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Date : 20051102

Dossier : A-669-04

Référence : 2005 CAF 360

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                              NEIL MCFADYEN

                                                                                                                                               appelant

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                   intimé

                                    Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2005

                                   Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                   LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE EVANS

                                                                                                                      LA JUGE SHARLOW


Date : 20051102

Dossier : A-669-04

Référence : 2005 CAF 360

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                              NEIL MCFADYEN

                                                                                                                                               appelant

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                   intimé

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DESJARDINS

[1]                Il s'agit de l'appel interjeté contre la décision du juge des requêtes qui, au début de l'audience, a accueilli la requête de l'intimé et a ordonné que la preuve présentée au soutien des affidavits dans les demandes de contrôle judiciaire soit limitée au dossier certifié du tribunal.

[2]                Le juge des requêtes était saisi de deux demandes de contrôle judiciaire relativement à des décisions rendues par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), qui avait rejeté les deux plaintes de l'appelant, l'une contre l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) et l'autre contre le ministère des Finances du Canada.


[3]                L'appelant alléguait, dans les plaintes qu'il a présentées à la Commission, que l'intimé avait fait preuve de discrimination à son égard et à l'égard d'autres conjoints d'employés du gouvernement qui vivaient et travaillaient à l'extérieur du Canada, en les traitant d'une manière différente et défavorable à cause de leur état matrimonial ou de leur nationalité, puisque l'intimé tenait pour acquis qu'ils étaient des résidents du Canada et exigeait qu'ils versent des impôts au gouvernement canadien sur le revenu gagné à l'étranger.

[4]                L'appelant a tenté de présenter, dans ses demandes, des affidavits qui contenaient des documents qu'il avait présentés à la Commission avant que celle-ci ne rende ses décisions mais que l'enquêteuse n'avait pas portés à l'attention de la Commission. Il a également tenté de présenter des documents dont disposait l'enquêteuse quand elle a recommandé le rejet des plaintes, mais que ni elle ni la Commission n'avaient remis à l'appelant avant qu'il ne dépose ses demandes. Relativement à ce deuxième groupe de documents, un protonotaire avait autorisé le dépôt d'affidavits supplémentaires auxquels lesdits documents étaient annexés.

[5]                Dans la première demande de contrôle judiciaire, l'appelant a déposé un affidavit de cinquante pages auquel étaient annexés douze volumes de pièces soit, au total, quelque quatre milles pages. De ces quatre milles pages, seulement soixante pages ont été soumises à la Commission. Dans la deuxième demande de contrôle judiciaire, l'appelant a soumis un affidavit de treize pages auquel étaient annexés des documents dont, pour la plupart, la Commission ne disposait pas quand elle a pris sa décision.


[6]                L'appelant a invoqué de nombreux motifs à l'appui de ses demandes de contrôle judiciaire. Plusieurs motifs visaient l'équité procédurale, notamment une crainte raisonnable de partialité de la part de la Commission.

[7]                Les motifs du juge des requêtes sont décrits dans les paragraphes suivants qui se trouvent dans l'énoncé narratif qui précède l'ordonnance officielle :

[traduction]

     ATTENDU QUE la Cour a constaté que la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) a rejeté la plainte du demandeur en se fondant sur une conclusion très étroite et très précise, à savoir que le demandeur avait fait l'objet d'une cotisation à titre de résident de fait et non à titre de conjoint d'un agent du service extérieur;

     ET ATTENDU QUE la Cour a conclu que les documents supplémentaires que le demandeur veut invoquer visent la discrimination alléguée à l'égard du demandeur, question qui n'a pas été examinée par la CCDP;

     ET ATTENDU QUE la Cour a décidé qu'à la lumière de cette conclusion très précise de la CCDP, la preuve produite dans la présente demande devrait être limitée au dossier certifié du tribunal;

     ET ATTENDU QUE le demandeur a mentionné qu'il souhaite interjeter appel de la décision et obtenir l'ajournement des demandes de contrôle judiciaire en attendant l'issue du présent appel;

     ET ATTENDU QUE la Cour a conclu que les mêmes documents devraient être examinés deux fois si le demandeur avait gain de cause dans son appel;

                                                                                       [Non souligné dans l'original.]


[8]                Le juge des requêtes a ensuite rendu l'ordonnance officielle, laquelle était une ordonnance d'ajournement. Elle se lisait comme suit :

[traduction]

IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :

1. Le demandeur dispose d'un délai de dix jours pour interjeter appel.

2. Les demandes sont ajournées jusqu'à ce que la Cour d'appel fédérale se prononce sur l'appel du demandeur et elles pourront être présentées de nouveau à la Cour pour établissement de la date de l'audience avec préavis de cinq jours après la publication de la décision de la Cour d'appel fédérale.

3. Si le demandeur omet de déposer un avis d'appel dans les dix jours de la présente ordonnance, l'une ou l'autre des parties peut demander, avec préavis de cinq jours, l'établissement de la date de reprise desdits avis d'appel.

4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

[9]                Avant d'analyser les motifs du jugement rendu par le juge des requêtes, je dois mentionner que la formule qu'il a adoptée pour rejeter la requête n'était pas conforme aux Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. La décision d'accueillir la requête du défendeur n'a pas fait l'objet d'une ordonnance officielle comme le prévoient les articles 392 et 393 des Règles. La décision n'était donc pas susceptible d'appel sous le régime de l'article 27 de la Loi sur les Cours fédérales (Saint John Shipbuilding & Dry Dock Co. Ltd. c. Kingsland Maritime Corp., [1979] 1 C.F. 523, (1978) 24 N.R. 377 (C.A.), La Reine c. Farmer Construction Limited, [1983] 83 D.T.C. 5272 (C.A.F.), Can-Am Realty Ltd. c. Canada, (1996) 96 D.T.C. 6593, (1996) 39 C.R.R. (2d) 300).

[10]            Je reconnais toutefois que l'intimé n'a pas allégué que le présent appel était irrégulier. Les intérêts de la justice ne seraient pas servis si j'appliquais rigoureusement ces règles.


[11]            En l'espèce, les transcriptions de l'audience révèlent que l'appelant a mentionné au juge des requêtes (AB, volume 1, aux pages 72 et 74) :

[traduction]

Il y a la question de la neutralité et de la rigueur de l'enquête et les documents, certains d'entre eux surtout, les documents annexés à l'affidavit supplémentaire sont essentiels afin d'établir l'absence de rigueur et de neutralité.

[...]

Les documents dont j'ai besoin pour démontrer que le dossier comportait des lacunes, et si je ne puis produire ces documents, comment pourrais-je le démontrer?

[12]            Le juge des requêtes a ensuite dit (AB, volume 1, à la page 79) :

[traduction]

Cela se peut, M. McFadyen. Cependant, mon pouvoir ne vise que le contrôle de la décision du tribunal et pour ce faire, je ne puis qu'examiner les documents dont le tribunal disposait.

[13]            En prenant cette décision, le juge des requêtes a commis une erreur.

[14]            Dans Ordre des architectes de l'Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario (2002), 291 N.R. 61, 2002 CAF 218, (2002) 19 C.P.R. (4th) 417, au paragraphe 30, la Cour (le juge Evans) a dit :

¶ 30 Par contre, les demandes de contrôle judiciaire sont normalement jugées sur la base des documents soumis au décideur administratif. Une preuve par affidavit est toutefois recevable sur des questions d'équité procédurale et de compétence. Le dépôt d'affidavits supplémentaires et le contre-interrogatoire sur ces derniers exigent l'autorisation de la Cour : Règles de la Cour fédérale (1998), article 312.


Voir également Atlantic Engraving Ltd. c. Lapointe Rosenstein (2002), 299 N.R. 244, 2002 CAF 503, 23 C.P.R. (4th) 5.

[15]            Le principe selon lequel une preuve qui ne fait pas partie du dossier administratif, c'est-à-dire une preuve qui n'apparaît pas au dossier dont le tribunal est saisi, peut être prise en compte lorsque les motifs de contrôle sont fondés sur une erreur de compétence quelconque est bien établi : comme l'a dit lord Denning dans une importante et ancienne décision anglaise : [traduction] « Lorsqu'une ordonnance de certiorari est rendue pour défaut de compétence, partialité ou fraude, une preuve sous forme d'affidavit est non seulement recevable mais, en règle générale, nécessaire » (R. c. Northumberland Compensation Appeal Tribunal, Ex parte Shaw, [1952] All E.R. 122, à la page 33 (C.A.)). La Cour suprême du Canada a approuvé le principe à maintes reprises : voir, par exemple, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793, au paragraphe 86; R. c. Miller, [1985] 2 R.C.S. 613, aux paragraphes 15 et 23 à 26; Cardinal c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, au paragraphe 13. Le principe s'applique également en cas d'erreur de compétence, notamment de manquement à l'équité procédurale : voir Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 240 N.R. 376, (1999) 174 D.L.R. (4th) 165, au paragraphe 10 (C.A.F.); Robert W. Macaulay et James L.H. Sprague, Practice and Procedure Before Administrative Tribunals, feuilles mobiles, volume 3 (Toronto : Thomson Carswell, 1988) à 28-56.2ff; Donald J.M. Brown et The Hon. John M. Evans, Judicial Review of Administrative Action, feuilles mobiles, volume 2 (Toronto : Canvasback Publishing, 2004) à 6-62ff.


[16]            L'appelant, qui est aujourd'hui représenté par un avocat, nous a avisés qu'il avait été en mesure de réduire de quelque 2 000 pages les documents qu'il veut déposer en preuve. En accueillant l'appel, j'ajouterais que l'appelant devrait songer à choisir et à porter sa meilleure preuve, sans plus, à l'attention du juge des requêtes, de manière à ce que l'affaire puisse être traitée le plus rapidement possible.

[17]            J'accueillerais l'appel avec dépens et j'annulerais la décision du juge des requêtes. J'accorderais l'autorisation de signifier et de déposer les pièces documentaires et les affidavits pertinents à l'appui relativement aux allégations de manquement à l'équité procédurale, y compris de crainte raisonnable de partialité de la part de la Commission.

           « Alice Desjardins »             

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-669-04

INTITULÉ :                                            NEIL MCFADYEN

c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Appel interjeté contre une ordonnance du juge von Finckenstein, datée du 1er décembre 2004, dossier no T-77-04

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 19 OCTOBRE 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :             LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                       LE 2 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Alan Riddell                                           POUR L'APPELANT

Richard Casanova                                 POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Soloway Wright LLP                             POUR L'APPELANT

Ottawa (Ontario)                      

John H. Sims, c.r.                                POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada                   


Date : 20051102

Dossier : A-669-04

Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2005

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE EVANS

LA JUGE SHARLOW

ENTRE :

                                                               NEIL MCFADYEN

                                                                                                                                                appelant

                                                                             et

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                    intimé

                                                                   JUGEMENT

L'appel est accueilli avec dépens et la décision du juge des requêtes est annulée. L'appelant est autorisé à signifier et à déposer les pièces documentaires et les affidavits pertinents à l'appui relativement aux allégations de manquement à l'équité procédurale, y compris de crainte raisonnable de partialité de la part de la Commission.

         « Alice Desjardins »        

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


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