Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20060626

Dossier : A-409-05

Référence : 2006 CAF 240

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

KREMIKOVTZI TRADE, également appelée KREMIKOVSKI TRADE

appelante

et

PHOENIX BULK CARRIERS LIMITED,

LA CARGAISON DE CHARBON chargée sur le navire « M/V SWIFT FORTUNE » et

LES PROPRIÉTAIRES DE LA CARGAISON DE CHARBON

chargée sur la navire « M/V SWIFT FORTUNE » et TOUTES AUTRES PERSONNES

INTÉRESSÉES DANS LADITE CARGAISON

 

intimés

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario) le 26 juin 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                        LE JUGE NADON

Y A SOUSCRIT :                                                                                            LA JUGE SHARLOW

MOTIFS DISSIDENTS :                                                                                    LE JUGE MALONE

 


Date : 20060626

Dossier : A-409-05

Référence : 2006 CAF 240

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LA JUGE SHARLOW                     

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

KREMIKOVTZI TRADE, également appelée KREMIKOVSKI TRADE

appelante

et

PHOENIX BULK CARRIERS LIMITED,

LA CARGAISON DE CHARBON chargée sur le navire « M/V SWIFT FORTUNE » et

LES PROPRIÉTAIRES DE LA CARGAISON DE CHARBON

chargée sur la navire « M/V SWIFT FORTUNE » et TOUTES AUTRES PERSONNES

INTÉRESSÉES DANS LADITE CARGAISON

 

intimés

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

 

[1]               Nous sommes saisis d'une requête présentée par l'intimée Phoenix Bulk Carriers Limited (Phoenix) en vue d'obtenir une ordonnance l'autorisant à interjeter appel devant la Cour suprême du Canada de la décision que notre Cour a rendue le 6 janvier 2006 (2006 CAF 1).

 

[2]               La requête de Phoenix est présentée en vertu de l'article 37.1 de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, ch. S-26, et de l'article 357 des Règles des Cours fédérales, qui disposent :

LOI SUR LA COUR SUPRÊME

 

37.1 Sous réserve des articles 39 et 42, il peut être interjeté appel devant la Cour, avec l'autorisation de la Cour d'appel fédérale, d'un jugement définitif rendu par cette dernière lorsqu'elle estime que la question en jeu devrait être soumise à la Cour.

 

 

********************

RÈGLES DE LA COUR FÉDÉRALE

 

357. (1) Malgré la règle 352, la requête présentée en vertu de l’article 37.1 de la Loi sur la Cour suprême pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel, devant la Cour suprême du Canada, d’un jugement de la Cour d’appel fédérale peut être faite sans préavis, au moment où le jugement est rendu, si celui-ci est rendu à l’audience.

 

(2) Sauf autorisation accordée par la Cour, le débat sur la requête se limite au dossier tel qu’il a été constitué devant la Cour d’appel fédérale et aux motifs du jugement à l’égard duquel la requête est faite.

 

(3) La requête est entendue par au moins trois juges, qui peuvent ne pas être ceux qui avaient entendu l’affaire portée en appel.

 

SUPREME COURT ACT

 

37.1 Subject to sections 39 and 42, an appeal to the Court lies with leave of the Federal Court of Appeal from a final judgment of the Federal Court of Appeal where, in its opinion, the question involved in the appeal is one that ought to be submitted to the Court for decision.

 

****************

FEDERAL COURTS RULES

 

357. (1) Notwithstanding rule 352, where a judgment of the Federal Court of Appeal is delivered from the bench, a motion under section 37.1 of the Supreme Court Act for leave to appeal from the judgment to the Supreme Court of Canada may be made at the time the judgment is delivered and without prior notice.

 

 

 

(2) A motion for leave to appeal under section 37.1 of the Supreme Court Act shall, unless the Court permits otherwise, be argued on the case, and on the reasons for judgment, from which leave to appeal is sought.

 

(3) A motion for leave to appeal under section 37.1 of the Supreme Court Act shall be heard before not fewer than three judges, who need not be the judges who heard the matter under appeal.

 

 

[3]               Aux termes de notre décision du 6 janvier 2006, nous avons accueilli l'appel interjeté par l'appelante de l'ordonnance prononcée le 15 septembre 2005 par la Cour fédérale (dans le dossier T‑1558‑05) et nous avons par conséquent radié la déclaration in rem de Phoenix et annulé le mandat de saisie de la cargaison de charbon.

 

[4]               Ainsi qu'il ressort de nos motifs de jugement, c'est à contrecoeur que nous avons donné gain de cause à l'appelante, parce que la question en litige avait déjà été tranchée par une autre formation de notre Cour dans l'affaire Paramount Enterprises International Inc. c. « AN XIN JIANG » (Le), [2001] 2 C.F. 551 (C.A.F.) et parce que nous étions d'avis qu'il ne nous était pas loisible de réformer cette décision.

 

[5]               Tant dans l'affaire Paramount, précitée, que dans la présente espèce, le débat tournait autour du droit d'une partie de saisir des biens en vertu de l'article 43 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (la Loi). Plus particulièrement, dans les deux cas, notre Cour était appelée à interpréter les mots « dans toute action portant sur [...] d'autres biens » (en anglais, « property that is the subject of the action ») que l'on trouve au paragraphe 43(2) de la Loi, dont voici le libellé :

43.  (2) Sous réserve du paragraphe (3), elle peut, aux termes de l'article 22, avoir compétence en matière réelle dans toute action portant sur un navire, un aéronef ou d'autres biens, ou sur le produit de leur vente consigné au tribunal.

43.  (2) Subject to subsection (3), the jurisdiction conferred on the Federal Court by section 22 may be exercised in rem against the ship, aircraft or other property that is the subject of the action, or against any proceeds from its sale that have been paid into court.

 

 

[6]               Dans nos motifs du jugement, nous avons exposé les points de vue opposés formulés au sujet de l'interprétation qu'il convient de donner à cette disposition. Il n'est pas nécessaire de répéter ici les propos que nous avons tenus, si ce n'est que pour dire que nous étions d'avis que la formation de jugement dans l'affaire Paramount, précitée, avait mal interprété ce paragraphe. Nous avons finalement conclu que nous ne pouvions infirmer la décision rendue dans l'affaire Paramount, précitée, parce que Phoenix n'avait pas réussi à nous persuader que cette décision était manifestement erronée, c'est-à-dire que la Cour avait passé outre à une disposition légale applicable ou à un précédent qui aurait dû être suivi (voir l'arrêt Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370).

 

[7]               Je suis convaincu que la question en litige revêt une importance considérable tant pour les avocats spécialisés en droit maritime que pour l'ensemble de la communauté maritime. Il ne fait guère de doute que si l'interprétation que notre Cour a privilégiée dans l'arrêt Paramount, précité, devait être retenue, le droit des parties de saisir des biens en vertu du paragraphe 43(2) s'en trouverait considérablement réduit. Comme deux formations de notre Cour ont exprimé des vues divergentes sur le sens de l'expression « dans toute action portant sur [...] d'autres biens », j'estime que la question devrait être soumise à la Cour suprême du Canada.

 

[8]               En accordant l'autorisation d'interjeter appel de la décision de notre Cour devant la Cour suprême du Canada dans l'affaire Prassad c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 2 C.F. 81, le juge Hugessen a bien précisé que, malgré le fait qu'en principe notre Cour refuse d'accorder l'autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada, permettant ainsi à la Cour suprême de déterminer elle-même les questions qu'elle souhaite examiner, et le fait que cette autorisation ne devrait être accordée que dans les cas les plus évidents, notre Cour est tenue, en vertu des dispositions législatives applicables, d'accorder cette autorisation lorsqu'elle estime que la question en litige « est une question qui devrait être soumise à la Cour suprême pour décision ».

[9]               L'affaire Prassad, précitée, portait, tout comme la présente espèce, sur une importante question de droit que notre Cour avait décidée en se fondant sur sa propre décision antérieure. La Cour s'estimait liée par cette décision, mais les juges ne s'entendaient pas entre eux sur la question de savoir si cette décision était bien fondée ou non (voir l'analyse du juge Sopinka aux pages 572 et 573 de l'arrêt Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1989] 1 R.C.S. 560).

 

[10]           À mon avis, nous ne pouvons nous dérober à l'obligation que nous impose l'article 37.1 de la Loi sur la Cour suprême. Comme la question en litige est une question de droit qui, en raison de son importance, devrait être décidée par la Cour suprême du Canada, j'autoriserais l'intimée à interjeter appel de notre décision du 6 janvier 2006.

 

 

« M. Nadon »

Juge

 

 

 

« Je souscris à ces motifs.

            LA JUGE K. SHARLOW »

 

 

Traduction certifié conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


LE JUGE MALONE (dissident)

[11]           Je tiens, en toute déférence, à exprimer ma dissidence à l'égard des motifs exposés par mes collègues. Bien que je reconnaisse que les moyens invoqués au soutien de la requête en autorisation d'appel soulèvent effectivement une question de droit importante pour ceux qui œuvrent dans le domaine du droit maritime, je n'accorderais pas l'autorisation prévue à l'article 37.1 de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, ch. S-26 (la Loi).

 

[12]           Bien que cet article confère à notre Cour le pouvoir d'autoriser une partie à interjeter appel d'une de ses décisions devant la Cour suprême du Canada, cette faculté est considérée comme un pouvoir de nature exceptionnelle auquel on ne devrait recourir que dans des cas extrêmement rares. Je ne crois pas que le simple fait que notre Cour ait rendu des décisions contradictoires sur le sujet réponde à la définition de ces cas extrêmement rares.

 

[13]           Le paragraphe 40(1) de la Loi établit une procédure parallèle d'appel qui est utilisée régulièrement par d'autres justiciables canadiens qui estiment que la Cour suprême devrait être saisie de leur appel, compte tenu de l’importance de l’affaire pour le public ou de l’importance des questions de droit qu’elle comporte. En 2005, quelque 420 requêtes en autorisation  d'appel ont ainsi été déposées. Seulement 61 requérants ont été autorisés à interjeter appel.

 

[14]           Il me semble que les principes d'équité commandent que, dans la mesure du possible, toutes les demandes de pourvoi à la Cour suprême du Canada soient examinées par des juges de la Cour suprême, qui possèdent de l'expérience en la matière, ce qui assure l'uniformité dans l'application des principes d'examen. Bien que des facteurs comme l’importance de l’affaire pour le public et l'importance de certaines questions de droit peuvent sembler évidents, d'autres facteurs, tels que l'usage suivi par la Cour suprême du Canada lorsqu'elle fait droit aux demandes d'autorisation dans certains domaines du droit et le nombre de causes qui lui sont soumises constituent des éléments que seuls les juges de la Cour peuvent connaître. En conséquence, j'encouragerais l'appelante à demander l'autorisation d'interjeter appel en vertu du paragraphe 40(1) selon la procédure normale.

 

 

« B. Malone »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifié conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-409-05

 

INTITULÉ :                                                                           Kremikovtzi Trade c. Phoenix Bulk Carriers Ltd. et autres

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                      LE JUGE NADON

Y A SOUSCRIT :                                                                   LA JUGE SHARLOW

 

MOTIFS DISSIDENTS :                                                      LE JUGE MALONE

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 26 JUIN 2006

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

John W. Bromley

POUR L'APPELANTE

 

Jean-Marie Fontaine

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bromley Chapelski, Barristers & Solicitors

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR L'APPELANTE

 

Borden Ladner Gervais srl

Montréal (Québec)

 

POUR LES INTIMÉS

 

 

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