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Date : 20040914

Dossier : A-86-04

Référence : 2004 CAF 295

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                                BELL CANADA

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                       ALLSTREAM CORP. (AUTREFOIS AT & T CANADA CORP. et

       AT & T CANADA TELECOM SERVICES COMPANY), CALL-NET ENTERPRISES

                              INC., SPRINT CANADA INC. et FRANÇOIS MÉNARD

                                                                                                                                                intimés

                                 Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2004.

                        Jugement rendu à l'audience à Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                            LE JUGE EVANS


Date : 20040914

Dossier : A-86-04

Référence : 2004 CAF 295

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE NADON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                                BELL CANADA

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                       ALLSTREAM CORP. (AUTREFOIS AT & T CANADA CORP. et

       AT & T CANADA TELECOM SERVICES COMPANY), CALL-NET ENTERPRISES

                              INC., SPRINT CANADA INC. et FRANÇOIS MÉNARD

                                                                                                                                                intimés

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

                       (prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2004)

LE JUGE EVANS


[1]                Il s'agit d'un appel que Bell Canada a interjeté sous le régime du paragraphe 64(1) de la Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38, relativement à l'ordonnance rendue par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) dans la décision de télécomn CRTC 2003-63 datée du 23 septembre 2003. Cette ordonnance a été rendue par suite d'une demande de Bell visant à faire approuver certains tarifs et conditions proposés à l'égard de la fourniture de services de télécommunication à 164 clients majeurs comme des banques et des transporteurs aériens. Selon l'ordonnance, Bell était tenue de divulguer des renseignements supplémentaires au sujet des relations contractuelles qu'elle entretient avec ses clients afin d'appuyer ses demandes tarifaires.

[2]                Invoquant le paragraphe 39(1), Bell soutient que les renseignements désignés sont confidentiels et ne concernent que ses clients et elle-même et que leur communication nuirait à leur compétitivité. Par conséquent, le CRTC ne peut ordonner la divulgation qu'après avoir pris connaissance « des observations des intéressés » comme l'exige le paragraphe 39(4).

[3]                Le CRTC a examiné les observations que Bell a formulées au sujet de la question de la divulgation, mais n'a donné aucun avis aux clients de celle-ci afin de les informer qu'ils avaient le droit d'invoquer des arguments à l'encontre de la divulgation. Bell fait valoir que les clients avaient le droit d'être avisés, parce qu'ils sont des « intéressés » , puisqu'ils sont directement touchés par l'ordonnance du CRTC exigeant la divulgation des renseignements confidentiels à leur sujet, y compris les conditions des contrats qu'ils ont conclus avec elle. Bell soutient donc que l'omission de la part du CRTC d'informer les clients constituait un manquement à l'obligation d'équité; par conséquent, ajoute-t-elle, l'ordonnance de divulgation était erronée en droit et son appel devrait être accueilli.


[4]                À notre avis, le présent appel est sans fondement. En général, une partie ne peut contester une décision d'un tribunal administratif en invoquant un manquement à l'obligation d'équité uniquement au motif que le tribunal en question n'a pas respecté les droits procéduraux d'une autre personne. Il ne suffit pas que la personne invoquant le vice de procédure en question soutienne qu'elle aurait été avantagée si, par suite des mesures d'équité qu'il aurait prises à l'endroit de l'autre personne, le tribunal avait rendu une décision différente.

[5]                Lorsqu'ils sont accordés à des personnes dont les intérêts peuvent être lésés par une décision administrative, les droits procéduraux visent principalement à protéger les intérêts de leurs titulaires. Si ces personnes décident de ne pas attaquer une décision en invoquant un manquement à leurs droits en question, personne d'autre ne peut normalement le faire.

[6]                Dans la présente affaire, les clients de Bell n'ont pas demandé le statut d'intervenants en l'espèce ni n'ont pris d'autres mesures pour tenter d'obtenir un redressement juridique. Quelques-uns des clients ont déposé, dans le cadre du présent appel, des affidavits dans lesquels ils ont décrit les types de préjudice qu'ils pourraient subir par suite de la divulgation. Cependant, aucun des déposants ne déclare que, s'il avait été informé que le CRTC songeait à ordonner la divulgation de renseignements supplémentaires, il lui aurait présenté des observations à ce sujet.


[7]                De plus, les préoccupations liées à la procédure doivent normalement être soulevées le plus tôt possible et non après l'issue de l'instance. Même si Bell savait que le CRTC n'avait pas informé les clients avant d'ordonner la divulgation en question, elle n'a pas exigé à ce moment-là qu'un avis leur soit envoyé afin qu'ils puissent formuler des observations.

[8]                Ayant conclu que Bell ne peut fonder un appel sur un manquement à l'obligation d'équité qui incombe au CRTC à l'endroit des clients de l'entreprise, nous ne sommes pas tenus de décider si un appel fondé sur le paragraphe 64(1) ou une demande de contrôle judiciaire aurait été le recours indiqué dans le cadre duquel les clients auraient pu alléguer qu'ils avaient le droit d'être informés par le CRTC avant que celui-ci rende sa décision au sujet de la question de la divulgation. Nous ne sommes pas tenus non plus de décider si le CRTC devait aviser les clients ou, dans l'affirmative, de déterminer la forme que l'avis aurait dû prendre pour respecter l'obligation d'équité.

[9]                Nous aimerions également souligner que, même si l'omission de donner un avis personnel aux clients constituait un manquement à l'obligation d'équité, il se peut que Bell ait corrigé le manquement dans les observations écrites qu'elle a soumises au CRTC et dans lesquelles elle a décrit les types de préjudice qu'elle-même et les clients en question pourraient subir par suite de la divulgation des renseignements confidentiels les concernant. Cependant, il n'est pas nécessaire que nous nous prononcions à ce sujet non plus.


[10]            Pour les motifs exposés ci-dessus, l'appel sera rejeté avec dépens.

                                                                                                                                « John M. Evans »                

                                                                                                                                                     Juge                             

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-86-04

INTITULÉ :                                                    BELL CANADA c. ALLSTREAM CORP. ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 14 septembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                               (les juges Létourneau, Nadon et Evans)

PRONONCÉS À L'AUDIENCE :                 le juge Evans

COMPARUTIONS :

Patricia J. Wilson                                                           POUR L'APPELANTE

Patricia Brady

Michael Koch                                                                POUR LES INTIMÉES Allstream Corp.,

Dina Graser                                                                   Call-Net Enterprises Inc. et Sprint Canada Inc.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourt LLP                          POUR L'APPELANTE

Ottawa (Ontario)

Goodmans LLP                                                             POUR LES INTIMÉES Allstream Corp.,

Toronto (Ontario)                                                          Call-Net Enterprises Inc. et Sprint Canada Inc.


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