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Date : 20021204

Dossier : A-163-01

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2002

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE LINDEN

LE JUGE NOËL

ENTRE :

W.L. GORE & ASSOCIATES INC.

appelante

et

DAVID GOLDFARB

intimé

JUGEMENT

L'appel est rejeté avec dépens.

B.L. Strayer

___________________________

Juge

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau, LL.B.


Date : 20021204

Dossier : A-163-01

Référence neutre : 2002 CAF 486

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE LINDEN

LE JUGE NOËL

ENTRE :

                                                   W.L. GORE & ASSOCIATES INC.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                                DAVID GOLDFARB

                                                                                                                                                            intimé

                                 Audience tenue à Ottawa (Ontario), les 3 et 4 décembre 2002.

                          Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                                  LE JUGE NOËL


Date : 20021204

Dossier : A-163-01

Référence neutre : 2002 CAF 486

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE LINDEN

LE JUGE NOËL

ENTRE :

                                                   W.L. GORE & ASSOCIATES INC.

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                                DAVID GOLDFARB

                                                                                                                                                            intimé

                                              MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario)

le 4 décembre 2002)

LE JUGE NOËL

[1]                 Il s'agit de l'appel d'une décision du juge Lemieux de la Section de première instance. (La décision est publiée à (2001) 11 C.P.R. (4th) 129.) Le juge de première instance devait déterminer qui, de l'intimé M. David Goldfarb ou de l'inventeur désigné par l'appelante, M. Peter Cooper, a le premier inventé l'objet des 8 revendications concurrentes en cause.


[2]                 Ces revendications concurrentes portent sur une prothèse fabriquée à partir de polytétrafluoroéthylène poreux expansé (le PTFEe) qui comprend des longueurs de fibrilles allant d'environ 6 à 200 microns (µ), au plus long, permettant l'interposition tissulaire. Le juge de première instance a conclu que M. Goldfarb était le premier inventeur de l'objet au coeur des revendications concurrentes, à l'exclusion de M. Cooper, et a statué en conséquence sur les demandes.

[3]                 En l'espèce, l'appelante conteste pour l'essentiel les conclusions et les inférences de fait et de crédibilité du juge de première instance. La norme de contrôle applicable est énoncée par la Cour suprême dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 C.S.C. 33, où la Cour affirme au paragraphe 23 :

... [qu']il n'appartient pas aux cours d'appel de remettre en question le poids attribué aux différents éléments de preuve. [...] La cour d'appel n'est pas habilitée à modifier une conclusion factuelle avec laquelle elle n'est pas d'accord, lorsque ce désaccord résulte d'une divergence d'opinion sur le poids à attribuer aux faits à la base de la conclusion.

[4]                 La Cour explique plus amplement au paragraphe 25 :


Bien que le juge de première instance soit toujours dans une position privilégié pour apprécier la crédibilité des témoins, ce n'est pas là le seul domaine où il bénéficie d'un avantage sur les juges des cours d'appel. Parmi les avantages dont jouit le juge de première instance sur le plan des inférences factuelles, mentionnons son expertise relative en matière d'appréciation et d'évaluation de la preuve, de même que la connaissance unique qu'il possède de la preuve souvent abondante produite par les parties. Cette familiarité avec toute la trame factuelle lui est d'une grande utilité lorsque vient le moment de tirer des conclusions de fait. En outre, les considérations relatives au coût, au nombre et à la durée des appels sont tout aussi pertinentes pour ce qui est des inférences de fait que pour ce qui est des conclusions de fait, et justifient l'application aux unes comme aux autres d'une norme empreinte de retenue. En conséquence, nous ne partageons pas l'opinion de notre collègue selon laquelle la raison principale justifiant de faire montre de retenue à l'égard des conclusions de fait est la possibilité qu'a le juge de première instance d'observer les témoins directement. Nous sommes d'avis que le juge de première instance jouit, par rapport aux juges d'appel, de nombreux avantages qui influent sur toutes les conclusions de fait et que, même si ces avantages n'existaient pas, d'autres considérations impérieuses justifient de faire montre de retenue à l'égard des inférences de fait. Par conséquent, nous concluons en soulignant qu'il n'y a qu'une seule et unique norme de contrôle applicable à toutes les conclusions factuelles tirées par le juge de première instance, soit celle de l'erreur manifeste et dominante.

[5]                 En appliquant cette norme aux arguments de l'appelante, nous arrivons facilement à la conclusion que le juge de première instance n'a commis aucune erreur manifeste et dominante en tranchant le litige en faveur de M. Goldfarb.

[6]                 Spécifiquement, la preuve présentée a permis au juge de première instance de conclure que M. Cooper n'avait rien inventé le 1er mai 1973 et que l'inscription qu'il a faite dans son cahier de laboratoire à cette date n'établissait pas qu'il était l'inventeur de l'invention contestée.

[7]                 Contrairement à l'assertion de l'appelante (mémoire des faits et des droits, paragraphe 31), le cahier de laboratoire n'indique pas qu'une longueur de fibrille d'environ 50 à 100 microns est la clé de l'invention que M. Cooper prétend avoir inscrite ; seules deux qualités ont été identifiées comme étant nécessaires: 1) une structure de « jeton de poker » ; 2) un minimum de peau. À notre avis, il était loisible au juge de première instance d'en déduire que M. Cooper ne saisissait pas l'importance de l'espacement internodal qu'il avait remarqué. Cette déduction est particulièrement pertinente si l'on tient compte de la conduite ultérieure de M. Cooper.


[8]                 À cet égard, le juge de première instance a souligné dans ses motifs que M. Cooper 1) n'a tiré aucune conclusion de l'observation des longueurs de fibrilles; 2) n'a parlé à personne des longueurs de fibrilles; 3) n'a pas apporté de changements à la fabrication des greffons en GORE-TEX de façon à les intégrer; 4) n'a pas modifié les registres d'expédition pour indiquer la distance internodale des greffons expédiés; 5) n'a pas remis son cahier de laboratoire à l'avocat responsable des brevets de Gore et ne lui a pas indiqué pour quelle raison la longueur des fibrilles était importante (motifs du jugement, paragraphes 151 à 159).

[9]                 Tout compte fait, nous sommes d'avis que ces considérations ont amené le juge de première instance à conclure que M. Cooper ne saisissait pas l'importance des longueurs de fibrilles qu'il avait observées le 1er mai 1973 et que, par conséquent, il ne pouvait considérer que cela constituait l'essence de l'invention qu'il a plus tard revendiqué comme sienne.

[10]            L'appelante a également contesté les conclusions du juge première instance, selon lesquelles l'expérience des 64 greffes et les mesures des longueurs de fibrilles de 1984 et 1988, toutes situées dans la gamme revendiquée par l'invention, tendaient à corroborer que l'invention avait été faite par M. Goldfarb. Selon l'appelante, la longueur de fibrille peut également s'expliquer par le fait que M. Cooper n'a fourni que des tubes contenant les longueurs de fibrilles remplissant les conditions, par choix ou par coïncidence. L'appelante soutient qu'une preuve qui est au mieux neutre ne peut être considérée comme étant une preuve corroborante.


[11]            Il est possible que ce soit vrai, mais, le juge de première instance, dont la tâche était d'apprécier la preuve, n'a pas estimé que cet élément était neutre. Il a admis le témoignage de M. Goldfarb portant qu'il avait observé les tubes qui lui avaient été fournis, qu'il avait choisi les longueurs de fibrilles qu'il voulait et qu'il avait conservé les tubes implantés en blocs de paraffine. Le fait que le choix des longueurs ait été effectué par M. Goldfarb est compatible avec la preuve qui démontre que M. Cooper a fourni à M. Goldfarb divers tubes (motifs du jugement, paragraphe 39) et que M. Goldfarb n'a pas implanté tous les tubes qu'on lui a fait parvenir (Dossier d'appel, volume 3, onglets 51, 53 et 54 et volume 5, onglet 92). Il n'est pas contesté que les tubes implantés qui ont servis à la prise des mesures avaient été conservés, depuis le début de l'expérience, en blocs de paraffine.

[12]            De plus, comme M. Cooper a admis en contre-interrogatoire qu'il n'avait pas axé ses efforts sur la longueur des fibrilles avant le 1er mai 1973 (Dossier d'appel, volume 21, page 1887), la coïncidence est la seule explication susceptible d'étayer l'argument de l'appelante. L'assertion selon laquelle la longueur de tous les tubes fournis à M. Goldfarb se situait en tout temps dans la portée requise par coïncidence est extrêmement invraisemblable compte tenu des techniques rudimentaires de fabrication employées à cette époque, lesquels consistaient à étirer manuellement les greffons pour créer des variations de longueurs de fibrilles.

[13]            À notre avis, le juge de première instance pouvait conclure que la longueur de fibrille, consignée par M. Goldfarb à la suite de ses expériences en 1973, corroborait d'une certaine façon (motifs du jugement, paragraphe 141) qu'au mois d'août de cette année au plus tard, M. Goldfarb avait saisi l'importance d'avoir la longueur de fibrille appropriée.


[14]            L'appel sera rejeté avec dépens.

  

                 « Marc Noël »                     

Juge

    

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau. LL.B.


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION D'APPEL

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 A-163-01

INTITULÉ :              W.L. Gore & Associates Inc.

et

David Goldfarb

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              3 et 4 décembre 2002

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

le juge STRAYER

le juge LINDEN

le juge NOËL

  

PRONONCÉ À L'AUDIENCE PAR :      le juge NOËL

COMPARUTIONS :

George E. Fisk                                                  POUR L'APPELANTE

Joan Clark, c.r.                                                  POUR L'INTIMÉ

Joanne Chriqui

Frédérique Amrouni

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake Cassels & Graydon s.r.l.                           POUR L'APPELANTE

Ottawa (Ontario)

Ogilvy Renault S.E.N.C.                                      POUR L'INTIMÉ

Montréal (Québec)

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