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Date : 20051208

Dossier : A-491-04

A-492-04

A-493-04

A-494-04

Référence : 2005 CAF 416

Présent :          LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                                                                                               A-491-04

ENTRE :

JACKY DESBIENS

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-492-04

ENTRE :

JACKY DESBIENS

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-493-04

ENTRE :

RICHARD DESBIENS

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-494-04

ENTRE :

RICHARD DESBIENS

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2005.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2005.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                            LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20051208

Dossiers : A-491-04

A-492-04

A-493-04

A-494-04

Référence : 2005 CAF 416

Présent :          LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                                                                                               A-491-04

ENTRE :

JACKY DESBIENS

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-492-04

ENTRE :

JACKY DESBIENS

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-493-04

ENTRE :

RICHARD DESBIENS

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

                                                                                                                                                                                               A-494-04

ENTRE :

RICHARD DESBIENS

appelant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                Les appelants dans les dossiers A-491-04 à A-494-04 se sont pourvus à l'encontre d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt déclarant que leurs emplois n'étaient pas des emplois assurables parce qu'il n'existait pas de relation employeur/employé entre eux et ceux qui leur fournissaient du travail. Les périodes visées se situaient dans les années 1998 à 2002.

[2]                L'audition de ces appels a été fixée à lundi, le 12 décembre 2005. Or, le 5 décembre 2005, le procureur des appelants dépose au greffe de la Cour une requête pour déposer une preuve nouvelle au dossier. Il demande que l'audition de cette requête soit fixée en même temps que l'audition au mérite de l'appel, i.e. le 12 décembre 2005.

[3]                La preuve nouvelle consiste en quatre décisions de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (Agence) rendues le 8 mars 2005 à l'égard des appelants. Par ces décisions, l'Agence statuait que l'emploi exercé par chacun des appelants pour des périodes se situant dans l'année 2003 était un emploi assurable car il existait alors une relation employeur/employé.

[4]                La pratique en Cour d'appel fédérale veut que les requêtes soient présentées par écrit avec preuve par affidavit et que l'adjudication quant à la requête se fasse sur la foi de cette preuve écrite

et des prétentions écrites contenues à la requête. Exceptionnellement, lorsque les circonstances le requièrent ou le justifient, la Cour peut autoriser la tenue d'une audition orale sur la requête.

[5]                Dans le cas présent, il est surprenant que les appelants aient attendu une semaine avant l'audition de la cause au mérite pour présenter leur requête alors que la preuve qu'ils veulent déposer est disponible depuis le 8 mars 2005. Aucune des prétentions contenues à la requête n'explique la production si tardive de cette requête qui place l'intimé dans l'impossibilité, à toutes fins pratiques, de produire une preuve explicative de ces nouvelles décisions et de la nouvelle position adoptée au plan légal par rapport à l'ancienne pour les années 1998 à 2002.

[6]                Quoiqu'il en soit, l'intimé a soumis un court dossier de réponse à la requête et le procureur des appelants y a répondu par lettre du 7 décembre 2005. Je signale que, dans cette lettre, le procureur des appelants informe l'intimé que trois témoins seront présents à l'audition de l'appel et qu'il sera loisible à l'intimé de les interroger comme bon lui semble.

[7]                Je mentionne cette information du procureur des appelants car il n'est pas pratique courante pour la Cour d'appel fédérale d'entendre des témoins. L'audition de témoins nécessite d'abord l'autorisation préalable de la Cour et la mise en place d'un dispositif, qui habituellement n'est pas là, pour enregistrer et conserver la preuve ainsi déposée. En outre, l'audition de témoins ne peut être une affaire improvisée compte tenu du fait qu'une période définie de temps est déjà allouée pour

l'audition au mérite de l'appel. Bref, une administration efficace de la justice ne se fait pas par l'improvisation de dernière minute.

[8]                Afin de ne pas empiéter sur le temps alloué pour l'audition au mérite de l'appel, je crois qu'il vaut mieux décider du bien-fondé de la requête maintenant.

[9]                En règle générale, un appel est entendu sur la base du dossier d'appel tel que constitué selon les règles 343 et 344 des Règles des Cours fédérales. Cependant, la règle 351 permet la présentation d'une preuve nouvelle sur une question de fait.

[10]            Une preuve nouvelle est admissible s'il s'agit d'une preuve qui n'existait pas ou qui, si elle existait, ne pouvait être diligemment découverte ou obtenue avant que la décision dont il est fait appel ne soit rendue. De plus, cette preuve doit être pertinente en ce sens qu'elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive : voir Pub. Sch. Bds' Assn c. Alberta (P.G.), [2000] 1 R.C.S. 44, à la page 48. Elle doit être telle que, si on y prête foi, on puisse raisonnablement penser qu'avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat : ibidem. Enfin, la Cour d'appel possède le pouvoir discrétionnaire de refuser une preuve documentaire en appel lorsque l'interprétation de cette preuve ne peut se faire sans danger en l'absence d'une preuve testimoniale : Walkus c. Canada (2000), 256 N.R. 147 (C.A.F.), permission d'appeler à la Cour suprême du Canada rejetée [2001] 1 C.N.L.R. IV.

[11]            Le premier critère d'admissibilité de la preuve soumise est rencontré en l'espèce : les décisions de l'Agence en 2005 sont postérieures à celle de la Cour canadienne de l'impôt rendue en août 2004. Cependant, je ne crois pas que les autres critères soient satisfaits.

[12]            En effet, ces décisions ne font qu'établir que, pour des périodes différentes et subséquentes à celles en litige en appel, les exigences d'un contrat de louage de services étaient maintenant rencontrées. Cette preuve documentaire n'indique aucunement les raisons pour lesquelles ces exigences sont maintenant satisfaites. Elle ne révèle d'aucune façon la nature des changements apportés par les appelants dans leurs relations de travail avec ceux qui leur fournissent du travail. On n'y retrouve ni description ni discussion de ces conditions de travail. Au mieux, ces décisions de l'Agence font preuve pour les périodes concernées au cours de l'année 2003. On ne peut inférer de cette seule preuve documentaire que la situation factuelle et légale en 2003 était la même qui prévalait pour les années 1998 à 2002.

[13]            Le procureur des appelants soumet au paragraphe 7 de ses prétentions écrites que la seule différence existante entre les années 1998 à 2002 et l'année 2003 est l'existence d'un contrat d'emploi écrit qui régit les relations entre les appelants et leur fournisseur d'ouvrage.

[14]            Je veux bien accepter cette prétention, mais il s'agit d'une différence très importante par rapport à la situation antérieure où tout était verbal et la relation entre la location des équipements ou outils de travail et le revenu gagné était passablement floue. Il se peut que le contrat de travail ait apporté les correctifs nécessaires à la situation qui prévalait jadis et que ces correctifs font dorénavant mieux ressortir l'intention des parties et les véritables relations contractuelles qui existent entre elles. Or, ce contrat écrit n'est pas en preuve et nous ignorons, s'il en est comme je soupçonne que c'est le cas, l'influence qu'il a pu avoir dans la prise de décision par l'Agence.

[15]            En somme, je ne suis pas satisfait que cette nouvelle preuve documentaire puisse s'interpréter sans l'apport de témoignages additionnels que la production tardive de la requête empêche de présenter. De même, je ne suis pas convaincu que cette nouvelle preuve soumise assiste la Cour dans sa détermination des questions soulevées en appel et qui doivent être appréciées en fonction de la preuve au dossier quant à la nature légale des relations contractuelles des parties pour la période de 1998 à 2002. Je suis convaincu qu'elle ne permet pas de décider en tout ou en partie du litige porté en appel.

[16]            Pour ces motifs, la demande de production d'une nouvelle preuve sera rejetée avec dépens en faveur de l'intimé.

« Gilles Létourneau »

j.c.a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                                                         A-491-04, A-492-04, A-493-04 et A-494-04

INTITULÉS :                                                        JACKY ET RICHARD DESBIENS c.

                                                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                     LE JUGE LÉTOURNEAU

DATE DES MOTIFS :                                         le 8 décembre 2005

OBSERVATIONS ÉCRITES:

Me Pierre Parent

POUR LES APPELANTS

Me Simon-Nicolas Crépin

Me Nancy Dagenais

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Cain Lamarre Casgrain Wells

Chicoutimi (Québec)

G7H 6J6

POUR LES APPELANTS

John H. Sims c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

H2Z 1X4

POUR L'INTIMÉ

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