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Date : 20050216

Dossier : A-365-04

Référence : 2005 CAF 65

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                               STEVE GIRARD

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                     LE PROCUREUR GÉNÉRAL

                                                                  DU CANADA

                                                                             

                                                                                                                                                  intimé

                                   Audience tenue à Montréal (Québec), le 15 février 2005.

                                   Jugement rendu à Montréal (Québec), le 16 février 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                   LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20050216

Dossier : A-365-04

Référence : 2005 CAF 65

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                               STEVE GIRARD

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                                     LE PROCUREUR GÉNÉRAL

                                                                  DU CANADA

                                                                             

                                                                                                                                                  intimé

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

[1]                M. Girard en appelle de la décision de l'honorable juge Lemieux qui confirme le refus de la Commission de l'assurance-emploi de défalquer le trop-payé de prestations d'assurance-emploi au montant de 7 236 $ reçu par M. Girard. Je suis d'avis qu'il n'y a pas lieu d'intervenir.

[2]                La demande de défalcation de M. Girard fut faite aux termes de l'article 56 du Règlement sur l'assurance-emploi (DORS/2002-236) dont les éléments pertinents se lisent comme suit:



56. (1) La Commission peut défalquer une pénalité à payer en application des articles 38, 39 ou 65.1 de la Loi ou une somme due aux termes des articles 43, 45, 46, 46.1 ou 65 de la Loi ou les intérêts courus sur cette pénalité ou cette somme si, selon le cas :

...

f) elle estime, compte tenu des circonstances, que :

(i) soit la pénalité ou la somme, y compris les intérêts courus, est irrécouvrable,

(ii) soit le remboursement de la pénalité ou de la somme, y compris les intérêts courus, imposerait au débiteur un préjudice abusif.

56. (1) A penalty owing under section 38, 39 or 65.1 of the Act or an amount payable under section 43, 45, 46, 46.1 or 65 of the Act, or the interest accrued on the penalty or amount, may be written off by the Commission if

...

f) the Commission considers that, having regard to all the circumstances,

(i) the penalty or amount, or the interest accrued on it, is uncollectable, or

(ii) the repayment of the penalty or amount, or the interest accrued on it, would result in undue hardship to the debtor.


[3]                M. Girard fonde sa demande de défalcation sur le fait que le trop-payé, qui est à l'origine du présent litige, est survenu sans inconduite de sa part. Lors de sa demande de prestations, il a franchement divulgué les circonstances de son emploi, ce qui porta la Commission à établir erronément une période de prestations à son profit. Ce n'est que plusieurs mois plus tard que la Commission se rendit compte que M. Girard n'avait pas droit aux prestations qu'on lui avait versées.


[4]                M. Girard a porté la décision de la Commission en appel devant le Conseil arbitral qui a maintenu la décision de la Commission, tout en recommandant fortement à celle-ci qu'elle considère la possibilité d'une défalcation intégrale du trop-payé . À la demande de la Commission, M. Girard lui a fait part de sa situation financière. À la lumière des renseignements fournis, la Commission a conclu que le remboursement du trop-payé n'imposerait pas à M. Girard une privation injustifiée, et refusa d'accorder la défalcation. Pour en arriver à cette conclusion, le préposé de la Commission s'en est tenu aux données financières que lui a fournies M. Girard, sans prendre en considération les circonstances donnant lieu à la demande de prestations et à la demande de traitement de celle-ci par la Commission.

[5]                En disposant de la demande de révision de M. Girard, le juge Lemieux a statué que la discrétion confiée à la Commission par l'article 56 du Règlement est assujettie à une condition préalable, en l'espèce, que le remboursement du trop-payé imposerait au débiteur un préjudice abusif. Si la Commission n'est pas satisfaite que le remboursement du trop-payé résulterait en un préjudice abusif, elle n'est pas en mesure d'aborder la question de la défalcation. Dans l'appréciation du préjudice que subira le débiteur, la Commission ne doit tenir compte que des facteurs qui touchent le remboursement lui-même. C'est pour ces motifs que le juge Lemieux affirma que:

[26]    Les facteurs que la Commission a omis de prendre en considération, soit la bonne foi du demandeur, les causes du trop-payé et la recommandation du conseil arbitral, ne sont pas pertinents à l'étape de l'évaluation de la condition préalable.

[6]                Devant nous, le procureur de M. Girard prétend que le juge Lemieux avait tort et que la Commission devait, en décidant s'il y avait préjudice abusif ou non, tenir compte non seulement des facteurs d'ordre financier, mais aussi de toutes les circonstances menant au versement indu. Selon lui, c'est l'ensemble des circonstances, y compris celles entourant la demande de prestations et non seulement les difficultés qu'éprouvera le débiteur s'il est tenu de rembourser le trop-payé, qui qualifie d'abusif le préjudice subi par ce dernier.


[7]                Je ne suis pas d'accord. À la lecture même de la disposition législative, il est clair que la Commission doit se pencher sur la question de savoir si « le remboursement de la pénalité ou la somme [due aux termes des articles 43 ...ou 65 de la Loi] imposera au débiteur un préjudice abusif. » (Je souligne).    Situons cette disposition dans son contexte. Le paragraphe 56(1) traite des diverses circonstances dans lesquelles la Commission peut défalquer un montant dû à Sa Majesté. Dans le cas qui nous occupe, l'alinéa f) du paragraphe 56(1) prévoit une telle discrétion dans deux situations, lorsque la dette est irrécouvrable ou lorsque le remboursement de la dette imposera un préjudice abusif. Ces deux possibilités représentent deux alternatives. La Commission doit premièrement considérer si la dette est recouvrable. Ensuite, si la Commission estime que la dette est recouvrable, la question du préjudice découlant du remboursement se pose. Dans la mesure où la Commission doit tenir compte de toutes les circonstances, ce sont les circonstances du remboursement et non celles du trop-payé et de la demande de prestations qu'elle doit prendre en considération.

[8]                Les lignes directrices émises par la Commission à l'intention de ses préposés chargés de traiter des demandes de défalcation reproduisent fidèlement, à mon avis, l'intention du législateur exprimée à l'alinéa 56(1)f) :

En effet, l'agent procédera à l'évaluation de la situation familiale, professionnelle et financière du débiteur pour démontrer que le remboursement créerait un préjudice abusif.

[Dossier d'appel, p. 109]


L'agent doit tenir compte de l'ensemble des circonstances du débiteur en évaluant le préjudice que celui-ci subirait en raison du remboursement du trop-payé. Ce n'est que lorsque cette analyse conduit à une conclusion de préjudice abusif, que les questions de bonne foi, de la cause du trop-payé etc. deviennent pertinentes.

[9]                Il n'y a rien de surprenant dans ce schème législatif. Le prestataire a reçu des fonds publics auxquels il n'avait pas droit. L'intérêt public exige le remboursement de ces fonds, sauf, dans les cas visés à l'alinéa 56(1)f) du Règlement, si le remboursement est soit impossible, soit possible mais à un prix jugé démesuré. La discrétion accordée à la Commission permet à celle-ci de modérer la sévérité des conséquences de remboursement en défalquant dans la mesure qu'elle estime nécessaire le tout ou une partie du trop-payé. Mais pour autant que le débiteur a la capacité de s'acquitter de ses dettes, il n'y a rien qui justifie qu'il soit exempté de celle due à Sa Majesté.

[10]            Pour ces motifs, je rejetterais l'appel mais, compte tenu des circonstances, sans frais.

          « J. D. Denis Pelletier »          

                                                                                                                              j.c.a.

"Je suis d'accord.

Le juge Décary"

"Je suis d'accord.

Le juge Létourneau"


                                         COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                   AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                     

DOSSIER :                      A-365-04

APPEL D'UNE DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE DU 23 JUIN 2004, DOSSIER NO T-535-03

INTITULÉ :               STEVE GIRARD

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

intimé

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    le 15 février 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                  DÉCARY, LÉTOURNEAU, j.c.a.

DATE DES MOTIFS :                                               le 16 février 2005

COMPARUTIONS:

Me Gilbert Nadon

POUR L'APPELANT

Me Paul Deschênes

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

OUELLET, NADON & ASSOCIÉS

Montréal (Québec)

POUR L'APPELANT

JOHN H. SIMS

c.r. Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR L'INTIMÉ


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