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     Date: 19981209

     Dossier: ITA-6476-97

     Dans l'affaire de la Loi de l'impôt sur le revenu,         

     - et -

     Dans l'affaire d'une cotisation ou des cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu d'une ou plusieurs des lois suivantes: la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'assurance-emploi,         

     CONTRE:

     106443 CANADA LTÉE

     Débitrice judiciaire

     ET

     2722941 CANADA INC.

     Tierce-saisie

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:


[1]      Il s'agit en l'espèce d'une requête de la créancière saisissante, Sa Majesté la Reine, aux fins d'obtenir une ordonnance définitive de saisie-arrêt contre la tierce-saisie, 2722941 Canada Inc.

Les faits

[2]      Le 10 septembre 1997, la créancière saisissante déposait au dossier de cette Cour en vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), c. 1 (telle que modifiée) (la loi), un certificat qui a la même valeur et le même effet qu'un jugement de cette Cour.

[3]      Aux termes de ce certificat, il a été certifié que la débitrice judiciaire était endettée envers Sa Majesté la Reine du Chef du Canada pour la somme de 46 588,81 $, plus des intérêts composés quotidiennement prescrits en application de la loi sur la somme de 46 588,81 $ pour la période allant du 8 août 1997 au jour du paiement.

[4]      La somme de 46 588,81 $ et les intérêts demeurent dus et impayés.

[5]      Une ordonnance provisoire de saisie-arrêt a été rendue le 10 novembre 1997 par laquelle il a été ordonné que toutes sommes dues ou qui deviendraient dues par la tierce-saisie à la débitrice judiciaire et plus particulièrement, une somme de 173 327 $ consentie à la tierce-saisie par la débitrice judiciaire à titre d'avances, ainsi que tous les effets mobiliers appartenant à la débitrice judiciaire qui sont détenus par la tierce-saisie soient saisis-arrêtés afin de répondre au certificat déposé au greffe de cette Cour le 10 septembre 1997 contre la débitrice judiciaire.

[6]      Il appert que la somme de 173 327 $ a fluctué avec le temps et il serait plus juste de parler aujourd'hui d'un montant de 168 352 $.

[7]      La tierce-saisie a produit au dossier de cette Cour une déclaration négative datée du 28 novembre 1997, signée par son président, M. Jean-Pierre Mercier, à l'effet qu'elle ne devait rien à la débitrice judiciaire étant donné que la créance que détenait 106443 Canada Limitée contre 2722941 Canada Inc. était maintenant prescrite et que 2722941 Canada Inc. n'avait pas renoncé à la prescription.

Analyse

[8]      Il faut savoir que la débitrice judiciaire et la tierce-saisie ont comme président et administrateur M. Jean-Pierre Mercier.

[9]      L'interrogatoire que ce dernier a subi suite au dépôt de son affidavit nous renseigne davantage sur la trame factuelle qu'il perçoit et qui lui permet de soutenir que la dette de 106443 Canada Limitée (dorénavant aussi "106") est maintenant prescrite.

[10]      En décembre 1992, lorsque M. Mercier a acheté les actions de 2722941 Canada Inc. (dorénavant aussi "272"), les documents comptables de cette corporation indiquaient que cette dernière avait une dette de 186 038,18 $ envers 106. Cette dette aurait pris naissance entre 1985 et 1987 alors que 106 prêtait à Les Entreprises Jean Mercier Ltée une somme de près de 400 000 $. On doit considérer ce prêt comme étant à demande.

[11]      Lors de cet achat d'actions en 1992, M. Mercier ne considérait toutefois pas que 272 avait en réalité une dette envers 106 puisqu'à toutes fins pratiques, c'est lui qui était l'âme dirigeante de ces deux corporations. Il n'était donc pas question dans son esprit qu'il y ait remboursement de la dette entre ces deux corporations. C'est à l'appui de ces faits que le procureur de la tierce-saisie a requis cette Cour de tenir compte de cet état d'esprit de la tierce-saisie au delà de ce que l'on peut tirer des états financiers de la débitrice judiciaire et de la tierce-saisie. Toutefois, à la différence avec les nombreux arrêts soumis par le procureur de la tierce-saisie, les documents comptables ici représentaient bel et bien ce que la réalité objective était, à savoir qu'une dette avait été créée par le passé.

[12]      On doit en effet retenir que la tierce-saisie reconnaît, dans ses états financiers pour les exercices terminés en février des années 1993 à 1997 inclusivement, devoir des "avances" à la débitrice judiciaire.

[13]      De plus, l'existence de cette créance apparaît aux états financiers de la débitrice judiciaire pour les mêmes années.

[14]      Lesdits états financiers, soumis à l'appui des déclarations d'impôt, ont été approuvés par M. Jean-Pierre Mercier, président, dans le cas des deux compagnies.

[15]      J'abonde dans le même sens que la procureure de la créancière saisissante à l'effet que la signature par le président de la tierce-saisie des états financiers mentionnant des avances dues à la débitrice judiciaire constitue une reconnaissance de dette expresse et interruptive de prescription.

[16]      Bien que l'on ait mentionné que le prêt remonte à 1987 ou possiblement 1985, la date précise de ce prêt n'a pas été mise en preuve. Seule la date du 26 septembre 1992 apparaît clairement aux documents comptables. C'est donc la date à retenir pour les fins de la prescription.

[17]      Même si l'on devait remonter à 1985 ou 1987, je pense que l'on devrait considérer les inscriptions dans les divers documents comptables (voir pièce P-1 jointe aux notes sténographiques de l'interrogatoire tenu le 17 mars 1998) comme une renonciation à la prescription acquise.

[18]      Qui plus est, on doit constater que les états financiers de la débitrice judiciaire, annexés à ses déclarations d'impôt pour les années 1991 à 1997 inclusivement, démontrent qu'elle était en tout temps pertinent insolvable.

[19]      Partant, si l'on considère l'attitude de 106 de ne pas réclamer le remboursement de la dette comme équivalent à une remise de dette, on doit alors considérer que cette remise a été faite à titre gratuit alors que la débitrice judiciaire était insolvable.

[20]      En vertu de l'article 1633 C.c.Q., une telle remise de dette est réputée avoir été faite avec l'intention de frauder puisque la débitrice judiciaire était insolvable.

[21]      Cet acte causant préjudice à la créancière judiciaire, celle-ci est en droit de le faire déclarer inopposable à son égard, conformément à l'article 1631 C.c.Q.

[22]      Pour ces motifs, on se doit de considérer que les faits mis en preuve ne peuvent supporter la déclaration négative de la tierce saisie. Il y a donc lieu en conséquence d'émettre une ordonnance définitive de saisie-arrêt.

Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 9 décembre 1998

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

ITA-6476-97

Dans l'affaire de la Loi de l'impôt sur le revenu,

- et -

Dans l'affaire d'une cotisation ou des cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu d'une ou plusieurs des lois suivantes: la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'assurance-emploi,

CONTRE:

106443 CANADA LTÉE

     Débitrice judiciaire

ET

2722941 CANADA INC.

     Tierce-saisie

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 27 novembre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 9 décembre 1998

COMPARUTIONS:

Me Dominique Gagné pour Sa Majesté la Reine

Me Daniel Kochenburger pour la tierce-saisie

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Morris Rosenberg pour Sa Majesté la Reine

Sous-procureur général du Canada

Me Daniel Kochenburger pour la tierce-saisie

Montréal (Québec)


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