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Date : 20051103

Dossier : A-134-05

Référence : 2005 CAF 364

CORAM :       LE JUGE NOËL

                        LE JUGE SEXTON               

                        LE JUGE MALONE

ENTRE :

ENVOY RELOCATION SERVICES INC. et

NATIONAL RELOCATION SERVICES (RENOLAT) INC.

demanderesses

et

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

défendeur

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2005

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 3 novembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                 LE JUGE NOËL

                                                                                                                            LE JUGE MALONE


Date : 20051103

Dossier : A-134-05

Référence : 2005 CAF 364

CORAM :       LE JUGE NOËL

                        LE JUGE SEXTON               

                        LE JUGE MALONE

ENTRE :

ENVOY RELOCATION SERVICES INC. et

NATIONAL RELOCATION SERVICES (RENOLAT) INC.

demanderesses

et

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SEXTON

[1]                La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard d'une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) refusant d'enquêter sur certaines parties d'une plainte relative à un marché d'approvisionnement.

[2]                La plainte a été déposée par les demanderesses, Envoy Relocation Services Inc. et National Relocation Services (Renolat) Inc., par suite du rejet de leurs soumission dans deux marchés portant sur la prestation de services de déménagement en 2004. Dans leur plainte, les demanderesses soulèvent trois problèmes distincts concernant l'attribution des contrats à Services de relogement Royal LePage. Premièrement, elles allèguent que le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux (TPSGC) a diminué leur avantage concurrentiel dans le processus d'appel d'offres de 2004 en divulguant l'information sur les prix figurant dans une soumission qu'elles avaient déposée en 2002 pour un marché de même nature. Dans leur plainte, elles allèguent également que, lors de l'évaluation des soumissions déposées en 2004, les évaluateurs de TPSGC ont effectué à tort une comparaison entre les différentes propositions déposées par les demanderesses en 2004 afin d'évaluer les contradictions entre ces propositions. Enfin, elles affirment que les évaluateurs ont diminué à tort leurs notes dans les catégories de la dotation, de la formation et des solutions de réinstallation. Le Tribunal a accepté d'enquêter seulement sur le deuxième volet de la plainte, à savoir la comparaison non justifiée des propositions des demanderesses.

[3]                Les demanderesses font valoir les arguments suivants devant la Cour :

a.        le Tribunal a commis une erreur en « fractionnant » leur plainte en plusieurs volets et en refusant d'enquêter sur tous ces volets;

b.       le premier motif de leur plainte, concernant la divulgation irrégulière des prix figurant dans leur soumission de 2002, était appuyé par des éléments de preuve donnant une « indication raisonnable » que le processus d'approvisionnement était entaché d'irrégularité;

c.        selon les propres normes d'examen préalable du Tribunal, le troisième motif de leur plainte, concernant la notation, aurait dû fait l'objet d'une enquête plus approfondie.

a.       Le Tribunal a-t-il commis une erreur en fractionnant la plainte en plusieurs volets et en refusant d'enquêter sur un ou plusieurs de ces volets?

[4]                La décision du Tribunal d'examiner les motifs de la plainte séparément relève entièrement de sa compétence. Dans Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, aux pages 568 et 569, la Cour suprême du Canada a fait remarquer ce qui suit, à propos des pouvoirs des tribunaux administratifs sur leur procédure :

En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle.

[5]                De plus, selon nous, le Tribunal pouvait à juste titre décider d'examiner les motifs de la plainte séparément, puisque les demanderesses avaient elles-mêmes présenté leurs motifs de cette manière dans leur plainte.

[6]                Rien ne permet de penser que le Tribunal a agi au mépris des principes de l'équité procédurale, en l'espèce. Il n'a commis aucune erreur susceptible de révision en adoptant une démarche systématique à l'égard de la plainte.

Norme de contrôle applicable

[7]                Les deux derniers arguments des demanderesses visent le refus du Tribunal d'enquêter sur certaines parties de leur plainte. Le Tribunal possède une grande expertise en ce qui concerne la décision de mener ou non une enquête. Cette décision est de nature essentiellement discrétionnaire. La norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable; voir E.H. Industries Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2001 CAF 48, au paragraphe 12 (citant Jastram Technologies Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2000] A.C.F. n ° 367 (C.A.)).

b.       Le Tribunal a-t-il commis une erreur en refusant d'enquêter sur les allégations de divulgation irrégulière des renseignements relatifs aux prix des demanderesses en 2002?

[8]                Le Tribunal peut décider d'ouvrir une enquête seulement si la plainte démontre, « dans une mesure raisonnable, que le marché public n'a pas été passé conformément » à l'accord applicable; voir alinéa 7(1)c) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics.

[9]                TPSGC nie avoir divulgué des renseignements sur les prix proposés par les demanderesses en 2002, à la clôture de la demande de propositions de 2002 (la DDP). Plus tard, en 2005, le défendeur a répondu ce qui suit, à la question de savoir s'il avait divulgué l'ensemble des prix proposés par les soumissionnaires en réponse à la DDP de 2002 :

[Traduction] Conformément au Guide des approvisionnements de TPSGC, chapitre 7, article 7F.706, les représentants de TPSGC peuvent divulguer le nom du soumissionnaire retenu et des entreprises dont la soumission n'a pas été retenue, qu'elle ait été jugée recevable ou irrecevable, ainsi que le montant total de leur soumission et la note globale.

[10]            Les demanderesses ne remettent pas en cause l'exactitude du passage de la politique cité, en ce qui concerne la divulgation. Dans certaines circonstances, nous pensons que lorsqu'une personne présente une proposition en réponse à une DDP, il y a lieu de considérer qu'elle a renoncé à son droit de protéger la confidentialité de sa proposition, dans la mesure où la politique autorise la divulgation de certains renseignements. En conséquence, compte tenu des faits en l'espèce, même si les prix des demanderesses ont effectivement été divulgués, on ne peut pas dire que cette divulgation était irrégulière. Le refus du Tribunal d'enquêter sur ce motif de la plainte n'est pas manifestement déraisonnable.

c.        Le Tribunal a-t-il commis une erreur en refusant d'enquêter sur les allégations voulant que les notes des demanderesses aient été irrégulièrement diminuées dans certaines catégories?

[11]            En refusant d'enquêter sur le troisième motif de la plainte des demanderesses, le Tribunal a fait remarquer :

qu'il ne substitue pas normalement son jugement à celui des évaluateurs, à moins qu'il n'existe des preuves que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d'un soumissionnaire, qu'ils n'aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu'ils aient fait une erreur dans l'interprétation de la portée d'une exigence, qu'ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou qu'ils n'aient pas suivi la procédure indiquée. Le Tribunal était d'avis que les renseignements contenus dans la plainte ne fournissaient pas d'indication raisonnable que tel avait été le cas.

[12]            Les demanderesses soutiennent que l'évaluation des sections relatives à la dotation, à la formation et à la solution de réinstallation dans leurs propositions, était fondée sur des critères non divulgués. Je ne suis pas convaincu que l'évaluateur s'est fondé sur des critères non divulgués pour évaluer les propositions.

[13]            Le Tribunal possède une vaste expérience et une grande expertise dans l'évaluation de telles allégations, lesquelles soulèvent essentiellement des questions de fait. Il n'était pas manifestement déraisonnable de la part du Tribunal de conclure que les renseignements figurant dans la plainte ne démontraient pas, dans une mesure raisonnable, que l'évaluation était fondée sur des critères non divulgués et, en conséquence, de refuser d'enquêter sur les allégations des demanderesses.


[14]            Pour ces motifs, je rejetterai la demande avec dépens.

     « J. Edgar Sexton »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

     Marc Noël, juge »

« Je souscris aux présents motifs

     B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 A-134-05

INTITULÉ :                                                                ENVOY RELOCATION SERVICES INC. ET NATIONAL RELOCATION SERVICES (RELONAT) INC. c. MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 2 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 LE JUGE SEXTON

Y ONT SOUSCRIT :                                                  LE JUGE NOËL

                                                                                    LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                                               LE 2 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Ronald D. Lunau

Cathy Beaudoin                        

POUR LES DEMANDERESSES

Derek Rasmussen

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Gowling, Lafleur, Henderson LLP

Ottawa (Ontario)                      

POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sim, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                      

POUR LE DÉFENDEUR

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