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     Date: 19971219

     Dossier: A-137-97

Coram:      L'HONORABLE JUGE DENAULT
         L'HONORABLE JUGE DESJARDINS
         L'HONORABLE JUGE LÉTOURNEAU
Entre:      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Requérant

Et:          MICHEL CASTONGUAY,

     Intimé

Audience tenue à Québec, Québec, le mercredi 10 décembre 1997

Jugement rendu à Ottawa, Ontario, le vendredi 19 décembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT PAR:      LE JUGE DENAULT

Y ONT SOUSCRIT:      LE JUGE DESJARDINS

     LE JUGE LÉTOURNEAU

     Date: 19971219

     Dossier: A-137-97

Coram:      L'HONORABLE JUGE DENAULT
         L'HONORABLE JUGE DESJARDINS
         L'HONORABLE JUGE LÉTOURNEAU
Entre:      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Requérant

Et:          MICHEL CASTONGUAY,

     Intimé

     MOTIFS du JUGEMENT

[1]      J'estime qu'en l'espèce, cette demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.

[2]      Un résumé des faits s'impose. Dans l'entreprise de construction pour laquelle l'intimé travaillait, au lieu de payer les heures supplémentaires dans la semaine où elles avaient été travaillées, l'employeur, avec l'accord de ses employés, les accumulait dans un banque d'heures. Lors d'un ralentissement de travail ou de conditions climatiques défavorables, les heures ainsi accumulées étaient payées au travailleur sous forme de salaire. Les déclarations de l'employeur et de l'intimé établissent clairement et sans équivoque

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l'existence de ce stratagème, et le comptable de l'employeur chargé de la tenue de cette banque d'heures a confirmé les heures ainsi cumulées et les semaines où la rémunération y afférente a été payée. L'intimé a confirmé l'exactitude de ces données.

[3]      Lorsque le prestataire a réclamé des prestations d'assurance-chômage pour les quelques semaines où il déclarait ne pas avoir travaillé ni touché de rémunération, la Commission, après enquête, a découvert le stratagème et a réparti sur ces semaines le salaire qu'il avait touché provenant de ces heures supplémentaires accumulées. Des pénalités lui ont aussi été imposées pour ne pas avoir déclaré la rémunération ainsi touchée.

[4]      Le conseil arbitral a accueilli l'appel du prestataire et a annulé la décision de la Commission estimant qu'elle était "... basée sur des chiffres et autres considérations dont on ignore la provenance". Le conseil arbitral a aussi annulé les pénalités qu'avait imposées la Commission pour déclarations fausses ou trompeuses, estimant que dans la mesure où le prestataire semblait devoir se plier à cette méthode au risque de perdre son emploi, "le doute [était] trop évident et le sérieux de l'imposition de pénalités trop grand pour que [le conseil arbitral] puisse décider sur des données incertaines".

[5]      Le juge-arbitre devant qui la Commission en a appelé a rejeté l'appel estimant qu'il s'agissait d'une question de crédibilité et qu'il ne devait pas substituer son opinion à celle

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du conseil arbitral. Quant à la question des pénalités, estimant qu'il n'y avait pas eu de fausses déclarations, il a jugé qu'il n'était pas utile de savoir si ces déclarations avaient été faites sciemment.

[6]      Je crois que cette décision du juge-arbitre est mal fondée et qu'il faut l'annuler.

[7]      Sur la question de la rémunération, le juge-arbitre s'est trompé en refusant d'intervenir au motif de la crédibilité des témoins là où le conseil arbitral avait manifestement mal apprécié la preuve: loin d'être erronés, comme l'affirmait le conseil arbitral, tous les chiffres (heures supplémentaires et semaines où la rémunération avait été payée) fournis par le comptable de l'employeur et entérinés par celui-ci étaient admis par l'intimé. Il était déraisonnable de voir là une question de crédibilité alors que les faits mis en preuve étaient non contestés, concordants et même admis. Le juge-arbitre aurait dû intervenir pour casser cette décision du conseil arbitral.

[8]      Quant à la question des pénalités pour déclarations fausses ou trompeuses, je suis d'avis qu'il faut également intervenir et casser la décision du juge-arbitre. Il s'est prononcé ainsi sur cette question:

     Le conseil arbitral pouvait donc en arriver à la conclusion que la Commission n'avait pas réussi à établir par la prépondérance de la preuve que le prestataire avait travaillé pendant les semaines en jeu. Il pouvait aussi en arriver à la conclusion que le prestataire n'avait pas fait de fausses déclarations quant à ces semaines. S'il n'y a pas eu de fausses déclarations, il n'est pas utile de savoir si ces déclarations ont été faites sciemment.

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[9]      En décidant que la Commission n'avait pas réussi à prouver que le prestataire avait travaillé pendant les semaines en litige, le juge-arbitre s'est mépris sur la question dont le conseil arbitral et lui-même étaient saisis: la Commission ne reprochait pas à l'intimé d'avoir travaillé durant les semaines en question mais de n'avoir déclaré aucune rémunération alors qu'il avait, durant ces semaines, touché un salaire. Tel était l'objet des fausses déclarations

qu'on lui imputait. À cet égard, les déclarations faites par l'intimé à la Commission le 12 novembre 19931 étaient on ne peut plus claires : l'intimé admettait spécifiquement avoir touché une rémunération durant les semaines en litige alors qu'il avait d'abord déclaré, en réclamant des prestations d'assurance-chômage pour ces semaines, n'avoir rien gagné. En l'espèce, la fausseté des déclarations était non seulement admise mais résultait d'un stratagème qu'avait reconnu l'intimé. Le juge-arbitre aurait dû le reconnaître et maintenir la pénalité.

[10]      Pour ces motifs, j'accueillerais la demande de contrôle judiciaire de la Commission, j'annulerais la décision du juge-arbitre et je retournerais le dossier au juge-arbitre que désignera le juge-arbitre en chef avec instructions d'accueillir l'appel de la Commission et de casser la décision du conseil arbitral rendue le 18 mai 1994.

J.C.F.

__________________

1      Dossier du requérant, pages 27-28


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO. DU DOSSIER DE LA COUR: A-137-97

INTITULÉ DE LA CAUSE: Le Procureur général du Canada c. Michel Castonguay

LIEU DE L'AUDIENCE: Québec, Québec

DATE DE L'AUDIENCE:le mercredi 10 décembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT PAR: Denault j. c. a.

Y ONT SOUSCRIT: Desjardins j.c.a. Létourneau j. c. a.

EN DATE DU: le lundi 22 décembre 1997

COMPARUTIONS:

Me Francisco Couto pour la partie requérante

M. Michel Castonguay l'intimé lui-même

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Ontario pour la partie requérante

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