Date : 20040120
Dossier : A-26-03
A-27-03
A-29-03
Référence : 2004 CAF 20
CORAM : LE JUGE EN CHEF RICHARD
LE JUGE LÉTOURNEAU
Dossier : A-26-03
ENTRE :
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
RÉJEAN VILLENEUVE
défendeur
Dossier : A-27-03
ENTRE :
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
ROBIN VILLENEUVE
défendeur
Dossier : A-29-03
ENTRE :
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
GÉRALD GAUTHIER
défendeur
Audience tenue à Québec (Québec) le 19 janvier 2004.
Jugement rendu à Québec (Québec), le 20 janvier 2004.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE LÉTOURNEAU
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EN CHEF RICHARD
LE JUGE NOËL
Date : 20040120
Dossier : A-27-03
Référence : 2004 CAF 20
CORAM : LE JUGE EN CHEF RICHARD
Dossier : A-26-03
ENTRE :
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
RÉJEAN VILLENEUVE
défendeur
Dossier : A-27-03
ENTRE :
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
ROBIN VILLENEUVE
défendeur
Dossier : A-29-03
ENTRE :
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
GÉRALD GAUTHIER
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
[1] Ces trois demandes de contrôle judiciaire ont fait l'objet d'une audition commune. Comme les situations de fait dans chacune d'elles ne présentent pas de différences significatives pour les fins du litige qui est devant nous, les motifs qui suivent disposeront des trois dossiers, l'original étant versé dans le dossier A-26-03 et une copie dans les dossiers A-27-03 et A-29-03.
[2] Suite à une enquête interne de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'Agence), un stratagème de remboursement d'impôt frauduleux conçu par certains employés de l'Agence fut découvert. Ce stratagème permettait à certains contribuables de recevoir des remboursements d'impôt substantiels sous le couvert de crédits d'impôts qu'ils réclamaient, de connivence avec un employé de l'Agence, alors qu'ils savaient qu'ils n'y avaient pas droit (par exemple, un contribuable se déclarait marié alors qu'il ne l'était pas, ou disait avoir des enfants à charge alors qu'il n'en avait pas...). Les contribuables payaient ensuite des ristournes à l'employé de l'Agence qui leur proposait cette démarche, le montant desdites ristournes étant établi sur la base d'un pourcentage équivalent au deux tiers des remboursements.
[3] Le ministre du Revenu national (le Ministre) a dès lors imposé aux contribuables fautifs les pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi), mais la juge Lamarre-Proulx, de la Cour canadienne de l'impôt, a annulé ces pénalités dans les cas qui nous concernent au motif que le geste posé « relève de l'irréflexion, de l'inconscience ou de l'erreur de jugement et non de l'intention coupable » (para. 31 de ses motifs).
[4] Notre Cour s'est prononcée récemment dans une affaire concernant ce même stratagème (Procureur général du Canada c. Simard, 2003 CAF 427), mais sous un angle différent. La juge Lamarre-Proulx avait alors conclu qu'il y avait matière à pénalité, mais elle avait réduit le montant de cette dernière. Notre Cour a jugé que la Cour canadienne de l'impôt n'avait pas compétence pour réduire la pénalité.
[5] En l'espèce, la juge s'est appuyée sur l'arrêt de notre Cour dans Chabot c. Canada, 2001 CAF 383, pour en venir à la conclusion que les défendeurs n'avaient pas l'intention coupable exigée par le paragraphe 163(2) de la Loi.
[6] Avec égards, je crois que la juge a omis de considérer la notion de faute lourde qui peut découler d'un aveuglement volontaire de son auteur. Même l'intention coupable qui, souvent, prend la forme de la connaissance de l'un ou de plusieurs des éléments constitutifs du geste reproché peut s'établir par une preuve d'aveuglement volontaire. En pareil cas, l'auteur du geste, bien qu'il n'ait pas de connaissance actuelle de l'élément reproché, se voit imputer la connaissance de cet élément.
[7] En outre, je suis d'avis que les circonstances de l'affaire Chabot sont à ce point différentes de celles qui nous concernent présentement qu'il était manifestement déraisonnable d'en tirer ici les mêmes conclusions. Dans Chabot, le contribuable avait été pénalisé en raison d'un désaccord juridique qui l'opposait à Revenu Canada relativement à la validité de la mise sur pied de systèmes de donation de tableaux sous-évalués lors de leur achat et sur-évalués lors de leur donation. Revenu Canada se disait d'avis qu'il n'y avait pas donation en semblables circonstances, une prétention éventuellement rejetée par cette Cour après plusieurs années d'incertitude. La Cour, à la majorité, a dit s'expliquer « mal que Revenu Canada impose des pénalités à ces petits contribuables qui, de bonne foi, ont cherché à tirer profit d'un crédit d'impôt que Revenu Canada lui-même faisait miroiter à leurs yeux et qui, selon le guide, paraissait si facile à obtenir » (para. 41 des motifs).
[8] Rien de tel, en l'espèce. Au contraire, il y a fausses déclarations et paiement de ristournes. Avant d'encaisser les chèques de remboursement, les défendeurs ont soit été mis au courant des fausses déclarations, soit eu de forts soupçons quant à l'existence de fausses déclarations ou à la légitimité des remboursements eux-mêmes. En encaissant les remboursements et en versant des ristournes, les défendeurs ont acquiescé et participé au stratagème mis en place pour frauder l'Agence. Leur participation, qui fut libre et volontaire, était un chaînon essentiel à la réalisation dudit stratagème et ils en ont retiré un avantage économique. Il n'est tout simplement pas possible de ne pas conclure à de l'aveuglement volontaire et, conséquemment, à une faute lourde.
[9] J'accueillerais les demandes de contrôle judiciaire. J'infirmerais les décisions de la Cour canadienne de l'impôt et lui retournerais les dossiers pour qu'elle rende de nouvelles décisions en tenant pour acquis que l'appel des contribuables dans les trois dossiers en cause doit être rejeté. J'accorderais au demandeur les dépens dans chacun des dossiers, mais limiterais à un seul jeu de dépens ceux accordés relativement à l'audition des demandes.
Gilles Létourneau
j.c.a.
« Je suis d'accord.
Le juge en chef Richard »
« Je suis d'accord.
Le juge Marc Noël, j.c.a. »
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-26-03, A-27-03, A-29-03
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c.
RÉJEAN VILLENEUVE; LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. ROBIN VILLENEUVE; LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. GÉRALD GAUTHIER
LIEU DE L'AUDIENCE : QUÉBEC (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : 19 JANVIER 2004
CORAM : LE JUGE EN CHEF RICHARD
LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE NOËL
MOTIFS DU JUGEMENT LE JUGE LÉTOURNEAU
DE LA COUR :
DATE DES MOTIFS : 20 JANVIER 2004
COMPARUTIONS :
Me Martin Gentile POUR LE DEMANDEUR
Me Jean Dauphinais POUR LES DÉFENDEURS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ministère de la Justice Canada POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Cain, Lamarre, Casgrain, Wells POUR LES DÉFENDEURS
Chicoutimi (Québec)