nouvelle qui, par comparaison à une autre drogue, contient les mêmes quantités d'ingrédients médicinaux identiques, sous des formes posologiques comparables, mais pas nécessairement les mêmes ingrédients non médicinaux.

[3]         Le ministre a décidé que la PADN de Reddy comportait une inexactitude et l'a rejetée à l'étape de l'examen préliminaire sans effectuer une analyse complète. Cette inexactitude était que le produit de référence canadien avec lequel Reddy souhaitait comparer ses gélules d'oméprazole, les comprimés d'oméprazole magnésien d'AstraZeneca, ne contenait pas les « mêmes quantités d'ingrédients médicinaux identiques » . Selon le ministre, comme l'oméprazole et l'oméprazole magnésien sont des composés chimiques différents, ils ne sont pas des « ingrédients médicinaux identiques » , une expression que ne définit pas le Règlement.


[4]         En conséquence, Reddy a été informée qu'elle ne peut pas demander l'approbation réglementaire de ses gélules d'oméprazole en soumettant une PADN, mais qu'elle doit déposer une présentation de drogue nouvelle (PDN), ce qui exige des documents justificatifs différents et constitue une procédure beaucoup plus onéreuse et plus longue.

[5]         La question à trancher dans le cadre du présent appel est celle de savoir si le ministre a commis une erreur susceptible de contrôle en déterminant que l'oméprazole et l'oméprazole magnésien ne sont pas des « ingrédients médicinaux identiques » parce qu'il s'agit de substances chimiques différentes.

[6]         L'avocat de Reddy affirme que le ministre ne pouvait pas légalement décider si les drogues contenaient des « ingrédients médicinaux identiques » sans tout d'abord examiner les éléments de preuve contenus dans la PADN de Reddy. Il soutient notamment que le Règlement exige que le requérant qui sollicite un avis de conformité joigne à sa PADN des preuves pour étayer ses prétentions, notamment sa prétention que sa drogue et le produit de référence contiennent des « ingrédients médicinaux identiques » . Le ministre ne peut pas fonder sa décision sur le seul fait que les ingrédients actifs de deux produits portent des noms différents. C'est pourquoi l'avocat prétend que le ministre était tenu d'examiner les éléments de preuve de Reddy établissant qu'après ingestion, l'oméprazole et l'oméprazole magnésien produisent le même métabolite, qui déclenche l'effet thérapeutique chez le patient.


[7]         Malgré l'habile argumentation de l'avocat, je ne peux pas être d'accord avec lui. Premièrement, il ressort clairement du dossier qu'il ait ou non examiné les éléments de preuve joints à la PADN de Reddy, le ministre a bien compris le point essentiel avancé au nom de Reddy. C'est ce qui est très clairement indiqué dans l'évaluation préparée pour l'appel administratif interne de second palier de Reddy par le Bureau des sciences de la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada (dossier d'appel, vol. IV, p. 330) :

[Traduction] Il n'y a aucun désaccord entre le promoteur et le Programme quant à la nécessité de l'identité [des ingrédients médicinaux]. Les deux parties reconnaissent que l'oméprazole et l'oméprazole magnésien sont des entités chimiques différentes bien qu'étroitement liées. La différence qui les oppose est leur interprétation de l'ingrédient médicinal. Le promoteur soutient que l'oméprazole et l'oméprazole magnésien sont des ingrédients médicinaux identiques étant donné que les médicaments contenant ces ingrédients ont des effets thérapeutiques similaires.

Il est admis que la substance chimique à l'origine de l'effet biologique d'un médicament n'est pas toujours la même que l'ingrédient médicinal qui est incorporé au produit [...] Toutefois, on ne peut pas considérer que des entités chimiques différentes qui permettent ultimement de transmettre au corps la même substance chimique sont des ingrédients médicinaux identiques. [non souligné dans l'original]

[8]         Deuxièmement, je conviens avec la juge Layden-Stevenson que, suivant la méthode pragmatique et fonctionnelle, un degré élevé de retenue doit être exercé à l'égard de la décision faisant l'objet d'une révision. La procédure d'approbation des drogues est un domaine complexe et technique de l'administration publique ayant des répercussions directes sur la santé des Canadiens. Il faut, pour déterminer si deux produits contiennent des « ingrédients médicinaux identiques » , posséder des connaissances scientifiques et une expérience dans le domaine de la réglementation plutôt que des connaissances du droit ou des principes juridiques.


[9]         Troisièmement, tout comme le juge de première instance, je ne suis pas convaincu qu'il était manifestement déraisonnable, ou simplement déraisonnable, pour le ministre de conclure que seules les drogues qui comportent les mêmes entités chimiques contiennent des « ingrédients médicinaux identiques » , même si les ingrédients actifs des drogues peuvent transmettre au corps la même substance chimique ayant les mêmes effets thérapeutiques.

[10]       Enfin, j'aimerais mentionner un argument qui a été avancé devant nous dans les arguments écrits mais sur lequel n'ont pas insisté les avocats à l'audience. AstraZeneca avait à l'origine obtenu un avis de conformité pour des gélules d'oméprazole, mais a ensuite déposé un supplément à la présentation de drogue nouvelle (SPDN) afin d'obtenir un avis de conformité pour des comprimés d'oméprazole magnésien, avis qu'elle a obtenu. Invoquant ce fait, Reddy a prétendu que lorsqu'il a délivré un avis de conformité à AstraZeneca pour les comprimés d'oméprazole magnésien, le ministre doit avoir décidé que les gélules d'oméprazole et les comprimés d'oméprazole magnésien contenaient des ingrédients médicinaux identiques. Par conséquent, il est allégué que Reddy aurait dû pouvoir demander un avis de conformité pour les gélules d'oméprazole en invoquant une PADN les comparant à des comprimés d'oméprazole magnésien.

[11]       À mon avis, cet argument n'est pas fondé étant donné que les critères juridiques permettant d'obtenir un avis de conformité reposant sur un SPDN sont très différents de ceux régissant la délivrance d'un avis de conformité reposant sur une PADN. Une personne peut déposer un SPDN lorsqu'un avis de conformité a été délivré relativement à une drogue et que des changements sont apportés au produit, à sa fabrication ou à sa commercialisation.


[12]      Toutefois, un SPDN peut être déposé seulement si, notamment, « les spécifications de ses ingrédients » ne « diffèr[ent pas] sensiblement des renseignements ou du matériel contenus » dans la PDN : C.08.003(1), (2)c). En revanche, un avis de conformité ne peut être obtenu sur le fondement d'une PADN que lorsque le promoteur peut établir que sa drogue et le produit de référence contiennent des « ingrédients médicinaux identiques » .

[13]       Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.

                                                                                « John M. Evans »                   

                                                                                                     Juge                            

« Je souscris aux présents motifs

J. E. Sexton, juge »    

« Je souscris aux présents motifs

Karen R. Sharlow, juge »          

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                                     

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    A-272-03

INTITULÉ :                                                   REDDY-CHEMINOR, INC.

                                                                                 appelante

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                  intimés

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 10 MARS 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                                  LE 11 MARS 2004

COMPARUTIONS:

           

Douglas Deeth

Gordon Jepson

POUR L'APPELANTE

F.B. Woyiwada

POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

DEETH WILLIAMS WALL s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR L'APPELANTE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                              POUR LES INTIMÉS


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