Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20000724


Dossier : A-97-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 JUILLET 2000

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SHARLOW


E n t r e :


SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


- et -


YVES PONROY CANADA


intimée




JUGEMENT


     L'appel est rejeté avec dépens.





                                     « Robert Décary »

                            

                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.





Date : 20000724


Dossier : A-617-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 JUILLET 2000


CORAM :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SHARLOW


E n t r e :


SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


- et -


FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.


intimée




JUGEMENT


     L'appel est rejeté avec dépens.




                                     « Robert Décary »

                            

                                         J.C.A.


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.





Date : 20000724


Dossier : A-633-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 JUILLET 2000


CORAM :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SHARLOW


E n t r e :


SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


- et -


FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.


intimée




JUGEMENT


     L'appel est rejeté avec dépens.




                                     « Robert Décary »

                            

                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.





Date : 20000724


Dossier : A-632-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 JUILLET 2000


CORAM :      LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE SHARLOW


E n t r e :


SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


- et -


HILLARY'S DISTRIBUTION LTD.


intimée




JUGEMENT


     L'appel est rejeté avec dépens.



                                     « Robert Décary »

                            

                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL. L.





Date : 20000724


Dossiers : A-97-98, A-617-98, A-632-98, A-633-98


CORAM :      LE JUGE DÉCARY
         LE JUGE ISAAC
         LE JUGE SHARLOW

     Dossier : A-97-98

E n t r e :


SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


- et -


YVES PONROY CANADA


intimée



Dossier : A-617-98

E n t r e :


SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


- et -


FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.


intimée






     Dossier : A-632-98

E n t r e :

     SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


     -- et --

     HILARY'S DISTRIBUTION LTD.

     intimée


     Dossier : A-633-98

E n t r e :

     SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


     -- et --


     FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.

     initmée






Audience tenue à Ottawa (Ontario), le mardi 20 mai 2000


JUGEMENT rendu à Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2000


MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :      LE JUGE DÉCARY

     LE JUGE ISAAC





Date : 20000724


Dossiers : A-97-98, A-617-98, A-632-98, A-633-98


CORAM :      LE JUGE DÉCARY
         LE JUGE ISAAC
         LE JUGE SHARLOW

     Dossier : A-97-98

E n t r e :


SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


- et -


YVES PONROY CANADA


intimée



Dossier : A-617-98

E n t r e :


SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


- et -


FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.


intimée






     Dossier : A-632-98

E n t r e :

     SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


     -- et --

     HILARY'S DISTRIBUTION LTD.

     intimée


     Dossier : A-633-98

E n t r e :

     SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL


appelant


     -- et --


     FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.

     intimée



     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE SHARLOW


[1] Les présents motifs concernent quatre appels interjetés de décisions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) au sujet de la classification de certains

produits à base d'herbes médicinales sous le régime du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36, modifié. Un exemplaire des présents motifs sera déposé dans chacun des dossiers d'appel et, une fois ainsi déposé, sera considéré comme la décision tranchant l'appel en cause. Les produits en question sont des comprimés à base de racines de griffes du diable, ainsi que de l'huile de millepertuis (en vrac) importés par Flora Manufacturing & Distributing Ltd. (A-617-98 et A-633-98), des comprimés de vitamines et de minéraux, des capsules et des poudres importées par Yves Ponroy Canada (A-97-98), et des comprimés de poudre d'ail importés par Hilary's Distribution Ltd. (A-632-98).

[2] Les importateurs affirmaient que leurs produits étaient des « médicaments » au sens des numéros tarifaires 3003.90.99 ou 3004.90.99, et qu'ils étaient par conséquent exonérés de droits de douane. Le sous-ministre du Revenu national a décidé, en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl), modifiée, qu'ils devaient être classés sous le numéro tarifaire 2106.90, « préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs » , pour lesquels le taux tarifaire maximal est de 14,4 %.

[3] Les importateurs ont interjeté appel devant le TCCE en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes. Le TCCE a fait droit aux appels. La Couronne a fait appel des quatre décisions en vertu du paragraphe 68(1) de la Loi sur les douanes, au motif que la décision du TCCE était entachée d'une erreur de droit. Les quatre appels ont été entendus ensemble avec le consentement des parties.

[4] Dans sa jurisprudence antérieure, notre Cour a appliqué la norme de contrôle du caractère raisonnable dans le cas des appels interjetés en vertu du paragraphe 68(1) de la Loi des décisions rendues en matière de classification tarifaire : Canada (sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise - M.R.N. c. Schrader Automotive Inc., (1999), 240 N.R. 381 (C.A.F.); Rollins Machinery Ltd. c. Canada (sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise - M.R.N), (1999), 247 N.R. 399 (C.A.F.); Continuous Colour Coat Ltd. c. Canada (sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise - M.R.N.), [2000] F.C.J. No. 610 (C.A.F.) (QL)). La Cour a appliqué la même norme de contrôle dans le cas d'appels interjetés de décisions du TCCE portant sur des lois antidumping : 2703319 Canada Inc. (faisant affaires sous la raison sociale de VWV Enterprises) c. Canada (sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise - M.N.R.), (1999), 250 N.R. 381 (C.A.F.), Specialized Bicycle Components Canada, Inc. c. Canada (sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise), [2000] F.C.J. No. 77 (C.A.F.)(QL).

[5] Dans les quatre appels qu'elle a interjetés, Sa Majesté invite instamment la Cour à réexaminer l'arrêt Schrader au motif qu'il ressort du jugement rendu par le juge Bastarache dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, que les décisions rendues par le TCCE en matière de classification tarifaire devraient être examinées selon la norme de leur bien-fondé. Sa Majesté souligne que l'arrêt Pushpanathan n'a pas été cité lors des débats dans l'affaire Schrader et que la Cour ne l'a pas cité non plus dans sa décision.

[6] À mon humble avis, l'analyse que le juge Bastarache fait de la norme de contrôle dans l'arrêt Pushpanathan constitue un résumé de principes bien établis. Le juge Bastarache n'a pas posé de nouveaux principes de droit et ne prétendait pas le faire. J'en arrive à la conclusion, pour les motifs qui suivent, que l'arrêt Pushpanathan ne nous justifie pas de nous écarter de la jurisprudence antérieure dans laquelle notre Cour a jugé que c'est la norme du caractère raisonnable qui s'applique aux appels interjetés des décisions du TCCE en matière de classification tarifaire.

[7] La détermination de la norme de contrôle à appliquer est centrée sur l'intention du législateur qui a créé le tribunal dont la décision est en cause. La question qui se pose est celle de savoir si la décision contestée est une décision que le législateur voulait assujettir au pouvoir décisionnel exclusif du tribunal administratif (arrêt Pushpanathan, paragraphe 26, citant l'arrêt Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers' Compensation Board), [1997] 2 R.C.S. 890). Pour ce faire, il faut examiner trois lois : le Tarif des douanes, la Loi sur les douanes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur , L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[8] La décision contestée en l'espèce porte sur la classification des marchandises en vertu du Tarif des douanes. L'objectif principal du Tarif des douanes est de fixer les droits de douanes applicables à l'importation de marchandises. Comme le taux tarifaire varie d'un produit à l'autre, il est nécessaire de classer les marchandises de sorte que toutes celles qui sont importables ne se retrouvent que sous un seul numéro tarifaire. Les numéros tarifaires sont énoncés de façon extrêmement détaillée à l'annexe I du Tarif des douanes.

[9] Le Tarif des douanes donne par ailleurs légalement effet aux obligations contractées par le Canada aux termes de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. La Convention s'inscrit dans la foulée des travaux entrepris en 1950 par le Conseil de coopération douanière, alors qu'il apparaissait de plus en plus évident, pour ceux qui oeuvraient dans le domaine du commerce international, qu'il serait utile de rationaliser et d'harmoniser la classification de tous les produits commerciaux.

[10] Un rapide survol du Tarif des douanes permet de constater qu'il s'agit d'une loi longue et complexe. La version que l'on trouve au chapitre 36 des L.C. de 1997 tient dans trois gros volumes. La plupart des dispositions que l'on trouve à l'annexe I constituent une liste des marchandises divisées en 21 sections, dont chacune compte un ou plusieurs chapitres. Il y a 99 chapitres en tout. Chaque chapitre et chaque section comporte ses propres notes explicatives et, parfois, des notes complémentaires, suivies d'une liste de marchandises classées sous plusieurs positions, sous-positions et sous-sous-positions.

[11] Chaque position de l'annexe I se voit attribuer un numéro à quatre chiffres (ainsi, le numéro tarifaire 17.01 s'applique aux « sucres de canne ou de betterave et saccharose chimiquement pur, à l'état solide ; sucres bruts sans addition d'aromatisants ou de colorants » ). Chaque sous-position se voit attribuer un numéro à six chiffres qui comprend le numéro à quatre chiffres de la position (ainsi, le numéro tarifaire 1701.11 vise le « sucre de canne » et le numéro tarifaire 1701.12, le « sucre de betterave » ).

[12] Chaque sous-position est elle-même divisée en produits qui se voient attribuer un numéro à huit chiffres qui comprend le numéro à six chiffres de la sous-position (ainsi, le numéro tarifaire 1701.11.10 concerne le « sucre de canne devant servir par une raffinerie du sucre raffiné servant à la fabrication du vin » et le numéro tarifaire 1701.11.20 concerne le « sucre de canne ne titrant pas plus de 96 de polarisation » .)

[13] Des taux tarifaires sont attribués aux numéros tarifaires au niveau de la sous-sous-position (numéro à huit chiffres). Ainsi, il n'y a pas de tarif prévu pour le numéro tarifaire 1701.11.10, mais un tarif maximal de 22,60 $ la tonne métrique est prévu dans le cas du numéro tarifaire 1701.11.20.

[14] Le Tarif des douanes renferme ses propres règles d'interprétation de l'annexe I, que l'on trouve aux articles 10 et 11 :


10. (1) Subject to subsection (2), the classification of imported goods under a tariff item shall, unless otherwise provided, be determined in accordance with the General Rules for the Interpretation of the Harmonized System and the Canadian Rules set out in the schedule.

10. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l'annexe.

(2) Goods shall not be classified under a tariff item that contains the phrase "within access commitment" unless the goods are imported under the authority of a permit issued under section 8.3 of the Export and Import Permits Act and in compliance with the conditions of the permit.

(2) Des marchandises ne peuvent être classées dans un numéro tarifaire comportant la mention « _dans les limites de l'engagement d'accès_ » que dans le cas où leur importation procède d'une licence délivrée en vertu de l'article 8.3 de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation et en respecte les conditions.

11. In interpreting the headings and subheadings, regard shall be had to the Compendium of Classification Opinions to the Harmonized Commodity Description and Coding System and the Explanatory Notes to the Harmonized Commodity Description and Coding System, published by the Customs Co-operation Council (also known as the World Customs Organization), as amended from time to time.

11. Pour l'interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes).


[15] Les « Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé » dont il est question à l'article 10 du Tarif des douanes sont tirées de la Convention. La Règle générale 1 est peut-être la plus importante. Elle est ainsi libellée :

1. The titles of Sections, Chapters and sub-Chapters are provided for ease of reference only; for legal purposes, classification shall be determined according to the terms of the headings and any relative Section or Chapter Notes and, provided such headings or Notes do not otherwise require, according to the following provisions.

1. Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.


[16] Les autres Règles générales et les Règles canadiennes dont il est question à l'article 10 portent sur des questions comme le traitement à donner aux marchandises qui sont incomplètes ou non finies, aux mélanges et combinaisons et sur la façon de classer les marchandises qui peuvent entrer dans plusieurs catégories.

[17] Il y a ensuite lieu d'examiner la Loi sur les douanes. Elle porte principalement sur des questions d'administration et de perception des tarifs douaniers. Il suffit en l'espèce d'examiner les articles 67 et 68, qui portent sur les appels. Les importateurs ont initialement interjeté appel devant le TCCE de la décision prise par le sous-ministre au sujet de la classification. Ils ont interjeté appel en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, qui, à l'époque en cause, était ainsi libellé :

67. (1) A person aggrieved by a decision of the Commissioner [at the relevant time, the Deputy Minister] made under section 60 or 61 may appeal from the decision to the Canadian International Trade Tribunal by filing a notice of appeal in writing with the Commissioner and the Secretary of the Canadian International Trade Tribunal within ninety days after the time notice of the decision was given.

67. (1) Toute personne qui s'estime lésée par une décision du commissaire [à l'époque en cause, du sous-ministre] rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d'appel auprès du commissaire et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de

l'avis de décision.

[18] Les pouvoirs du TCCE en cas d'appels interjetés en vertu du paragraphe 67(1) sont énoncés aux paragraphes 67(2) et 67(3), qui disposent :

67(2) Before making a decision under this section, the Canadian International Trade Tribunal shall provide for a hearing and shall publish a notice thereof in the Canada Gazette at least twenty-one days prior to the day of the hearing, and any person who, on or before the day of the hearing, enters an appearance with the Secretary of the Canadian International Trade Tribunal may be heard on the appeal.

(3) On an appeal under subsection (1), the Canadian International Trade Tribunal may make such order, finding or declaration as the nature of the matter may require, and an order, finding or declaration made under this section is not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by section 68.

67(2) Avant de se prononcer sur l'appel prévu par le présent article, le Tribunal canadien du commerce extérieur tient une audience sur préavis d'au moins vingt et un jours publié dans la Gazette du Canada, et toute personne peut être entendue à l'appel si, au plus tard le jour de l'audience, elle a remis un acte de comparution au secrétaire de ce Tribunal.


(3) Le Tribunal canadien du commerce extérieur peut statuer sur l'appel prévu au paragraphe (1), selon la nature de l'espèce, par ordonnance, constatation ou déclaration, celles-ci n'étant susceptibles de recours, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues à l'article 68.



[19] Ces appels sont interjetés en vertu de l'article 68 de la Loi sur les douanes, dont voici le libellé :


68. (1) Any of the parties to an appeal under section 67, namely,





(a) the person who appealed,

(b) the Commissioner, or

(c) any person who entered an appearance in accordance with subsection 67(2),

may, within ninety days after the date a decision is made under section 67, appeal therefrom to the Federal Court of Appeal on any question of law.

(2) The Federal Court of Appeal may dispose of an appeal by making such order or finding as the nature of the matter may require or by referring the matter back to the Canadian International Trade Tribunal for re-hearing.

68. (1) La décision sur l'appel prévu à l'article 67 est, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où elle est rendue, susceptible de recours devant la Cour d'appel fédérale sur tout point de droit, de la part de toute partie à l'appel, à savoir_ :

a) l'appelant;

b) le commissaire;

c) quiconque a remis l'acte de comparution visé au paragraphe 67(2).




(2) La Cour d'appel fédérale peut statuer sur le recours, selon la nature de l'espèce, par ordonnance ou constatation, ou renvoyer l'affaire au Tribunal canadien du commerce extérieur pour une nouvelle audience.

[20] Finalement, il est nécessaire d'examiner la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, qui crée le TCCE et en définit la mission. Le TCCE est composé d'au plus neuf titulaires, dont le président et les deux vice-présidents, nommés par le gouverneur en conseil. La durée maximale du mandat des titulaires est de cinq ans. La charge de titulaire est incompatible avec l'exercice de toute autre fonction et les membres ne peuvent occuper une charge ou un emploi incompatibles avec leurs attributions. Les titulaires ne peuvent recevoir qu'un seul autre mandat. Jusqu'à cinq vacataires peuvent également être nommés pour des mandats maximums de trois ans. Les vacataires peuvent recevoir de nouveaux mandats. Les titulaires et les vacataires occupent leur poste à titre inamovible, sous réserve de révocation motivée prononcée par le gouverneur en conseil.

[21] Le législateur fédéral a confié au TCCE un mandat très large en matière commerciale. Le Tribunal, sur saisine par le gouverneur en conseil, enquête et lui fait rapport sur toute question touchant, en matière de marchandises ou de services -- considérés individuellement ou collectivement --, les intérêts économiques ou commerciaux du Canada. Le Tribunal, sur saisine par le ministre, enquête et lui fait rapport sur toutes questions relatives aux tarifs douaniers, notamment celles concernant les droits ou obligations du Canada sur le plan international.

[22] Plusieurs dispositions permettent au gouverneur en conseil de demander au TCCE d'enquêter et de faire rapport sur toute question relative à la question de savoir si certaines importations causent un grave dommage aux producteurs nationaux de marchandises similaires ou directement concurrentes. Le TCCE peut, dans le cadre de ces enquêtes et de cet examen, se pencher sur des questions mettant en cause l'application de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et d'autres accords relatifs aux tarifs d'importation et d'exportation.

[23] La Loi oblige le TCCE, avant l'expiration de la moitié de leur période d'application, à réexaminer certains décrets pris en application du Tarif des douanes ou de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, L.R.C. (1985), ch. E-17, dont la durée d'application prévue est de plus de trois ans et de faire rapport sur la question. Le TCCE doit par ailleurs faire publier un avis indiquant la date d'expiration prévue par le décret pris en application des lois en question et, lorsque cette mesure est justifiée, enquêter sur toute demande de prorogation.

[24] Le TCCE reçoit les plaintes de dumping et de subventionnement déposées par les producteurs nationaux, ainsi que les plaintes d'augmentation subite des importations qui, sans l'ALÉNA ou un autre accord international, seraient assujetties à une surtaxe en vertu du Tarif des douanes ou seraient incluses sur la liste des marchandises d'importation contrôlée conformément aux paragraphes 5(3) ou (3.2) de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation.

[25] Le TCCE est également compétent pour instruire toute plainte relative à certains aspects de la procédure de passation des marchés publics de l'Administration fédérale. Il dispose de larges pouvoirs de réparation lorsqu'il donne gain de cause au plaignant.

[26] Finalement, le TCCE a compétence pour entendre les appels interjetés de certaines décisions prises par le ministère du Revenu national en vertu de la Loi sur les douanes, de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, et de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.C. 1984, ch. 25, notamment en ce qui concerne les décisions de classification de tarifs douaniers comme celles qui font l'objet des présents appels.

[27] Dans la plupart des cas, le TCCE doit aviser les intéressés de sa décision de tenir ou de ne pas tenir une enquête au sujet d'une question qui lui est soumise en vertu de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur et il doit faire publier cet avis dans la Gazette du Canada. Ces exigences en matière de publication s'apparentent à celles que l'on trouve à l'article 67 de la Loi sur les douanes en ce qui concerne les appels. Le TCCE doit communiquer ses rapports d'enquête aux intéressés et au gouverneur en conseil, les faire publier dans la Gazette du Canada et, dans certains cas, les déposer devant le Parlement.

[28] Aux termes de l'article 17 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le TCCE est une cour d'archives qui a les attributions d'une cour supérieure d'archives pour la comparution, la prestation de serment et l'interrogatoire des témoins, la production et l'examen des pièces, l'exécution de ses ordonnances, ainsi que pour toutes autres questions liées à l'exercice de sa compétence.

[29] Le personnel du TCCE est composé d'un secrétaire et de tous autres fonctionnaires et employés dont il a besoin. En outre, le TCCE a le pouvoir de nommer, à titre consultatif, des experts et, avec l'approbation du Conseil du Trésor, de fixer leur rémunération. De plus, sous réserve des instructions du Conseil du Trésor en la matière, les ministères ou les organismes fédéraux peuvent, à la demande du Tribunal, détacher auprès de lui, pour une période déterminée, le personnel nécessaire à ses travaux.

[30] Le TCCE est le successeur de plusieurs autres tribunaux administratifs, notamment du Tribunal canadien des importations. Dans l'arrêt National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, la Cour suprême a reconnu que le Tribunal canadien des importations était un tribunal spécialisé (Canada (directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748). La décision frappée d'appel n'a pas été révisée en fonction du critère de son bien-fondé. La loi faisait bénéficier la décision en question dans cette affaire d'une solide clause privative. L'affaire en question portait sur l'interprétation de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.C. 1984, ch. 25. La décision a fait l'objet d'un contrôle judiciaire en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970, ch. 10 (2e suppl.), dans sa rédaction alors en vigueur. L'article 28 permettait à la Cour de faire droit à une demande de contrôle judiciaire pour cause d'erreur de droit, de sorte que la portée du droit d'appel prévu par la loi en l'espèce est semblable à celui du contrôle judiciaire dont il était question dans l'affaire National Corn Growers Assn.

[31] Dans ce contexte, je vais examiner les facteurs énumérés par le juge Bastarache dans l'arrêt Pushpanathan qui me semblent les plus utiles pour se prononcer sur la question de la norme de contrôle applicable dans le cas des décisions rendues par le TCCE en matière de classification de tarifs douaniers.

[32] Le facteur le plus important est la nature du TCCE en tant que tribunal spécialisé en matière de commerce international et de tarifs d'importation et d'exportation. Nul ne peut sérieusement mettre en doute que le TCCE est un tribunal spécialisé. Il n'exerce pas seulement des fonctions juridictionnelles. Il est aussi un organe d'enquête qui est habilité à ouvrir des enquêtes avec l'aide des experts dont il retient les services et peut examiner une foule de questions commerciales découlant d'une large gamme de lois connexes, dont certaines incorporent les dispositions d'accords internationaux dont le Canada est un pays signataire.

[33] La mission que la loi confie au TCCE comporte aussi un aspect important en matière de politiques commerciales, ainsi qu'il ressort non seulement de la nature et de la portée des questions sur lesquelles il peut être appelé à se pencher, mais aussi des deux volets du cadre procédural dans lequel la loi l'autorise à agir. Le premier volet est le fait que l'intervention du TCCE peut être déclenchée non seulement par les plaintes que de simples citoyens peuvent déposer devant lui, mais aussi par la saisine du gouverneur en conseil ou du ministre des Finances. Le second volet du cadre procédural du TCCE est le fait que les enquêtes qu'il mène exigent qu'il en avise à l'avance le public par le biais de la Gazette du Canada et que toute personne peut intervenir de plein droit au cours de ses enquêtes. Le fait que le TCCE soit à la fois appelé à arbitrer des différends et qu'il contribue à élaborer des politiques en matière de commerce et d'importation permet de penser que le législateur fédéral voulait que le TCCE tienne compte, même dans le cas des appels prévus à l'article 68 de la Loi sur les douanes, de questions de principes dont les tribunaux judiciaires ordinaires ne peuvent traiter dans le cadre d'un appel.

[34] Les aspects procéduraux de la compétence du TCCE, notamment en ce qui concerne les appels prévus à l'article 67 de la Loi sur les douanes, sont également révélateurs. La procédure prévue par la Loi ressemble à bien des égards à celle qui régit les appels interjetés devant les tribunaux de droit commun, en ce sens qu'il y a un appelant et un intimé. Mais il existe aussi des différences marquées. L'avis d'audience doit être publié dans la Gazette du Canada. Toute personne peut intervenir de plein droit dans ces appels et a le droit d'être considérée comme une partie, et même interjeter appel en vertu de l'article 68. Il ressort de la procédure prescrite par la loi que le législateur fédéral prévoyait que, dans ces appels, des questions de fait ou de principe qui ne présentent pas un intérêt particulier pour l'appelant et l'intimé, mais qui peuvent intéresser un tiers, peuvent être soumises au TCCE, qui doit les examiner.

[35] Il faut également tenir compte de l'existence d'une clause privative, de l'objet de la loi et de la nature de la décision frappée d'appel. En l'espèce, il est commode d'examiner ces aspects ensemble.

[36] Les décisions en matière de classification de tarifs douaniers soulèvent des questions de droit, ainsi que des questions de fait et des questions mélangées de droit et de fait. Par exemple, comme il ressort de l'analyse qui suit, dans les présents appels, le TCCE devait décider duquel de deux numéros tarifaires les produits à base d'herbes médicinales relevaient. Cette décision l'obligeait, en premier lieu, à interpréter le libellé des deux numéros tarifaires énoncés à l'annexe I du Tarif des douanes à la lumière de notes explicatives qui, à certains égards, sont ambiguës, voire contradictoires, tout en tenant compte d'avis du Conseil de coopération douanière qui sont eux aussi ambigus et contradictoires. Après avoir interprété l'annexe I, le TCCE devait ensuite déterminer la nature et les propriétés des produits -- des questions de fait -- puis décider si les produits constituaient des « médicaments » au sens de l'annexe I, une question mélangée de droit et de fait. Aux termes des paragraphes 67(3) et 68(1) de la Loi sur les douanes, les décisions du TCCE en matière de classification tarifaire ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire et ne peuvent faire l'objet d'un appel devant notre Cour que sur des questions de droit.

[37] Pour les motifs déjà exposés, l'analyse à laquelle le TCCE doit se livrer en matière de classification tarifaire doit nécessairement être influencée par les connaissances spécialisées qu'il possède au sujet des politiques en matière d'importation et de tarification et du régime légal y afférent. Il s'ensuit selon moi qu'on ne peut régulièrement contrôler ces décisions en fonction de la norme de leur bien-fondé, comme Sa Majesté le prétend. Je conclus que la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable, ainsi qu'il a été affirmé dans l'arrêt Schrader (précité).

[38] Voici en quels termes le juge Iacobucci explique le critère du caractère raisonnable dans l'arrêt Southam, précité, au paragraphe 56 :

     Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s'il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s'il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve.

[39] La question de droit que Sa Majesté cherche à faire trancher dans les quatre appels dont nous sommes saisis est celle de savoir si le mot « médicament » , tel qu'il est employé dans les divisions de la classification tarifaire 30.03 and 30.04, exige implicitement une preuve scientifique d'efficacité médicale. Sa Majesté fait valoir que, si cette condition préalable n'est pas respectée, tout produit peut être classé comme un médicament sur le fondement de prétentions totalement injustifiées. Il est acquis aux débats que, si les produits en litige ne sont pas des « médicaments » , ils tombent sous le numéro tarifaire 2106.09 « préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs » .

[40] Voici le libellé des numéros tarifaires 30.03 et 30.04 :


30.03 Medicaments ... consisting of two or more constituents which have been mixed together for therapeutic or prophylactic uses, not put up in measured doses or in forms or packings for retail sale.

30.04 Medicaments ... consisting of mixed or unmixed products for therapeutic or prophylactic uses, put up in measured doses or in forms or packings for retail sale.

30.03 Médicaments ... constitués par des produits mélangés entre eux, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, mais ni présentés sous forme de doses, ni conditionnés pour la vente au détail.

30.04 Médicaments ... constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail.

[41] Les notes explicatives du chapitre 30, dans lequel se trouvent les numéros tarifaires 30.03 et 30.04, précisent que le chapitre 30 ne s'applique pas aux aliments ou aux boissons (tels que les aliments diététiques, les aliments pour diabétiques, les aliments enrichis de vitamines, les compléments alimentaires, les boissons toniques et les eaux minérales).

[42] Le TCCE a cité les notes explicatives et d'autres dispositions pertinentes et a interprété le libellé des positions 30.03 et 30.04 comme exigeant seulement que le produit comporte des indications au sujet de la prévention ou du traitement d'une maladie, et non la preuve de son efficacité médicale. Dans chacun des quatre appels, on a présenté au TCCE des éléments de preuve tendant à démontrer que les produits servaient à ces fins, et c'est ce que le TCCE a conclu.

[43] Après avoir examiné attentivement les arguments de Sa Majesté ainsi que la jurisprudence citée, je suis incapable de conclure qu'il existe quelque motif que ce soit qui permettrait de conclure que l'interprétation du mot « médicament » que le TCCE a retenue est déraisonnable. Je conclus que les décisions du TCCE ne sont entachées d'aucune erreur de droit qui justifierait l'intervention de notre Cour. Je suis d'avis de rejeter les présents appels avec dépens.

                                 Karen R. Sharlow

                        

                                 J.C.A.

« Je suis du même avis. »

     Le juge Décary.

« Je suis du même avis. »

     Le juge Isaac.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L..

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              A-97-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
                     et
                     YVES PONROY CANADA

Nos DU GREFFE :              A-617-98 et A-633-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
                     et
                     FLORA MANUFACTURING & DISTRIBUTING LTD.

No DU GREFFE :              A-632-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
                     et
                     HILARY'S DISTRIBUTION LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 20 mai 2000

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par le juge Sharlow le 24 juillet 2000 avec l'appui des juges Décary et Isaac


ONT COMPARU :


Me Jan Brongers                      pour l'appelant
Me Michael Kaylor                      pour l'intimée, Yves Ponroy Canada
Me Mihael A. Kelen                      pour l'intimée, Flora Manufacturing & Distributing Ltd.
Me Randall J. Hofley                      pour l'intimée,
Me Jason L. Gudofsky                  Hilary's Distribution Ltd.

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Me Morris Rosenberg                      pour l'appelant

Sous-procureur général du Canada                                 

Ottawa (Ontario)

Lapointe Rosenstein                      pour l'intimée, Yves Ponroy
Montréal (Québec)                      Canada
Me Mihael A. Kelen                      pour l'intimée,
Ottawa (Ontario)                      Flora Manufacturing & Distributing Ltd.
Stikeman, Elliott                      pour l'intimée,
Ottawa (Ontario)                      Hilary's Distribution Ltd.
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