Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision





Date : 20000119


Dossier : A-606-98


CORAM:      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY



ENTRE:

     AUTOBUS THOMAS INC.

     Appelante

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     Intimée





     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l"audience à Québec, Québec,

     le mercredi 19 janvier 2000)


LE JUGE MARCEAU


[1]      L"appel ici est porté à l"encontre d"un jugement de la Cour canadienne de l"impôt aux termes duquel étaient confirmées de nouvelles cotisations émises par le ministre du Revenu national à l"adresse de l"appelante, un concessionnaire d"autobus scolaires, pour quatre années d"imposition.1 Ces nouvelles cotisations résultaient d"une détermination du ministre à l"effet que les dettes de l"appelante, envers la banque à laquelle elle avait eu recours pour obtenir le financement nécessaire à l"acquisition par elle de véhicules neufs, faisaient partie de son "capital" aux fins d"application du paragraphe 181.2(3) de la Loi de l"impôt sur le revenu qui se lit comme suit:

181.2 (3) Le capital d"une société, sauf une institution financière, pour une année d"imposition correspond à l"excédent éventuel du total des éléments suivants:

     a)      le capital-actions de la société (ou, si elle est constituée sans capital-actions, l"apport de ses membres), ses bénéfices non répartis, son surplus d"apport et tout autre surplus à la fin de l"année;
     b)      ses réserves pour l"année, sauf dans la mesure où elles sont déduites dans le calcul de son revenu pour l"année en vertu de la partie I;
     b.1) ses gains sur change non réalisés reportés à la fin de l"année;
     c)      les prêts et les avances qui lui ont été consentis à la fin de l"année;
     d)      ses dettes à la fin de l"année sous forme d"obligations, d"hypothèques, d"effets, d"acceptations bancaires ou de titres semblables;
     e)      les dividendes qu"elle a déclarés mais n"a pas versés avant la fin de l"année;
     f)      toutes ses autres dettes, sauf celles afférentes à un bail, à la fin de l"année qui sont impayées depuis plus de 365 jours avant la fin de l"année;
     g)      dans le cas où elle est un associé d"une société de personnes à la fin de l"année, le produit de la multiplication de l"excédent du total visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii) par le rapport entre la part qui lui revient du revenu ou de la perte de la société de personnes pour le dernier exercice de celle-ci se terminant à la fin de l"année ou antérieurement et le revenu ou la perte de la société de personnes pour cet exercice:
         (i) le total des montants, sauf ceux dus à l"associé ou à d"autres sociétés qui sont des associés de la société de personnes, qui seraient déterminés selon le présent alinéa et les alinéas b ) à d) et f) relativement à la société de personnes à la fin de l"exercice si les alinéas b ) à d) et f) s"appliquaient aux sociétés de personnes de la même manière qu"ils s"appliquent aux sociétés,
         (ii) les pertes sur change non réalisées reportées de la société de personnes à la fin de l"exercice,

sur le total des montants suivants:

     h)      le solde de son report débiteur d"impôt à la fin de l"année;
     i)      tout déficit déduit dans le calcul de l"avoir des actionnaires à la fin de l"année;
     j)      tout montant déduit en application du paragraphe 135(1) dans le calcul de son revenu pour l"année en vertu de la partie I, dans la mesure où il est raisonnable de considérer les déductions comme incluses dans l"un des montants calculés en application des alinéas a ) à g) relativement à la société pour l"année;
     k)      ses pertes sur change non réalisées reportées à la fin de l"année.

181.2 (3) The capital of a corporation (other than a financial institution) for a taxation year is the amount, if any, by which the total of

     (a)      the amount of its capital stock (or, in the case of a corporation incorporated without share capital, the amount of its members" contributions), retained earnings, contributed surplus and any other surpluses at the end of the year,
     (b)      the amount of its reserves for the year, except to the extent that they were deducted in computing its income for the year under Part I,
     (b.1) the amount of its deferred unrealized foreign exchange gains at the end of the year,
     (c)      the amount of all loans and advances to the corporation at the end of the year,
     (d)      the amount of all indebtedness of the corporation at the end of the year represented by bonds, debentures, notes, mortgages, bankers" acceptances or similar obligations,
     (e)      the amount of any dividends declared but not paid by the corporation before the end of the year,
     (f)      the amount of all other indebtedness (other than any indebtedness in respect of a lease) of the corporation at the end of the year that has been outstanding for more than 365 days before the end of the year, and
     (g)      where the corporation was a member of a partnership at the end of the year, that proportion of the amount, if any, by which
          (i) the total of all amounts (other than amounts owing to the member or to other corporations that are members of the partnership) that would be determined under this paragraph and paragraphs (b) to (d) and (f) in respect of the partnership at the end of its last fiscal period that ends at or before the end of the year (if paragraphs (b) to (d) and (f) applied to partnerships in the same way that they apply to corporations)

         exceeds

         (ii) the amount of the partnership"s deferred unrealized foreign exchange losses at the end of that period
     that the member"s share of the partnership"s income or loss for that period is of the partnership"s income or loss for that period

exceeds the total of

     (h)      the amount of its deferred tax debit balance at the end of the year,
     (i)      the amount of any deficit deducted in computing its shareholders" equity at the end of the year,
     (j)      any amount deducted under subsection 135(1) in computing its income under Part I for the year, to the extent that the amount can reasonably be regarded as being included in the amount determined under any of paragraphs (a) to (g) in respect of the corporation for the year, and
     (k)      the amount of its deferred unrealized foreign exchange losses at the end of the year.

[2]      Le bien ou le mal-fondé des cotisations dépendait de la qualification juridique qu"il fallait attribuer aux relations contractuelles existant entre la banque et l"appelante relativement à l"acquisition des véhicules neufs: si ces relations en étaient de prêteur-emprunteur, les dettes résultaient de prêts et étaient couvertes par le paragraphe 181.2(3) de la Loi; s"il s"agissait de relations, non de prêteur-emprunteur mais de vendeur-acheteur, au motif que la banque se faisait transférer les droits de propriété que les manufacturiers se réservaient dans les contrats de vente à tempérament qu"ils souscrivaient avec l"appelante, alors les dettes étaient constituées de soldes de prix d"achat et n"étaient pas couvertes.

[3]      Le juge tire ses conclusions au soutien du bien-fondé des cotisations en se fondant principalement sur les données factuelles de base à l"effet que, pour chaque véhicule, deux manufacturiers différents sont impliqués, l"un qui construit le châssis, l"autre la carrosserie, et que seul le deuxième passe avec l"appelante un contrat de vente à tempérament qu"il transfère à la banque. Il en conclut d"une part que le paiement par la banque au nom de l"appelante de la facture du premier manufacturier ne peut certes faire naître entre elle et sa cliente une relation de vendeur-acheteur, l"application de 181.2(3)c ) est évidente; et il en conclut d"autre part que le transfert fait par le deuxième manufacturier des droits qu"il s"est conservé dans la vente à tempérament en se référant aux deux factures n"est qu"un moyen de donner à la banque une sûreté réelle et absolue visant à garantir le remboursement de sa créance globale, et là l"alinéa 181.2(3)d ) entre en jeu.

[4]      Nous sommes d"avis que c"est à bon droit que le juge de première instance a refusé de voir dans les relations contractuelles entre la banque et l"appelante des relations de vendeur-acheteur. En aucun temps les parties ont-elles eu l"intention d"agir entre elles en ces qualités; elles n"ont jamais un moment pensé que leurs relations prêteur-emprunteur se changeraient en relations vendeur-acheteur. Ce qu"elles entendaient réaliser c"était et c"est toujours la création en faveur de la banque d"une sûreté réelle garantissant le remboursement des sommes prêtées. Notre conviction, toutefois, se fonde sur une analyse qui diffère quelque peu de celle du premier juge et qui est beaucoup plus directe et plus simple.

[5]      À notre avis, les relations contractuelles entre la banque et l"appelante sont toutes sujettes au contrat initial intervenu entre-elles au moment de l"établissement de la marge de crédit. Comment s"analyse en droit l"établissement d"une marge de crédit sinon en une promesse de prêt, et comment interpréter ces diverses phases prévues en détail pour l"utilisation de ladite marge de crédit sinon en des conditions formelles de réalisation de la promesse. On peut qualifier séparément ces diverses phases: l"envoi des factures, le paiement au nom de l"acheteur, la préparation et la signature d"un contrat de vente à tempérament, le transfert de ce contrat, l"entrée dans un compte spécial, le calcul des intérêts au taux variable en vigueur, les remboursements échelonnés, les rapports cumulatifs périodiques; mais on ne saurait les considérer isolément et hors contexte.

[6]      En joignant des opérations contractuelles diverses, promesses de prêt à être exécutés sur réception de factures, mandat de payer les factures, signature et transfert du contrat de rétention de propriété, on a cherché à créer, pour les besoins commerciaux, une sûreté plus efficace que les sûretés ordinaires, et rien ne permet d"ignorer l"intention des parties; rien ne permet de refuser de donner à leurs transactions le sens et la portée qu"elles entendaient leur donner, et qu"elles leur ont d"ailleurs effectivement donné en pratique en en faisant état comme telles dans leurs livres comptables.

[7]      Le procureur de l"appelante voit un obstacle dirimant à la possibilité d"identifier la transaction d"ensemble comme étant un prêt au motif qu"il n"y aurait eu aucune tradition d"argent entre les parties, ce qu"exige la formation d"un contrat de prêt au sens du Code civil. Mais le point est qu"il y a eu bel et bien tradition d"argent au sens du Code civil, la banque utilisant l"argent prêté pour payer les factures en exécution du mandat que sa cliente lui avait donné. L"absence de tradition physique et directe est courante aujourd"hui dans bien des cas de prêts commerciaux, et ce aussi bien dans le cadre du droit civil que dans celui de la Common law.

[8]      Ainsi, à notre avis, les deux alinéas 181.2(3)c) et d) appuient l"un et l"autre la cotisation du ministre. Les sommes dues par l"appelante à la banque en vertu de la marge de crédit qu"elle a obtenue d"elle pour l"acquisition des véhicules neufs sont toutes d"abord des prêts mais elles constituent aussi des dettes garanties par les sûretés réelles résultant du transfert des droits définis aux contrats de vente conditionnelle ou à tempérament.

[9]      L"appel sera donc rejeté avec dépens.



     "Louis Marceau"

     j.c.a.










Date : 20000119


Dossier : A-606-98


CORAM:      LE JUGE MARCEAU

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY



ENTRE:

     AUTOBUS THOMAS INC.

     Appelante

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

     Intimée






Audience tenue à Québec, Québec, le mercredi 19 janvier 2000.

Jugement rendu à l"audience le mercredi 19 janvier 2000.








MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:      LE JUGE MARCEAU

__________________

1 Jugement rapporté à (1998), 99 D.T.C. 259; [1999] 2 C.T.C. 2001 (C.C.I.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.