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Date : 20050512

Dossier : A-358-04

Référence : 2005 CAF 177

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                      FLAG CONNECTION INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

                                                                                                                                           défendeur

                                       Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 11 mai 2005.

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 mai 2005.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                        LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                           LE JUGE SEXTON


Date : 20050512

Dossier : A-358-04

Référence : 2005 CAF 177

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                      FLAG CONNECTION INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

                                                                                                                                           défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Flag Connection Inc. à l'encontre de la décision par laquelle le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte qu'elle avait déposée. La demanderesse a déposé une plainte devant le Tribunal au sujet de l'attribution d'un contrat concernant la fourniture de plus de 64 000 drapeaux canadiens à Patrimoine canadien, alléguant que le soumissionnaire choisi ne remplissait pas les conditions énoncées dans la demande de propositions (DP). Le Tribunal a refusé d'enquêter parce que la plainte avait été déposée hors délai.

[2]                La disposition pertinente du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/95-300, est la suivante :

6.(2) Le fournisseur potentiel qui a présenté à l'institution fédérale concernée une opposition concernant le marché public visé par un contrat spécifique et à qui l'institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s'il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de l'opposition.

6.(2) A potential supplier who has made an objection regarding a procurement relating to a designated contract to the relevant government institution, and is denied relief by that government institution, may file a complaint with the Tribunal within 10 working days after the day on which the potential supplier has actual or constructive knowledge of the denial of relief, if the objection was made within 10 working days after the day on which its basis became known or reasonably should have become known to the potential supplier.

[3]                Les courts délais imposés pour la formulation d'une opposition et le dépôt d'une plainte contribuent à réduire au minimum les retards d'approvisionnement du gouvernement en biens et services et à rassurer le soumissionnaire choisi le plus rapidement possible. C'est pourquoi le Tribunal est entièrement justifié de considérer ces délais comme des aspects importants de la réglementation et de ne pas enquêter sur les plaintes présentées hors délai.


[4]                Le 24 février 2004, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) a informé Flag Connection qu'il avait attribué le contrat à Scythes Inc., qui avait déjà obtenu des contrats semblables pour la fourniture de drapeaux canadiens en 2002 et en 2003. La soumission de Flag Connection n'avait pas été retenue dans les deux cas.

[5]                Dans sa lettre de décision du 9 juin 2004, le Tribunal a expliqué qu'il n'enquêterait pas sur la plainte de Flag Connection parce qu'elle ne s'était pas opposée à l'attribution du contrat par TPSGC avant le 30 mars 2004. Comme c'était plus de dix jours après qu'elle eut été informée que le contrat avait été attribué à Scythes, Flag Connection avait présenté son opposition après le délai prévu au paragraphe 6(2). Le Tribunal a ajouté que la plainte de Flag Connection était également hors délai en vertu du paragraphe 6(2) parce qu'elle n'avait pas été déposée avant le 28 mai, soit plus de dix jours après que Flag Connection eut reçu une lettre de TPSGC, datée du 3 mai 2004, lui refusant toute réparation fondée sur son opposition.

[6]                Flag Connection affirme que la décision du Tribunal devrait être annulée parce qu'il n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve lorsqu'il a déterminé les dates auxquelles les délais ont commencé à courir et que, par conséquent, il n'aurait pas dû conclure que la plainte de Flag Connection était hors délai.


[7]                Les parties à la demande de contrôle judiciaire reconnaissent que la norme de contrôle applicable à la décision du Tribunal de ne pas enquêter sur une plainte concernant un marché public est celle de la décision manifestement déraisonnable. Donc, pour obtenir gain de cause, la demanderesse Flag Connexion doit établir que le Tribunal a pris une décision manifestement déraisonnable en concluant qu'elle n'a pas présenté d'opposition avant le 30 mars « concernant le marché public visé par un contrat spécifique » (c.-à-d. le contrat de 2004) et que le « refus de réparation » de TPSGC remontait au 7 mai.

[8]                Quant à la date à laquelle Flag Connection a présenté une opposition à TPSGC relativement à l'attribution du contrat de 2004, l'avocat a soutenu que le Tribunal a commis une erreur en s'en tenant exclusivement à la lettre de Flag Connection datée du 30 mars. Le Tribunal aurait dû plutôt considérer la lettre dans le contexte des communications antérieures entre Flag Connection et TPSGC au sujet de la non-conformité de Scythes avec les exigences formulées dans les DP en matière de qualité.

[9]                Je conviens que le Tribunal ne devrait pas faire preuve de formalisme lorsqu'il établit ce qui constitue une opposition, notamment lorsqu'un plaignant n'est pas représenté par avocat. Je suis néanmoins d'avis qu'il n'a pas pris une décision manifestement déraisonnable lorsqu'il a considéré que la lettre du 30 mars constituait la première opposition de Flag Connection à l'égard de l'attribution du contrat de 2004. L'avocat affirme que Flag Connection a formulé sa première opposition dans le courriel du 24 février. Cependant, ce courriel concernait en grande partie des allégations relatives aux contrats attribués à Scythes en 2002 et 2003.


[10]            Il est vrai que le courriel du 24 février renvoie au contrat de 2004. Par exemple, Flag Connection y fait remarquer que, malgré la non-conformité antérieure constituant une « fraude » , [traduction] « encore une fois, pourtant, un contrat de plus d'un million de dollars a été attribué au groupe Scythes » , et y demande pourquoi Scythes a obtenu un autre contrat.

[11]            Même s'il est vrai que le Tribunal aurait peut-être pu adopter en ce qui concerne la correspondance le point de vue préconisé par l'avocat de la demanderesse, le rôle de la Cour, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, n'est pas de réévaluer le contenu des nombreux courriels parfois difficiles à comprendre expédiés par Flag Connection. La Cour ne peut en l'espèce que s'assurer que l'évaluation qu'a faite le Tribunal des éléments dont il avait été saisi n'était pas manifestement illogique. Selon moi, elle ne l'était pas.

[12]            Comme je l'ai dit, le Tribunal aurait pu adopter un autre point de vue, mais il n'était pas manifestement déraisonnable pour lui de conclure que la mention par Flag Connection du contrat de 2004 dans son courriel du 24 février ne constituait pas une opposition à l'attribution du contrat à Scythes. Ce courriel, contrairement à la lettre du 30 mars, n'indique pas clairement que l'attribution du contrat du 2004 est contestée, ne précise pas les motifs de l'opposition et ne demande pas de réparation. Les références au contrat de 2004 dans le courriel du 24 février peuvent raisonnablement être considérées comme l'expression d'une déception et d'un étonnement devant le fait qu'une entreprise qui ne s'est pas conformée aux exigences dans le passé puisse être « récompensée » par l'attribution d'un autre contrat.


[13]            Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas strictement nécessaire d'analyser l'erreur qu'aurait commise le Tribunal au sujet de la date à laquelle TPSGC a refusé une réparation à Flag Connection. Cela dit, le caractère raisonnable de la conclusion du Tribunal voulant que la lettre du 3 mai de TPSGC constituait un refus de réparation est étayé par le fait que Flag Connection l'a considérée comme tel. Ainsi, dans un courriel daté du 10 mai, Flag Connection a dit que la fonctionnaire de TPSGC qui s'occupait des craintes qu'elle avait exprimées au sujet du processus d'attribution des marchés avait déjà tiré sa conclusion. Puis, dans un courriel daté du 11 mai, Flag Connection a fait remarquer que « [traduction] ayant épuisé en vain tous les recours auprès de Patrimoine canadien et de TPSGC » , elle prendrait «    [traduction] des dispositions pour tenter de s'assurer que cela ne se reproduise plus » .

[14]            L'avocat a cependant soutenu que la lettre du 3 mai n'était pas une décision « définitive » de TPSGC de refuser une réparation puisque des fonctionnaires ont rencontré des représentants de Flag Connection le 18 mai, à la demande de l'entreprise, en vue principalement d'examiner des éléments de preuve que Flag Connection prétendait avoir en sa possession et qui prouvaient que la procédure d'approvisionnement avait été frauduleuse.


[15]            À mon avis, il était tout à fait raisonnable pour le Tribunal de conclure que cette rencontre ne prouvait pas que TPSGC avait décidé de reconsidérer le refus formulé dans la lettre du 3 mai. Les courriels de Flag Connection en date des 10 et 11 mai n'indiquent pas que la demanderesse pensait que TPSGC pourrait encore lui accorder une réparation en raison de son opposition à l'attribution du contrat de 2004. Cependant, considérer qu'une rencontre comme celle du 18 mai relancerait le délai pourrait dissuader les fonctionnaires de TPSGC d'examiner sérieusement les éléments de preuve indiquant qu'un soumissionnaire aurait prouvé un comportement de nature criminelle dans un appel de propositions du gouvernement.

[16]            Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

                                                                                                                                « John M. Evans »              

   Juge                   

« Je souscris aux présents motifs

     Robert Décary, juge »

« Je souscris aux présents motifs

      J. Edgar Sexton, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-358-04

INTITULÉ :                                                    FLAG CONNECTION INC. c. LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 11 MAI 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                          LE JUGE DÉCARY

LE JUGE SEXTON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 12 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Ronald D. Lunau                                               POUR LA DEMANDERESSE

Alexandre Kaufman                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP                        POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR


Date : 20050512

Dossier : A-358-04

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2005

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                      FLAG CONNECTION INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

                                                                                                                                           défendeur

                                                                   JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

                                                                                                                                « Robert Décary »                   

          Juge                  

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


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