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Date : 20060331

Dossier : A-47-05

Référence : 2006 CAF 130

CORAM :       LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MALONE

ENTRE :

INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE

demanderesse

et

LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR, LELAND INDUSTRIES INC., ARROW FASTENERS LTD., WESTLAND STEEL PRODUCTS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., STAR STAINLESS SCREW CO., TONG HWEI ENTERPRISE CO., LTD., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, FULLER METRIC PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA INC., NATIONAL SOCKET SCREW MFG. LTD., VISQUÉ, INC.

défendeurs

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 21 février 2006.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 31 mars 2006.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE SHARLOW

Y A SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE MALONE


Date : 20060331

Dossier : A-47-05

Référence : 2006 CAF 130

CORAM :       LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE MALONE

ENTRE :

INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE

demanderesse

et

LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR, LELAND INDUSTRIES INC., ARROW FASTENERS LTD., WESTLAND STEEL PRODUCTS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., STAR STAINLESS SCREW CO., TONG HWEI ENTERPRISE CO., LTD., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, FULLER METRIC PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA INC., NATIONAL SOCKET SCREW MFG. LTD., VISQUÉ, INC.

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]                Infasco, division de la Société en commandite Ifastgroupe. (Infasco), a présenté une demande de contrôle judiciaire d'une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE), répertoriée : « Dumping et subventionnement - Conclusions et motifs - Enquête no NQ-2004-005 - Certaines pièces d'attache » , dans la mesure où cette décision se rapporte à des écrous et boulons en acier au carbone. Les conclusions de l'enquête ont été rendues le 7 janvier 2005, et les motifs l'ont été le 21 janvier 2005.

[2]                L'enquête avait trait au dumping et au subventionnement de certaines pièces d'attache en acier, à savoir des vis en acier au carbone, des écrous et boulons en acier au carbone, des vis en acier inoxydable, ainsi que des écrous et boulons en acier inoxydable, originaires ou exportés de la Chine et du Taipei chinois. La période prise en considération s'étendait du 21 janvier 2001 au 30 juin 2004.

[3]                Le TCCE a conclu, notamment, que le dumping et le subventionnement des écrous et boulons en acier au carbone n'avaient pas causé de dommage et ne menaçaient pas de causer de dommage à la branche de production nationale (voir les motifs du TCCE, aux paragraphes 187 et 230). Infasco sollicite le contrôle judiciaire de cette décision pour le motif que le TCCE a commis une erreur de droit en formulant et en appliquant le mauvais critère de causalité en vertu du paragraphe 42(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. 1985, ch. 47 (la LMSI). La demanderesse invoque l'alinéa 18.1(4)c) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C., 1985, ch. F-7, dont le texte est le suivant :

18.1 (4) Les mesures prévues au paragraphe 18(3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

[...]

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier [...]

18.1. (4) The Federal Court may grant relief under [subsection 18(3)] if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal [...]

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record [...].

[4]                Les parties ne s'entendent pas sur la norme de contrôle à appliquer. La présente affaire ne soulève aucun problème d'interprétation législative, et les principes juridiques que le TCCE aurait dû appliquer ne sont pas contestés. La seule question qui se pose est de savoir si le TCCE a appliqué le critère juridique de causalité approprié, question à laquelle il n'est possible de répondre qu'en examinant et en analysant les motifs du TCCE. À mon avis, s'il ressort d'un examen de ces motifs que le TCCE n'a pas appliqué le critère juridique approprié, il aura commis une erreur de droit, et il ne faudra pas que sa décision soit maintenue.

[5]                Les dispositions applicables du paragraphe 42(1) de la LMSI sont les suivantes (non souligné dans l'original) :

42. (1) Dès réception par le secrétaire de l'avis de décision provisoire prévu au paragraphe 38(3), le Tribunal fait enquête sur celles parmi les questions suivantes qui sont indiquées dans les circonstances, à savoir :

a) si le dumping des marchandises en cause ou leur subventionnement :

(i) soit a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage,

(ii) soit aurait causé un dommage ou un retard sans l'application de droits provisoires aux marchandises;

42. (1) The Tribunal, forthwith after receipt by the Secretary pursuant to subsection 38(3) of a notice of a preliminary determination, shall make inquiry with respect to such of the following matters as is appropriate in the circumstances:

(a) in the case of any goods to which the preliminary determination applies, as to whether the dumping or subsidizing of the goods

(i) has caused injury or retardation or is threatening to cause injury, or

(ii) would have caused injury or retardation except for the fact that provisional duty was imposed in respect of the goods;

[6]                Le mot « dommage » est défini à l'article 2 de la LMSI et désigne « [l]e dommage sensible causé à une branche de production nationale » .

[7]                Pour déterminer si le dumping ou le subventionnement de marchandises a causé le degré requis de dommage à la branche de production nationale, le TCCE doit tenir compte des facteurs énumérés au paragraphe 37.1(1) du Règlement sur les mesures spéciales d'importation, DORS/84-927 (le RMSI), dont le texte est le suivant :

37.1(1) Les facteurs pris en compte pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises cause un dommage ou un retard sont les suivants :

a) le volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées et, plus précisément, s'il y a eu une augmentation marquée du volume des importations des marchandises sous-évaluées ou subventionnées, soit en quantité absolue, soit par rapport à la production ou à la consommation de marchandises similaires;

b) l'effet des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur le prix des marchandises similaires et, plus particulièrement, si les marchandises sous-évaluées ou subventionnées ont, de façon marquée, mené :

(i) soit à la sous-cotation du prix des marchandises similaires,

(ii) soit à la baisse du prix des marchandises similaires,

(iii) soit à la compression du prix des marchandises similaires en empêchant les augmentations de prix qui par ailleurs se seraient vraisemblablement produites pour ces marchandises;

c) l'incidence des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur la situation de la branche de production nationale et, plus précisément, tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation, y compris :

(i) tout déclin réel ou potentiel dans la production, les ventes, la part de marché, les bénéfices, la productivité, le rendement sur capital investi ou l'utilisation de la capacité de la branche de production,

(ii) toute incidence négative réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois, les salaires, la croissance ou la capacité de financement,

(ii.1) l'importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci,

(iii) dans le cas des produits agricoles qui sont subventionnés, y compris tout produit qui est un produit ou une marchandise agricole aux termes d'une loi fédérale ou provinciale, toute augmentation du fardeau subi par un programme de soutien gouvernemental;

d) tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances.

37.1(1) For the purposes of determining whether the dumping or subsidizing of any goods has caused injury or retardation, the following factors are prescribed:

(a) the volume of the dumped or subsidized goods and, in particular, whether there has been a significant increase in the volume of imports of the dumped or subsidized goods, either in absolute terms or relative to the production or consumption of like goods;

(b) the effect of the dumped or subsidized goods on the price of like goods and, in particular, whether the dumped or subsidized goods have significantly

(i) undercut the price of like goods,

(ii) depressed the price of like goods, or

(iii) suppressed the price of like goods by preventing the price increases for those like goods that would otherwise likely have occurred;

(c) the resulting impact of the dumped or subsidized goods on the state of the domestic industry and, in particular, all relevant economic factors and indices that have a bearing on the state of the domestic industry, including

(i) any actual or potential decline in output, sales, market share, profits, productivity, return on investments or the utilization of industrial capacity,

(ii) any actual or potential negative effects on cash flow, inventories, employment, wages, growth or the ability to raise capital,

(ii.1) the magnitude of the margin of dumping or amount of subsidy in respect of the dumped or subsidized goods, and

(iii) in the case of agricultural goods, including any goods that are agricultural goods or commodities by virtue of an Act of Parliament or of the legislature of a province, that are subsidized, any increased burden on a government support programme; and

(d) any other factors that are relevant in the circumstances.

[8]                Il est reconnu que le dumping ou le subventionnement de marchandises peut être considéré comme une cause de dommage sensible même s'il existe, en même temps, d'autres facteurs pertinents. Ainsi qu'il a été signalé dans l'arrêt Sacilor Aciéries c. Tribunal anti-dumping (1985), 60 N.R. 371 (C.A.F.), il arrive souvent que de nombreux facteurs contribuent à causer un dommage sensible au marché national. Dans cette affaire, le juge Hugessen a écrit ce qui suit :

[...] Si la présence de marchandises étrangères sur le marché intérieur à des prix sous-évalués contraint les producteurs canadiens soit à perdre des ventes soit à vendre à perte leurs propres produits, il est alors loisible au Tribunal de conclure que le dumping a causé préjudice. Évidemment, il est possible que d'autres facteurs aient contribué au préjudice. Le bon sens nous dicte, me semble-t-il, que c'est pratiquement toujours le cas. L'efficacité, la qualité, le contrôle des coûts, les aptitudes de commercialisation, l'exactitude des prévisions de même que la chance et une foule d'autres facteurs nous viennent à l'esprit. C'est à un tribunal formé d'experts et spécialisé tel le Tribunal anti-dumping que revient la tâche de soupeser ces différents facteurs et de décider de l'importance qu'il faut accorder à chacun.

[9]                En l'espèce, le TCCE ne fait aucunement état dans ses motifs du critère juridique de causalité dans le cas d'un dommage sensible. Il ne cite pas le paragraphe 42(1) de la LMSI, la définition législative du mot « dommage » ou les commentaires, cités plus tôt, du juge Hugessen dans l'arrêt Sacilor Aciéries, pas plus qu'il n'y fait référence. Cependant, le fait de n'avoir pas énoncé le droit applicable ne peut, en soi, établir que le TCCE a appliqué le mauvais critère.

[10]            La demanderesse fait référence à plusieurs cas où le TCCE affirme dans ses motifs que le dumping et le subventionnement ne sont pas la cause du dommage à la branche de production nationale. Elle semble dire que si le TCCE avait à l'esprit le critère approprié, il aurait dit que le dumping et le subventionnement ne sont pas une cause de dommage.

[11]            Les motifs du TCCE sont longs (230 paragraphes) parce qu'il y avait de nombreux produits, de nombreuses parties et de nombreuses questions à examiner. Les points portés en appel sont ceux dont il est question aux paragraphes 150 à 187. Ces paragraphes sont cités ci-dessous (notes complémentaires omises). J'ai indiqué, en les soulignant, les mots qui, d'après la demanderesse, établissent que le TCCE a appliqué le mauvais critère juridique (voir les paragraphes 162, 166 et 177) :

- Volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées

150.          Le Tribunal constate que, sauf pour ce qui est des six premiers mois de 2004, les importations provenant des pays visés représentaient moins de 50 p. 100 du volume total des importations d'écrous et boulons en acier au carbone, les États-Unis étant la source la plus grande de telles importations.

151.          Le volume des importations provenant des pays visés a considérablement varié entre 2001 et 2003, augmentant de 13 p. 100 en 2002 puis retombant de 18 p. 100 en 2003. Dans l'ensemble, entre 2001 et 2003, le volume d'écrous et boulons en acier au carbone provenant des pays visés a affiché un repli de 7 p. 100, soit de 1,5 million de kilogrammes. Les importations provenant de pays non visés ont elles aussi affiché un repli, mais il n'a été que d'environ 1,0 million de kilogrammes, les importations provenant des États-Unis affichant une baisse de 1,6 million de kilogrammes pendant que celles provenant d'autres pays non visés augmentaient de 600 000 kilogrammes.

152.          En 2002, la production nationale d'écrous et boulons en acier au carbone a affiché une hausse substantielle, soit 17 p. 100, ladite hausse ayant toute été le fait d'Infasco, le plus grand producteur national. L'année suivante, cependant, il y a eu contraction des volumes de production de sorte que, entre 2001 et 2003, la production est pour l'essentiel demeurée inchangée.

153.          Le marché national des écrous et boulons en acier au carbone, après avoir baissé de 20 p. 100 en 2002, est remonté en 2003 à son niveau de 2001, n'affichant donc aucune croissance nette entre 2001 et 2003. Les ventes à partir de la production nationale ont dans une grande mesure suivi l'activité du marché global entre 2001 et 2003, baissant en 2002 puis remontant en 2003. Pour la période de trois ans, les parts de marché respectives détenues par la branche de production nationale, les pays visés et les pays non visés n'ont guère changé. Les ventes totales à partir de la production nationale ont légèrement baissé entre 2001 et 2003, tandis que les ventes à partir des importations provenant des pays visés augmentaient dans une même proportion. Le Tribunal fait également observer la perte de ventes de 100 millions d'unités provenant des États-Unis entre 2001 et 2003 qui semblent avoir surtout été récupérées par d'autres pays non visés.

154.          Aux six premiers mois de 2004, les ventes des importations provenant des pays visés ont affiché une forte tendance à la hausse, augmentant de presque 40 p. 100. Même si les ventes de la branche de production nationale ont aussi augmenté, ces augmentations n'ont pas atteint l'ampleur de celles des marchandises provenant des pays visés et des pays non visés. Les ventes à partir des importations provenant de tous les pays non-visés ont affiché une hausse de 8 p. 100. Par voie de conséquence, la part de marché détenue par la branche de production nationale a fléchi de deux points de pourcentage par rapport à la période correspondante de 2003. Par ailleurs, la part de marché détenue par les pays visés a augmenté à presque 60 p. 100, le plus haut niveau recensé durant la période visée par la présente enquête.

155.          À la lumière de l'analyse qui précède, le Tribunal est d'avis qu'il y a eu très peu de déplacement net de la production nationale entre 2001 et 2003, le marché national des écrous et boulons en acier au carbone demeurant pour l'essentiel stable, avec peu de croissance et de fluctuation des parts de marché. La conjoncture a cependant été toute autre aux six premiers mois de 2004, alors que les pays visés ont pu s'accaparer la majeure partie de la croissance du marché. Même si la branche de production nationale et les pays non visés ont aussi affiché une croissance de leurs ventes, cette croissance a été beaucoup moins rapide. Toutefois, le Tribunal fait observer qu'il n'y a eu déplacement ni des volumes de la production nationale ni des ventes à partir de la production nationale. En fait, il y a eu croissance dans ces deux derniers cas.

- Effets des marchandises sous-évaluées et subventionnées sur les prix

156.          Abordant maintenant les effets des écrous et boulons en acier au carbone en question sur les prix des écrous et boulons en acier au carbone similaires, le Tribunal fait d'abord observer que les coûts unitaires à l'importation des écrous et boulons en acier au carbone en question ont baissé de 5 p. 100 entre 2001 et 2003, tandis que les coûts unitaires à l'importation des marchandises provenant des pays non visés ont épousé une tendance contraire, augmentant de 11 p. 100.

157.          Une comparaison des coûts unitaires à l'importation montre que, durant la période visée par la présente enquête, les coûts des marchandises provenant des États-Unis ont d'une façon générale dépassé d'au moins 75 p. 100 ceux des marchandises provenant soit des pays visés soit d'autres pays non visés, qui étaient très semblables du point de vue valeur. Selon le Tribunal, un tel état de choses porte à conclure que la combinaison de produits d'écrous et boulons en acier au carbone importés des États-Unis diffère de celle des marchandises importées des pays visés ou d'autres pays non visés.

158.          À l'étude des prix de vente sur le marché, le Tribunal constate que les prix de vente de la branche de production nationale pour ses écrous et boulons en acier au carbone ont continuellement chuté de 2001 à 2003, baissant d'environ 7 p. 100. D'autre part, les prix de vente des importations provenant des pays visés ont augmenté dans presque la même proportion durant la même période. Les prix de vente des importations provenant des pays visés, tout comme les prix de vente des États-Unis, ont atteint un sommet en 2002 avant de fléchir en 2003, demeurant cependant à des niveaux supérieurs à ceux de 2001.

159.          Étant donné les dépositions orales des deux témoins d'Infasco et d'autres témoins selon lesquels Infasco, le plus grand producteur canadien, dirige les prix sur le marché, le Tribunal n'a pas pu établir un rapport entre la baisse des prix de vente des écrous et boulons en acier au carbone de la branche de production nationale et l'augmentation des prix de vente des importations provenant des pays visés.

160.          Aux six premiers mois de 2004, la branche de production nationale a pu renverser la tendance observée au cours des trois années précédentes et a augmenté ses prix de vente de 17 p. 100. À cet égard, les témoins d'Infasco ont indiqué que la société avait augmenté ses prix plusieurs fois en 2004 et qu'il s'agissait des premières augmentations depuis un certain temps avant 2000. Au même moment, les prix de vente des importations provenant des pays visés et des pays non visés ont augmenté, respectivement, de 15 et de 5 p. 100.

161.          Le Tribunal constate l'écart important qui existait durant toute la période visée par son enquête entre les prix de vente des écrous et boulons en acier au carbone de la branche de production nationale et ceux des importations provenant des pays visés, ces prix de vente de la branche de production nationale représentant environ deux fois et demie ceux des importations provenant des pays visés. En fait, les prix de vente de la branche de production nationale étaient de loin les plus élevés sur le marché. Les prix de vente des importations provenant des États-Unis étaient, dans la plupart des cas, bien inférieurs aux prix de vente de la branche de production nationale durant toute la période visée par la présente enquête, même s'ils dépassaient ceux tant des pays visés que d'autres pays non visés. Le Tribunal a déjà fait état de la possibilité d'une différence de combinaison de produits selon qu'ils proviennent des États-Unis ou qu'ils proviennent d'ailleurs, y compris des pays visés. Ces tendances portent à croire qu'une importante différence dans la combinaison des produits pourrait exister relativement aux ventes à partir de la production nationale et aux ventes à partir des importations provenant des pays visés. Le Tribunal traitera plus loin de la question de la combinaison de produits.

162.          En résumé, le Tribunal n'estime pas que les prix des écrous et boulons en acier au carbone en question ont causé la baisse des prix des écrous et boulons en acier au carbone de production nationale entre 2001 et 2003.

- Incidence sur la branche de production nationale

163.          Avant d'examiner quelle incidence les écrous et boulons en acier au carbone sous-évalués et subventionnés ont eue sur la branche de production nationale, le Tribunal évaluera d'abord la façon dont la branche de production s'est tirée d'affaires durant la période visée par son enquête.

164.          Le rendement financier de la branche de production nationale s'est amélioré en 2002, la marge brute augmentant de quatre points de pourcentage par rapport à 2001. L'année suivante, toutefois, son rendement a accusé un recul marqué et la marge brute a chuté de plusieurs points de pourcentage. Selon le Tribunal, la baisse de marge brute essuyée par la branche de production nationale en 2003, et entièrement imputable au mauvais rendement financier d'Infasco, constitue une baisse sensible. Aux six premiers mois de 2004, la branche de production nationale a affiché un rétablissement important, et la marge brute a atteint son sommet pour la période visée par la présente enquête.

165.          Eu égard à d'autres mesures du rendement liées aux écrous et boulons en acier au carbone, le Tribunal fait observer la baisse d'utilisation de la capacité survenue entre 2001 et 2003 chez Infasco, le seul producteur de la branche de production nationale dont la production se compose uniquement d'écrous et boulons en acier au carbone. D'une façon similaire, les niveaux d'emploi de ce producteur ont baissé entre 2001 et 2003, avant leur rétablissement partiel aux six premiers mois de 2004.

166.          Enfin, le Tribunal remarque que, à l'appui de leur cause, les deux producteurs qui constituent la branche de production nationale ont allégué qu'un dommage leur avait été porté relativement à certains clients. Le Tribunal a examiné les éléments de preuve pertinents à ces allégations et ne les trouve pas convaincants. L'examen des allégations de dommage déposées par Infasco a révélé que, d'une façon générale, elles ne se rapportaient pas spécifiquement à 2003, la période au cours de laquelle, de l'avis du Tribunal, le dommage a surtout été porté. Les allégations déposées par Leland comprennent deux cas de perte de ventes de boulons chez un même client et au profit du même concurrent, dont une seule en 2003. Le témoin de Paulin a déclaré que cette vente avait été perdue pour des raisons autres que le prix.

167.          En résumé, la branche de production nationale, à cause d'Infasco, a affiché des résultats médiocres du point de vue de plusieurs mesures du rendement en 2003. Toutefois, étant donné ses conclusions ci-dessus concernant l'incidence des volumes et des prix des écrous et boulons en acier au carbone en question, le Tribunal conclut que le dommage subi par la branche de production nationale durant la période visée par son enquête ne peut être imputé aux importations en provenance des pays visés.

-Facteurs autres que le dumping

168.          Dans son examen des facteurs autres que le dumping qui pourraient avoir causé le dommage subi par la branche de production nationale, le Tribunal a surtout porté son attention sur Infasco, étant donné le caractère dominant de cette dernière et son mauvais rendement financier en 2003.

169.          Les témoins d'Infasco ont décrit la situation de cette société durant la période qui a mené à la procédure en vertu de la LACC en septembre 2003 : « Nous avons perdu des ventes. Les rentrées de fonds ont diminué, il nous fallait faire quelque chose pour améliorer nos liquidités. Il nous a fallu réduire nos stocks et, pour ce faire, nous avons été contraints de réduire la production. Il s'est ensuivi des mises à pied et des pénuries de matières. Nous avons éprouvé des problèmes de fonds. Il nous est devenu difficile de payer nos fournisseurs. Il nous restait toujours les effets à payer » [traduction].

170.          Les témoins d'Infasco ont ajouté que les importations provenant des pays visés avaient été un « élément majeur » de la cause de la crise financière en 2003. Cette déclaration ne convainc pas le Tribunal.

171.          Premièrement, le Tribunal constate l'important repli économique en cours en 2002 tant au Canada qu'aux États-Unis, où Infasco expédie les trois quarts de sa production. Selon les éléments de preuve au dossier, le repli a été tout particulièrement marqué dans les secteurs de l'économie où une grande quantité d'écrous et de boulons est utilisée. D'après le Tribunal, il semble qu'Infasco a fini l'année 2002 avec des stocks excédentaires à cause du ralentissement qui a frappé ses deux marchés principaux, à savoir le Canada et les États-Unis.

172.          En 2003, lorsque Infasco a réduit sa production dans une tentative de liquider des stocks, ses coûts unitaires auraient naturellement augmenté, étant donné que le volume de production servant à absorber les coûts était plus faible, ce qui, par voie de conséquence, aurait eu une incidence négative sur sa marge brute. Le Tribunal n'est pas convaincu que l'incapacité d'Infasco de recouvrer ses coûts plus élevés en augmentant suffisamment les prix en 2003 était imputable au dumping et au subventionnement. À cet égard, le Tribunal renvoie de nouveau au fait qu'Infasco s'est elle-même caractérisée de dirigeant des prix sur le marché. De plus, le Tribunal fait observer que Leland, l'autre producteur national inclus par le Tribunal dans la branche de production nationale qui allègue qu'un dommage a été porté relativement aux écrous et boulons en acier au carbone, n'a pas éprouvé de difficultés financières comparables en 2003. Les faits qui précèdent appuient l'opinion du Tribunal selon laquelle la détérioration des résultats d'Infasco en 2003, qui a abouti à la procédure en vertu de la LACC en septembre 2003, résultait de ses propres circonstances particulières et de celles de l'entité plus vaste Ifastgroupe, et ne reflétait pas les pressions du marché exercées sur l'ensemble de la branche de production nationale.

173.          En ce qui a trait à la procédure en vertu de la LACC, le Tribunal remarque que le troisième rapport du contrôleur, daté du 9 octobre 2003, attribue la baisse de rendement et des liquidités des diverses entités d'Ivaco à plusieurs facteurs « y compris, sans s'y limiter » [traduction] les devises, les droits antidumping par les États-Unis sur les exportations de fil machine, les augmentations des prix de la ferraille et des coûts d'énergie, l'accroissement des coûts de la main-d'oeuvre et le fardeau élevé des coûts du régime de retraite. Il n'y est pas fait mention de l'incidence négative, sur Infasco, des importations d'écrous et boulons en acier au carbone provenant des pays visés. Étant donné que les témoins de cette société ont qualifié Infasco de « vache à lait » du groupe Ivaco, le Tribunal met en doute l'importance de l'incidence alléguée de ces importations, puisque le contrôleur n'en a pas fait état à titre de facteur.

174. L'appréciation du dollar canadien en 2003 a sans doute exacerbé la situation d'Infasco en rendant ses exportations aux États-Unis moins compétitives. Le Tribunal est d'avis, à la différence des vis en acier au carbone, que l'incidence des taux de change a joué un rôle important dans le dommage subi par la branche de production d'écrous et boulons en acier au carbone, dont le principal joueur, Infasco, dépend fortement des ventes à l'exportation.

175.          Un autre facteur qui amène le Tribunal à ne pas imputer au dumping et au subventionnement le dommage subi par la branche de production nationale est la différence apparente entre la combinaison de produits selon qu'ils sont de production nationale, au moins dans le cas d'Infasco, ou importés des pays visés. Un témoin d'Infasco a déclaré que les pays visés sont les principaux fournisseurs des boulons de nuance 2, les moins chers, mais fournissent très peu de boulons de nuance 8, les plus chers, et un groupe de produits clé d'Infasco. Par conséquent, le Tribunal se demande pourquoi Infasco, en tant que dirigeant des prix et plus grand producteur sur le marché, n'a pas pu augmenter ses prix suffisamment en 2003 pour maintenir ses marges brutes.

176.          Le dossier ne renferme pas d'élément de preuve montrant que les services de gestion de l'offre par le fournisseur, la maladie de la vache folle ou la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée ont joué un rôle important dans le repli des résultats d'Infasco en 2003.

177.          À la lumière de ce qui précède, le Tribunal n'est pas convaincu que le dommage subi par la branche de production nationale puisse être imputé au dumping et au subventionnement des écrous et boulons en acier au carbone en provenance des pays visés.

-Menace de dommage

178.          Ayant conclu que le dumping et le subventionnement n'ont pas causé de dommage, le Tribunal doit examiner si le dumping et le subventionnement des écrous et boulons en acier au carbone en provenance des pays visés menacent de causer un dommage. Dans l'examen de cette question, le Tribunal s'inspire du paragraphe 37.1(2) du Règlement, qui prévoit les facteurs dont on doit tenir compte pour décider si le dumping et le subventionnement des marchandises menacent de causer un dommage. En outre, le Tribunal fait observer que le paragraphe 2(1.5) de la LMSI prévoit qu'il faut que les circonstances dans lesquelles le dumping et le subventionnement des marchandises sont susceptibles de causer un dommage soient nettement prévues et imminentes.

179.          À la lumière de l'état actuel de la branche de production nationale et du marché, le Tribunal n'est pas convaincu que le dumping et le subventionnement des écrous et boulons en acier au carbone en question menacent de causer un dommage.

180.          Le Tribunal constate que, aux six premiers mois de 2004, la valeur des ventes d'écrous et boulons en acier au carbone de la branche de production nationale a augmenté de plus de 20 p. 100 par rapport à la période correspondante de 2003. De plus, le Tribunal constate que, durant cette période, la marge brute de la branche de production était de 15 points de pourcentage supérieure à ce qu'elle était à tout autre moment de la période visée par son enquête. Infasco, à titre de producteur dominant de la branche de production, a participé à la reprise du rendement. De plus, le Tribunal constate que, depuis décembre 2004, Infasco n'est plus sous la protection de la LACC.

181.          Eu égard à l'augmentation du volume des importations provenant des pays visés aux six premiers mois de 2004, le Tribunal ne la considère pas comme une preuve de menace de dommage car les prix des écrous et boulons en acier au carbone en question ont également affiché une croissance durant cette période. À cet égard, rien à l'horizon n'indique qu'Infasco renoncera à sa position de dirigeant des prix sur le marché et que les prix des importations provenant des pays visés commenceront à exercer une traction à la baisse démesurée sur les prix nationaux.

182.          En ce qui a trait aux autres facteurs de menace, le Tribunal reconnaît que la capacité de la branche de production de pièces d'attache du Taipei chinois et de la Chine, y compris la capacité de production d'écrous et boulons en acier au carbone, est énorme par rapport à la capacité de la branche de production nationale. Les réponses des producteurs étrangers au questionnaire du Tribunal ont indiqué une augmentation de la production de pièces d'attache et des ajouts de capacité durant la période visée par la présente enquête. Toutefois, le Tribunal conclut à l'absence d'éléments de preuve au dossier qui indiqueraient que les pays visés modifieront vraisemblablement dans un avenir rapproché leurs habitudes d'exportation en vue de cibler le Canada pour y vendre davantage d'écrous et boulons en acier au carbone.

183.          Enfin, en ce qui a trait aux mesures antidumping imposées par d'autres autorités, le Tribunal prend note de l'existence de conclusions en vigueur en Afrique du Sud frappant les « écrous en fer et en acier » en provenance du Taipei chinois. Le Tribunal n'estime pas que ces seules conclusions constituent une preuve contraignante à l'appui de conclusions selon lesquelles le Taipei chinois menacerait de causer un dommage à la branche de production nationale. Même si des mesures en vigueur dans d'autres pays frappent présentement divers produits en acier au carbone en provenance de la Chine ou du Taipei chinois, le Tribunal estime que les produits en cause sont suffisamment différents des écrous et boulons en acier au carbone pour empêcher de tirer toute inférence sur la probabilité que les pays visés pratiqueront un dumping dommageable des écrous et boulons en acier au carbone et, dans le cas de la Chine, un subventionnement dommageable.

- Acier allié

184.          Le Tribunal remarque qu'Infasco a soutenu que, même si l'ASFC a établi une distinction entre les écrous et boulons en acier au carbone et les écrous et boulons en acier allié, il devrait être conclu que les écrous et boulons en acier allié sont des marchandises similaires, car ils ont été touchés par les importations des marchandises en question. Il a de plus été soutenu que le Tribunal devrait évaluer le dommage en se fondant sur un tel fait.

185.          Le Tribunal remarque que la question de savoir si les pièces d'attache en acier allié font partie des marchandises en question relève de la compétence de l'ASFC. Pour déterminer quelles sont les marchandises similaires aux fins de son analyse de dommage, le Tribunal constate que, d'après les réponses à ses demandes de renseignements, Infasco a inclus les écrous et boulons en acier allié dans ses volumes de production nationale.

186.          À la lumière des éléments de preuve au dossier, les écrous et boulons en acier allié, y compris les produits de classe 8, sont plus coûteux que les écrous et boulons en acier au carbone, y compris les produits de nuance 2 et de nuance 5. Par conséquent, si le Tribunal avait procédé à son analyse de dommage sans tenir compte des écrous et boulons en acier allié, les prix de vente moyens de la branche de production nationale auraient peut-être été inférieurs, selon la nature des produits qui ont été vendus sur le marché national et celle de ceux qui ont été exportés. Toutefois, le Tribunal n'est pas convaincu que la différence serait suffisamment importante pour modifier son évaluation des tendances des prix sur le marché national durant la période visée par son enquête. Le Tribunal serait toujours d'avis que le dumping et le subventionnement n'ont pas causé de dommage et ne menacent pas de causer un dommage à la branche de production nationale, car il subsisterait toujours un écart important entre les prix de vente de la branche de production nationale et ceux des pays visés.

- Conclusion

187.          Le Tribunal est donc d'avis que le dumping et le subventionnement des écrous et boulons en acier au carbone en provenance des pays visés n'ont pas causé de dommage et ne menacent pas de causer de dommage à la branche de production nationale.

[12]            Le défendeur a fourni le sommaire suivant de quelques-unes des principales conclusions de fait tirées par le TCCE en ce qui a trait aux écrous et boulons en acier au carbone :

1)       les importations provenant de la Chine et du Taipei chinois représentaient moins de 40 p. 100 du volume total des importations, les États-Unis étant la source la plus importante de ces importations;

2)       les importations provenant de la Chine et du Taipei chinois ont diminué de 18 p. 100 en 2003;

3)       les importations provenant de la Chine et du Taipei chinois ont diminué de 7 p. 100 ou de 1,5 million de kg entre 2001 et 2003;

4)       les importations provenant des États-Unis ont diminué de 1,6 million de kg entre 2001 et 2003;

5)       les importations provenant de pays autres que la Chine, du Taipei chinois et des États-Unis ont augmenté de 600 000 kg entre 2001 et 2003;

6)       en 2002, la production nationale a connu une hausse marquée, soit de 17 p. 100;

7)       entre 2001 et 2003, la production nationale a été stable;

8)       en 2003, le marché national est revenu aux niveaux où il se situait en 2001, après avoir diminué cette année-là;

9)       au cours des années 2001 à 2003, les parts de marché respectives de la branche de production nationale, de la Chine, du Taipei chinois ainsi que d'autres pays, n'ont guère changé;

10) les prix de vente des importations provenant de la Chine et du Taipei chinois ont augmenté au cours de la période de 2001 à 2003;

11) au cours des six premiers mois de 2004, la branche de production nationale a augmenté ses prix de vente à plusieurs reprises, de 17 p. 100 cumulativement;

12) au cours des six premiers mois de 2004, les prix de vente des importations provenant de la Chine et du Taipei chinois ont augmenté de 15 p. 100 et ceux des pays non visés, de 5 p. 100 seulement;

13) au cours des six premiers mois de 2004, la branche de production nationale a affiché un rétablissement important et la marge brute a atteint un sommet au cours de la période visée par l'enquête;

14) la demanderesse a exporté 75 p. 100 de ses écrous et boulons en acier au carbone aux États-Unis et, en 2002, le ralentissement économique qui se faisait sentir depuis un certain temps au Canada et aux États-Unis a eu une incidence marquée sur les secteurs de l'économie qui utilisaient cette marchandise en grandes quantités;

15) la demanderesse avait des stocks excédentaires à la fin de 2002 à cause du ralentissement économique que le Canada et les États-Unis ont connu pendant toute l'année 2002;

16) la demanderesse a réduit ses stocks afin d'augmenter ses liquidités;

17) la demanderesse a ralenti sa production afin d'essayer de liquider ses stocks;

18) quand la demanderesse a ralenti la production, ses coûts ont augmenté;

19) les coûts unitaires plus élevés ont eu une incidence négative sur les marges brutes;

20) la situation de la demanderesse a été exacerbée par l'appréciation du dollar canadien en 2003, rendant ainsi moins compétitives ses exportations aux États-Unis;

21) au cours des six premiers mois de 2004, la valeur des ventes de la branche de production nationale a augmenté de plus de 20 p. 100 par rapport à la même période en 2003;

22) au cours des six premiers mois de 2004, la marge brute de la branche de production nationale a été supérieure de 15 p. 100 au niveau où elle se situait à tout autre moment au cours de la période visée par l'enquête;

23) la demanderesse s'est mise sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies jusqu'en décembre 2004;

24) au cours des six premiers mois de 2004, les prix des écrous et boulons en acier au carbone provenant de la Chine et du Taipei chinois ont augmenté, de 17 p. 100 cumulativement.

[13]            Il est possible que, lus hors contexte, les paragraphes 162, 166 et 177 des conclusions du TCCE donnent l'impression que le TCCE n'avait pas à l'esprit les principes juridiques appropriés quand il a analysé la preuve pertinente à la question de la causalité. Toutefois, cette impression disparaît lorsqu'on lit les motifs dans leur intégralité par rapport à la preuve au dossier.

[14]            À mon avis, une lecture objective des motifs du TCCE, pris dans leur contexte global, permet de constater que ce dernier a évalué l'incidence de divers facteurs économiques, autres que le dumping et le subventionnement, pour déterminer si le dumping et le subventionnement étaient en soi suffisants pour causer un dommage sensible, et il a conclu que ce n'était pas le cas. Je ne suis pas convaincue que les passages cités par la demanderesse étayent son argument selon lequel le TCCE a appliqué le mauvais critère juridique.

[15]            Je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

« K. Sharlow »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

J.D. Denis Pelletier, Juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


Motifs dissidents (le juge Malone)

[16]            J'ai eu le privilège de lire les motifs de jugement de la majorité que ma collègue, la juge Sharlow, a rendus dans le présent appel. Il m'est impossible de souscrire à la décision que propose cette dernière et j'exprime respectueusement mon désaccord pour les motifs suivants.

[17]            Dans ses conclusions et motifs concernant les écrous et boulons en acier au carbone, le TCCE a pris en considération le volume des marchandises sous-évaluées et subventionnées, les effets de ces marchandises sur les prix, leur incidence sur la branche de production nationale, de même que des facteurs autres que le dumping (paragraphes 150 à 177 des motifs du TCCE). Il a examiné séparément si le dumping et le subventionnement des écrous et boulons en acier au carbone provenant de la Chine et du Taipei chinois menaçaient de causer un dommage (paragraphes 178 à 186 des motifs du TCCE). Le paragraphe 42(1) n'est pas mentionné dans cette analyse.

[18]            La Cour peut accorder une réparation à la suite d'une demande de contrôle judiciaire si elle est convaincue que le TCCE a refusé d'exercer sa compétence ou s'il a par ailleurs commis une erreur de droit en rendant une décision ou une ordonnance (voir les alinéas 18.1(4)a) et c) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7). Il existe de nombreux arrêts de la Cour suprême du Canada portant sur la norme de contrôle à appliquer en vertu de l'article 18.1, mais les principaux principes qui concernent expressément le TCCE ont été formulés par le juge Major dans l'arrêt Canada (Sous-ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 100.

[19]            Dans l'arrêt Mattel, la Cour a eu recours à l'analyse pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à une décision du TCCE. Après avoir pris en considération la totalité des facteurs, le juge Major a conclu, au paragraphe 27, que « des normes de contrôle différentes s'appliquent à des questions de droit différentes, selon la nature de la question à trancher et l'expertise relative du [TCCE] sur ces questions particulières » . Dans cet arrêt, le juge Major dit que, pour déterminer à quel point se situe une décision donnée sur cette échelle, la question essentielle est de savoir si le législateur entendait que la question juridique soulevée relève exclusivement de la compétence du TCCE. Pour ce qui est des questions de nature juridique, la norme de contrôle qui s'applique peut se situer quelque part entre celle de la décision correcte et celle de la décision manifestement déraisonnable, suivant l'étroitesse du lien qu'il y a entre la question soulevée et l'expertise du TCCE.

[20]            En l'espèce, l'argument principal de la demanderesse est qu'il n'est pas question du paragraphe 42(1) de la LMSI dans les conclusions et les motifs du TCCE et qu'il ressort des motifs du TCCE qu'il a appliqué le mauvais critère juridique de causalité. Cela montre aussi, selon elle, que le TCCE n'a pas exercé sa compétence en vertu de cette disposition. À mon sens, il s'agit d'une allégation d'une erreur de droit qu'il faut contrôler selon la norme de la décision correcte (voir le juge Rothstein, maintenant juge à Cour suprême du Canada, dans la décision Novell Canada Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada), [2000] A.C.F. no 951, aux paragraphes 3, 10 et 15].

[21]            Tant le sens ordinaire du libellé du paragraphe 42(1) que des décisions antérieures du TCCE et des Groupes spéciaux binationaux établis dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain confirment que, pour que le dumping ou le subventionnement de marchandises aient causé un dommage au sens de la LMSI, il faut conclure que ce dumping ou ce subventionnement ont causé un dommage sensible (voir, par exemple, Dans l'affaire de Ficelle synthétique pour ramasseuse-presse [...] CDA-94-1904-02, décision du groupe spécial, 10 avril 1995, aux pages 25 et 26; voir aussi Tapis produit sur machine à touffeter [...] 21 avril 1992, NQ-91-006, à la page 21). Il convient de signaler qu'en vertu du paragraphe 42(1), le TCCE doit faire enquête sur les questions qui sont indiquées dans les circonstances; en l'espèce, il s'agit de savoir si le dumping ou le subventionnement ont causé un dommage sensible au marché national.

[22]            Dans certaines enquêtes, des facteurs autres que le dumping ou le subventionnement peuvent se conjuguer pour causer un dommage à une branche de production nationale. Dans ces cas-là, le fait de décider que les autres facteurs contribuent au dommage n'écarte pas la possibilité que le dumping ou le subventionnement puisse aussi contribuer au dommage. Dans de telles circonstances, le TCCE doit décider si le dumping ou le subventionnement a été la cause d'un dommage sensible qui a contribué au dommage général causé à la branche de production nationale.

[23]            Dans la présente demande, le TCCE n'indique pas clairement dans ses conclusions et ses motifs que le dumping ou le subventionnement n'a pas été une cause de dommage sensible. Les mots qu'il emploie pour conclure que le dumping et le subventionnement d'écrous et de boulons en acier au carbone n'ont pas causé de dommage au marché national donnent à penser qu'il a examiné seulement si le dumping et le subventionnement ont été la cause - ou une cause fort importante - d'un dommage sensible. Les exemples qui suivent illustrent le problème :

En résumé, le Tribunal n'estime pas que les prix des écrous et des boulons en acier au carbone en question ont causé la baisse des prix des écrous et boulons en acier au carbone de production nationale entre 2001 et 2003. (Non souligné dans l'original.) (Motifs du TCCE, paragraphe 162)

Toutefois, étant donné ses conclusions ci-dessus concernant l'incidence des volumes et des prix des écrous et boulons en acier au carbone en question, le Tribunal conclut que le dommage subi par la branche de production nationale durant la période visée par son enquête ne peut être imputé aux importations en provenance des pays visés. (Non souligné dans l'original.) (Motifs du TCCE, paragraphe 167)

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal n'est pas convaincu que le dommage subi par la branche de production nationale puisse être imputé au dumping et au subventionnement des écrous et boulons en acier au carbone en provenance des pays visés. (Non souligné dans l'original.) (Motifs du TCCE, paragraphe 177)

[24]            Je reconnais que le TCCE est un tribunal spécialisé; cependant, ses motifs doivent permettre aux parties de bien saisir la nature et la portée de la décision rendue.

[25]            Selon moi, les motifs en question n'effectuent pas l'analyse qu'exige le paragraphe 42(1), et ils n'indiquent pas clairement que le TCCE a décidé que le dumping ou le subventionnement n'était pas une cause de dommage sensible. En l'espèce, le dossier comporte trente mille pièces et quelque soixante-huit volumes de témoignages recueillis sur une période de sept jours, auprès de dix-neuf participants et d'environ vingt-neuf témoins. Il est donc peu consolant de dire que la décision de deux cent trente paragraphes du TCCE, lorsqu'on la lit en contexte par rapport à la preuve au dossier, est suffisante. Les parties méritent mieux, et c'est ce que prescrit la LMSI.

[26]            À propos de l'obligation de fournir des motifs écrits, la juge L'Heureux-Dubé a dit, dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, que lorsque la décision rendue revêt une grande importance pour la personne, il est davantage nécessaire de fournir des motifs compréhensibles. En l'espèce, la décision revêt une importance commerciale considérable pour Infasco et Leland, et il est donc indispensable de fournir des motifs adéquats. En outre, des motifs clairs servent de guide à d'autres entités commerciales qui sont soumises à la compétence du TCCE dans d'autres affaires.

[27]            Comme dans le cas de l'arrêt Novell (précité, au paragraphe 20), les motifs sont ambigus. Il est donc impossible de conclure que le TCCE a exercé sa compétence, c'est-à-dire qu'il a appliqué le critère juridique approprié, comme l'exigent le paragraphe 42(1) de la LMSI et le RMSI, en examinant si le dumping ou le subventionnement d'écrous et de boulons en acier au carbone provenant de la Chine et de Taipei ont causé un dommage ou menacent d'en causer un à la branche de production nationale. Selon moi, il s'agit là d'une erreur de droit, conformément à l'alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur les Cours fédérales (précitée, au paragraphe 18).

[28]            J'accueillerais la présente demande de contrôle judiciaire, avec dépens en faveur d'Infasco et de Leland. J'annulerais les conclusions tirées par le TCCE dans l'enquête no NQ-2004-005 au sujet des écrous et boulons en acier au carbone, et je renverrais l'affaire au TCCE en lui prescrivant d'appliquer le critère de causalité dont il est question au paragraphe 42(1) et, ce faisant, d'examiner de nouveau la preuve figurant dans le dossier existant.

« B. Malone »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             A-47-05

INTITULÉ :                                                                            INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE
et
LE TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR
et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    LE 21 FÉVRIER 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 LA JUGE SHARLOW

Y A SOUSCRIT :                                                                    LE JUGE PELLETIER

MOTIFS DISSIDENTS :                                                       LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 31 MARS 2006

COMPARUTIONS :

Milos Barutciski/James D. Bunting

POUR LA DEMANDERESSE

Lawrence L. Herman

Cynthia Amsterdam/Matthew Diskin

POUR LA DÉFENDERESSE - LELAND INDUSTRIES INC.

POUR LA DÉFENDERESSE - COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davies Ward Philips & Vineberg LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Herman & Company

Toronto (Ontario)

Heenan Blaikie LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE - LELAND INDUSTRIES INC.

POUR LA DÉFENDERESSE - COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D'ATTACHE DU CANADA

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