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     Date : 20000413

     Dossier : A-429-97

CORAM :      LE JUGE DÉCARY
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE NÖEL

ENTRE :

     JEAN RUFFO

     Appelant


     - et -




     MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     Intimé






     Audience tenue à Montréal (Québec) le jeudi 13 avril 2000

     Jugement rendu à l"audience à Montréal (Québec) le jeudi 13 avril 2000








MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :      LE JUGE LÉTOURNEAU




Date : 20000413


Dossier : A-429-97

CORAM :      LE JUGE DÉCARY
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE NOËL

ENTRE :

     JEAN RUFFO

     Appelant


     - et -




     MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     Intimé


     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés du banc à l'audience à Montréal

     (Québec) le jeudi 13 avril 2000)

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]          L'appelant ne nous a pas convaincus que la juge Lamarre-Proulx de la Cour canadienne de l'impôt a mal interprété et appliqué les principes juridiques applicables en l'espèce1, lesquels ont été plus amplement développés par cette Cour dans les arrêts Soper c. Canada2, Drover et Sa Majesté la Reine3, Cadrin et Sa Majesté la Reine4, et Wheeliker c. R.5

[2]          De toute évidence, l'appelant, qui était président, directeur général et administrateur de la compagnie Les Services Alimentaires le Banquetier Inc., a prolongé l'agonie de celle-ci, jusqu'à sa mort par faillite le 19 mai 1993, en la finançant en partie avec les déductions statutaires qu'il devait prélever sur le salaire des employés et remettre au Receveur général du Canada.

[3]          Ceci apparaît clairement des extraits suivants du témoignage de l'appelant :

Q.      Alors ça, il s"agit d"un rapport que vous receviez, vous avez mentionné, à tous les mois, c"est bien ça?
R.      Oui
Q.      Sur différents comptes de la compagnie?
R.      Oui, il faut dire oui.
...
Q.      Alors, êtes-vous en mesure de dire...
R.      Oui.
Q. ... si le trente mille quatre-vingt-onze (30 091$) est effectivement dû?
R.      Oui, en fait, c"était le montant dû.
Q.      Donc, c"est au cours de l"année quatre-vingt-douze (92) que la compagnie a cessé de faire les remises de déductions à la source fédérales, c"est exact?
R.      Oui.
Q.      Et vous étiez en mesure de constater lorsqu"on vous apportait ces bilans mensuels qu"effectivement, il y avait des déductions qui n"étaient pas remises?
R.      Oui.
Q.      Quelle était votre... Bon, vous fonctionniez avec un... vous aviez des problèmes de liquidité, c"est exact?
R.      Oui.
Q.      Quelle stratégie avez-vous...
R.      Je m"excuse, oui?
Q.      Quelle stratégie ou quelle était votre politique pour le paiement des comptes de façon à continuer l"exploitation de la compagnie, est-ce que tous les comptes étaient payés sur un pied d"égalité ou s"il y avait certains fournisseurs ou s"il y avait certaines dettes qui étaient payées de façon plus urgente?
R.      Les deux comptes qui étaient payés de façon indiscutable, là, en priorité, c"était les salaires et les matières premières dont on avait besoin pour faire les produits.
Q.      Quel était...
R.      Quand je dis en priorité, c"était selon les priorités établies par les fournisseurs. Il y a des fournisseurs chez qui on avait une marge de crédit beaucoup plus grande que chez d"autres.
Q.      D"accord. Et pourquoi est-ce que vous privilégiez à ce moment-là le paiement de ces deux comptes-là, c"est-à-dire les employés et les fournisseurs?
R.      C"était la seule façon de rester en vie.
Q.      Alors, vous étiez au courant, mois après mois, qu"il y avait des déductions à la source qui étaient impayées, que vous avez pris la décision de ne pas les payer pour poursuivre l"exploitation de la compagnie, c"est exact?
R.      Tout à fait. Je peux faire une remarque par contre?
[4]          En outre, au 15 juillet 1992, l'appelant espérait, par exemple, toucher une somme de $200,000.00 suite à une entente verbale de coopération avec la compagnie Homard Gidney Lobsters Ltd. Or, le seul moyen de redressement apparaissant aux livres de la compagnie, si ce montant était versé à ce moment, ce qui ne fut pas le cas, consistait à payer les retards accumulés, sans qu'aucune mesure ne soit prise pour assurer le paiement des déductions courantes et prévenir un manquement futur à cette obligation.6 De fait, aucune remise n'a été faite selon ce plan de redressement et les omissions de prélever ont perduré dans les mois qui suivirent alors que l'entreprise choisissait de payer ses autres créanciers.
[5]          Comme le disait le juge Vinelott en rapport avec l'obligation du dirigeant d'une compagnie d'effectuer les prélèvements et les remises ci-haut mentionnées7 :
Les administrateurs d'une société devraient conduire les affaires de celle-ci de telle manière qu'elle puisse satisfaire à ces obligations à l'échéance et ce non seulement parce que ces sommes ne sont pas gagnées par la société dans le cadre de ses activités commerciales, qu'elle est en droit de considérer comme son fonds de roulement ..., mais, chose plus importante, parce que les administrateurs ne devraient pas financer les activités courantes de la société avec les sommes que cette dernière doit verser à Sa Majesté.
[6]          L'obligation de l'appelant en tant qu'administrateur était de prévenir et d'empêcher l'omission de payer les sommes dues et non de la commettre ou de la perpétuer comme il l'a fait à compter de mars 1992 dans l'espoir qu'en fin de compte l'entreprise renouerait avec la rentabilité ou qu'il y aurait assez d'argent, même en cas de liquidation, pour payer tous les créanciers.8
[7]          Alors qu'un administrateur peut, au terme du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, se dégager de sa responsabilité personnelle pour les déductions impayées en démontrant qu'il a agi avec diligence, l'appelant n'a pas, dans les circonstances, fait preuve de la diligence requise.
[8]          Pour ces motifs, l'appel sera rejeté avec dépens.
     Gilles Létourneau
    
     j.c.a.

    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION D"APPEL



Date : 20000413


Dossier : A-429-97



ENTRE :

JEAN RUFFO


Appelant


- et -




MINISTRE DU REVENU NATIONAL


Intimé


    




MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR




__________________

     1 Ruffo v. R. [1998] 2 C.T.C. 2203 (C.C.I.).

     2 [1998] 1 C.F. 124 (C.F.A.).

     3 C.F.A., no. A-331-97, 13 mai 1998.

     4 C.F.A., no. A-112-97, 17 décembre 1998.

     5 [1999] 2 C.T.C. 395.

6 Dossier d'appel, vol. II, p. 178.

7 Re. Stanford Services Ltd. [1987] B.C.L.C. 607, à la p. 617.

8 Wheeliker c. R. [1999] 2 C.T.C. 395, à la page 415.

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